L’accord auquel sont parvenus les partenaires conventionnels ambitionne un changement de paradigme et intègre la promesse présidentielle de prothèses à reste à charge nul pour les patients. On peut dégager 8 aspects de cet accord.
L’Assurance maladie et les complémentaires vont apporter 1,2 milliard d’euros sur 5 ans. Cette apport sera réparti en trois grands postes : aux 704 millions pour la revalorisation des soins courants s’ajoutent 371 millions d’amélioration des remboursements des assurés, dont 51 millions pour la prise en charge nouvelle de soins, jusqu’à présent non remboursés, et 108 millions pour le renforcement des actions de prévention en direction des jeunes.
Les patients vont bénéficier de l’effet conjugué des améliorations de prise en charge (371 millions), de l’effet de plafonnement du tarif des prothèses, en contrepartie des revalorisations tarifaires (417 millions), et du renforcement des actions de prévention (108 millions) ; soit un total de 899 millions d’euros.
L’augmentation nette des honoraires des chirurgiens-dentistes au bout de 5 ans atteindra 287 millions correspondant à la différence entre les revalorisations s’élevant à 704 millions d’euros et le manque à gagner de 417 millions d’euros dû au plafonnement des actes à entente directe.
L’instauration de plafonds tarifaires sur une part des actes prothétiques, dont certains seront pris en charge à 100 %, a conduit à la création de trois paniers d’actes différenciés en fonction de la localisation de la dent et des matériaux utilisés.
Le panier « reste à charge 0 », intégralement remboursé au patient, concentre 46 % des actes effectués aujourd’hui (6 millions d’actes) mais génère 35 % des honoraires (1 837 millions d’euros). Il comprend les prothèses amovibles à base de résine et les couronnes métalliques, et, pour les dents visibles, les céramiques monolithiques en zircone, les céramo-métalliques et les céramiques monolithiques hors zircone.
Le panier « reste à charge modéré », dont les prix sont plafonnés, concentre 25 % des actes (3,3 millions d’actes) mais génèrent 34 % des honoraires (1 767 millions d’euros).
Le panier « libre », qui permet de choisir librement les techniques et les matériaux les plus sophistiqués, totalise 29 % des actes (3,8 millions d’actes) mais génère 31 % des honoraires (1 597 millions d’euros).
Ce dispositif laisse la possibilité de recourir à des techniques innovantes ou à des exigences esthétiques particulières dans le panier libre. Le devis normalisé sera modifié afin de prendre en compte l’obligation pour le praticien qui établit un devis avec reste à charge de présenter une alternative sans reste à charge.
Dès l’année 2019, les premiers plafonnements seront instaurés sur le panier à reste à charge modéré parallèlement aux premières revalorisations des soins courants.
La mise en place du panier RAC 0 sera échelonnée sur deux ans ; en 2020 pour les couronnes et les bridges et en 2021 pour les prothèses amovibles.
Les revalorisations tarifaires qui s’appliquent sur les soins oscillent de 10 à 60 %. Le coiffage pulpaire est désormais pris en charge à 60 euros. À noter que la séance de détartrage revalorisée en 2014 reste au même tarif dans cette convention.
Dans le champ de la prévention, la priorité est donnée à l’élargissement de l’examen bucco-dentaire pris en charge à 100 % pour les jeunes de 3 à 24 ans. Ils pourront en bénéficier a minima tous les 3 ans. De plus, pour les enfants présentant un risque carieux élevé, l’application du vernis fluoré est prise en charge et valorisée 25 euros à une fréquence bisannuelle. Un bilan de santé parodontal (50 euros) ainsi que le traitement nécessaire est aussi pris en charge pour les patients diabétiques. Les soins des patients sous anticoagulants seront valorisés par un supplément. La prise en charge de patients atteints d’un handicap mental lourd est aussi prévue (majoration de 100 euros par séance avec ou sans MEOPA).
L’observatoire conventionnel va effectuer un suivi de l’évolution de l’activité dentaire consécutive aux mesures de rééquilibrage. La clause de revoyure se déclenchera en cas d’écart significatif de l’équilibre dans la répartition des actes prothétiques entre les trois paniers observée sur 12 mois (± 10 points par rapport à ce qui était prévu au départ pendant les deux premières années, ± 5 points ensuite). Les mesures à prendre seront décidées par avenant. …
Les honoraires des actes prothétiques plafonnés pourront être revalorisés chaque année en fonction d’un indicateur d’évolution des charges liées à l’activité dentaire (frais de personnel, achats, loyers et autres locations). Cet indicateur et les modalités de calcul seront définis par un groupe de travail issu de la CPN (Commission Paritaire Nationale). Une évolution de plus de 1 % de l’indicateur dans l’année déclenchera la clause d’indexation.
Un chirurgien-dentiste qui s’engage à exercer au moins la moitié de son activité dans une zone « très sous-dotée » pendant un minimum de 5 ans peut bénéficier d’une aide de 25 000 euros au titre de l’équipement du cabinet, ou d’autres investissements professionnels, dès la première année d’exercice. L’ARS peut majorer de 20 % cette aide. Pour la percevoir, le chirurgien-dentiste s’engage également à remplir les conditions lui permettant de percevoir le forfait de modernisation et d’informatisation du cabinet professionnel. Un chirurgien-dentiste déjà en activité dans une zone « très sous-dotée » et qui s’engage à la poursuivre au moins 3 ans peut bénéficier d’une aide forfaitaire de 3 000 euros/an. Ce forfait peut être relevé par l’ARS jusqu’à hauteur de 20 %.
Une aide forfaitaire de 490 euros est versée annuellement dès lors que le praticien remplit une batterie de critères, atteint un taux de télétransmission de 70 % et dispose d’un logiciel métier compatible avec le DMP (Dossier Médical Partagé). Le chirurgien-dentiste impliqué dans la prise en charge coordonnée des patients peut bénéficier d’une aide supplémentaire de 100 euros. Ces forfaits entreront en application en 2020 au titre de l’année 2019.
Des groupes sont constitués pour travailler plusieurs aspects de la convention qui ne sont pas encore finalisés.
Démographie : Un groupe de travail associant les étudiants doit réfléchir à un dispositif de régulation du conventionnement dans les zones « sur-dotées ». Ces travaux seront un préalable à des négociations sur un avenant applicable aux libéraux et aux praticiens des centres de santé.
Un forfait prévention : Une expérimentation de prise en charge globale de la prévention sera mise en place dans le cadre du fonds pour l’innovation du système de santé (Lfss 2018). Il est prévu de créer un forfait de prévention couvrant plusieurs séances au cours desquelles le chirurgien-dentiste réalisera des actes (évaluation du risque carieux individuel, radiographies rétro-coronaires, nettoyage prophylactique…) et prodiguera des recommandations (éducation à la santé, évaluation des acquis…). Les propositions du groupe de travail sont attendues d’ici la fin 2018.
Un parcours de prévention incitatif : Un groupe de travail, associant le ministère de la Santé et les associations de patients, doit réfléchir à un parcours de prévention incitatif s’inspirant de dispositifs existant dans d’autres pays. L’idée est de conditionner le niveau de prise en charge de l’acte prothétique au respect d’un rythme de visite chez le chirurgien-dentiste. Cette démarche pourrait s’appliquer par étapes, en commençant par les jeunes adultes de 24 ans.
Qualité : Des chirurgiens-dentistes et des prothésistes doivent déterminer ce qui pourrait caractériser les exigences esthétiques et thérapeutiques particulières pour des patients nécessitant une charge de travail et un coût supplémentaire pour le praticien.
Soins en établissement : Un groupe de travail va étudier les modalités d’une meilleure revalorisation des soins réalisés dans les établissements médico-sociaux et les conditions de mise en place de téléconsultation de dépistage auprès de personnes en situation de dépendance résidant dans ces établissements.
Quatre autres groupes de travail sont aussi prévus pour définir les évolutions nécessaires et prioritaires de la CCAM, adapter les montants maximaux de la CMUC et de l’ACS aux évolutions de la CCAM, définir un nouveau modèle de devis et définir l’indicateur d’évolution des charges de l’activité dentaire.