CFAO : APPLICATIONS EN PAP
Dossier
Estelle SCHITTLY MÉDARD* Grégory MOUSSÉ** Charles WAGNER***
*MCU-PH, Odontologie Prothèses, UFR d’Odontologie de Reims, Université de Reims Champagne Ardennes, Pôle de Médecine bucco-dentaire, CHU de Reims.
**AHU, Odontologie Prothèses, UFR d’Odontologie de Reims, Université de Reims Champagne Ardennes, Pôle de Médecine bucco-dentaire, CHU de Reims. Exercice libéral, Laon.
***Étudiant en 6e année, UFR d’Odontologie de Reims, Université de Reims Champagne Ardennes, Pôle de Médecine bucco-dentaire, CHU de Reims.
L’usage du numérique dans la pratique de la prothèse est désormais incontournable comme en témoigne le nombre croissant de publications dans les revues professionnelles. Cet article propose le traitement de deux situations cliniques d’un abord complexe en technique conventionnelle et qui se révèle amplement simplifié grâce à la mise en œuvre du flux numérique.
Depuis le développement du numérique dans les différentes expressions cliniques de la prothèse odontologique, nombre de praticiens doivent gérer une phase de transition pour prendre en charge des traitements prothétiques mettant en œuvre méthodes conventionnelles et utilisation du flux numérique. L’omnipraticien prévoit instinctivement qu’il va devoir « passer au numérique » sans toutefois en concevoir distinctement tous les avantages [1, 2]. L’empreinte optique, par exemple, ne pourra prendre véritablement son essor qu’à partir du moment où la plupart des praticiens y trouveront un intérêt technique et économique supérieur à celui des empreintes conventionnelles.
La capacité de scanner les surfaces d’appui d’une prothèse amovible ne doit pas assimiler la technologie numérique à un simple porte-empreinte [1, 2]. De multiples séquences permettent non seulement l’empreinte des crêtes non ou peu dépressibles mais également l’enregistrement des rapports mandibulo-maxillaires [3, 4] et l’utilisation d’un articulateur virtuel [5, 6], la modélisation numérique des étapes pré-prothétiques, la gestion de l’esthétique [7], l’analyse au paralléliseur virtuel pour la recherche d’un axe d’insertion optimal en CAO [8] et, enfin, la conception et la fabrication des châssis par micro-fusion laser ou impression 3D de la maquette de la fonderie [2, 4, 9].
L’avantage de la saisie numérique allège et fiabilise considérablement certains protocoles en clinique et au laboratoire et assure la réussite d’actes compliqués jusqu’alors réalisés exclusivement en technique conventionnelle [10].
Ainsi, pour répondre au thème de cet article, deux exemples de pratique de l’outil numérique en prothèse partielle sont proposés : la réalisation de couronnes supports de prothèse amovible partielle métallique (PAPM) existante et la fabrication d’un châssis intégrant un attachement VKS SG® (Bredent)
La réalisation d’une couronne support de châssis existant est une situation considérée comme difficile à aborder en technique conventionnelle. Classiquement, elle met en œuvre un protocole nécessitant 3 étapes, privant le patient de sa prothèse au moins une semaine pour les besoins de la réalisation au laboratoire [11].
Classiquement, pour la confection d’une couronne sous PAPM existante, les séquences suivantes ont été proposées [8] :
– prise d’empreinte sectorielle de la préparation ;
– réalisation d’une chape de transfert en résine sur le modèle positif unitaire (MPU) permettant de fixer et d’orienter le MPU ;
– après suppression des interférences, solidarisation de cette chape au châssis à l’aide de résine ;
– empreinte globale emportant l’ensemble « PAPM + chape » ;
– repositionnement du MPU et traitement de l’empreinte.
L’ensemble de ces étapes permet d’adapter la morphologie d’une couronne aux composants de stabilisation et de rétention avec un minimum de retouches lors de la pose.
Ce protocole s’est toutefois révélé sujet à de nombreuses sources d’erreurs. Des précautions sont à prendre notamment lors du traitement de l’empreinte pour conserver le positionnement précis du MPU (figure 1).
L’empreinte optique peut se révéler salvatrice pour simplifier ce type de prise en charge.
Un patient de 83 ans était porteur d’une prothèse complète maxillaire et d’une prothèse à châssis métallique compensant un édentement de classe I subdivision 1. Toutes deux lui donnaient entièrement satisfaction et l’examen de l’occlusion révélait, en effet, une occlusion parfaitement équilibrée. Les tissus sous-prothétiques étaient sains.
Même si l’on pouvait déplorer la présence d’un taquet distal sur 45 et 36, les prothèses répondaient aux critères de qualités requis.
En revanche, l’examen radiologique avait révélé des reprises carieuses indiquant la nécessité d’un renouvellement des couronnes sur 45 et 36 tout en conservant le châssis mandibulaire existant. Une couronne métallique par micro-fusion laser sur 36 et une couronne en zircone usinée sur 45 ont été prévues.
Dans un premier temps, la saisie numérique (scanner intra-buccal Medit i700®) a concerné la prothèse complète antagoniste (figure 2a) puis celle des deux préparations périphériques de 45 et 36 (figure 2b).
La PAPM a été insérée pour son empreinte numérique mettant ainsi en relation le positionnement des préparations avec les éléments du châssis concernés (figure 2c) ainsi que les rapports occlusaux en OIM. La PAPM a également été scannée isolément (figure 2d).
L’ordinateur a pu procéder à une addition des images permettant au prothésiste de réaliser une impression 3D des modèles en matériau polymère puis de passer à la FAO pour la réalisation de couronnes adaptées à l’intrados du châssis (figure 3).
Celles-ci ont été positionnées sur le modèle matérialisé pour validation des limites cervicales et de la morphologie axiale et occlusale à l’aide des parties imprimées de la PAPM (figure 4).
Le scellement et la mise en fonction de la reconstruction ont pu s’effectuer dans les meilleures conditions (figure 5).
Cette technique a apporté un gain de temps et de confort optimisé par rapport à la technique conventionnelle. Les sources d’imprécision générées par les prises d’empreintes successives et les biais inhérents à la coulée des moulages ont été éliminés. De plus, le patient a pu conserver sa prothèse car elle n’est pas indispensable pour réaliser les couronnes au laboratoire. Deux séances ont été nécessaires à la réalisation prothétique : la première pour l’empreinte optique, la seconde pour la séance dédiée à la FAO au laboratoire suivie de la pose des couronnes.
CAS CLINIQUE N° 2 : RÉALISATION D’UN CHÂSSIS AVEC ATTACHEMENT DE PRÉCISION
Le traitement prothétique de ce patient de 42 ans comportait au maxillaire des couronnes céramo-métalliques sur le secteur antérieur et des couronnes fraisées postérieures destinées à supporter une PAPM. La couronne céramo-métallique sur 12 portait, en distal, la patrice en forme de boule d’un attachement VKS SG® de Bredent (figure 6a).
Les prothèses fixées ont été scellées et le châssis à réaliser, qui devait intégrer la matrice de l’attachement, a imposé un protocole spécifique.
La matrice de l’attachement a été positionnée sur la boule de l’attachement extra-coronaire dans le respect de l’axe d’insertion du châssis à réaliser pour l’empreinte optique de l’arcade (figure 6b). Il s’agissait de l’étape la plus sujette à caution en raison de la difficulté de l’orienter à main levée, parallèlement à l’axe d’insertion.
Une approche plus rapide et plus précise aurait pu constituer une alternative en disposant au laboratoire de prothèse du fichier numérique de l’élément extra-coronaire de l’attachement VKS SG® (figure 7). Ce procédé aurait permis de réaliser les maquettes virtuelles des prothèses fixées intégrant directement les composants de l’attachement [8, 9].
L’empreinte numérique de l’ensemble des arcades a permis l’addition des fichiers. Les arcades en occlusion ont ensuite été scannées pour une visualisation du rapport mandibulo-maxillaire. Toutes les données requises ont ainsi été réunies en une seule séance pour permettre la conception des couronnes sous châssis (figure 8).
La modélisation du maxillaire a fait ensuite l’objet de l’étude au paralléliseur (figure 9) en préalable à la conception du châssis.
Le protocole de fabrication du châssis a intégré la matrice de l’attachement (figure 10a). La conception du châssis mandibulaire, à rétention conventionnelle par crochets, a été réalisée selon le même procédé (figure 10b).
L’impression 3D des moulages en résine Formlabs® (figure 11) a permis leur transfert sur articulateur pour le montage des dents (ce dernier a été réalisé sur cire de façon conventionnelle). Un isolant résine/résine a favorisé la mise en moufle. L’armature du châssis en alliages cobalt-chrome (figure 12a) obtenue par micro-fusion laser [12] a été validée sur le modèle résine avant l’essai clinique. La matrice de l’attachement intégrée au châssis (figure 12b) s’est avérée être correctement adaptée.
Le châssis mandibulaire (figure 12c) réalisé selon le même procédé a pu être posé également sans retouche chronophage.
L’apport de la CFAO dans ce second exemple clinique illustre encore l’utilisation aisée de l’outil numérique dans une situation qui pouvait s’avérer complexe. En technique conventionnelle, la réalisation d’un châssis sur prothèses fixées avec attachements nécessite une prise d’empreinte emportant les éléments fixés. Les erreurs de positionnement lors de cette empreinte dédiée à la réalisation du châssis ainsi que la précision de coulée pour obtenir un résultat fiable sont autant de sources d’erreurs potentielles.
En méthode conventionnelle, la réfection d’un châssis prenant appui sur une prothèse fixée existante avec attachements déjà présents impose soit l’empreinte avec réplique d’attachement, soit un traitement de l’empreinte de l’attachement par un apport de matériau résistant (résine, époxy…) avant la coulée du reste du moulage en plâtre. Ces opérations sont chronophages et demandent une certaine expertise de la part du prothésiste.
Les deux cas cliniques exposés sont l’expression, si cela était encore nécessaire, du gain de temps et de la fiabilité offerts par le numérique. Les mêmes situations gérées avec des techniques conventionnelles intégrales sont souvent complexes, de longue durée au stade des empreintes au cabinet dentaire et lors de la réalisation prothétique au laboratoire.
Actuellement, le pas à franchir est celui de l’investissement au sein des cabinets libéraux et de la nécessaire formation de l’équipe soignante. Les concepteurs et diffuseurs de scanners intra-oraux ont pour mission, désormais, de faciliter l’accès des praticiens à cette technologie.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
à Laurent Allochon et Pierre Raquillard du laboratoire Raquillard, Cormontreuil.