Les 54 articles du projet de loi de santé dévoilés au milieu de l’été précisent plusieurs dispositions du texte (voir Clinic de septembre) et soulèvent de nouvelles inquiétudes, notamment sur le déroulement des futures négociations conventionnelles.
La généralisation du tiers payant à l’horizon 2017 pour l’ensemble de la population reste la mesure phare du projet de loi. Dès 2015, le tiers payant concernera tous les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire de santé (ACS). « Les modalités de mise en œuvre de cette généralisation » sont renvoyées aux partenaires conventionnels qui vont devoir fixer « les conditions de réussite de cette généralisation », précise le projet. Ces mêmes partenaires ont aussi la charge de définir les tarifs plafonds applicables aux bénéficiaires de l’ACS pour les soins dentaires prothétiques et orthodontiques, et les prestations d’optique. Il est précisé que ces tarifs plafonds pourront être différents de ceux applicables aux bénéficiaires de la CMU-C.
Un article donne par ailleurs aux ministres l’initiative de définir, par lettre adressée au président de l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie (UNCAM), « les principes cadres des négociations conventionnelles ». Aujourd’hui, les ministres n’interviennent qu’« a posteriori pour contrôler la légalité des accords qui ont été signés ». L’article a « vocation à préciser le rôle de l’État dans certaines négociations, tout en laissant la définition de leurs orientations au conseil de l’Union et la conduite des négociations à son directeur », précise l’exposé des motifs. Il est aussi prévu de renforcer la territorialisation de la politique conventionnelle. Les partenaires conventionnels détermineront, à travers un contrat-type national, les marges d’adaptation et de modulation régionales que celui-ci permettra.
Le projet de loi confie aux Ordres le soin de réaliser un bilan annuel des pratiques des médecins, des sages-femmes et des chirurgiens-dentistes en matière de refus de soins. Un observatoire des refus de soins associant les syndicats professionnels, des usagers et des personnalités qualifiées sera chargé de mener des travaux sur le sujet, en réalisant notamment des tests de situation. « Ces travaux fourniront les premiers signalements de faits laissant présumer l’exercice de pratiques discriminatoires et permettront d’ordonner les enquêtes utiles à l’approfondissement des cas ainsi identifiés. » Un bilan annuel sera adressé au ministre de la Santé et au défenseur des droits de l’homme.
Le projet de loi prévoit par ailleurs l’introduction de l’université dans le pilotage du développement professionnel continu (DPC) et l’intégration du rôle d’une commission scientifique indépendante pour contrôler la qualité de l’offre de DPC. Le contenu de l’obligation de DPC se conformera aux préconisations du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d’avril 2014.
Quant à l’inscription des assistantes dentaires au Code de la santé, le projet de loi ne la mentionne pas. Le ministère a cependant assuré la profession de sa volonté de faire aboutir ce dossier. Reste donc le canal des amendements ou encore des ordonnances…
Le tiers payant, l’ACS et le plafonnement des travaux prothétiques pour les bénéficiaires de l’ACS étaient des mesures connues depuis plusieurs mois. Mais dans cette première mouture du projet de loi, « l’État reprend complètement la main sur les conventions », analyse Catherine Mojaïsky. « Avec ce nouveau projet, l’État va fixer les orientations des conventions. Le conseil de l’UNCAM n’a plus qu’à décider du détail. Entre les orientations décidées par l’État, l’encadrement budgétaire décidé par le Parlement, le règlement arbitral, que va-t-il nous rester comme marges de manœuvre si l’on n’aboutit pas dans les négociations ? », interroge la responsable syndicale.
Mais ce n’est pas tout. « Il est prévu de mettre au programme tous les sujets désagréables : le plafonnement des tarifs ACS et le tiers payant généralisé. Le gouvernement botte en touche en disant qu’il n’impose rien, que ce sont les partenaires qui vont négocier. Mais il reprend complètement la main sur le contenu. C’est une étatisation sans le dire. Une hypocrisie totale », tempête la présidente de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD). Catherine Mojaïsky reconnaît que les marges de manœuvre étaient déjà faibles ces dernières années face au pouvoir de l’UNCAM. Lors de la négociation sur l’avenant 2, elles avaient tout de même permis de « bloquer les tarifs plafonnés sur les ACS via le protocole d’accord » avec les complémentaires.
Pour l’heure, rien n’est joué. Après une présentation au Conseil des ministres en septembre, le texte doit être débattu devant la représentation nationale au début de l’année 2015. Dans le contexte politique actuel, alors que la confiance dans le Parlement est ébranlée, ce passage s’avère risqué pour le gouvernement