Les incessantes réformes fiscales et le poids croissant des prélèvements incitent à investir avec ingéniosité. L’acquisition de la seule nue-propriété d’un appartement, en démembrement temporaire, figure parmi les bonnes pistes. Explications.
Le principe est simple. Plutôt que d’acquérir en pleine propriété un appartement à usage locatif et de devoir supporter fiscalité, contributions sociales et toutes les vicissitudes de la relation avec les locataires, on acquiert la seule nue-propriété. N’étant pas usufruitier, on ne s’occupe pas de la location, ni ne paye d’impôt sur le revenu locatif pendant 15 à 18 ans, durée habituelle du démembrement entre nue-propriété et usufruit. Car le démembrement est temporaire. Il se distingue par cette caractéristique du démembrement viager qui se pratique depuis des décennies au sein des familles dans le cadre de donations ou à la suite de successions.
Nous avons déjà évoqué cette technique du démembrement temporaire l’an dernier (voir Clinic de mars 2010) parce qu’elle trouve aussi à s’appliquer aux murs du cabinet. Le cabinet (comptabilité 2035 ou SEL) est usufruitier pendant 15 ans environ et le praticien, à titre personnel, n’est que nu-propriétaire. Il économise de l’impôt sur le revenu de façon significative mais le fisc n’est pas toujours d’accord malgré les textes actuels.
Pour un investissement privé immobilier, le plus souvent destiné à servir des revenus complémentaires à la retraite, l’opération poursuit les mêmes objectifs : payer moins cher, économiser de l’impôt, profiter de la plus-value du bien et être propriétaire d’un bien immobilier que l’on a choisi, en clair qui est le sien. Et dans ce cas, le nu-propriétaire et l’usufruitier étant des personnes différentes, il n’y a pas de risque de requalification fiscale.
Certains de nos lecteurs feront observer, à juste raison, que ce mécanisme n’est pas une révolution puisqu’ils l’exploitent depuis des années en se portant acquéreur de la seule nue-propriété de parts de SCPI, le revenu revenant à un usufruitier qui, lui, avec un faible investissement (par exemple 40 % de la valeur en pleine propriété), va recevoir le rendement qui s’affichera à deux chiffres. Spectaculaire pour de l’immobilier. Mais la majorité de nos lecteurs reconnaîtront qu’ils préfèrent détenir un bien identifié plutôt que des parts de société. Sa pierre plutôt que de la pierre papier.
C’est donc la nature même du bien immobilier qui est déterminante dans ce type d’investissement qui s’effectuera dans les grandes villes, y compris Paris et l’Île-de-France. Et le meilleur choix selon nous, s’il s’agit d’immobilier neuf, porte sur les quelques logements d’un immeuble que chaque promoteur doit affecter au social par obligation légale (voir encadré « Mon conseil »). Les promoteurs commercialisent leurs lots « normaux » à de futurs propriétaires occupants ou investisseurs et les lots dits « sociaux », selon la réglementation, à un opérateur qui se chargera de démembrer, en trouvant tant l’usufruitier (un bailleur social le plus souvent) que le nu-propriétaire, investisseur à plus long terme.
Les règles de fonctionnement et de dénouement de ce démembrement limité dans le temps sont claires. À l’issue de la période (de 15 à 17 ans), le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans avoir à régler une quelconque indemnité et sans formalité. Il aura donc profité de la totalité de revalorisation du bien pendant ces années démembrées.
Sur le plan patrimonial, il aura la liberté de vendre à tout moment sa nue-propriété dans un premier temps et, ultérieurement, le bien en pleine propriété puisqu’il sera devenu plein propriétaire.
Sur le plan fiscal, tant qu’il ne sera que nu-propriétaire, il n’aura pas à supporter d’impôt sur le revenu puisqu’il ne percevra pas de loyer. Il aura néanmoins pu déduire les intérêts de son emprunt des loyers perçus par ailleurs et même réduire sa base ISF du montant de l’emprunt. Autre avantage ISF, le bien immobilier ne figure pas dans son patrimoine taxable tant qu’il n’est pas plein propriétaire. Enfin, en termes de plus-values, on sait qu’après 15 ans de détention, il y a exonération.
On aura compris que malgré les avantages fiscaux et financiers, comme pour tout investissement immobilier, il faudra rechercher la qualité de l’emplacement et de la construction. Mais il sera conseillé, en outre, de s’engager avec un opérateur dans le cadre d’un contrat stipulant la prise en charge de la taxe foncière par l’usufruitier, la remise en état tant des parties communes que privatives à l’issue du démembrement. Le logement libéré de son locataire, puisque le propriétaire peut souhaiter l’occuper lui-même, constituera une condition complémentaire bienvenue.
L’ingénierie patrimoniale s’affirme d’année en année tout aussi indispensable que le choix des investissements. Le démembrement, en immobilier neuf ou ancien, en est l’illustration.
Matthieu GROSSELIN, conseil en gestion de patrimoine, cabinet EGA
L’acquisition de la seule nue-propriété d’un appartement avec démembrement temporaire convient particulièrement au praticien de 45 à 55 ans qui souhaite investir dans l’immobilier sans subir les inconvénients tant du statut de propriétaire que de la fiscalité foncière, à une période de sa vie où il a, par son exercice, une activité et une fiscalité lourdes. En renonçant à 15 à 18 années de loyers, il acquiert un bien dont il est personnellement propriétaire avec un rabais de 40 %.
Il s’agit donc de préparer sa retraite avec le souhait de détenir un bien immobilier plutôt que des parts de SCPI ou en plus de celles-ci.
Les intérêts d’emprunt sont déductibles des revenus fonciers du foyer fiscal, ceux-ci provenant souvent de la SCI qui détient les murs du cabinet.
Ce type d’opération s’inscrit bien dans la logique du placement immobilier, celui qui doit servir un rendement locatif en conformité avec la valeur du bien. Le modèle le plus vertueux consiste à acquérir un logement dit social dans un immeuble ou ensemble d’immeubles occupés majoritairement par des copropriétaires. On sait que les promoteurs ont l’obligation, lorsqu’ils réalisent un immeuble, d’affecter un certain nombre de lots au logement social. C’est parmi ces lots qu’il est habile de sélectionner son achat puisqu’on sélectionne un bien durablement consacré à la location dans un ensemble immobilier qui, lui, n’est pas totalement à caractère social.