Médecine dentaire esthétique
F. CHAPELLE C. MARCOUX S. VIENNOT
L'esthétique est aujourd'hui une préoccupation incontournable dans tous les domaines et l'influence des images des canons de la beauté est omniprésente dans notre société. L'odontologie n'échappe pas à cette mise en valeur des normes, ni à ce culte du beau pour un traitement lié au sourire, les patients sont ainsi toujours plus exigeants et manifestent des désirs argumentés. En odontologie restauratrice et prothétique, cet art du sourire « sur-mesure »...
Résumé
Le sourire prend-il une place de plus en plus grande dans les liens sociaux ? Est-il indispensable pour établir et entretenir un lien de qualité entre individus ? Revêt-il une importance centrale dans la communication à la télévision, dans la presse écrite, dans la publicité, au sein des réseaux sociaux ? Lorsqu'il souhaite modifier son sourire, le patient est- il dès lors orienté vers un modèle formaté et unique ?
Pour connaitre l'avis d'un maximum d'individus sur les impacts psycho-sociaux du sourire au sein de notre société actuelle, une enquête a été conduite sur internet. Un questionnaire de 31 questions a été proposé via les réseaux sociaux Facebook et WhatsApp du 09/03/2019 au 20/05/2019. 1 108 participants anonymes ont ainsi révélé leurs attentes, leurs goûts et leurs considérations sur le sourire en général, et le leur en particulier. L'analyse dans le détail a permis la comparaison des réponses en fonction de plusieurs groupes : sexe du répondant, tranche d'âge à laquelle il appartient, profession en lien avec la chirurgie-dentaire ou pas. Les résultats ont montré que le sourire revêt une importance sociale réelle pour tous les individus et qu'ils valident un modèle idéal de sourire plutôt uniforme. Cependant, le nombre important d'oppositions et de nuances entre les groupes a révélé une conception différente pour la conduite d'un traitement en médecine dentaire restauratrice et esthétique : ils ont exprimé le souhait d'une nécessaire prise en compte de l'individualité du patient, loin de normes préconçues, avec une communication adéquate et un recueil suffisant d'informations. En cela, le questionnaire-type utilisé dans cette enquête sera d'une aide précieuse au chirurgien-dentiste et pourra être renseigné par le patient avant toute réhabilitation esthétique.
L'esthétique est aujourd'hui une préoccupation incontournable dans tous les domaines et l'influence des images des canons de la beauté est omniprésente dans notre société. L'odontologie n'échappe pas à cette mise en valeur des normes, ni à ce culte du beau pour un traitement lié au sourire, les patients sont ainsi toujours plus exigeants et manifestent des désirs argumentés. En odontologie restauratrice et prothétique, cet art du sourire « sur-mesure » est un joyau à protéger face aux modèles toujours semblables et stéréotypés de certaines « icônes » publiques. Le geste technique du praticien ne doit pas mettre de côté l'importante dimension psychologique : en amont de la réflexion sur le traitement esthétique, il est crucial de recueillir les commentaires et les attentes du patient vis-à-vis de son sourire actuel et futur. Cette prise en compte individuelle de l'impact psychologique d'un sourire est primordiale pour la validation d'une thérapeutique donc pour l'acceptation du résultat. Mais à plus large échelle, quelle place occupe le sourire dans les relations humaines ? Quelle image avons-nous de notre propre sourire ? Qu'est-ce qu'un sourire idéal ?
Une première partie de cet article présentera l'importance du sourire au sein de la société actuelle, puis une seconde montrera en quoi communication et nouvelles technologies guident les étapes d'un traitement esthétique. Enfin, pour évaluer plus globalement ce que représente le sourire dans la société et sur un plan plus personnel, seront analysés les résultats d'un questionnaire – internet auquel 1 108 participants ont répondu anonymement, du 9 mars 2019 au 20 mai 2019.
« L'Homme est un animal politique plus que n'importe quelle abeille et que n'importe quel animal grégaire » [1]. Aristote, au IVème siècle avant J.-C. soulignait déjà la nature sociale de l'Homme et son besoin d'évoluer en groupes, véritables entités sociales qui utilisent nécessairement des interactions verbales et non verbales. L'usage du sourire et du rire au sein de petits groupes a pu être observé et mesuré par Mehu et Dunbar (2008) [2] concluant que bien qu'influencé par des facteurs divers comme l'âge ou le genre des sujets, le sourire semble être largement impliqué dans la formation de relations de coopération. L'expression faciale est ancrée dans la nature de l'Homme et intimement liée au besoin de fonder une entité sociale [3,4]. De même, l'étude de Rychlowska et al. (2015) [5] met en lumière l'importance de l'expression faciale et donc in fine du sourire pour établir des liens en société, en particulier pour des individus ayant une histoire différente.
Si le sourire semble ancré dans les comportements essentiels de l'Homme, il est également présent de manière considérable dans son environnement quotidien. Paris et Faucher [6] parlent même d'un « matraquage des médias » pour qualifier l'ampleur de l'exposition aux images de mode, de publicité et autres, qui prônent des visages idéaux et des sourires parfaits. Aujourd'hui, ce flot d'images est continu et crée en conséquence le désir de ressembler à ces icônes. Dans le but de quantifier la place qu'occupe le sourire dans notre société, il semble intéressant d'étudier son étendue dans la publicité et malgré un nombre important d'études réalisées, l'exposition réelle à la publicité pour un sujet vivant en France aujourd'hui n'est pas précisément mesurable [7] mais varie 350 à plusieurs milliers d'expositions par jour, ce qui est considérable. Comme le montrent Lukež et al. (2017) [8], le sourire s'impose comme le canal privilégié par les publicitaires pour renforcer leur lien émotionnel avec le consommateur.
De nombreuses études ont été réalisées pour préciser de quelle façon un individu examine le visage de son interlocuteur. Des auteurs ont montré que le regard d'un observateur ne porte pas sur une zone particulière d'un visage : la bouche d'un visage harmonieux à la denture esthétique (en fin de traitement orthodontique) ne capte qu'une faible partie de l'attention visuelle [9,10]. Toutefois, une denture inesthétique n'est pas sans conséquence, d'autant plus que l'esthétique reste le premier motif avancé par les patients pour justifier la conduite d'un traitement orthodontique : certes, les yeux attirent davantage le regard de l'observateur, mais la bouche acquiert la même attractivité lorsque l'esthétique dentaire est altérée. Sur un visage classique, ce phénomène est encore plus perceptible et plus le visage est esthétique, plus la malocclusion est rapidement décelée [11]. D'autres auteurs confirment également qu'une forte malocclusion capte l'attention visuelle avec plus d'insistance [12]. La zone du sourire est donc incontournable lors de l'observation d'un visage et le sourire joue donc un rôle déterminant pour toute interaction en société.
Le mimétisme comportemental est extrêmement répandu dans les relations sociales humaines. Chartrand et Lakin (2013) considèrent qu'il consiste en « l'imitation automatique des gestes, des postures, des manières et autres mouvements moteurs » [13]. Outre l'amélioration sensible du lien social entre les intervenants, ce mimétisme a également une multitude d'autres effets : il influence les types de processus cognitifs, les attitudes, les tendances de consommation et tend même à améliorer les performances académiques. Des chercheurs ont montré que le sourire est impliqué dans le phénomène de mimétisme comportemental et qu'il sert clairement à construire une relation en créant et renforçant des liens sociaux entre des individus jusque-là inconnus l'un pour l'autre, créant des dynamiques souriantes ayant ainsi une forte probabilité de se propager dans un environnement social [14,15].
Il a été montré grâce à l'imagerie par résonnance magnétique que l'observation de visages attractifs stimule le cortex orbitofrontal médian, cette région du cerveau étant connue pour être particulièrement active dans les processus de récompense. Ce système de récompense est commun à de très nombreux mammifères, il joue un rôle déterminant dans la prise de décisions et procure la motivation nécessaire à la survie. L'attractivité de ces visages est donc considérée comme étant un stimulus de récompense tout comme le seraient la nourriture ou une musique agréable. Mais le phénomène est plus marqué pour des visages affichant une expression faciale positive comme un sourire. La valeur de récompense attribuée à une personne attractive est donc plus prononcée si celle-ci est souriante [16]. D'autres auteurs ont confirmé l'implication du sourire lors d'un échange avec un interlocuteur en montrant qu'il est déterminant lors de l'établissement d'une interaction sociale en influençant directement l'attraction provoquée chez un partenaire [17].
Mais un sourire n'est pas simplement une expression faciale avenante engageant à construire une relation sociale, il envoie d'autres signaux à celui qui le reçoit. Des auteurs ont en effet montré que les sourires dits normaux (sans défauts dentaires de type absences, malposition, etc.) plaident en faveur du sujet observé. En effet, celui-ci peut ainsi paraitre plus amical, de plus haute classe sociale, plus populaire et plus intelligent, ceci démontre qu'une personne peut juger de l'attractivité d'une autre en se basant uniquement sur son sourire, qu'on le déplore ou non [18,19]. D'autres auteurs avec des conclusions similaires ont montré aussi que les bénéfices psychologiques et sociaux suite à un traitement orthodontique sont désormais plus importants que les bénéfices relatifs à la santé bucco-dentaire [20]. Dans les milieux professionnels, cette constatation serait la même et dans une étude de 2014, Pithon et al. ont montré qu'un recruteur intériorise une différence de jugement en fonction des sourires des postulants : ceux qui affichent un sourire plus esthétique ont significativement plus de chance d'être embauchés par rapports aux autres [21].
Des considérations sociales concernant l'importance du sourire ont de grandes implications au niveau personnel. La qualité de vie et l'estime de soi des patients atteints de malocclusions ont largement été étudiées notamment dans le domaine de l'orthodontie. Dimberg et al. en 2015 ont effectué une revue systématique validant avec un haut niveau de preuve le fait qu'une malocclusion sévère a un impact important sur la qualité de vie liée à la santé bucco-dentaire chez l'enfant et l'adolescent, en particulier pour son bien-être psychologique et social [22]. D'autres auteurs ont montré une corrélation nette entre l'amélioration de l'aspect du visage du patient et l'estime de soi, avec la précision importante que l'impact le plus important causé par une malocclusion est d'ordre psycho-social et non fonctionnel. Le lien entre estime de soi, bien-être social et amélioration de la condition dentaire est donc significativement établi [23-25].
Culturellement, les choses belles sont très souvent privilégiées et pour Kant (1790), « Le beau est le symbole du bien » [26]. Il en est de même dans notre société actuelle : les héros de contes de fées sont toujours de beaux princes ou de belles princesses alors que les méchants apparaissent souvent sous les traits de monstres horribles. Ce manichéisme est précisé par de nombreux auteurs qui ont étudié le rôle du sourire dans les relations sociales et la représentation de soi, en montrant le besoin toujours grandissant des individus à tendre vers une esthétique commune sous l'influence des médias qui prônent cette norme de façon intensive. Le sourire parfait diffusé largement sur les réseaux sociaux ou dans les publicités est devenu un objectif pour beaucoup de patients. Il devient nécessaire au bien-être social et à l'équilibre personnel donc à une bonne santé, conformément à la définition de l'Organisation Mondiale de la Santé : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité » [27]. Il est donc important de se sentir beau et la qualité d'un sourire en est un facteur décisif [28]. Cette « dictature de l'image » peut avoir de forts impacts sur la santé générale des patients lorsque les premières rides apparaissent et que l'éclat du visage s'estompe Retrouver un sourire jeune avec des dents claires et alignées est un souhait qui supplante souvent l'aspect fonctionnel lors d'une réhabilitation prothétique. Une part croissante de la population est ainsi candidate à la réalisation de traitements en rapport avec l'esthétique du sourire et les volontés du patient ont bien souvent des caractéristiques dictées par des canons de beauté normalisés.
Cette demande plus importante en soins esthétiques s'est traduite notamment par une hausse des publications scientifiques sur le sujet avec un nombre multiplié par cinq entre la fin des années 70 et le début des années 2000 [29]. En médecine dentaire, la spécialité qu'est l'orthopédie dentofaciale représente de nos jours le premier maillon de la chaine de l'esthétique dentaire [30]. Un sondage publié en 2015 sur le site de la fédération française d'orthodontie (F.F.O.) montre que pour les patients, le premier bénéfice évoqué pour un traitement orthodontique est « d'avoir des dents joliment alignées ». Ce bénéfice est plus important pour eux « qu'améliorer la mastication », « soulager les douleurs dentaires » ou que d'autres éléments fonctionnels. Ce sondage réalisé sur un échantillon de 1020 personnes représentatives de la population française montre également que plus d'un tiers (35 %) des Français avaient bénéficié d'un traitement orthodontique [31]. Ces résultats vont dans le sens de ceux de l'American Dental Association (ADA) qui montre qu'en 2015 plus d'un million d'américains du nord portaient un appareil orthodontique et que pour la majorité, la cause de leur traitement était esthétique [32]. Ainsi, la société conditionne directement la demande des patients. Bien qu'une telle considération puisse être positive d'un point de vue de santé publique puisque l'esthétique du sourire passe bien souvent par le soin de son aspect fonctionnel, il est à craindre que la quête du sourire idéal devienne démesurée. Ce culte de l'image est donc un phénomène que les chirurgiens-dentistes doivent considérer avec prudence en se gardant de tout sur-traitement et en gérant avec finesse les pressions psychologiques de patients perdus dans leur désarroi et leur état de mal-être.
Les techniques de communication utilisées quotidiennement par les chirurgiens-dentistes face à leurs patients demeurent assez limitées, simples et empiriques [33,34]. Le manque de communication est d'ailleurs la cause d'une majeure partie des litiges [35] et le chirurgien-dentiste doit être au cœur des échanges d'information avec son patient, que ce soit pour informer de la thérapeutique (durée, difficultés, contraintes, etc.) que pour échanger sur l'impact psychologique potentiel du résultat esthétique du traitement. La communication du praticien dans le sens d'une information au patient donc être bien établie pour recueillir la validation de la thérapeutique. Mais la communication n'est pas qu'explications, elle est aussi l'objet d'observations : elle reste en effet le seul moyen de diagnostiquer un patient souffrant de dysmorphophobie qui est une préoccupation anxieuse et disproportionnée à propos de l'apparence (body dysmorphic disorder [36]. Le patient atteint de cette pathologie qu'il faudra diagnostiquer, focalise en majeure partie sur la zone bucco-dentaire et impose une prise en charge thérapeutique spécifique et souvent multidisciplinaire [37,38]. Il conviendra également de cerner l'importance que le patient porte à son sourire et le contexte psycho-social dans lequel il évolue, ceci influençant directement le déroulement des soins et la confiance accordée au praticien. Enfin, une bonne communication permettra de cerner la personnalité du patient, élément déterminant pour le succès du projet esthétique envisagé. Une communication efficace mettra à jour des facteurs uniques et individuels excluant toute standardisation thérapeutique car personnalité, visage et sourire sont étroitement dépendants [39].
A côté de la communication verbale, l'utilisation de la photographie est un excellent moyen pour apporter concrètement des informations sur l'esthétique du sourire et le recueil d'information en préopératoire et peropératoire concrétisera l'avancée du traitement [40,41]. La vidéo est également un outil supplémentaire essentiel pour améliorer la communication dans les traitements esthétiques. La réalité clinique fonctionnelle et expressive d'un sourire restauré est pour le patient une aide psychologique considérable pour retrouver confiance en soi après des périodes de frustrations esthétiques et de doutes sur le résultat [40].
Enfin, l'avènement des outils numériques d'analyse du sourire potentialisera la qualité de la communication praticien/patient. La situation clinique initiale enregistrée grâce à des photographies permet d'aboutir, après analyse, à une prévisualisation du résultat esthétique final. Patient, praticien, prothésiste sont ainsi tous impliqués dans le protocole clinique et dans la conception des restaurations définitives [42]. L'essor de ces moyens technologiques permet d'améliorer la qualité et la prédictibilité des restaurations [43-47].
Les études précitées montrent qu'en médecine dentaire restauratrice, un modèle d'esthétique du sourire ne doit pas s'imposer face à une prise en charge individualisée, propre à chaque patient. Pour évaluer les ressentis psycho-sociaux du sourire d'un grand nombre de sujets, un questionnaire a été réalisé. Sans vouloir établir des conclusions exhaustives et définitives, le premier objectif de ce questionnaire est d'analyser les avis des participants sur la place actuelle du sourire dans la société, sur la façon dont ils perçoivent leur propre sourire, sur les caractéristiques actuelles qu'ils donneraient à un sourire « idéal ». Le second objectif de ce questionnaire est d'évaluer la pertinence de son utilisation par les chirurgiens-dentistes, en amont d'un traitement de restauration esthétique du sourire.
Un questionnaire a été réalisé sur le site Google Forms [48] et mis en ligne du 09 mars 2019 au 20 mai 2019 via les réseaux sociaux Facebook et WhatsApp [49,50]. Un message en début de questionnaire informait les participants du caractère anonyme de leurs réponses et de l'obligation de répondre à chaque question pour que le questionnaire soit comptabilisé.
Pour les 5 premières réponses de la première partie, l'échelle de Likert a été utilisée avec 0 = Extrêmement important, 1 = Très important, 2 = Modérément important, 3 = Légèrement important et 4 = Pas important du tout. Pour les 9 premières questions de la deuxième partie, une échelle similaire a été utilisée avec 0 = Toujours, 1 = Souvent, 2 = Parfois, 3 = Rarement et 4 = Jamais
Plusieurs parties composaient le formulaire :
– La partie A (4 questions) interrogeait le répondant sur des données générales : genre, tranche d'âge, pays d'origine, activité professionnelle en rapport ou non avec l'odontologie.
A1 / Vous êtes une femme / un homme
A2 / Vous appartenez à la tranche d'âge : 1-9 ans / 10-19 ans / 20-29 ans / 30-39 ans / 40-49 ans / 50-59 ans / 60-69 ans / 70-79 ans / 80-89 ans
A3 / Si vous n'êtes pas originaire de France, de quel pays êtes-vous originaire ? Réponse ___________
A4 / Êtes-vous étudiant/professionnel en chirurgie-dentaire ? OUI (étudiant(e), chirurgien-dentiste, assistante, prothésiste) / NON
– La partie B (6 questions) s'intéressait à l'importance du sourire en société.
B1 / Quelle importance accordez-vous au sourire lors d'interactions avec des amis ou en famille ?
Pas important du tout / légèrement important / modérément important / très important
B2 / Dans quelle mesure pensez-vous qu'un beau sourire est un atout dans la vie professionnelle, lors d'un entretien d'embauche par exemple ?
Pas important du tout / légèrement important / modérément important / très important
B3 / En général, quel est l'impact du sourire dans la confiance en soi d'un individu ?
Pas important du tout / légèrement important / modérément important / très important
B4 / À quel degré trouvez-vous que le sourire a une place dans les médias (publicité, télévision, cinéma, presse, etc.) ?
Pas important du tout / légèrement important / modérément important / très important
B5 / Selon vous, quelle importance a le sourire pour l'aspect esthétique global d'une personne ?
Pas important du tout / légèrement important / modérément important / très important
B6 / Trouvez-vous que, d'années en années, le sourire soit de plus en plus important en Société ?
oui / non
– La partie C (11 questions) interrogeait chaque candidat sur l'avis qu'il ressentait vis-à-vis de son propre sourire. Les questions ont été sélectionnées et traduites à partir du questionnaire Oral Health Impact Profile (OHIP-49) qui cible sur les problèmes dentaires en général. Les nouvelles questions ont donc été créées en remplaçant « à cause de problèmes dus à vos dents, votre bouche ou vos appareils » par « à cause de problèmes liés à votre sourire ».
C1 / Êtes-vous contrarié à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C2 / Avez-vous du mal à vous détendre à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C3 / Est-ce que votre concentration est affectée à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C4 / Évitez-vous de sortir de chez vous à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C5 / Avez-vous des difficultés à communiquer à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C6 / Êtes-vous un peu irritable avec d'autres personnes à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C7 /Êtes-vous inquiet à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C8 / Vous sentez-vous malheureux à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C9 / Ressentez-vous un inconfort lié à votre apparence physique à cause de problèmes liés à votre sourire ?
Jamais / rarement / parfois / souvent / toujours
C10 / En général, trouvez-vous que votre sourire est :
moins esthétique que la moyenne des gens que vous croisez / dans la moyenne esthétique des gens que vous croisez / plus esthétique que la moyenne des gens que vous croisez
C11 / Quelle note attribueriez-vous à votre sourire, notation de 0 à 10 ?
0 (aspect hideux) / 1 / 2 / 3 / 4 / 5 / 6 / 7 / 8 / 9 / 10 (aspect idéal)
– La partie D (3 questions) explorait l'historique des soins dentaires du répondant.
D1 / Lorsque vous allez chez votre chirurgien-dentiste, diriez-vous que vous y allez avec une visée esthétique ?
OUI / NON
D2 / Seriez-vous prêt à modifier l'aspect de votre sourire avec des solutions autres que des traitements proposés par un chirurgien-dentiste (« bar à sourire », agents blanchissants achetés sur internet, etc.) ?
OUI / NON
D3 / Avez-vous déjà eu des soins dentaires (soins de caries, résine composite suite à une fracture, couronne, appareil amovible, facette, blanchiment, etc.) modifiant l'aspect de vos dents antérieures (incisives et / ou canines) ?
OUI / NON ou uniquement orthodontie
– La partie E (2 questions) interrogeait la satisfaction des soins réalisés
E1 / Êtes-vous satisfaits des soins réalisés, notation de 1 à 5 ?
Pas satisfait du tout :1 / 2 / 3 / 4 / 5 : très satisfait
E2 / Diriez-vous que les soins réalisés l'ont été en harmonie avec votre sourire naturel ?
Pas du tout en harmonie : 1 / 2 / 3 / 4 / 5 : tout à fait en harmonie
– La partie F (5 questions), plus clinique, avait pour objectif de déterminer les caractéristiques d'un sourire idéal, avec notamment la sélection des sourires les plus attrayants parmi 2 listes : la liste A (contenant des sourires avec différentes imperfections) et la liste B (sourires considérés comme plus esthétiques). La dernière question a pour but de mesurer l'intérêt, selon le répondant, d'une utilisation de ce questionnaire chez son chirurgien-dentiste, pour favoriser la communication et le recueil d'informations précises à destination du praticien.
F1 / Selon-vous, quels sont les TROIS critères esthétiques les plus importants de la liste suivante ?
l'exposition harmonieuse de la gencive (ni trop, ni trop peu) / la taille des dents / la forme des dents / la position des dents / la couleur des dents / les contacts entre les dents / l'harmonie du sourire par rapport au visage / la forme des lèvres
F2 / En reprenant les critères esthétiques précédents, lequel voudriez-vous modifier en priorité pour améliorer l'esthétique de VOTRE sourire ?
l'exposition harmonieuse de la gencive (ni trop, ni trop peu) / la taille des dents / la forme des dents / la position des dents / la couleur des dents / les contacts entre les dents / l'harmonie du sourire par rapport au visage / la forme des lèvres
F3 / Parmi ces sourires (liste A), choisissez le plus attrayant selon vous :
F4 / Parmi ces sourires (liste B), choisissez le plus attrayant selon vous :
F5 / Si vous deviez modifier votre sourire, pensez-vous que vos réponses à ce questionnaire pourraient aider votre chirurgien-dentiste à comprendre plus justement vos attentes ?
OUI / NON
Les données ont été analysées grâce au logiciel Excel (Microsoft Corporation) et les calculs statistiques vérifiés grâce au logiciel IBM SPSS (IBM Corporation). Des groupes d'analyse ont été réalisés en fonction :
• du genre,
• de l'âge,
• des compétences professionnelles en odontologie,
• de la note attribuée à son propre sourire.
Dans le but d'améliorer la significativité du sondage, les groupes inférieurs à 50 personnes (10-19 ans, 60-69 ans, 70-79 ans et 80-89 ans) n'ont pas été retenus pour l'analyse statistique. Afin de comparer les moyennes des échantillons étudiés, le test z a été réalisé avec une significativité statistique à la valeur p ≤ 0,05 soit z ≥ 1,96 pour des échantillons de populations indépendants.
Au total, 1 108 questionnaires ont été pleinement complétés et retenus pour le sondage. Pour la partie A, une majorité de sujets féminins ont répondu : 917 contre 191 hommes, soit 82,7 % (fig. 1). La moyenne d'âge estimée avec les médianes de chaque tranche est de 30,67 ans (fig. 2). 93,1 % des personnes ayant répondu n'exercent pas d'activité professionnelle en lien à l'odontologie (chirurgien-dentiste, étudiant(e) en chirurgie-dentaire, assistant(e) dentaire, prothésiste) (fig. 3).
Dans leurs réponses à la partie B du questionnaire, les candidats ont considéré le sourire comme « important » socialement. La moyenne des réponses à ces questions était de 0,995 selon l'échelle de notation de Lickert. Leur répartition est exposée dans la figure 4. Pour la réponse à la 6e question, 69 % des répondants considèrent que l'importance sociale du sourire s'accroit d'années en années.
Pour la partie C destinée à recueillir les considérations personnelles des répondants vis à vis de leur propre sourire et l'impact sur leur qualité de vie, la moyenne des réponses à ces questions est de 3,51 (le score étant borné par 0 = Toujours et 4 = Jamais) signifiant que pour les répondants, le sourire avait peu d'impact négatif au quotidien. Ces considérations étaient en adéquation avec la moyenne de la note que chaque répondant a donné à son propre sourire puisque cette moyenne était de 6,68/10 et donc relativement haute (fig. 5).
Pour la partie D et E du questionnaire concernant la relation avec les soins dentaires, seulement 27,7 % des répondants ont déclaré consulter leur chirurgien-dentiste dans un but esthétique. En dépit de la haute satisfaction accordée aux soins prodigués par leur praticien (4,01/5) et paradoxalement, près de 38 % seraient prêts à modifier l'aspect de leur sourire sans passer par des rendez-vous chez un chirurgien-dentiste professionnel (consultantion dans un « bar à sourire », usage d'agents blanchissants achetés sur internet, etc.).
Pour la partie F du questionnaire relative aux critères du sourire idéal, la couleur des dents était le critère esthétique le plus important (82,6 %) devant la position des dents (65,7 %) et l'harmonie du sourire par rapport au visage (49,1 %). Venaient ensuite l'exposition harmonieuse de la gencive (40,1 %), la taille des dents (20 %), la forme des lèvres (19,4 %), la forme des dents (17,9 %) et enfin les contacts entre les dents (10,8 %) (fig. 6).
Parmi les vues cliniques de sourires de la liste A (considérés comme inesthétiques), deux d'entre eux (sur six) ont concentrés près de 80 % des voix (fig. 7), de même que pour les sourires de la liste B (considérés comme plus esthétiques), deux d'entre eux (sur quatre) concentrent 89,1 % des voix (fig. 8). Les goûts sont donc plutôt homogènes au sein des répondants pour le choix d'un sourire le plus esthétique.
Enfin, 60,1 % des répondants pensent qu'un tel questionnaire pourrait aider le praticien à mieux cerner ses attentes, si leur sourire devait être modifié (fig. 9).
Au total, 917 femmes et 191 hommes ont répondu au questionnaire et il existe quelques différences significatives dans les réponses :
• Les femmes ont considéré que le sourire était plus important pour les interactions amicales et familiales que les hommes (p < 0,01).
• Les femmes ressentaient un inconfort physique plus marqué que les hommes du fait de problèmes liés à leur sourire (p < 0,01 pour les trois questions). Mais la moyenne de l'ensemble des questions relatives à cette partie ne différait pas significativement entre les deux groupes.
• Les femmes seraient plus motivées que les hommes à modifier leur sourire par des solutions autres que des soins prodigués par un chirurgien-dentiste (40,3 % contre 26,7 % pour les hommes, p < 0,01).
• Les femmes ont considéré que la couleur des dents était un facteur plus décisif que les hommes dans l'attrait d'un sourire (p < 0,01) alors que ceux-ci ont estimé que l'harmonie du sourire par rapport au visage était plus déterminante (p < 0,01). Aucune autre différence n'était significative entre ces deux groupes.
• Les sourires sélectionnés comme étant les plus attrayants parmi les deux listes A et B, étaient aux mêmes places pour chacun.
Quatre groupes ont été retenus pour l'analyse statistique en fonction des tranches d'âge : 20-29 ans (n = 698), 30-39 ans (n = 174), 40-49 ans (n = 110) et 50-59 ans (n = 68).
Au sein de la rubrique « importance du sourire en société » (partie B du questionnaire) :
• Le groupe des 40-49 ans a considéré que le sourire était significativement plus important dans les interactions avec les amis et la famille que le groupe des 20-29 ans (p < 0,05).
• En revanche, les 20-29 ans ont considéré que le sourire avait une plus large place dans les médias que les 40-49 ans (p < 0,01). Pour les autres questions de cette rubrique, aucune différence significative n'est observée entre les groupes d'âge.
Concernant les questions relatives aux considérations individuelles du sourire (partie C du questionnaire), les résultats ne représentent qu'une tendance car aucun n'était significativement différent entre chacun des groupes :
• les 30-39 ans étaient les moins impactés dans leur quotidien par des problèmes liés à leur sourire.
• Notation de son propre sourire : la meilleure note (6,81/10) a été attribuée par les 30-39 ans et la note la plus basse (6.62/10) l'a été par les 50-59 ans.
Les attentes esthétiques des patients lors de leur visite chez leur chirurgien-dentiste (parties D et E du questionnaire) :
• N'étaient pas différentes selon les tranches d'âge.
• En revanche, Les plus jeunes semblaient plus confiants pour utiliser des solutions autres que les soins d'un chirurgien-dentiste afin d'améliorer l'aspect de leur sourire, la différence était significative entre le groupe des 20-29 ans et les autres groupes plus âgés (p < 0,05) (fig. 10)
• les individus du groupe des 30-39 ans étaient également plus satisfaits des soins réalisés par leur chirurgien-dentiste que les 20-29 ans (p < 0,05).
La suite du questionnaire concernait les caractéristiques d'un sourire idéal (partie F) et les résultats étaient variables selon les groupes :
• Le groupe des 20-29 ans accordait plus d'importance à l'exposition harmonieuse de la gencive lors du sourire que les autres groupes (p < 0,05).
• Le sourire gingival (liste A, sourire no3) était le plus attrayant pour les 30-39 ans et les 40-49 ans (p < 0,05) par opposition aux 20-29 ans.
• La présence ou non de contacts entre les dents (diastèmes) affectait d'avantage les 20-29 ans que les 30-39 ans (p < 0,05).
• Les sourires no 3 et no 4 de la liste B ont représenté 89 % des votes pour le choix des sourires les plus attrayants. Le sourire no 3 est significativement préféré par les 20-29 ans (p < 0,05), tandis que le sourire no4 était significativement choisi par le groupe des 50-59 ans (p < 0,05) (fig. 11). Les populations plus jeunes seraient ainsi attirées par un sourire plus artificiel, plébiscité dans nos sociétés actuelles, le sourire no 3 étant le stéréotype d'un sourire « hollywoodien » alors que le sourire no 4 était un sourire très esthétique mais plus naturel.
Parmi les répondants au questionnaire, deux groupes ont été constitués, le groupe « non dentaire » (n=1031) et le groupe « dentaire » (n=77).
• Les membres du groupe « dentaire » ont montré qu'ils accordaient un regard significativement plus important au sourire en société que le groupe « non dentaire » (p < 0,05 pour la question no 1 et p < 0,01 pour les questions no 2 à 5).
• 81,8 % des « dentaires » considéraient que l'importance prise par le sourire en société augmentait au cours du temps, contre seulement 70,0 % des « non dentaires » (p < 0,05).
• L'impact du sourire sur la qualité de vie individuelle n'était pas influencé par le milieu professionnel dentaire ou non du répondant.
• Les « dentaires » ne notaient pas différemment leur sourire que les « non dentaires » et ce, de manière significative.
• Les « non dentaires » seraient davantage prêts à modifier leur sourire par des solutions autres que celles prodiguées par un chirurgien-dentiste (39,2 % contre 22,0 % pour les « dentaires », p < 0,05).
• Pour les critères esthétiques important à considérer pour un sourire idéal, les « dentaires » avaient tendance à privilégier la taille et la forme des dents alors que les « non dentaires » portaient leur intérêt sur la couleur et la position des dents (fig. 12).
Pour la sélection du sourire le plus esthétique de la liste B, le sourire « hollywoodien » (sourire no3) a été choisi par les deux groupes, mais avec prédominance pour le groupe des « non dentaires » (58,8 % contre 47,4 %, p < 0,05).
Ce questionnaire a permis de dégager des idées générales sur la place prépondérante et croissante du sourire dans la société qui a comme conséquences bénéfiques pour la santé publique une meilleure prise en compte des impératifs de prévention des pathologies bucco-dentaires. Les réponses ont montré que la qualité de vie des individus au sourire perfectible esthétiquement était significativement impactée. Il est en effet impossible aujourd'hui d'ignorer l'immense crédit apporté au sourire au sein de notre société. Adopté pour donner une image agréable, sincère ou simplement imité pour se mettre au niveau de son interlocuteur, il est un outil de communication incontournable et l'esthétique du sourire semble nécessaire à un parcours réussi. Parmi les répondants, une majorité de femmes relève ce rôle « socialement décisif » du sourire.
Mais en dépit d'une préférence d'un modèle de sourire proche de l'idéal, les réponses ont montré que la prise en charge thérapeutique d'un sourire doit être adaptée à chaque patient et à ses attentes révélant la nécessaire individualisation du résultat. Une majorité large de réponse fait d'ailleurs confiance au chirurgien-dentiste pour ce travail qui doit comprendre et analyser l'ensemble de cette dimension psycho-sociale.
Si les outils technologiques innovants apportent désormais au praticien les armes nécessaires à la mise en œuvre d'une thérapeutique toujours plus satisfaisante, la considération du sourire propre à chaque patient ne doit donc plus être ignorée et 3 répondants sur 5 ont pensé que l'utilisation de ce questionnaire au quotidien par le chirurgien-dentiste lui serait d'une aide clinique précieuse en médecine dentaire esthétique.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Florian Chapelle - Docteur en chirurgie dentaire, exercice privé (Saint-Denis-Lès-Bourg)
Clara Marcoux - Docteur en chirurgie dentaire, ex-assistante hospitalo-universitaire, exercice privé (Lyon)
Stéphane Viennot - Docteur en chirurgie dentaire, maître de conférences des universités, praticien-hospitalier, université de Lyon, Hospices Civils de Lyon