ENQUÊTE
Installées officiellement il y a 10 mois, les 26 ARS1 se mettent progressivement en place en même temps qu’elles élaborent chacune un plan régional de santé pour le dernier trimestre de 2011. Alors que les élections viennent de donner à la profession des représentants auprès de ces agences, quelles évolutions prévoir ?
Deux praticiens impliqués syndicalement dans les régions Pays de la Loire et Midi-Pyrénées, Dominique Brachet (CNSD2) et Alain Dary (UJCD3), donnent leur point de vue. Évelyne Baillon-Javon, chirurgien-dentiste conseil devenue directrice de la prévention et de la promotion de la santé à l’ARS Île-de-France, explique comment la profession pourra participer au programme de prévention de l’ARS.
Dominique Brachet se montre optimiste. Pour ce responsable de la CNSD en Vendée, tête de liste du syndicat pour les Pays de la Loire aux élections à l’URPS4, l’installation de l’ARS constitue une occasion pour faire avancer des dossiers qui jusqu’à présent ne trouvaient pas suffisamment de soutien. Exemple : deux réseaux mis en place il y a quelques années pour les soins aux personnes âgées de 15 maisons de retraite et de maisons mutualistes de Vendée ont dû suspendre leur activité au bout de 3 ans faute de moyens. « On peut penser que l’ARS se saisira du problème des soins aux personnes âgées et généralisera les solutions qui marchent à un territoire ou même à la région. »
Autre opportunité à saisir avec la réforme : l’importance croissante donnée à l’avis des associations de patients dans les instances. « Si nous faisons porter nos revendications vis-à-vis des pouvoirs publics par les usagers, nos chances de les voir aboutir seront beaucoup plus importantes qu’avant », remarque le responsable syndical qui, avec les autres professions de santé de sa région, a déjà organisé des rencontres avec les usagers.
Mais pour faire avancer dans le bon sens les dossiers qui intéressent la profession, il faut aussi « être présent lors des discussions et participer activement aux instances régionales et en particulier à la CRSA5 », note D. Brachet. Les projets concernant la démographie illustrent bien cette nécessité. Les ARS incitent au regroupement des professions de santé dans des maisons et imaginent le déplacement hebdomadaire de médecins de ces structures vers des points de consultation situés dans des communes désertées par les praticiens. Dans ce type de projet, « les plateaux techniques ne sont jamais pris en compte. Les chirurgiens-dentistes ont d’abord besoin de se regrouper entre eux pour disposer de plateaux techniques qui permettent des soins de qualité. Ensuite, il faut s’organiser pour faire venir les patients », plaide D. Brachet pour la profession. Le financement des regroupements pourrait d’ailleurs être l’un des thèmes de travail de l’URPS.
Être présent et vigilant dans les instances régionales est d’autant plus important que la nouvelle organisation de la santé « ouvre la porte à des modes de fonctionnement spécifiques alors que jusqu’à présent, la même règle s’appliquait à tous ». Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) permettent par exemple à l’ARS de passer des accords avec des groupes de praticiens sur des modes de rémunération différents (forfait) dans le cadre de la constitution de maisons de santé ou d’accords sur la permanence des soins.
Alain Dary, responsable de l’UJCD en Midi-Pyrénées et tête de liste du syndicat pour les élections à l’URPS de la région, insiste sur le « vaste champ d’intervention » que la loi HPST6 donne à chaque ARS. L’agence est appelée à réguler l’offre de soins pour répondre aux besoins, s’impliquer dans la formation, veiller à la sécurité des soins et à l’accès aux soins de tous et particulièrement des personnes en situation de précarité… Elle s’occupe même de la promotion de la santé (alimentation équilibrée, activité physique, lutte contre les addictions…). « Quand elle aura investi tous ses champs d’intervention, l’ARS sera une organisation puissante dans une région », prévient-il.
Le volet de la loi concernant « la coopération entre professionnels de santé » laisse penser que dans les zones désertifiées, « l’ARS puisse donner un agrément à des praticiens nomades exerçant en implantologie pour qu’ils interviennent dans le cabinet de confrères après avoir soumis un protocole de coopération à l’ARS ». En confiant aussi la sécurité des soins à l’ARS, la loi peut leur permettre de devenir « l’organisme auprès duquel nous présenterons nos résultats en matière de stérilisation et de rayonnement… L’agence pourrait même être amenée à entrer dans les cabinets pour vérifier qu’ils sont conformes aux normes », pense A. Dary.
Quel rôle vont pouvoir jouer les professionnels de santé dans cette nouvelle organisation ? « Nous ne sommes pas décisionnaires de la politique. Elle sera définie par l’ARS, en concertation avec nous ou sans nous », estime A. Dary, qui reconnaît en même temps qu’avec les URPS, « les professionnels ont un budget et une large capacité de proposition ».
1. Agence régionale de santé.
2. Confédération nationale des syndicats dentaires.
3. Union des jeunes chirurgiens-dentistes.
4. Union régionale des professions de santé.
5. Conférence régionale de la santé et de l’autonomie.
6. Hôpital, patients, santé et territoires.
• Mettre en œuvre au niveau régional la politique de santé publique.
• Réguler, orienter et organiser l’offre de services de santé, notamment avec les professionnels de santé. L’ARS :
– contribue à évaluer et à promouvoir la qualité des formations des professionnels de santé ;
– autorise la création et les activités des établissements et services de santé ;
– veille à la répartition territoriale de l’offre de soins pour satisfaire les besoins de santé de la population ;
– contribue à mettre en œuvre un service unique d’aide à l’installation des professionnels de santé ;
– veille à la qualité et à la sécurité des actes médicaux ;
– veille à assurer l’accès aux soins de santé des personnes en situation de précarité ou d’exclusion ;
– définit et met en œuvre les actions régionales prolongeant et complétant les programmes nationaux de gestion du risque (contrôle et amélioration des modalités de recours aux soins et des pratiques des professionnels de santé en médecine ambulatoire et dans les établissements et services de santé et médico-sociaux).
Créées le 1er avril 2010 dans les 22 régions françaises et les 4 régions des DOM, les ARS issues de la loi hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 ambitionnent d’améliorer la santé de la population et d’accroître l’efficacité du système de santé.
L’idée a été de renforcer l’ancrage régional de la politique de santé pour l’adapter aux spécificités de chaque territoire. Tous les organismes auparavant chargés des politiques de santé dans chaque région ont été regroupés sous la houlette d’une seule agence dirigée par un directeur nommé par le gouvernement (voir schéma). Les 26 agences regroupent 9 500 agents et sont dotées d’un budget moyen de 40 millions d’euros. Mais le budget qu’elles régulent dans les champs hospitalier et médico-social, de la prévention et des réseaux avoisine 40 milliards d’euros.
Ces ARS doivent remplir les objectifs nationaux fixés pour une période de 3 ans de 2010 à 2013 : améliorer l’espérance de vie en bonne santé, promouvoir l’égalité devant la santé et élaborer un système de santé de qualité, accessible et efficient.
Pour agir, les ARS disposent de plusieurs leviers. Elles établissent un projet régional de santé (PRS) qui est constitué de trois schémas régionaux :
• prévention ;
• organisation médico-sociale ;
• organisation des soins (schéma régional d’organisation des soins, SROS).
Le SROS, en particulier, indique, par territoire de santé, les besoins en implantation de professionnels de santé, de centres de santé, de maisons de santé et de réseaux. Il détermine les zones de mise en œuvre des mesures prévues pour l’installation des professionnels et des établissements, selon les dispositions instaurées par arrêté ministériel.
Il n’est pas opposable.
Pour mettre en œuvre son projet de santé, l’ARS peut contractualiser. Avec les établissements, elle peut conclure des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) qui conditionnent le versement d’aides financières ou de subventions. Avec les professionnels, elle peut établir des contrats d’amélioration des pratiques qui pourront porter sur la participation à des actions de dépistage et de prévention, sur la continuité et la coordination des soins, les conditions d’installation, la permanence des soins et l’amélioration des pratiques.
Face à l’ARS, la CRSA, qui compte une centaine de membres dont un chirurgien-dentiste, donne son avis sur le projet régional de santé, peut faire des propositions au directeur de l’ARS et évalue les politiques de santé de la région.
Pour Pierre-Louis Bras, inspecteur à l’Inspection générale des Affaires sociales : « la caisse d’Assurance maladie (CNAM) a gardé l’essentiel de ses prérogatives. À travers la convention, elle maîtrise le nerf de la guerre, c’est-à-dire les tarifs… Elle peut donc peser sur la manière dont évolue notre système de ville. »