Détermination de la couleur en prothèse
O.D.B. BAKOU K.R. KOUADIO K.A. KOUAME K.M. KOUAME Y.C. ALLOH-AMICHIA F.E. ZEMI K.B. DJEREDOU
Le choix de la couleur des dents est un acte fréquent permettant de répondre aux nombreuses demandes prothétiques esthétiques des patients. Le chirurgien-dentiste est amené à trouver la couleur adéquate des dents prothétiques afin de satisfaire le patient [1]. Les teintiers utilisés sont fabriqués sur la base des paramètres des leucodermes. Or de nombreuses études sur le sujet mélano-africain ont montré des...
Résumé
Introduction. En prothèse, le choix de la couleur des dents est un défi majeur en l'absence de documents pré-extractionnels. La carnation est un paramètre sur lequel l'odontologiste pourrait s'appuyer pour retrouver la couleur des dents.
L'objectif de ce travail était de rechercher la relation entre la carnation et la couleur des dents chez le Mélano-africain de Côte d'Ivoire.
Matériels et méthode. Pour ce faire, les différentes carnations ont été identifiées à l'aide d'un guide de la couleur de la peau. Ensuite, la couleur des dents de 600 sujets masculins âgés de 18 à 35 ans a été relevée au moyen du spectrophotomètre Vita Easyshade Advance® 4.0. Sur les 28 dents de chaque sujet, les couleurs ont été prises au tiers médian de la face vestibulaire. L'exploitation des données a été faite sur SPSS® avec un test de Khi2 (α = 0,11 > 0,05).
Résultats. Dans les limites de cette étude, il s'est avéré qu'il n'existe pas de relation entre la carnation et la couleur des dents chez le sujet mélano-africain de Côte d'Ivoire.
Conclusion. La couleur de la peau n'a pas d'influence sur celle des dents.
Le choix de la couleur des dents est un acte fréquent permettant de répondre aux nombreuses demandes prothétiques esthétiques des patients. Le chirurgien-dentiste est amené à trouver la couleur adéquate des dents prothétiques afin de satisfaire le patient [1]. Les teintiers utilisés sont fabriqués sur la base des paramètres des leucodermes. Or de nombreuses études sur le sujet mélano-africain ont montré des différences bio-morphologiques, notamment entre la couleur des dents des sujets leucodermes et mélanodermes [2].
De plus, la méthode de détermination visuelle par comparaison d'échantillons de couleurs est imprécise du fait de l'influence de nombreux facteurs, parmi lesquels la lumière, l'environnement et la vision du praticien [3]. Ainsi, en cas de défaut de repères de la couleur des dents, l'utilisation de paramètres dentogéniques a été proposée. La couleur des yeux, des cheveux et de la peau peut aider au choix de la couleur des dents en absence de références pré-extractionnelles [4].
Ainsi, plusieurs travaux [5-13] recherchant une éventuelle corrélation entre la couleur des dents et celle de la peau ont été menés aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Afrique. Les études réalisées, soit au moyen de teintiers manuels, soit avec des teintiers électroniques, ont donné des résultats contradictoires. Certaines [5, 6, 9, 13] ont montré l'existence de relations entre la carnation et la couleur des dents, alors que d'autres [7, 8, 10, 11] n'ont pu établir ce lien.
L'objectif de ce travail était de rechercher un rapport entre la carnation et la couleur des dents relevée par spectrophotométrie chez le Mélano-africain de Côte d'Ivoire.
Il s'agissait d'une étude multicentrique, transversale, à visée descriptive et analytique. Elle a été réalisée sur la période allant du 1er juin au 31 août 2018, au centre de consultation et de traitements odonto-stomatologiques du CHU de Cocody sur des patients reçus en consultation, et à l'Institut national de formation des agents de santé sur une population venue effectuer une visite médicale en vue d'entrer dans cet institut. Pour avoir des résultats pertinents, la méthode d'échantillonnage probabiliste ou formelle, couplée à la méthode en grappes, a été appliquée. La méthode d'échantillonnage probabiliste repose sur le principe de la sélection aléatoire. Quant à la méthode en grappes, elle a permis de scinder la population en 8 sous-groupes égaux. L'étude a inclus les sujets mélano-africains de sexe masculin, âgés de 18 à 35 ans, ayant au moins les 28 dents naturelles permanentes indemnes de tout traitement, de tartre, de carie, de lésion cervicale non carieuse et de fracture coronaire.
N'ont pas été pris en compte les sujets mulâtres, ceux ayant des dents dyschromiées et ceux dont la dépigmentation de la peau était confirmée.
Les variables observées étaient relatives au type de carnation et à la couleur des dents. Les informations collectées ont été notées sur une fiche de recueil des données.
Le protocole de l'étude a consisté, dans une première étape, en la détermination du type de carnation. Celle-ci a été faite à l'aide d'un guide de la couleur de la peau conçu par Amichia et al. [14] (fig. 1 à 8). Les nuances de ce guide ont été comparées avec celles du sujet en observant la peau du visage, du pavillon de l'oreille et de la face interne du bras.
La deuxième étape était consacrée à l'identification et au relevé de la couleur des dents, qui constituaient les unités statistiques à l'aide du spectrophotomètre Vita Easyshade Advance® 4.0 (fig. 9). Les couleurs ont été prises au tiers médian de la face vestibulaire. Avant la prise de la couleur, il a été demandé au sujet d'humidifier la face vestibulaire des dents en y passant la langue. Pour chaque sujet, la couleur de 28 dents a été notée, soit 7 dents par hémi-arcade, allant de l'incisive centrale à la deuxième molaire.
Les données recueillies ont été saisies et analysées à l'aide du logiciel SPSS® (Statistical Package for Social Sciences) et la liaison entre la couleur des dents et celle de la peau a été déterminée par le test de Khi2 au seuil α de 5 %.
Sur un total de 1 032 personnes examinées dans les deux centres, 600 sujets répondant aux critères d'inclusion ont été retenus, ce qui fait un total de 16 800 dents pour l'ensemble des sujets examinés.
Dans l'échantillon, 52,4 % des dents avaient une couleur du groupe A. La couleur B3 était observée sur 23,4 % des dents (tableau 1).
Dans le secteur antérieur, les couleurs dominantes sont A1 et A2 pour les incisives et B3 pour les canines. S'agissant du secteur postérieur, les dents sont plus sombres avec les couleurs dominantes A4, B3 et C4 (tableau 2).
Le test de relation Khi2 entre la carnation et la couleur des dents a donné une valeur : α = 0,11 (tableau 3).
Le sujet mélanoderme de Côte d'Ivoire appartient à la famille des Mélano-africains qui présentent une diversité de nuances de couleur de la peau. Cette variété de la couleur de la peau est due à l'importance de la saturation en pigment mélanique. Plus la saturation est élevée, plus le sujet apparaît très foncé, et inversement. Toutefois, cette variété de la couleur de la peau est en régression chez les femmes noires du fait du phénomène de la dépigmentation. De plus, dans cette population, la tranche d'âge concernée se situe entre 20 et 40 ans selon Kourouma et al. [15]. Or c'est également dans cette tranche d'âge que la couleur des dents est stable. C'est pour ces raisons que le choix a été fait de ne retenir que des sujets de sexe masculin dans l'étude afin d'avoir des résultats conformes aux données réelles. Aussi, le relevé de la couleur des dents a-t-il été réalisé avec le spectrophotomètre Vita Easyshade Advance® 4.0, qui est un appareil très précis et permet d'obtenir des résultats répétitifs [3, 16, 17, 18].
Le choix du tiers médian de la face vestibulaire lors de la détermination de la couleur s'explique par le fait que c'est la partie qui reproduit la couleur de la masse dentine et qui est transférée au laboratoire de prothèse comme couleur de base, étant donné qu'elle y est plus stable que dans les tiers incisal et cervical [19].
L'étude n'a pas concerné les dents de sagesse car, en denture adulte permanente stable, elles ne sont pas toujours présentes sur l'arcade pour cause de retard d'éruption, d'agénésie ou d'avulsion précoce.
Dans le secteur antérieur, trois couleurs prédominent : A1 et A2 pour les incisives et B3 pour les canines (tableaux 1 et 2). Ce résultat est conforme à la saturation de la couleur des canines par rapport aux incisives, telle que rapportée par Pop-Ciutrila et al. [20].
S'agissant du secteur postérieur, les dents sont plus sombres avec les couleurs dominantes A4, B3 et C4 (tableaux 1 et 2). Nos résultats corroborent ceux de Kouadio et al. [21] et de Amouyé [12] en Côte d'Ivoire, qui ont rapporté que les dents postérieures ont une couleur plus saturée que les dents antérieures. Outre ces teintes classiques, nous avons relevé une teinte rare que nous avons nommé Dx (tableau 3).
L'analyse statistique pour la recherche de la relation entre la carnation et la couleur des dents par le test de Khi2 a donné une valeur égale à α = 0,11 (tableau 3). Cette valeur est supérieure à 0,05, montrant ainsi qu'il n'y a pas de liaison statistiquement significative entre la couleur des dents et celle de la peau. Ces résultats confirment ceux de Dosumu et Dosumu [7] et de Kouadio [8] selon lesquels la carnation et la couleur des dents ne sont pas liées. Ils vont à l'encontre des conclusions des travaux de Al-Nsour et al. [13] qui indiquent l'existence d'une relation significative entre la carnation et la couleur dentaire.
Ces contradictions peuvent s'expliquer par les différences dans la méthodologie : échantillonnage, classification de la carnation et origine ethnique des sujets. En effet, les études de Kouadio [8] ont porté sur 100 sujets âgés de 12 à 50 ans et celles de Dosumu et Dosumu [7] sur 127 sujets de 18 à 60 ans. Quant à Al-Nsour et al. [13], leur étude a pris en compte 520 sujets dont l'âge est compris entre 15 et 65 ans, avec autant d'hommes que de femmes.
S'agissant de l'origine ethnique, elle a une influence sur la couleur de la peau. Ainsi, les populations de l'Inde ou du Moyen-Orient, parmi lesquelles certaines personnes sont noires, ne présentent pas les mêmes types de carnation. Aussi, dans une même ethnie, la carnation peut varier suivant les individus du fait de la différence de concentration de mélanine de leur peau.
Il ressort de cette étude que les dents antérieures sont plus claires que les dents postérieures. Cependant, il n'existe pas de liaison statistiquement significative entre la carnation et la couleur des dents. La couleur de la peau ne semble pas constituer une aide au choix de la couleur des dents. Toutefois, la prise en compte du genre féminin et l'élargissement aux autres tranches d'âge dans les prochaines études pourraient permettre d'éprouver les résultats actuels.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Ouloua Dorcass Bernadette Bakou - MCU/PH
Département de prothèses et occlusodontie
UFR Odonto-stomatologie, Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan (Côte d'Ivoire)
Kouakou Richard Kouadio - AU/AH
Département de prothèses et occlusodontie
UFR Odonto-stomatologie, Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan (Côte d'Ivoire)
Koffi Alexandre Kouame - AU/AH
Département de prothèses et occlusodontie
UFR Odonto-stomatologie, Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan (Côte d'Ivoire)
Kouassi Mathieu Kouame - AU/AH
Département de prothèses et occlusodontie
UFR Odonto-stomatologie, Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan (Côte d'Ivoire)
Yomin Cécile Alloh-Amichia - MCU/PH
Département de prothèses et occlusodontie
UFR Odonto-stomatologie, Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan (Côte d'Ivoire)
Fernande Edwige Zémi - Chirurgien-dentiste
Département de Prothèses et occlusodontie
UFR d'Odonto-stomatologie
Université Félix Houphouët Boigny - Abidjan (Côte d'Ivoire)
Kouadio Benjamin Djeredou - PU/PH
Département de prothèses et occlusodontie
UFR Odonto-stomatologie, Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan (Côte d'Ivoire)