LA PAP FAIT DE LA RÉSISTANCE, PRENONS LE TEMPS DE COMPRENDRE SES SUBTILITÉS
Dossier
Marie BELET AHU* Thibault DROUHET** Isabelle FOUILLOUX-PATEY***
*Pitié Salpêtrière Charles-Foix, Université Paris Cité. Exercice libéral, Paris.
**AHU, Pitié Salpêtrière Charles-Foix, Université Paris Cité. Exercice libéral, Paris.
***MCU-PH, Pitié Salpêtrière Charles-Foix, Université Paris Cité. Exercice libéral, Alfortville.
Avec le développement de l’implantologie, la PAP est bien souvent délaissée. Or, c’est une proposition thérapeutique qui a toujours sa place et son efficacité dans nos thérapeutiques actuelles. Elle répond en effet aux besoins esthétiques et fonctionnels que souhaitent les patients lorsqu’il est nécessaire de compenser les édentements partiels. L’objectif de cet article est de donner les clés de conception d’un châssis de PAP pour pouvoir appréhender les situations cliniques aussi diverses soient-elles.
La spécificité de la PAP réside dans le fait que ce type de prothèse est en appui à la fois sur les dents et sur la muqueuse. Ces deux tissus buccaux ont une compressibilité très différente et c’est la raison pour laquelle la conception du châssis doit la prendre en compte pour réaliser une prothèse à la fois esthétique, fonctionnelle, confortable et respectueuse des dents restantes et du parodonte environnant [1-4].
La dent, par l’intermédiaire de son ligament, présente un enfoncement en moyenne de 0,2 mm. La muqueuse sur laquelle s’appuie la selle prothétique a, quant à elle, un enfoncement de l’ordre de 1 mm (figure 1).
Partant de ce constat, il est facile de comprendre que les PAP dento-portées compensant des édentements encastrés, ne seront soumises qu’à un enfoncement en rapport avec celui du desmodonte des dents bordant les édentements, alors que les PAP compensant un édentement en extension uni ou bilatéral seront soumises à ce delta de compressibilité (figure 2).
Il a largement été montré dans la littérature que, pour réaliser une PAP convenable, il est indispensable de respecter la triade de Housset, c’est-à-dire que la conception doit assurer à la fois la sustentation, la stabilisation et la rétention [3-5].
La sustentation est l’ensemble des forces axiales qui s’opposent à l’enfoncement.
Ainsi que l’illustre le schéma (figure 3), la sustentation sera d’autant meilleure que les surfaces d’appui seront exploitées à leur maximum sans interférer avec la musculature périphérique. Les éléments de la prothèse qui assureront cette fonction sont :
– la plaque base ;
– les appuis occlusaux et cingulaires ;
– une selle la plus enveloppante possible ;
– l’élément principal de connexion au maxillaire (plaque palatine).
Leur nombre et leur répartition sont la clé de la réussite.
La stabilisation est l’ensemble des forces axiales qui s’opposent aux mouvements de translation horizontale ou de rotation.
Lors de la marche (figure 4), nous sommes confrontés à de nombreuses forces déstabilisatrices, la forme plus ou moins enveloppante de la chaussure permettant de les maîtriser. En bouche, ces forces déstabilisatrices se rencontrent au cours de la mastication, ce sont les composantes horizontales. Elles sont d’autant plus importantes que l’édentement est de grande étendue et surtout postérieur en extension.
Il faudra alors :
– recouvrir le plus largement possible les crêtes et notamment les trigones et les tubérosités par des selles enveloppantes ;
– multiplier les parties rigides des crochets, les connexions secondaires (potences).
Les barres cingulaires et coronaires participent également à la stabilisation.
La rétention est l’ensemble des forces axiales qui s’opposent à l’éloignement de la prothèse de sa surface d’appui. À l’image de cette fixation bloquant la chaussure de ski (figure 5), le crochet (mais aussi un attachement intra ou extra-coronaire, radiculaire ou implantaire) en PAP est l’élément indispensable pour s’opposer à la désinsertion par translation de la prothèse de sa surface d’appui.
Ces édentements, qu’ils soient de classe III ou de classe IV de petite étendue de la classification Kennedy, posent peu de difficulté (figure 6). Les PAP qui les compensent sont essentiellement dento-portées et ne sont soumises qu’à des mouvements de translation. Ces derniers s’expriment à la fois au décollement et à l’enfoncement [6-8].
Ce sont les extrémités rétentives de crochets qui maîtrisent les mouvements de translation au décollement. Les crochets indiqués sont le crochet de Kennedy ou crochet de Ackers et le crochet de Bonwill lorsqu’il s’agit de franchir le côté denté de l’arcade pour les édentements de classe III pure et les édentements de classe IV.
Ce sont les appuis occlusaux et cingulaires qui maîtrisent le mouvement de translation à l’enfoncement. Lorsqu’ils sont judicieusement répartis, c’est-à-dire sur chaque dent bordant l’édentement encastré, la PAP est complètement dento-portée et son intégration à la fois fonctionnelle et psychologique est très favorable. Il est néanmoins essentiel de réaliser les améloplasties nécessaires : les améloplasties d’insertion et celles correspondant à la sustentation (appui cingulaire et appui occlusal).
Les extrémités rétentives de crochets idéalement situés aux quatre coins du quadrilatère maîtrisent le mouvement de désinsertion par translation. Pour assurer l’esthétique de la réhabilitation prothétique, il est possible d’être amené à supprimer un crochet qui serait disgracieux (sur une canine notamment).
Dans cette situation, la PAP à châssis métallique est en appui à la fois sur les dents et sur la fibromuqueuse de la crête édentée. La différence de compressibilité tissulaire s’exprime alors comme vu précédemment. Cette dualité tissulaire va provoquer naturellement des mouvements de rotation en plus des mouvements de translation existants. En effet, lorsque le patient mastique du côté de l’édentement en extension, la dent bordant l’édentement ne peut s’enfoncer que de la valeur du desmodonte (0,2 mm) alors que la selle en extension peut s’enfoncer de la valeur de la fibromuqueuse (1 mm) (figure 1). Il est alors essentiel de concentrer les forces de mastication en mésial de la dent bordant l’édentement en extension en disposant le dernier appui en mésial ainsi que la potence en mésial pour éviter toute traction distale de la dent (« effet décapsuleur ») (figure 7).
Par ailleurs, pour soulager la dent bordant l’édentement en extension, il faut assurer un quadrilatère de sustentation le plus large possible et ajouter des appuis indirects qui participent aussi à la rétention. Ces principes permettent d’assurer la stabilité, le confort et la pérennité de la PAP et des tissus environnants.
L’édentement bilatéral en extension est en appui sur les dents et les tissus mous.
Pour éviter tout effet de bascule distale néfaste sur les dents bordant l’édentement, le taquet occlusal doit être situé en mésial avec une potence mésiale, ce qui favorise ainsi la transmission des forces selon l’axe de la dent concernée. La prothèse est soumise à des forces verticales de translation et de rotation lors des mouvements d’enfoncement et de décollement.
Les taquets et la barre cingulaire maîtrisent l’enfoncement et les crochets maîtrisent le décollement de la prothèse.
Lorsque le patient mastique un aliment collant sur la selle en extension, elle va avoir tendance à se décoller par un mouvement de rotation passant par les extrémités rétentives des crochets les plus distaux. La barre cingulaire s’oppose à ce mouvement de décollement par rotation (figure 8).
Lorsque le patient mastique un aliment dur sur la selle en extension, celle-ci va avoir tendance à s’enfoncer selon un axe de rotation passant par les appuis occlusaux ou cingulaires les plus distaux. Ce sont les extrémités rétentives des crochets qui permettent de maîtriser ce mouvement d’enfoncement (figure 9).
Il est à noter que, parfois, il n’est pas possible de disposer d’une barre cingulaire, notamment au maxillaire. Les rapports occlusaux ou la présence de diastème peuvent en effet contre-indiquer cette barre. Elle sera alors interrompue très souvent en regard des incisives car les améloplasties pour les appuis cingulaires sur les canines permettent d’avoir une épaisseur suffisante pour le métal.
La classe II de Kennedy représente un édentement unilatéral en extension qui est soumis à des mouvements de translation et de rotation. Ce sont les appuis coronaires et les crochets qui luttent contre les mouvements de translation verticaux. Tout comme la classe I, ces prothèses sont aussi soumises à une différence de compressibilité tissulaire qui engendre une rotation distale verticale selon un axe de rotation diagonal. Ainsi, un taquet mésial avec sa potence est nécessaire afin de maîtriser les forces délétères s’exerçant sur la dent bordant l’édentement. Lors du mouvement de l’enfoncement de la selle, la rotation s’effectue par l’axe passant par les deux appuis coronaires les plus postérieurs (figure 10).
Lors du mouvement de décollement, une rotation s’effectue par un axe passant par les parties rétentives des crochets les plus postérieurs (axe passant par le crochet Y de Roach sur la canine et le crochet Bonwill ou crochet cavalier entre les molaires). Ainsi, des appuis indirects doivent être utilisés au maximum (barre coronaire et barre cingulaire).
Les appuis les plus efficaces sont ceux qui sont les plus éloignés de l’axe de rotation. Ils permettront de maîtriser le mouvement de décollement par rotation. En outre, il est nécessaire de positionner un crochet le plus postérieurement possible du côté de l’arcade dentée de manière à retenir la selle lors de l’enfoncement de celle-ci. Enfin, un crochet Bonwill ou un crochet cavalier dans la partie latérale de l’édentement permet de rigidifier le châssis par sa potence, d’augmenter la rétention par la partie rétentive des crochets, la sustentation par ses appuis occlusaux et la stabilisation par la barre de réciprocité linguale. Ce crochet, pour des raisons esthétique ou d’encombrement, peut être délesté d’une de ses parties rétentives vestibulaires (hémi-Bonwill).
Il est à noter que ce crochet nécessite une préparation tissulaire majorée en interdentaire pour le franchissement de l’arcade des parties rétentives afin de ne pas engendrer une surocclusion.
Les prothèses encastrées antérieures redonnent l’esthétique du sourire et le soutien labial. L’axe d’insertion de ce type de prothèse peut être complexe en fonction de l’orientation de la crête antérieure qui peut présenter des contre-dépouilles.
Lorsque cet édentement est de faible étendue, les appuis sont essentiellement dentaires. La prothèse est principalement soumise à des mouvements de translation verticale lors de son enfoncement et/ou de son décollement.
En revanche, lorsque cet édentement est de moyenne à grande étendue, la prothèse est en appui à la fois sur les dents et sur la fibromuqueuse : la selle est alors en extension mésiale. La prothèse est soumise à des forces verticales de translation et de rotation lors des mouvements d’enfoncement et de décollement. Il est alors important de disposer des taquets occlusaux pour répartir les forces d’enfoncement par translation.
Le mouvement d’enfoncement (figure 11) par rotation passe par l’axe reliant les appuis les plus mésiaux, donc en mésial des dents bordant l’édentement antérieur. Ce sont les extrémités rétentives des crochets les plus distaux qui s’opposent à ce mouvement. Plus l’extrémité rétentive de crochet est éloignée de l’axe de rotation, plus elle sera efficace pour lutter contre ce mouvement de désinsertion par rotation.
Par ailleurs, en ce qui concerne le mouvement de décollement (figure 12) par rotation qui passe par l’axe de rotation reliant les extrémités rétentives des crochets les plus antérieurs, ce sont les appuis les plus postérieurs qui vont concourir à maîtriser ce mouvement. Plus le taquet occlusal est éloigné de l’axe de rotation, plus il est efficace pour lutter contre la désinsertion par rotation.
Les crochets de Bonwill, appelés aussi crochets cavaliers ou moustache, permettent de franchir l’arcade et de lutter contre la désinsertion par translation.
Une fois que les analyses des édentements et des mouvements à appréhender sont réalisées, le tracé prospectif pourra être dessiné sur le modèle d’étude, après avoir déterminé l’axe d’insertion prothétique grâce au paralléliseur [4, 6, 9].
En fonction de l’orientation des dents et des crêtes édentées, il faut choisir l’axe d’insertion prothétique optimal qui permet de mettre en évidence les zones de contre-dépouille pour les parties rétentives des futurs crochets et les lignes de plus grand contour dentaires (figure 13).
• Positionner les appuis occlusaux afin d’augmenter la sustentation dentaire à son maximum.
• Positionner les crochets (en altérant le moins possible l’esthétique).
• Positionner les bras de réciprocité des crochets.
• Positionner les potences (largeur de 2,5 mm) puis l’élément de connexion principal, tout en respectant le décolletage de 5 mm minimum.
• Noter les zones d’espacements (potence indirecte, barre linguale, protège-raphé qui s’arrête à 3-4 mm de la limite postérieure de la plaque palatine).
Maintenant que les règles concernant la prothèse amovible partielle ont été présentées et illustrées, un arbre décisionnel synthétise cette analyse (figure 14). Toute situation clinique se résume par :
– la classe d’édentement ;
– l’existence d’une différence de compressibilité tissulaire ou non ;
– les mouvements de la selle à maîtriser ;
– les éléments du châssis nécessaires pour le type d’édentement ;
– les rapports occlusaux inter-arcades ;
– la valeur des dents restantes ;
– la santé parodontale ;
– les exigences esthétiques et les compromis acceptables sur le plan biomécanique qui sont possibles.
Une analyse biomécanique est indispensable pour pouvoir réaliser un tracé de châssis. Il faut tenir compte de la valeur intrinsèque et extrinsèque des dents (mécanique, endodontique et parodontale), de l’étendue de l’édentement, de la hauteur des couronnes dentaires et de la dextérité du patient.
Il n’existe pas toujours un tracé unique pour résoudre un édentement mais il est essentiel de respecter les facteurs d’équilibre de la PAP et d’assurer l’esthétique et le confort du patient.
Lorsque le tracé idéal est effectué, le praticien peut se questionner sur les compromis réalisables afin de répondre au mieux aux attentes de son patient, qu’elles soient d’ordre esthétique ou de confort.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
À Marion Florimond pour la réalisation et l’uniformisation des schémas, PHc Pitié Salpêtrière Charles-Foix, Université Paris Cité. Exercice libéral, Paris.