Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2016

 

Article

Howard GLUCKMAN 1*   Jonathan DU TOIT 2**   Maurice SALAMA 3***  


*1- BDS, MChD (OMP)
Specialist in periodontics and oral medicine, director of the Implant and Aesthetic Academy, Le Cap (Afrique du Sud)
**2- BChD, Dipl. Implantol., Dip Oral Surg, Postgraduate student, School of Oral Health Sciences, University of the Witwatersrand, Johannesburg (Afrique du Sud)
***3- DMD Private practice, Atlanta (États-Unis)

Résumé

Résumé

L'effondrement vestibulo-palatin de la crête représente un défi important en dentisterie implantaire. L'introduction de la technique du bouclier alvéolaire offre un complément prometteur lors d'une implantation immédiate, bien qu'il n'existe peu ou pas de publications sur ce sujet, ni sur ses performances lors de complications de traitements implantaires bien connus. Cet article est sans doute le premier rapport de cas d'un traitement réussi pour traiter une complication de fenestration apicale dans la zone esthétique en utilisant simultanément la technique du bouclier alvéolaire.

Une patiente adulte présentait des incisives maxillaires non rétentrices qu'il n'était pas raisonnable de traiter par section radiculaire pour préparer des boucliers alvéolaires et placer des implants immédiats individuels avec leurs piliers. La tomographie en cone beam préopératoire indiquait une possibilité de fenestration apicale au niveau de chaque apex dentaire, ce qui s'est confirmé lors de la pose des implants. Un lambeau esthétique vestibulaire a permis d'exposer la zone et la complication a pu être gérée avec une technique de régénération osseuse guidée.

Les implants se sont ostéo-intégrés sans autre complication et le suivi au bout de 2 ans montre un résultat esthétique réussi.

La technique du bouclier alvéolaire est une aide très prometteuse dans le traitement implantaire et les résultats présentés dans cet article sont sans doute une première dans l'utilisation de cette technique pour gérer une complication.

Summary

Abstract

Buccopalatal collapse of the ridge poses a significant challenge in implant dentistry. The introduction of the socket-shield technique offers a promising adjunct to immediate implant placement, yet little to no literature exists thereof, nor its performance during known implant therapy complications. Herein is possibly the first case report of successful treatment of apical fenestration complication in the esthetic zone simultaneous to the socket-shield technique.

An adult female patient had ferrule-less maxillary incisor teeth that were irrational to treat sectioned to prepare socket-shields and immediately placed implants customized with abutments. Preoperative cone beam tomography indicated a possibility of apical fenestrations at each tooth apex, which was evident at implant placement. An esthetic buccal flap exposed the area and the complication managed with a guided bone regeneration procedure.

The implants osseointegrated without further complication and a 2 year follow up demonstrated an esthetically pleasing outcome.

The socket-shield technique is a highly promising addition to the implant therapy milieu and the results from this case report is possibly the first contribution to observing the procedure in conjunction to the management of a complication.

Key words

Socket-shield technique, dental implant, complications, guided bone regeneration.

Introduction

L'implantation immediate (de type 1) est une option thérapeutique reconnue avec un taux de succès avéré pour remplacer des dents manquantes au maxillaire comme à la mandibule (Lang et al., 2012). Bien que les taux de succès des techniques d'implantation immédiate et différée soient très similaires, il existe des preuves incontestables montrant qu'avec une implantation immédiate, on peut s'attendre à voir apparaître une récession de la gencive marginale en vestibulaire d'au moins 1 mm, avec une progression de cette récession pour les biotypes gingivaux fins (Chen et Buser, 2014). Il se produit également un effondrement vestibulo-palatin important qui, dans certains cas, peut atteindre jusqu'à 50 % de la largeur de la crête, et ce dans un laps de temps très court (Schropp et al., 2003). Cela peut sembler peu ou moyennement important dans les zones où l'esthétique n'est pas une préoccupation majeure. Cependant, cette récession et cet effondrement de la crête peuvent conduire à un désastre esthétique dans des zones telles que le maxillaire antérieur.

Cela peut se présenter sous forme d'une asymétrie gingivale entre la restauration implanto-portée et les dents adjacentes, ou comme une concavité suivant l'effondrement de la crête qui crée une ombre apicale au niveau de la restauration implantaire, et ces mauvais résultats thérapeutiques soulignent le manque tissulaire dans cette zone (Levine et al., 2014). Une ligne de sourire basse, un morphotype gingival épais et les cas d'implant unitaire peuvent masquer ces mauvais résultats jusqu'à un certain point mais pour les patients avec une ligne du sourire haute, ceux qui ont une forte demande esthétique, un morphotype gingival très fin ou encore un nombre important de dents absentes, avec manque important de perte tissulaire, le risque d'un échec esthétique est beaucoup plus élevé.

L'introduction de la technique du bouclier alvéolaire apporte un complément thérapeutique prometteur pour écarter ces risques et gérer des situations où l'esthétique présente de tels défis (Hürzeler et al., 2010). Le principe de cette technique consiste à préparer la racine d'une dent destinée à l'extraction de telle façon que la partie vestibulaire de racine sectionnée demeure in situ avec son attache physiologique à la corticale vestibulaire laissée intacte. Le système d'attache parodontale (ligament parodontal, fibres d'attache, vascularisation, cément radiculaire, os fasciculé, os alvéolaire vestibulaire) est laissé en place, intact et vivant, de façon à circonvenir le remodelage attendu d'une alvéole d'extraction et la récession tissulaire qui s'ensuit.

Il existe bon nombre de raisons justifiant l'extraction d'une dent (Andersson, 2014). Elles vont d'une perte d'os importante d'origine parodontale aux caries et aux échecs endodontiques. Les échecs endodontiques comportent leur propre ensemble de défis dans la mesure où ils peuvent entraîner une destruction de la corticale vestibulaire résultant d'une pathologie apicale ou d'une chirurgie endodontique précédente (Sheikh et al., 2015). Cela étant dit, l'implantation immédiate dans des alvéoles d'extraction présentant une infection apicale est bien documentée et les taux de succès par rapport à des sites non infectés sont comparables, à condition qu'un certain nombre de critères soient réunis (Jung et al., 2013). Dans l'éventualité d'une fenestration apicale, la régénération osseuse guidée (ROG) s'est avérée être une option thérapeutique efficace lorsqu'elle est utilisée en même temps que la pose de l'implant (Chiapasco et Zaniboni, 2009). Steigmann et Wang ont introduit le lambeau esthétique vestibulaire qui permet un accès plus large au site de façon plus simple, avec moins de risque de compromettre la gencive marginale, comme c'est le cas avec les tracés de lambeaux conventionnels (Steigmann et Wang, 2006). La technique du bouclier alvéolaire apporte une solution prometteuse pour la gestion des tissus vestibulaires lors de l'implantation ; cependant, sa performance en cas de complications telle que la fenestration apicale nécessite d'être mieux documentée. Cet article présente un cas clinique dans lequel toutes ces techniques sont associées pour traiter avec succès un patient présentant des couronnes à tenon défectueuses et une pathologie apicale qui a détruit la corticale vestibulaire à la suite d'un échec de traitement endodontique.

Présentation du cas clinique

Une patiente de 55 ans s'est présentée pour un traitement définitif de ses incisives centrales maxillaires déjà largement traitées (fig. 1). Les deux dents avaient subi un traitement canalaire et, au bout de quelques années, leurs restaurations corono-radiculaires nécessitaient de fréquents rescellements. Les racines support manquaient de rétention et nécessitaient une élongation coronaire avec une reconstruction des prothèses fixées ou un traitement implantaire. C'est ce dernier qui a été choisi. En l'absence de mobilité dentaire ou radiculaire, une implantation immédiate associée à une technique du bouclier alvéolaire a été programmée. La tomographie en cone beam (CBCT, cone beam computed tomography) des sites montre une pathologie apicale impliquant les deux racines avec une possibilité de fenestrations osseuses dans ces zones (fig. 2). Une ROG a donc été programmée pour gérer ces fenestrations. Les restaurations coronaires des deux dents ont été déposées, ce qui a permis d'observer le manque de rétention et de tissu dentaire coronaire support (fig. 3). Les racines des dents 11 et 21 ont ensuite été sectionnées selon leur grand axe jusqu'à la partie la plus apicale possible, et en direction mésio-distale à l'aide d'une longue fraise à résection (Komet Dental, Allemagne) (fig. 4), le but étant de préserver la moitié vestibulaire de la racine intacte. Des périotomes ont été insérés entre la moitié palatine de la racine sectionnée et la paroi de l'alvéole pour détacher le ligament parodontal, et cette moitié de racine a ensuite été soigneusement débarrassée de son apex et du tissu pathologique qui y était rattaché, en prenant soin de ne pas détacher la moitié vestibulaire de la racine sectionnée (fig. 5). Cette moitié a ensuite été taillée et réduite coronairement à 1 mm au-dessus de la crête alvéolaire, puis elle a été légèrement affinée en utilisant une longue fraise boule diamantée (Komet Dental, Allemagne) en direction mésio-distale, laissant en place ce que l'on appelle les boucliers alvéolaires (fig. 6). La partie apicale de l'alvéole dentaire a ensuite été curetée pour éliminer tout résidu infecté et chaque bouclier a été vérifié en appliquant une sonde pointue à sa surface pour confirmer l'absence de mobilité. Une fois les boucliers alvéolaires préparés dans les sites d'extraction, un lambeau esthétique vestibulaire a été réalisé pour obtenir un large accès aux zones apicales qui présentaient une fenestration au niveau de chaque apex radiculaire (fig. 7). Ces fenestrations apicales ont ensuite été élargies pour accéder à la partie apicale des boucliers alvéolaires afin de vérifier que tout le tissu infecté avait bien été éliminé de ces zones (fig. 8). Des ostéotomies ont ensuite été réalisées et un implant NobelActive 4,3 × 11 mm (Nobel Biocare, Suisse) à connexion interne a été posé dans chaque site (fig. 9 et 10). Les fenestrations ont ensuite été greffées avec une association de particules d'os autogène récoltées à l'aide d'une aspiration munie d'un système de trappe à os (Anthogyr, France), puis de particules de matériau xénogénique (OsteoBiol®, Tecnoss Dental, Italie) (fig. 11 et 12). Les particules ont ensuite été recouvertes avec des membranes d'A-PRF®, puis avec une membrane de péricarde d'origine porcine (Jason®, Botiss) (fig. 13 et 14). Le lambeau a ensuite été suturé avec des points séparés à l'aide d'une suture en Nylon 6/0, des piliers provisoires cylindriques en titane ont été fixés, et l'hiatus a été comblé avec les mêmes particules d'os xénogénique (fig. 15). Les implants ont acquis une stabilité primaire à partir de l'os apical et palatin, toutefois insuffisante pour réaliser une temporisation et une mise en charge immédiate. Les piliers ont été dessinés avec des profils d'émergence qui soutenaient les tissus coronaires (fig. 16) et une prothèse partielle amovible en résine sans interférence avec les implants a restauré temporairement l'espace édenté pour la durée de la cicatrisation.

La cicatrisation s'est effectuée sans problème et sans aucun signe d'infection ou autre complication lors du suivi à 24 heures et 1 semaine. Neuf semaines après l'implantation, la patiente est revenue pour continuer la phase restauratrice du traitement (fig. 17). Les quotients de stabilité implantaire étaient de 80 environ, démontrant ainsi le succès de l'ostéo-intégration des deux implants. Les implants ont ensuite été restaurés avec des piliers en zircone et des couronnes en céramique scellées. Lors de la visite de suivi au bout de 2 ans, aucun signe d'infection, de complication ou d'exposition de l'un ou l'autre des implants n'a été observé. Les radiographies ont révélé que l'os interproximal au niveau des implants s'était bien maintenu (fig. 18) et les CBCT ont montré une bonne épaisseur des tissus en vestibulaire des deux implants (fig. 19). Les tissus en vestibulaire des deux implants étaient sains et sans signes de récession, ce qui a permis d'obtenir un résultat à la fois agréable et esthétique (fig. 20 à 23).

Discussion

Ce rapport de cas clinique confirme la preuve de principe publiée par Hürzeler et al. indiquant que la préservation de la moitié vestibulaire de la racine en même temps que l'implantation immédiate peut conduire à une ostéo-intégration sans résorption de la corticale vestibulaire située en regard de l'implant. La technique offre une solution à la fois excitante et prometteuse pour aider à contourner les complications associées à l'implantation immédiate. Parmi les protocoles d'implantation, l'implantation et la mise en charge immédiates des implants dentaires dans la zone esthétique antérieure sont les plus « à risque » et la temporisation de l'implant pour créer un profil d'émergence est d'une importance capitale dans la cicatrisation et le support des tissus péri-implantaires fragiles et sensibles à la résorption, à la récession et aux complications (Gluckman et Du Toit, 2014). Le chirurgien implantologiste doit classiquement choisir entre le protocole d'implantation immédiate avec un comblement du hiatus, avec ou sans renforcement des tissus mous vestibulaires, ou une approche différée avec une intervention chirurgicale supplémentaire pour corriger l'éventuelle résorption qui en résulterait. L'augmentation vestibulaire par ROG, avec ou sans greffe de tissu mou, ne peut le compenser que partiellement (Bäumer et al., 2015). Il était donc souhaitable de trouver une autre solution et les avantages liés à l'introduction de la technique du bouclier alvéolaire dans la dentisterie implantaire s'avèrent appréciables (tableau 1).

Publiée pour la première fois en 2010, la technique du bouclier alvéolaire repose sur des concepts antérieurs selon lesquels la préservation d'une dent limite les altérations tissulaires après extraction (Hürzeler et al., 2010). Malmgren a sans doute été le premier à proposer l'élimination de la partie coronaire de dents ankylosées et, par la suite, le concept de la préservation de crête par la conservation de la racine a été démontré dans de nombreux rapports (Malmgren et al., 1984 ; Malmgren, 2000 ; Malmgren et Malmgren, 2002 ; Cohenca et Stabholz ; 2007 ; Sapir et Shapira, 2008). Il a été démontré que la préservation d'une partie de la dent avec son ligament parodontal, ses fibres et son réseau vasculaire interconnecté avec de l'os fasciculé permettait d'éviter le remodelage physiologique d'une alvéole d'extraction et de la crête alvéolaire et, ainsi, de retenir ces tissus délicats que sont le ligament parodontal, l'os fasciculé, la corticale vestibulaire et la muqueuse kératinisée qui la recouvre (Filippi et al., 2001).

La nécessité d'une gestion de la crête après extraction a été mise en avant dans de nombreuses recherches qui décrivent les modifications dimensionnelles se produisant après l'avulsion d'une dent et les effets néfastes de ces modifications pour le traitement implantaire (Hämmerle et al., 2012). Cela est encore plus pertinent dans le secteur esthétique, où les défauts des tissus durs et mous ont une influence encore plus négative sur le positionnement idéal d'un implant guidé par la prothèse avec un compromis esthétique potentiel (Kuchler et von Arx, 2014). La perte tissulaire au niveau d'une alvéole d'extraction est le résultat direct d'une rupture du complexe os-ligament parodontal-dent. L'os fasciculé issu d'un ligament parodontal mis en charge fonctionnellement est perdu après extraction, ce qui entraîne une récession presque certaine des tissus vestibulaires résiduels (Gluckman et Du Toit, 2015). De nombreuses études montrent que la pose d'un implant est couronnée de succès en termes d'ostéo-intégration dans des alvéoles d'extraction immédiates, mais qu'elle ne compense pas les altérations tissulaires postextractionnelles (Bäumer et al., 2015). Il est maintenant bien établi, dans la littérature médicale, que la préservation de la crête est un complément appréciable dans le traitement implantaire pour prévenir cette perte tissulaire (Kuchler et von Arx, 2014). Cependant, les techniques permettant de limiter la récession tissulaire lors d'une implantation immédiate sont peu nombreuses et sans doute pas totalement fiables ni prédictibles (Bäumer et al., 2015). Le maintien complet du volume de la crête après extraction d'une dent avec des techniques de préservation utilisant les matériaux actuels comme moyen de prévention primaire n'est pas encore possible. Néanmoins, comme cela a été dit précédemment, la préservation des racines dans les procès alvéolaires maintient le volume de la crête (Andersson et al., 2003). Et cela n'est pas un concept entièrement nouveau. Il y a plus de 3 décennies de cela, les publications rapportaient déjà l'obtention d'une régénération osseuse réussie autour de racines dentaires enfouies, précisaient que de l'os pouvait se former coronairement à ces dents enfouies et que même un nouveau cément et un nouveau tissu conjonctif pouvaient se former coronairement par-dessus des dents enfouies (O'Neal et al., 1978). L'enfouissement de racines pour créer un site d'intermédiaire de bridge là où la totalité du système d'attache avait été maintenue avec une préservation totale de la crête alvéolaire a été démontré (Salama et al., 2007). Plus récemment, ont été publiés des rapports de cas décrivant des implants dentaires insérés au contact de fragments radiculaires ankylosés sans aucune complication pathologique après leur mise en charge. L'ensemble de ces concepts a permis d'envisager à l'hypothèse du maintien de l'esthétique vestibulaire par l'insertion d'implants immédiats placés en lingual d'une racine dentaire préparée – c'est-à-dire la technique du bouclier alvéolaire (Hürzeler et al., 2010).

L'histologie apportée par Hürzeler et al. a confirmé la présence d'un système d'attache du bouclier alvéolaire à la corticale vestibulaire via un ligament parodontal physiologique et dépourvu de toute réponse inflammatoire (Hürzeler et al., 2010). La corticale osseuse vestibulaire montre une absence d'activité ostéoclastique – une absence de remodelage actif. La face interne du bouclier alvéolaire présente du cément et du tissu conjonctif néoformés qui la rattachent à la surface implantaire. Le tissu mou coronaire montre un épithélium de jonction fonctionnel également dépourvu de toute réponse inflammatoire qui forme une attache et une jonction au niveau du cément néoformé sur la face interne du bouclier alvéolaire. Des auteurs stipulent que c'est le résultat direct provenant des dérivés de la matrice amélaire (Emdogain, Straumann®). De plus, le rapport d'origine montre qu'au niveau apical, les sommets des spires implantaires sont intégrés à l'intérieur du cément là où l'implant est en contact avec le bouclier alvéolaire. Les zones situées entre les spires de l'implant sont remplies d'un tissu amorphe minéralisé et de tissu conjonctif. Au niveau apical, le cément nouvellement formé réalise un pontage entre la dentine du bouclier alvéolaire et la surface implantaire.

Ces images histologiques prouvent qu'il y a une interaction remarquable entre ces tissus et l'implant. Le résultat clinique du rapport d'Hürzeler et al. montre une ostéo-intégration réussie de l'implant placé en même temps que la réalisation de la technique du bouclier alvéolaire et une restauration dont le rendu esthétique se fond littéralement avec l'incisive centrale maxillaire adjacente. Bien que les auteurs rapportent que les tissus vestibulaires sont préservés, il faut noter que la préservation totale n'a encore jamais été démontrée à ce jour. Dans leur étude, Bäumer et al. trouvent une perte moyenne de 1 mm en direction vestibulaire après la mise en place des restaurations finales (Bäumer et al., 2015). Chen et al., dans leur rapport de cas, ont mesuré 0,72 mm de résorption vestibulaire (Chen et al., 2013).

Aussi passionnantes les perspectives générées par la technique du bouclier alvéolaire soient-elles, pour pouvoir appliquer en toute sécurité une technique nouvelle, il faut des études cliniques à long terme et des résultats histologiques objectifs, et ces données sont encore absentes à ce jour. Il n'existe qu'une seule publication parue 4 ans après les premières données histologiques et cliniques publiées sur la technique du bouclier alvéolaire (Siormpas et al., 2014). Néanmoins, ses auteurs sont les premiers à fournir des données à long terme (suivis inégaux mais d'un minimum de 24 mois) sur ce protocole de rétention d'un fragment radiculaire, ainsi qu'un nombre significatif de sites implantaires et de patients (n = 46). Leurs résultats montrent 100 % d'ostéo-intégration dans tous les cas. Dans cette série de cas, ils mesurent la hauteur de l'os crestal en mésial et en distal des sites d'extraction et montrent une perte d'os crestal très faible, respectivement de l'ordre de 0,18 þ 0,09 et 0,21 þ 0,09 mm. Cependant, ils ne présentent aucune donnée montrant une absence totale d'effondrement vestibulo-palatin. Il est plus important de relever les différences entre les méthodologies appliquées. Siormpas et al. ont préparé l'ostéotomie du site implantaire en forant à travers la racine intacte préexistante. Après la préparation de l'ostéotomie vestibulaire et linguale, les fragments radiculaires ont été séparés. Cette approche est différente de celle de la technique du bouclier alvéolaire d'origine et de celle présentée ici. On peut préciser que le forage à travers la racine dentaire est néfaste pour les forets implantaires et peut léser le système d'attache du bouclier alvéolaire à l'os fasciculé. Alors que Siormpas et al. ne rapportent aucune complication, les auteurs du présent article suggèrent une préparation complète du bouclier alvéolaire avant de préparer le site du futur intermédiaire de bridge ou d'une éventuelle implantation immédiate.

De plus, il existe actuellement très peu de rapports de cas dans la littérature scientifique (tableau 2), dont certains ne sont pas tout à fait conformes au protocole d'origine. Dans la technique modifiée/proximale du bouclier alvéolaire rapportée par Kan et Rungcharassaeng l'hiatus est comblé avec une xénogreffe (Bio-Oss®, Geistlich) et les tissus mous en vestibulaire de l'implant sont également augmentés simultanément à l'aide d'une greffe de tissu conjonctif (Kan et Rungcharassaeng, 2013). Ces auteurs ont également sectionné le bouclier alvéolaire en fragments mésial et distal en vue d'une préservation papillaire, au lieu de réaliser une section vestibulo-linguale de la racine. Cherel et Étienne ont également rapporté une technique de préservation papillaire en modifiant celle du bouclier alvéolaire de façon semblable et en comblant également l'hiatus avec une xénogreffe (Bio-Oss®, Geistlich) (Cherel et Étienne, 2014). La méthodologie utilisée pour le cas présenté dans cet article, en dehors du comblement de la fenestration résultant d'une complication, respecte le protocole d'origine pour la préparation du bouclier alvéolaire, son objectif visant à préserver les tissus vestibulaires, mais avec un comblement du hiatus à l'aide d'une xénogreffe (Bio-Oss®, Geistlich). Le groupe qui a travaillé sur le protocole d'origine a rapporté par la suite l'obtention d'un comblement osseux entre le bouclier alvéolaire et l'implant en l'absence de toute application de dérivés de la matrice amélaire au niveau de la racine sectionnée, et cette méthodologie est également reproduite dans le cas clinique présenté dans cet article (Bäumer et al., 2015).

De plus, il existe actuellement très peu de données, voire aucune, sur les performances de cette technique dans différentes situations cliniques. Les complications attendues et connues associées à la dentisterie implantaire telles que l'infection, l'échec de l'ostéo-intégration, la récession, la fenestration/déhiscence avec exposition de l'implant, etc., et les performances de la technique du bouclier alvéolaire utilisée en même temps qu'un tel protocole implantaire sont totalement inconnues. Il n'existe qu'une seule publication dans la littérature médicale qui rapporte l'utilisation de la technique du bouclier alvéolaire appliquée à des dents monoradiculées présentant des fractures radiculaires verticales chez 3 chiens beagle (Bäumer et al., 2015). On peut espérer que les attentes prometteuses de cette technique prouveront rapidement, via les publications, les résultats de telles applications cliniques. C'est en cela qu'est présentée ici une première : une implantation immédiate avec la technique du bouclier alvéolaire qui nécessite la gestion d'une fenestration résultant d'une complication dans la région apicale de deux implants dans une zone hautement esthétique. Une revue systématique de la littérature médicale atteste que le traitement de fenestrations et de déhiscences ‒résultant d'une complication d'un traitement implantaire ‒ à l'aide d'une ROG présente un taux de succès de 95,7 % (en moyenne) (Chiapasco M, Zaniboni, 2009). Le rapport de ce cas clinique démontre qu'en présence d'une telle fenestration, le défaut de crête peut être greffé avec succès grâce à des techniques de ROG bien connues, sans effets délétères sur le résultat de la technique du bouclier alvéolaire ni sur le succès de la restauration implantaire. Dans le cas présent, les greffes ont cicatrisé, les deux implants présentent une ostéo-intégration réussie avec des valeurs QSI de l'ordre de 80 lors de la phase restauratrice et l'aspect clinique au dernier jour du traitement ainsi qu'au bout de 2 ans de suivi montre des tissus péri-implantaires sains, en bonne santé et esthétiques.

En guise de conclusion

La technique du bouclier alvéolaire semble offrir une solution lors des difficultés rencontrées pendant la gestion postextractionnelle des tissus, la préservation de la crête et la préparation du site. L'implantologiste doit s'attendre à des complications dans sa pratique quotidienne, bien que les relations entre ces complications et la nouvelle technique du bouclier alvéolaire ne soient pas encore bien connues. Cette présentation d'un cas clinique portant sur une implantation immédiate et l'application simultanée de la technique du bouclier alvéolaire, avec une fenestration résultant d'une complication ayant été greffée avec succès grâce à une technique de ROG, illustre un élargissement de l'application de cette nouvelle technique. L'absence de données observée dans la littérature sur la gestion du bouclier alvéolaire associée à des complications et son succès à long terme nécessite une participation urgente des cliniciens pratiquant cette technique afin de contribuer à la constitution d'une base de connaissances suffisante pour que cette technique puisse être proposée de façon routinière dans la préservation de crête et l'implantation immédiate simultanées. À ce jour, la technique se révèle très prometteuse et détient un potentiel significatif dans le domaine de la dentisterie esthétique et restauratrice.

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