Clinic n° 09 du 01/10/2014

 

PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES

Actu

ANNE CHANTAL DE DIVONNE  

Le ministre de l’Économie prépare un projet de loi qui va réformer les professions réglementées. La profession est en état d’alerte depuis qu’elle a pris connaissance d’un rapport de l’Inspection générale des finances donnant plusieurs pistes de réformes qui bouleversent l’exercice. Les chirurgiens-dentistes seront-ils concernés par le projet de loi et de quelle façon ?

« Le plus grand flou demeure sur ce qui nous concernera dans le projet de loi qui doit réformer les professions réglementées », s’inquiète la présidente de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD), Catherine Mojaïsky. À la mi-septembre, aucun contact n’avait encore eu lieu avec le ministre de l’Économie qui prépare la « loi de croissance et de pouvoir d’achat » dans laquelle va figurer la déréglementation de certaines professions de santé. Le rendez-vous fixé avec Arnaud Montebourg avait été annulé pour cause de changement de ministre. La CNSD obtenait enfin un rendez-vous avec un membre du cabinet de son successeur à Bercy, Emmanuel Macron, le 17 septembre. « Nous écouterons les professionnels », a prévenu le ministre de l’Économie devant l’Assemblée nationale, ajoutant aussitôt « mais cela ne veut pas dire rester immobiles… Notre devoir est d’augmenter l’activité partout où nous pouvons le faire ». Il a assuré aussi qu’un débat parlementaire aurait lieu sur ce projet de loi.

Comme les biologistes ?

Dans l’attente de connaître le projet du ministre de l’Économie, la profession ne peut que réagir aux conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) qui sert d’outil pour l’élaboration du texte. Ce rapport remet en cause le numerus clausus, la rémunération de l’acte prothétique et les règles de détention du capital des structures d’exercice. « Le plus gros danger est l’entrée des capitaux dans nos sociétés d’exercice. Cette ouverture peut déstabiliser l’exercice par une vision étrangère à la santé publique. On voit les dégâts provoqués chez les biologistes. Je ne voudrais pas que nos cabinets soient confrontés à cette même approche uniquement financière », plaide Catherine Mojaïsky. « Il semble heureusement que le ministère de la Santé soit sur la même longueur d’onde », veut-elle rassurer.

À la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL), on partage cette même inquiétude majeure face à l’arrivée possible de capitaux étrangers à la profession. « On finira comme les labos, rachetés les uns après les autres et nous deviendrons des salariés », prévient Patrick Solera. « Soit les praticiens vont se regrouper pour constituer de gros cabinets libéraux, soit ils seront rachetés par des groupes financiers, comme l’ont déjà vécu les laboratoires de biologie ».

L’exemple espagnol ?

S’agissant de la volonté de supprimer le numerus clausus des chirurgiens-dentistes alors que celui des médecins est épargné, Catherine Mojaïsky récuse les arguments avancés. « Les études dentaires coûtent cher, de 12 000 à 15 000 euros par an. Veut-on dire par là que comme nos facultés ne sont pas en mesure de suivre financièrement, on va ouvrir des formations privées ? Nos confrères espagnols et portugais l’ont fait. Résultat, leur taux de chômage dans la profession atteint 30 %. Et ils viennent s’installer chez nous. »

À l’Union des jeunes chirurgiens-dentistes (UJCD), Philippe Denoyelle s’élève : « Et on nous a expliqué pendant des années que le numerus clausus était indispensable pour une bonne répartition sur le territoire et pour une prise en charge des dépenses de santé ! »

Transparence, encore ?

Quant à mettre en relation directe le patient et le prothésiste, « on n’est plus dans la médecine », regrette P. Denoyelle. « Veut-on monter les populations les unes contre les autres ? » Heureusement, les prothésistes marchent dans le même sens que les chirurgiens-dentistes. Ils ont assuré qu’ils ne voulaient pas être en relation directe avec les patients. Cette nouvelle tentative de décomposition de l’acte prothétique « montre à quel point l’utilisation du nouveau devis légal est importante afin de prouver que nous avons déjà ­répondu à la demande de transparence et que la décomposition du coût de l’acte est déjà faite », affirme Catherine Mojaïsky.

Riposte

Les professions libérales réunies au sein de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) sont bien décidées à faire barrage aux tentatives de déréglementation. La première riposte consiste en une journée sans professions libérales prévue le 30 septembre. « Une montée en puissance est programmée si ce coup de semonce n’est pas entendu », prévient la CNSD.