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A.S. VAILLANT-CORROY / P. CORNE
• Mise en place du champ opératoire étanche.
• Préparation des structures dentaires et du logement canalaire (fig. 1). Veillez à bien retirer la gutta percha™ et le ciment canalaire sur les parois dentaires.
• Vérification de la profondeur par contrôle radiographique (fig. 2).
• Essayage et adaptation du tenon calibré en...
Prérequis
Obturation étanche et tridimensionnelle de la racine à l'aide d'un traitement endodontique.
Liste de matériel
– Matériel pour la mise en place du champ opératoire (feuille de digue, crampon, pince à crampon).
– Matrice de coffrage.
– Contre angle rouge.
– Contre angle vert.
– Fraises et forêts.
– Lampe à photo-polymériser.
Liste des matériaux
– Microbrush.
– Pointes de papier.
– Tenon fibré calibré.
– Éthanol ou acide orthophosphorique à 35 %.
– Agent de couplage (Monobond Plus™).
– Adhésif SAM (Multilink™).
– Résine composite dual de collage (Multilink™).
– Résine composite dual de reconstruction.
• Mise en place du champ opératoire étanche.
• Préparation des structures dentaires et du logement canalaire (fig. 1). Veillez à bien retirer la gutta percha™ et le ciment canalaire sur les parois dentaires.
• Vérification de la profondeur par contrôle radiographique (fig. 2).
• Essayage et adaptation du tenon calibré en le sectionnant à l'aide d'un disque diamanté pour qu'il soit à 2 mm maximum en dessous de la hauteur coronaire finale du pilier (fig. 3, 4). Le but est d'éviter de devoir le fraiser après mise en place de la résine composite.
• Décontamination du tenon dans de l'éthanol pendant 3 minutes (ou mordançage à l'acide orthophosphorique 30 secondes puis rinçage 30 secondes) et séchage.
• Application active (frottement) à l'aide d'une microbrush de l'agent de couplage (silane) sur le tenon : 3 couches de 20 secondes et sécher entre chaque couche.
• Rinçage et séchage soigneux du canal à l'aide de pointes papiers.
• Étape accessoire : Application active (frottement) de l'adhésif (SAM préconisé) sur les parois dentaires à l'aide d'une microbrush pendant 15 secondes (fig. 5), séchage canalaire à l'aide d'une pointe papier pour absorber l'excès d'adhésif et séchage au spray pour aider à l'évaporation des solvants (± photopolymérisation).
• Injection de la résine composite dual à l'aide d'un embout fin dans le canal (fig. 6) ou apposition de la résine composite sur le tenon uniquement (fig. 7).
• Mise en place du tenon dans le canal (fig. 8).
• Mise en place de la matrice de coffrage (fig. 9) et photo-polymériser 40 secondes (fig. 10).
• Remplissage de la matrice de coffrage de résine composite (fig. 11).
• Photo-polymérisation de 5 secondes et retrait des excès.
• Photo-polymérisation complète : 40 secondes par face.
• Dépôt de la matrice et mise en forme du pilier.
• Au besoin ajout de résine composite.
• Retrait du champ opératoire et finalisation de la mise en forme du pilier et polissage (fig. 12).
L'optimisation des procédures d'adhésion et le développement des matériaux de substitution aux tissus dentaires ont entraîné une évolution des principes de préparations cavitaires et permis l'essor d'une dentisterie plus conservatrice [1]. Cette approche respecte ainsi le principe d'économie tissulaire [2] et intègre des matériaux de substitution aux aspects et aux comportements mécaniques biomimétiques. Lors de la réalisation d'une restauration corono-périphérique, il s'avère encore souvent nécessaire, par manque de rétention, de réaliser une restauration corono-radiculaire. Cet ancrage radiculaire est nécessaire en raison de parois dentinaires trop faibles qui ne permettent pas d'obtenir un effet ferrule suffisant. Dans ce cas, deux techniques opératoires s'offrent au praticien : une reconstitution corono-radiculaire foulée, ou directe (RCRD) ou indirecte (RCRI, plus connu sous le nom d'inlay-core). L'avènement de la dentisterie adhésive a permis d'élargir l'éventail thérapeutique des RCRD avec l'utilisation des tenons fibrés, apparus sur le marché il y a maintenant une vingtaine d'années. Ils sont aujourd'hui largement employés en raison de leur module d'élasticité très similaire à celui de la dentine [3], ce qui permet d'améliorer la répartition des contraintes exercées sur la racine [6]. Mais leur utilisation nécessite de respecter non seulement leur domaine d'indication mais également leur procédé de réalisation afin de limiter le risque d'aléa thérapeutique.
Ce choix se fait en fonction de plusieurs critères : tout d'abord, la situation de la dent sur l'arcade (les dents antérieures sont soumises à des forces de cisaillement avec un risque de bras de levier majoré comparé au secteur postérieur), ensuite le nombre de parois résiduelles et leur épaisseur, et pour finir, les forces qui s'exerceront sur la restauration. En résumé, on envisage une RCRD :
• pour une dent postérieure : dans le cadre d'une occlusion favorable avec un minimum de deux parois d'une hauteur équivalente à la moitié de leur hauteur initiale ;
• pour une dent antérieure, ou dans un contexte occlusal défavorable avec un minimum de trois voire quatre parois d'une hauteur équivalente à la moitié de leur hauteur initiale.
Les valeurs varient également en fonction du matériau choisi pour la restauration corono-périphérique. Il est nécessaire d'avoir une épaisseur de parois résiduelles plus importante, au minimum 2 mm, pour une restauration esthétique en céramique, contrairement aux restaurations métalliques (ou avec un bandeau métallique) qui peuvent s'envisager avec seulement 1,5 mm d'épaisseur de parois résiduelles avant préparation (tableau 1).
La structure dentaire résiduelle, et plus particulièrement la notion de « ferrule », est un facteur déterminant pour le pronostic d'une dent fortement délabrée. La ferrule peut être définie comme la structure dentinaire supra-gingivale résiduelle après préparation. Sa présence permet de limiter le risque de fracture sous l'impact des contraintes occlusales grâce à l'effet de cerclage ou de sertissage de la restauration aussi dénommé l'« effet ferrule ». Le consensus actuel fait état de l'importance majeure de la ferrule comme facteur mécanique de réussite d'une reconstitution [2, 7] car les forces occlusales sont ainsi prises en charge à la fois par la dent et par la restauration radiculaire [8] : en fonction des études, un minimum de 1 mm [9], 1,5 mm [10] voire même de 2 mm [7, 11] de dentine résiduelle sur tout le pourtour de la préparation est préconisé pour maximiser la résistance à la fracture. Cette dernière augmente significativement lorsque l'épaisseur de dentine augmente, et d'autant plus qu'elle est circonférentielle [12]. Il est ainsi préférable de garder toutes les épaisseurs dentinaires (plus souvent observées en vestibulaire ou palatin/lingual que dans les zones proximales) pour conserver cet effet ferrule [2]. Si la préparation de la dent aboutit à une absence totale de dentine périphérique et qu'une élongation coronaire est nécessaire, le consensus actuel voudrait que soit considéré en premier lieu la solution de l'extrusion orthodontique plutôt qu'un dégagement chirurgical des limites. En effet, la solution orthodontique permet en plus de conserver un maximum de tissu osseux dans l'éventualité de la mise en place ultérieure d'un implant. Lorsqu'aucune de ces solutions ne peut être mise en œuvre et que la dent est restaurée sans possibilité d'effet ferrule, la littérature scientifique prédit un taux de succès très faible pour la restauration à l'aide de tenons fibrés [[2, 11, 13]. Il est ainsi préférable de s'orienter vers une RCRI conventionnelle scellée.
Le cahier des charges du tenon fibré « idéal » est complexe :
• des propriétés mécaniques proches de celles de la dentine pour optimiser la répartition des contraintes occlusales au sein de la racine ;
• une bonne aptitude au collage à l'aide de résine composite insérée en phase plastique afin d'obtenir une cohésion optimale entre les différents éléments ;
• une radio-opacité suffisante pour faciliter sa mise en œuvre et les contrôles ultérieurs ;
• une translucidité maximale pour faciliter le passage des photons et donc la polymérisation des matériaux photopolymérisables en intra-canalaire ,
• une biocompatibilité aux structures dentaires avoisinantes.
Les tenons fibrés pour RCRD seront ainsi choisis préférentiellement en fibres de verre, de quartz ou encore de silice. Toutefois, il est reconnu que ces matériaux standardisés ne sont pas toujours parfaitement adaptés à l'anatomie radiculaire [6, 14]. Pour répondre à cette problématique, sont apparus récemment sur le marché des blocs à usiner de matériaux fibrés (Bloc Itena™ numerys) qui, couplés à une empreinte optique, permettent de fabriquer des tenons fibrés personnalisés par usinage. Une autre alternative est l'emploi de multiples tenons fibrés plus fins (Rebilda Post GT™, Voco™) qui aurait l'avantage d'optimiser la répartition des contraintes au sein du canal [15].
Concernant la résine composite, dans un but d'ergonomie de travail et de cohérence mécanique, on utilise idéalement le même matériau pour la reconstitution du pilier et l'assemblage du tenon si cela est possible. Elle est choisie préférentiellement hybride micro- ou nano-chargée, pour permettre une augmentation de la résistance à la compression et une diminution de la contraction de prise, tout en facilitant son infiltration au sein du réseau canalaire. On préconise l'utilisation de résine dite « dual » pour permettre un temps de travail suffisant tout en optimisant la réaction de prise en profondeur [16, 17].
D'une part, d'un point de vue biologique, la préparation canalaire ne nécessite pas de mise de dépouille contrairement aux préparations pour RCRI, ce qui permet d'optimiser la préservation des parois dentinaires. D'autre part, d'un point de vue mécanique, les contraintes sont situées à un niveau assez cervical ce qui engendre en cas d'échec des fractures plus hautes, et donc un risque moindre d'avulsion. Cependant, les tenons fibrés ont un comportement dit « anisotrope », c'est-à-dire que leur élasticité est variable en fonction de la direction de la force appliquée [1, 18] : sous une force orientée à 30o par rapport au grand axe de la dent (axe des forces occlusale sur les dents antérieures), le tenon fibré se comporte de façon similaire à la dentine [19]. En revanche, il se montre beaucoup plus rigide lorsqu'il est soumis à des contraintes exercées selon le grand axe de ses fibres et son comportement alors ne diffère plus de celui d'un tenon métallique. Toutefois, la rigidité des tenons fibrés se traduit tout de même cliniquement par une diminution du nombre de fractures radiculaires par rapport aux tenons en titane, ou zircone, mais également par rapport aux inlay-cores [21, 22].
La fracture est la complication principale des dents restaurées à l'aide de tenons fibrés. Une dent traitée endodontiquement est fragile. Cela n'est pas lié au traitement endodontique lui-même, mais à la perte de substance engendrée par celui-ci (éviction carieuse, cavité d'accès, mise en œuvre canalaire) [23]. Les prémolaires maxillaires, qui sont les dents parmi les plus fragiles, nécessitent une réflexion encore plus approfondie face à une indication de tenon fibré [21]. De manière générale, les tenons fibrés n'engendrent pas plus de fractures que les tenons plus rigides dans la mesure où leurs domaines d'indications sont respectés [22].
Le décollement des tenons fibrés est une autre complication parfois rencontrée. Cela peut s'expliquer par une quantité insuffisante de tissu résiduel limitant les possibilités de collage, un schéma occlusal dysfonctionnel ou une absence de ferrule responsable de sur-contraintes, ou encore une faible qualité de collage, qui est particulièrement difficile à mettre en œuvre en intra-canalaire. Toutes ces étiologies peuvent toutefois être évitées par des indications précises et une mise en œuvre très rigoureuse [24].
Plusieurs paramètres complexifient la mise en œuvre d'un collage en intra-canalaire qui doit se faire impérativement sous-champ opératoire étanche.
En premier lieu, la grande variabilité des protocoles d'irrigation et d'obturation des traitements endodontiques actuels semble responsable d'une diminution des valeurs d'adhérence [17]. L'utilisation d'hydroxyde de calcium [25], la présence d'eugénol [25, 26], les solutions d'irrigation [16] sont autant de paramètres qui influencent négativement le collage intra-canalaire. Par exemple, l'utilisation d'EDTA (EthylèneDiamineTétraAcétique) entraine le retrait de la « smear layer » sans pour autant déminéraliser la dentine radiculaire, tandis que les solutions de NaClO (Hypochlorite de sodium) ne retirent que partiellement la « smear layer » et rendent la dentine plus hydrophile, ou encore la présence d'eugénol dans les ciments canalaires qui est responsable d'une inhibition de polymérisation des matériaux de collage [17]. Il est ainsi préférable d'entreprendre le collage intra-canalaire à distance du traitement endodontique pour limiter en partie ces effets [27].
Ensuite, la configuration des structures dentaires est très variable au niveau pulpaire : présence de tubulis dentinaires plus ou moins nombreux et diamètres variables d'une dent à une autre [16, 17], ce qui implique des propositions de protocoles de collage différents selon les auteurs responsable d'avis divergent sur les protocoles de collage à mettre en œuvre. L'analyse de la littérature (revue et meta-analyse) permet de mettre en évidence qu'il semble préférable d'éviter l'utilisation de système mordançage/rinçage aux résultats variables et opérateur-dépendant [25, 27]. L'utilisation de résine auto-adhésive (ex : relyX Unicem™, qui est la plus étudiée dans la littérature) ou d'adhésif SAM (système auto-mordançant) /colle sans potentiel adhésif semblent présenter des résultats plus reproductibles [28].Toutefois ces valeurs sont toujours meilleures en coronaire qu'en intra-radiculaire et ce, pour tout système adhésif/colle confondu [29].
En outre, pour optimiser le collage des tenons fibrés, il est préconisé de procéder à un nettoyage soigneux du tenon avant enduction de silane. Ces deux étapes (nettoyage et silanisation) sont ainsi indispensables et indissociables. Le nettoyage peut ainsi s'effectuer avec de l'éthanol, de l'acide orthophosphorique à 35 % ou encore à l'aide d'air abrasion [29].
Enfin, la mise en place de la colle a aussi été étudié dans la littérature et a permis de mettre en évidence que la double enduction était source d'une diminution des valeurs d'adhérence. L'application de la colle doit ainsi se faire soit directement sur le tenon, soit uniquement en intra-canalaire [25, 27]. Dans ce cas, il est important de limiter l'inclusion de bulles d'air en utilisant un embout très fin et de commencer l'injection au fond du canal puis de remonter lentement, toujours en restant au contact des parois dentaires. L'insertion du tenon se fait ensuite lentement à l'aide d'une précelle.
Le pilier après restauration doit respecter la même forme, qu'il soit réalisé par le praticien (RCRD) ou par le laboratoire (RCRI). Le cahier des charges de la restauration corono-radiculaire idéale a été défini en 1999 par Bolla [30]. Il doit ainsi :
• restaurer la morphologie coronaire ;
• préserver un maximum de substance dentaire,
• protéger l'organe restauré ;
• transmettre les contraintes de la même façon qu'une dent saine ;
• maintenir l'étanchéité apicale ;
• permettre une éventuelle ré-intervention canalaire.
Une revue de littérature publiée en 2015 a mis en évidence des critères de préparation de pilier prothétique [31]. Tout d'abord, en occlusal, la préparation doit préférentiellement respecter le principe d'homothétie en fonction de la restauration finale avec une réduction minimum de 1,5 mm. En effet, une surface occlusale plate est à l'origine de potentiels désordres occlusaux et de contraintes dentinaires plus importantes. Ensuite, le pilier doit être le plus haut et le plus large possible pour favoriser la rétention et la stabilisation de la restauration. Enfin, l'angle de convergence de la préparation doit se situer entre 5 et 10o, au risque sinon d'impacter négativement le principe de rétention [32]. Pour ce faire, il est conseillé de s'aider d'une clé de préparation issue de la restauration provisoire validée. On soulignera toutefois que dans le cas d'une restauration tout céramique, une réduction plus importante est requise pour diminuer le risque de fracture de la prothèse.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Anne-Sophie Vaillant-Corroy - MCU-PH (Université de Lorraine/CHRU de Nancy), Institut Jean Lamour UMR 7198 CNRS
Pascale Corne - MCU-PH (Université de Lorraine/CHRU de Nancy), Institut Jean Lamour UMR 7198 CNRS