Les cahiers de prothèse n° 191 du 01/09/2020

 

Implantologie

F. SILVESTRI   C. MENSE   P. TAVITIAN   M. RUQUET   O. HÜE  

INTRODUCTION

La mise en œuvre de modèles théoriques a permis de définir les principes et exigences de serrage d'une vis, et en particulier l'importance de la friction et de l'élasticité des matériaux impliqués dans l'assemblage. Au niveau implantaire, le serrage, ou précharge, doit répondre à deux impératifs majeurs :

– ne pas endommager, lors du serrage, le taraudage de l'implant qui est en titane de grade 4 ;

– optimiser la précharge optimale...


Résumé

Résumé

Dans cette 2e partie, les principes mécaniques du vissage sont appliqués à la prothèse supra-implantaire. Les différents paramètres de l'élasticité, de la friction, de l'adaptation et de la pérennité de l'assemblage des composants prothétiques sont analysés avec une seule conséquence clinique : comment serrer une vis afin que la fiabilité de la restauration soit assurée !

INTRODUCTION

La mise en œuvre de modèles théoriques a permis de définir les principes et exigences de serrage d'une vis, et en particulier l'importance de la friction et de l'élasticité des matériaux impliqués dans l'assemblage. Au niveau implantaire, le serrage, ou précharge, doit répondre à deux impératifs majeurs :

– ne pas endommager, lors du serrage, le taraudage de l'implant qui est en titane de grade 4 ;

– optimiser la précharge optimale et la composante de fatigue, la charge devant être établie entre 60 % à 70 % du module d'élasticité du matériau utilisé.

Pour cela, de nombreux paramètres doivent être pris en compte.

LES MATÉRIAUX

Cliniquement, trois possibilités sont offertes par l'industrie : l'or, le titane et le PEEK [1, 2].

L'or

À l'origine, les vis étaient en alliage d'or, matériau le plus employé à l'époque. Il présente un faible module d'élasticité, de coefficient de friction, une faible résistance au cisaillement et une importante résistance à la fracture. La composition des alliages, en particulier leur teneur en or, varie selon les fabricants entre 2 % et 64,1 %, ce qui explique des caractéristiques mécaniques assez différentes [3]. Les limites élastiques s'étendent de 850 ± 20 N à 1093 ± 64 N, et 1270 et 1 380 N [3, 4]. La résistance à la traction varie entre 97,6 ± 2,2 kg et 102,0 ± 2,1 kg [5]. Ces variations ont une incidence directe sur leurs limites élastiques spécifiques et donc sur le couple que l'alliage est susceptible de supporter. Ceci explique les comportements très différents de vis dites compatibles, mais également leurs imprécisions de dimensions. Les vis sont semblables mais non identiques [4].

De nombreuses études ont mis en évidence les problèmes de dévissage et de fracture de ce type de vis. On doit cependant noter que le degré requis d'adaptation des composants prothétiques n'était pas très élevé (150 μm). Ces critères ont certainement contribué aux phénomènes de dévissage constatés [6].

Le titane

En raison de ses remarquables propriétés de biocompatibilité, de ses caractéristiques mécaniques, et de son prix fortement inférieur à celui des métaux précieux, le titane, avec ses alliages, est devenu le matériau par excellence pour les vis de piliers. Mais les inconvénients de ce métal ne peuvent être ignorés. Ce métal et ses dérivés, en particulier le Ti6Al4V, possèdent de faibles qualités tribologiques : une dureté de surface réduite, une résistance à l'usure amoindrie, et un coefficient de friction élevé.

Ce dernier absorbe la majorité du couple de serrage aux dépens de l'élasticité, et ceci explique la perte d'une partie du couple appliqué, consécutive à sa suppression. Ce phénomène, bien connu dans l'industrie et redécouvert en implantologie, est lié à la torsion axiale parasite de la vis (fig. 1) [7].

Le PEEK

En raison de ses excellentes propriétés mécaniques, dont un module d'élasticité proche de celui de l'os, les vis en PEEK (polyétheréthercétone) ont été proposées pour assurer la liaison entre le pilier et l'implant, avec comme objectif de profiter de l'élasticité de ce matériau pour amortir les forces transmises à l'implant et aux tissus environnants. La matrice de PEEK a permis d'incorporer des fibres de carbone longues de manière longitudinale, ou courtes de manière aléatoire. Ces adjonctions augmentent de manière significative la stabilité dimensionnelle, la ténacité, la dureté, la résistance à la flexion du PEEK [8]. Cependant, si la présence de fibre de carbone (30 %) améliore les valeurs mécaniques par rapport au simple PEEK, elle ne permet pas d'atteindre la résistance à la fracture offerte par le titane, le couple de serrage ne pouvant pas dépasser 15 Ncm [9]. Ces résultats sont confirmés par l'étude de Schwitalla et al. [10].

LA PRÉCHARGE

L'obtention de la précharge ou de la mise en tension axiale est l'acte presque final mais essentiel de la réalisation prothétique. La vis se doit d'assurer la parfaite cohésion entre l'implant et la superstructure. Pour cela, les vis doivent être serrées en accord avec le couple prescrit par les fabricants. Mais le respect de celui-ci implique 4 éléments : le type de système d'entraînement, la friction, l'élasticité, et l'adaptation.

L'entraînement

Le type d'entraînement

Historiquement, les premières têtes de vis étaient du type « tête fendue ». Cette conception nécessite entre autres une pression axiale, sous peine de dérapage dans la fente, phénomène confirmé par Pesun et al. [11]. Le serrage privilégie alors la friction aux dépens de l'élasticité. Cette forme a été abandonnée, comme dans l'industrie, en raison des difficultés de mise en place, de la nécessité d'exercer un mouvement axial, et de la détérioration rapide du dispositif d'entraînement [12]. En outre, ce type d'entraînement est, sur le plan mécanique, destiné à un serrage pour de faibles sollicitations mécaniques [13].

Différentes évolutions ont été proposées pour pallier ces inconvénients, tels que l'hexagone externe, l'hexagone interne (six pans creux, système Allen), l'étoile à six branches, ou le système Torx Plus® (fig. 2).

Ces différentes conceptions ont une incidence directe sur la valeur réelle du couple transmis au système. La conception Torx Plus® fait appel à des indentations ellipsoïdes qui transmettent l'intégralité de la force appliquée à la vis, alors que l'angle de transmission effectif des têtes en étoile des six lobes internes est de 15o, et que, pour les têtes de type Allen, l'angle de transmission est de 60o (fig. 3). De plus, chacune de ces conceptions présente des avantages et des inconvénients (fig. 4).

Les moyens d'entraînement

Trois dispositifs d'entraînements sont utilisés pour induire le serrage des pièces implantaires. Ils sont manuels, mécaniques ou électroniques.

– Les tournevis à main : les instruments à main sont essentiellement utiles pour mettre en place la vis en raison du sens tactile qu'ils offrent. Cette technique de serrage ne permet d'obtenir qu'un niveau de couple faible 11,5 Ncm, très variable, entre 15 % et 48 %, lié à la taille du manche du tournevis, à la position de l'implant (plus fort au niveau antérieur) et surtout très praticien dépendant [14-16]. Ces résultats sont confirmés dans l'étude de Hill et al. qui montre que, sur fantôme, les couples appliqués par les praticiens varient entre 4,0 et 21,7 Ncm (moyenne = 12,9 Ncm, SD ± 3,67 Ncm, et 95 % Cl = 12,7 à 13,8 Ncm) [17]. Par ailleurs, la comparaison entre praticiens, enseignants et étudiants en DU, homme ou femme, ne montre pas de différences statistiquement significatives entre enseignants et étudiants (tableau 1) [15-18]. Mais surtout, on doit remarquer qu'il est déjà difficile de générer, avec ce type de serrage manuel, un couple de 20 Ncm, le couple de 30 Ncm n'étant jamais atteint [19]. À cela s'ajoute l'angulation apportée au tournevis dans les secteurs postérieurs, qui réduit encore l'intensité du serrage [19].

– Les clés dynamométriques : connues et utilisées depuis longtemps dans l'industrie, elles sont de deux types, soit à ressort soit à déclenchement, ou bascule. Elles ont été développées afin d'assurer des couples requis et constants. Si, dans l'industrie, la précision de ce type de clés est estimée à ± 20 %, au niveau implantaire la précision s'élève à ± 10 % environ, seuil de tolérance demandé par Carlsson [20]. Les études sur la précision des clés sont relativement convergentes. Entre les deux types de clés, celles à ressort seraient les plus fiables, mais ces deux types de clés procurent un couple dont les valeurs se situent dans un intervalle de confiance de 95 % [21, 22]. Plus récemment, Erdem et al. ont conclu que l'imprécision des clés à ressort s'élevait à 11,6 %, et celles à friction à 10,2 %. L'usage et la stérilisation modifient faiblement les couples obtenus [23]. Les clés dynamométriques actuelles sont fiables, le taux d'imprécision faible pour un couple annoncé de 30 Ncm, et les marges d'erreur s'étendent entre 28,3 Ncm et 31,1 Ncm [24]. De plus, l'utilisation de clés dites universelles n'a pas d'incidence [25].

– Les clés électroniques : en réponse aux imprécisions des clés dynamométriques manuelles, des tournevis électroniques ont été développés avec comme objectif d'obtenir des couples plus précis. De plus, ces dispositifs ajoutent un élément important, la vitesse de serrage, qui concourt à réduire la friction (lorsque la vitesse augmente, la friction diminue). Son influence a été parfaitement mise en évidence par Mitrani et al., la vitesse augmentant d'environ 2 Ncm le couple de serrage [26]. En revanche, l'imprécision de ces dispositifs a été soulignée, avec en particulier des couples plus forts que prévus, dépassant la zone de sûreté, plaçant le métal de la vis dans la phase plastique avec les risques que cela implique, en particulier les fractures en surtout à la jonction tête-corps. L'étude de Standlee et Caputo en 1999 conclut à une grande imprécision des couples, avec des variations entre 1 % et 165 % [27]. Les études plus récentes concluent à une meilleure fiabilité des clés électroniques [28]. Cependant, leur niveau de précision demeure inférieur à celui des clés dynamométriques [29]. Un fait important, l'angulation du dispositif par rapport à l'axe de la vis, ne semble pas avoir d'incidence sur le couple transmis.

La friction

La friction s'installe à deux niveaux : sur la face inférieure de la tête de vis et au niveau du pas de vis, en regard du taraudage de l'implant ou du pilier intermédiaire.

La face inférieure de la tête de vis

Cette partie de la vis qui entre en contact avec la première composante de l'assemblage doit permettre successivement le glissement lors de la phase de serrage et assurer la friction afin de conserver le couple initial [30-32]. Différentes formes de la partie inférieure de la tête de la vis ont été proposées : plates, coniques avec diverses angulations, doublement coniques [33, 34]. Les résultats des études in vitro sont contradictoires. Deux études montrent que les têtes coniques améliorent la résistance au dévissage, et deux autres concluent à une diminution de cette résistance [34, 35]. De même, les têtes double cône offrent moins de résistance au dévissage que les têtes plates [34].

En revanche, si l'étude de Rodriguez et al. confirme ce fait, elle met en évidence la meilleure résistance au dévissage du profil conique face à un rapport couronne-implant défavorable [36]. Mais ces conclusions sont très difficiles à analyser car d'autres paramètres interviennent, tels que le pas de vis, le matériau, l'élasticité, le lubrifiant, la direction des forces appliquées. En effet, face à des forces obliques, la présence d'un cône au niveau de la tête de vis offre une meilleure résistance au dévissage en raison de l'augmentation de la surface de contact [32].

Le filetage des vis

En implantologie, les caractéristiques des filetages sont très proches d'une marque à l'autre, l'objectif étant toujours d'assurer à la fois la tension, la friction et la pérennité. Cependant, des variations géométriques minimes les rendent très légèrement différentes : diamètre de la face inférieure de la tête, du corps de la vis, du pas de vis [37]. L'étude par éléments finis conduite par Wu et al. a permis de montrer la répartition des zones de friction [38]. Lors de la précharge, une zone de tension relativement importante se crée au niveau de la tête, alors que l'ensemble du filetage est peu impliqué. En outre, une friction importante réduit la force de serrage de manière significative, alors que la présence de produit lubrifiant augmente cette même force (tableau 2) [38].

Afin de pallier cet effet négatif, l'utilisation de lubrifiants a été proposée, qu'ils soient liquides ou secs. Les études montrent que la probabilité d'obtenir une précharge entre 60 % et 75 % du module d'élasticité est de 0,02 % sans lubrifiant et de 54,2 % en présence de lubrifiant [39]. L'analyse par éléments finis révèle que la présence de lubrifiants concentre les contraintes majoritairement à la jonction corps de la vis-filetage, puis tête-corps. Les forces de serrage augmentent en fonction du couple appliqué et se répartissent harmonieusement entre les composants de l'assemblage [2]. Cette situation perdure après suppression du couple, le système se situant en précharge (fig. 5). Fait important, l'étude de Wang et al. montre que peu de filets sont impliqués le long du pas de vis, mais cette notion était déjà parfaitement connue dans l'industrie (tableau 3) [2]. Zipprich et Guda précisent que ces résultats, obtenus in vitro, doivent être appliqués avec réserve in vivo [35, 39]. Mais cette constatation trouverait son application pour les implants courts, au sein desquels la longueur du taraudage est assez réduite.

Initialement, les vis étaient en alliage d'or, métal qui offre de meilleures performances que le titane, mais ce dernier s'est imposé en raison de son coût inférieur. Cependant, le titane présente un défaut important : son coefficient de friction (0,2-0,5) qui réduit la possibilité d'obtenir une phase élastique idéale et qui a conduit à l'utilisation de lubrifiant, dont deux types sont disponibles afin d'assurer une tension adéquate au sein du système [40].

– les lubrifiants liquides : ce sont les fluides naturels de la cavité buccale (sang, salive), les fluides péri-implantaires [41], le liquide de décontamination. Le sang change la précharge, le couple final et le couple inverse des vis de serrage, ce qui, finalement, modifie la résistance au dévissage. Celle-ci s'établit à 18,45 Ncm pour la contamination sanguine et à 19,37 Ncm pour la salive, contre 21 Ncm en absence de contamination [42]. Cependant, par rapport à l'absence de lubrifiant, dans une étude reliant le triumvirat implant-pilier zircone-vis Tortite®, la salive permet d'augmenter la précharge, ainsi qu'avec les vis en or [41-43]. Mais une autre étude montre que la lubrification par la salive accroît la tension au niveau du complexe implanto-prothétique, et semble contribuer à la déformation plastique au niveau du col implantaire durant les charges [44]. La chlorhexidine joue un rôle de lubrifiant qui dépend de sa concentration [45]. L'étude de Asli et al. a montré que l'utilisation de chlorhexidine gel se traduit par une moindre résistance au dévissage [46]. L'utilisation, in vitro, de vaseline ou de graphite en poudre confirme la diminution de la friction et une augmentation de la force de serrage. De même, certains praticiens ont proposé de mettre dans l'implant de la Parocline® dans le but de désinfecter le logement de la vis et de traiter le taraudage de l'implant avec un revêtement de polysiloxane contenant du digluconate de chlorhexidine, de manière à éviter le développement bactérien [38, 47]. L'incidence sur la valeur du couple ainsi obtenue n'a pas été évaluée.

– les lubrifiants à sec : le principe simple consiste à déposer sur le métal de la vis une couche d'un composant qui gomme les irrégularités et facilite le glissement entre les deux structures à assembler. Le premier lubrifiant demeure le titane lui-même. En effet, certaines études tendent à montrer qu'il y aurait des échanges de nanoparticules entre les titanes des différentes pièces de l'assemblage, ce qui diminuerait la friction [48, 49]. On retrouve à ce niveau un phénomène de tribologie.

D'autres composants lubrifiants sont aussi utilisés, l'or, le carbone amorphe (DLC), le PEEK, le téflon, et d'autres tels que le diamant micro-cristallin (MCD) ou nano cristallin (NCD), ou encore le tungstène [50-52].

– l'or : les fabricants ont proposé des vis titane recouvertes d'une couche d'or pur (0,76 μm d'épaisseur). La présence de cette couche augmente la précharge, qui devient de trois fois supérieure à celle obtenue avec une vis en titane (tableau 4) [53].

De même, lors de la rotation de vis de piliers serrées au couple de 12-20-32 Ncm, la présence d'une couche d'or améliore grandement la précharge obtenue par rapport à une vis titane (tableau 5) [54, 55]. Ces données sont confirmées par de nombreuses autres études in vitro, le plus souvent réalisées par éléments finis [56].

– le DLC : le carbone amorphe (Diamond Like Carbon) est un matériau déposé en couche mince (< 1 μm) par des procédés très complexes qui se situent tous au niveau nanoscopique (plasma-magnétron) (fig. 6). Cette apposition augmente fortement la dureté et le module d'élasticité, et réduit le coefficient de friction (< 0,1) (tableau 6).

Cependant, les données de la littérature sur l'utilisation du DLC en implantologie semblent contradictoires. Certaines études ont mis en évidence une amélioration du comportement mécanique tels que la résistance à l'usure ou un couple de dévissage plus élevé. Tandis que d'autres reportent qu'aucune différence significative n'existe entre les vis recouvertes ou non de DLC. Ces différences de résultats découlent des propriétés du film liées au procédé de dépose du carbone [52]. En revanche, la présence de DLC n'aurait aucune incidence sur le taux de fracture.

– le PEEK : de manière expérimentale, ce composite a été déposé par projection thermique sur des vis titane, avec des épaisseurs définies de 30 μm et 60 μm. Sa présence abaisse le coefficient de friction, favorise la force de serrage surtout avec une épaisseur de 30 μm, et s'accompagne d'une faible perte de couple [57].

– le téflon : ce polymère a été proposé pour diminuer la friction, donc pour améliorer la précharge sans augmenter le couple de serrage (Implant Innovation surface de vis palladium-or). De la même manière, le parylène a été testé avec des résultats comparables.

Les études in vitro concluent que tous ces composants diminuent la friction et préservent les filets du taraudage. En revanche, des divergences se font sur la relation friction-dévissage. Selon Chen, à long terme, la présence de ces composants sur le filetage réduit la perte de couple [9]. À l'opposé, Elias et al. concluent que la perte de couple est inférieure avec des vis titane [58].

– autres revêtements lubrifiants : d'autres composants ont été utilisés pour assurer cette lubrification. Les revêtements du type nitrure de titane (Ti), carbonitrure de titane (TiCN), et carbure de tungstène (WC) sont des matériaux céramiques qui offrent de très faibles coefficients de friction sous des épaisseurs très faibles (0 à 4 μm). Avec ces types de lubrifiants, le coefficient friction s'établit à 0,15 et 0,18 en présence de salive artificielle, contre 0,40 avec du titane Ti-6Al-4V. Ces types de revêtements lubrifiants présentent un inconvénient majeur, leur extrême dureté Vickers (TiN : 2300 ; TiCN : 3000 ; WC : 2700) contre 350 (Ti-6Al-4v). En conséquence, le contact de ces revêtements détériorera, inéluctablement, le taraudage interne de l'implant, tant lors de la précharge que lors des micro-mouvements liés aux forces fonctionnelles ou non.

Vitesse de serrage

Cette vitesse contribue à diminuer la friction, et ainsi à augmenter la composante élastique au sein du corps de la vis (tableau 7) [26]. Cela nécessite l'utilisation d'un moteur fiable afin d'appliquer un couple de serrage adapté [58].

L'élasticité

Elle se situe dans la partie lisse du corps de la vis, qui est plus ou moins longue selon les types de vis et les fabricants. Son rôle est d'assurer un meilleur serrage entre les différents acteurs, en respectant la limite de 60 % du coefficient d'élasticité du métal, le coefficient d'élasticité du titane Ti6Al4V étant largement supérieur à celui des alliages d'or des vis (80 % Pd, 10 % Ga, et 10 % Cu/Au/Zn). Durant l'application du couple, le corps de la vis s'allonge, d'une manière progressive variant entre 8,2 μm et 11,4 μm pour les vis or, entre 4,8 μm et 8,2 μm pour les vis titane [26, 60]. Guda et al. sont en faveur de vis présentant un haut coefficient d'élasticité afin d'obtenir une forte précharge [39]. L'allongement d'1 μm équivaut à une force de 47,9 N. Il est capital de respecter les couples prescrits par les fabricants 468,2 (± 57,9) N pour les vis en alliages d'or et 381,5 (± 72,9) N pour les vis en titane.

Techniquement, il incombe de rechercher et d'obtenir un équilibre entre friction et tension élastique afin d'assurer la pérennité de l'assemblage. Cet équilibre très complexe et difficilement prévisible résulte de l'incidence de cinq facteurs (fig. 7) [38].

L'adaptation

L'adaptation est un paramètre essentiel de la fiabilité du vissage. Au niveau prothético-implantaire, elle se définit ou correspond à la passivité. Cette absence de propriété provoque des contraintes au niveau osseux, implantaire et prothétique. Les études, in vitro, ont confirmé qu'une imprécision de 6 μm pouvait être mise en évidence au niveau de l'armature, et indirectement transmettre des contraintes aux structures sous-jacentes [6]. Cliniquement, une inadaptation de 169 μm ± 32 s'associe à des problèmes de vis, alors qu'une imprécision inférieure de 134 μm ± 30 n'en provoque pas (restauration complète 4 à 6 implants) [61].

Au début des années 1990, les techniques prothétiques faisaient appel aux techniques classiques coulées, brasures, soudures, etc. Afin de surmonter certaines difficultés, les fabricants ont proposé des composants prothétiques partiellement calcinables avec une base usinée, ou totalement calcinables. Puis l'avènement des techniques numériques de conception et d'usinage a révolutionné la réalisation prothétique en apportant précision, adaptation, passivité (Procera Method). Mais l'évaluation de ces qualités a été et demeure délicate, à la fois dans le plan vertical, l'enfoncement, et dans le plan horizontal, la résistance à la rotation.

Enfoncement

C'est certainement le paramètre le plus souvent pris en considération et étudié. Initialement établi à 100 μm, il peut varier entre 10 μm et 150 μm [62]. Ces valeurs, purement empiriques, semblent cependant totalement éloignées d'une adaptation et d'une stabilité prothétiques parfaites. L'évaluation de la qualité de la précision est délicate car les protocoles et les moyens de mesure sont très différents, ce qui explique que les conclusions diffèrent selon les études [63]. Katsoulis a proposé des critères d'évaluation qui tiennent compte du type et de l'étendue de la restauration. Ils s'étendent de 0 μm (idéal) à 200 μm (très mauvais) en fonction de l'étendue de la restauration (tableau 8) [64]. L'apport de l'usinage a permis d'améliorer la précision des pièces mais cette précision est aussi fonction des matériaux utilisés et de l'ensemble de la chaîne technologique [65]. La comparaison des différentes techniques et matériaux a été conduite en évaluant, in vitro, l'adaptation pilier-implant en 5 points : sens vertical parfait (A) ou déhiscence (B), sens transversal surcontour (C), parfait (D), sous-contour (E) (fig. 8 et tableau 9) [66].

L'adaptation idéale n'existe pas, la précision de l'enfoncement est parfaite avec des pièces usinées mais elle s'accompagne d'erreur dans le sens horizontal (type II). Les autres procédés offrent des résultats plus divers. Les résultats de De França et al. confirment le plus faible degré d'imprécision à la fois dans le sens vertical et dans le sens transversal avec des piliers usinés [67]. Mais, même si les valeurs de résistance au dévissage diffèrent selon les études de celles citées ci-dessus, elles aboutissent à la même conclusion : la réalisation de pièces usinées s'accompagne toujours d'une meilleure résistance à la perte de couple que celle de pièces coulées (92,3 % versus 84, %) (tableau 10) [68].

Résistance à la rotation

Ce paramètre est spécifique aux éléments unitaires. Dans cette situation clinique, in vitro, la corrélation entre la rotation du pilier et le dévissage, et indirectement sur l'adaptation précise entre le pilier et l'implant, a été établie [64].

La tolérance d'imprécision, en rotation axiale, du couple l'hexagone externe (patrice)-pilier (matrice) devrait être inférieure à 5o pour assurer la stabilité (fig. 9) [69]. Dans l'étude conduite par cet auteur, la réduction de l'imprécision de 3o de rotation à 2o réduit la perte de couple de 26 %. De nombreux paramètres participent à cette imprécision en rotation.

La patrice de l'hexagone de l'implant est un élément souvent négligé. Garine et al. ont estimé l'imprécision dimensionnelle des hexagones externes à 11 μm entre deux marques implants (fig. 10 et tableau 11) [70].

Ce fait a été confirmé par Malaguti et al., qui ont montré une imprécision de cet élément patrice, au sein d'une même marque, classifié IT* 9 (implant Keystone®) [71]. Dans cette étude, les éléments matrices se révèlent plus précis IT 8 (pilier UCLA-pilier coulé-pilier titane). Comme pour la précision à l'enfoncement, le procédé de réalisation du pilier et les matériaux utilisés ont une incidence directe sur la résistance à la rotation. Les piliers usinés titane offrent la meilleure précision (tableau 12) [68].

De même, les piliers Procera® titane offrent une meilleure résistance au dévissage que les piliers zircone, alumine, même si la différence entre titane et zircone est faible (Ti 120,7 ± 1,45 versus Zi 121,7 ± 1,32) (tableau 3) [72].

Les piliers de marques différentes présentent des hexagones dont les dimensions varient en hauteur entre 0,69 mm et 0,90 mm et en largeur de 2,69 mm à 2,73 mm (4 marques) [37]. Ces imprécisions permettent des rotations qui n'excèdent pas 3o5. Mais une imprécision angulaire de 2o,79 et 1o,21 se traduit par un couple inverse de 92,3 %, et 84,0 % du couple initial [67] (implants Conexão®).

À ces problèmes d'adaptation statique s'ajoutent les problèmes de stabilité dynamique. Le schéma occlusal contribue au dévissage, la fonction canine augmentant la fréquence par rapport à une fonction de groupe [72]. De même, en présence d'un élément unitaire, la largeur de la face occlusale et le diamètre de l'implant contribuent au dévissage, contrairement à des éléments pluraux solidarisés [74]. Le type de connexion influence les risques de dévissage. L'utilisation de connexions internes s'accompagne d'une diminution de la fréquence des dévissages [75]. La précision de la relation patrice-matrice est supérieure dans le cas de connexions internes [75] (implant Nobel Biocare MkIII®, Replace). En revanche, dans cette étude, l'amplitude de la rotation des piliers zircone est très importante contrairement aux valeurs obtenues par Vigolo et al. et Garine et al. (tableau 13) [69, 71]. Cependant, ces derniers mettent en évidence la précision supérieure des piliers usinés en titane. En présence d'un implant unitaire, les études actuelles montrent que le dévissage d'un élément unitaire est rare dans la mesure où le système anti-rotationnel est efficace et le serrage adéquat [77]. La présence de salive comme lubrifiant réduit la résistance à la perte de couple [78]. Cliniquement, si certains auteurs relient la perte de couple à une adaptation matrice-patrice imparfaite et surtout instable en particulier avec les piliers coulés, d'autres aboutissent à une conclusion plus mesurée, estimant qu'il n'existe pas de preuves fortes pour établir cette relation. Selon les études, les valeurs des couples de dévissage varient entre 81,4 % et 92,3 % du couple initial.

La pérennité

Dans la mesure où tous les paramètres préalablement analysés ont été parfaitement respectés, le praticien est en droit d'imaginer que le phénomène de dévissage ne peut pas survenir [79]. Hélas, si les études épidémiologiques actuelles montrent une diminution de la fréquence de cet incident, il reste cependant présent à environ 5,1 % à 5 ans [80]. En revanche, le taux de fracture des vis a fortement diminué, 0 % (IC 95 % : 0 – 4,4 %) en présence de piliers céramiques, et 0,8 % (IC 95 % : 0,4–1,7 %) en présence de piliers métalliques.

Deux facteurs expliquent le dévissage : le mauvais serrage et la fonction.

Le serrage idéal

Le serrage idéal ne peut être réalisé qu'avec une vis neuve. Se pose alors le problème des essayages des composants prothétiques préalables à la mise en place finale. Il est plus que conseillé d'utiliser d'autres vis afin de prévenir toute modification de l'état de surface des filets.

Lors du serrage avec la vis neuve, le praticien doit tenir compte d'une part de la présence de la torsion parasite, composante élastique, et d'autre part de l'adaptation des éléments, composante friction.

La torsion parasite résulte de la mise en tension par rotation élastique du corps de la vis. À la suite de la suppression du couple, cette torsion élastique disparaît, en moins d'une seconde, en fonction des matériaux en contact [81]. Lors de l'application d'un couple de 35 Ncm, son maintien pendant 10 ou 30 secondes ne modifie pas la perte de couple qui survient, inévitablement, après sa suppression [82]. Le deuxième facteur, la mise en place, est lié à l'usure des rugosités lors du vissage au niveau des interfaces tête-pièce et des filets vis-implant. Le serrage initial contribue à aplatir les micro-reliefs entre les parties métalliques en contact, phénomène caractéristique du serrage au couple [83]. À cela s'ajoute l'adaptation entre les composants prothétiques à l'échelle micro- ou nanoscopique [84]. Certains auteurs assimilent ce phénomène à un tassement qui contribue à diminuer les forces de serrage [85] entre 2 % et 10 % [86].

La conjugaison de ces deux phénomènes aboutit à une baisse de couple. Dans la littérature, le pourcentage de perte de couple varie de 16,1 % à 25 %, même si certains auteurs tendent à monter des valeurs plus grandes, de 19,7 % à 39 % [86]. En outre, Cantwell et Hobkirk, ont observé que si la diminution la plus importante du couple survient immédiatement après la suppression du couple initial (1 seconde = 6,5 %), cette perte se prolonge dans le temps (15 heures = 24,9 %) (implant Nobel-vis or-pilier Gold Cylinder®) (fig. 11) [7].

Ce phénomène de perte du couple et sa rapidité sont confirmés par de nombreuses autres études. Cette perte dépend de la nature des vis et de leur type d'alliage (d'or, de titane avec ou sans traitement de surface, les vis en alliage d'or offrant la meilleure résistance au dévissage [46, 53, 56, 87]). De plus, les lubrifiants liquides ont une incidence directe sur la perte de couple, la salive générant plus de perte que la chlorhexidine.

Pour remédier à ce phénomène, certains praticiens proposent de resserrer la vis 2 à 10 minutes après l'application du couple initial [73, 89, 90]. Ce procédé réduirait la perte de couple de 17 % à 19 % en accentuant la phase élastique de la vis [4, 91].

À l'opposé, d'autres études soulignent que le resserrage des vis provoque une usure des surfaces en contact, ce qui réduit le phénomène de friction et favorise la perte de précharge [87, 92]. Cependant, ces études conduites, in vitro, portaient sur des séquences de 10 opérations successives. Ces résultats sont à mettre en avant pour justifier le changement d'une vis lorsque le praticien doit répondre à des dévissages spontanés. Les resserrages répétés doivent être évités, les vis qui se sont desserrées, dévissées, doivent être changées pour éviter tout nouveau dévissage, voire une fracture. En effet, après une dizaine de cycles de vissage-dévissage, la détérioration de l'état de surface des filets de la vis est telle qu'une nouvelle vis doit être utilisée pour obtenir une précharge maximale [93]. Des déformations, fissures, ou crevasses au niveau des filets ont été mises en évidence, témoignant de leur déformation plastique irréversible [94]. En outre, cela s'accompagne d'une diminution du coefficient de friction, fait confirmé par d'autres études [95].

Les fractures par fatigue sont beaucoup moins fréquentes : 0,15 % (2009), 0,6 – 0,3 % (2020) [96, 97]. Al Jabbari justifie ces incidents par de mauvaises orientations forces occlusales-axes des implants, et par des extensions trop longues [98]. À ces causes s'ajoutent les problèmes de corrosions du titane, qui contribuent à la fracture des vis [99]. En dehors des qualités d'adaptation et de précision préalablement abordées, l'incidence des fonctions et parafonctions ne semble pas devoir être considérée comme une étiologie des fractures des vis. En revanche, les études tentent à démontrer que les fractures se situent davantage au niveau incisif, et les dévissages au niveau molaire.

Réduire les micro-mouvements

Pour expliquer ces problèmes, il convient de replacer le complexe implanto-prothétique et la vis qui le maintient dans son contexte buccal. Sous l'effet des forces fonctionnelles ou non, des vibrations, des micro-mouvements, sollicitent les zones entrant en friction, et un micro-jeu s'installe (fig. 7) [100]. La hauteur de la restauration prothétique a une incidence sur ces mouvements, une augmentation de la hauteur de 5 mm de la restauration prothétique provoquant une fatigue de la vis prothétique [101].

Dans un second temps, le jeu augmente, les composantes élastiques et frictionnelles disparaissent. La vis prend du jeu et se desserre complètement. Ces micro-mouvements sont potentialisés par un mauvais serrage [102]. Les problèmes du réglage de l'occlusion, du choix du schéma occlusal, et de la présence de parafonctions demeurent fondamentaux dans la diminution des micro-mouvements.

CONCLUSION

Face à ces données de la littérature, il est difficile d'émettre des conclusions formelles mais on peut avancer certaines recommandations :

– la pérennité des restaurations implanto-portées découle d'un serrage parfait ;

– les vis en alliages d'or offrent la meilleure stabilité clinique pour ce type de restaurations ;

– les vis en alliages de titane sont moins onéreuses et offrent une bonne fiabilité si elles présentent un traitement de surface type or ou DLC ;

– le resserrage après 10-15 minutes semble indispensable ;

– les resserrages répétés doivent être évités ;

– le dévissage spontané ou provoqué pour maintenance impose le changement de la vis, surtout si elle est en alliage d'or ;

– l'utilisation de composants de différentes origines que celle du système implantaire est déconseillée ;

– les connexions internes semblent s'associer à une diminution du desserrage de la vis ;

– la présence de parafonctions (bruxisme, forces occlusales excessives, habitudes...) doit être prise en considération.

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Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Fréderic Silvestri - AHU, UFR d'odontologie, université Aix-Marseille - service d'odontologie, hôpital de la Timone (APHM) (Marseille)

Chloë Mense - MCU-PH associée, UFR d'odontologie, université Aix-Marseille - service d'odontologie, hôpital de la Timone (APHM) (Marseille)

Patrick Tavitian - MCU-PH, UFR d'odontologie, université Aix-Marseille - service d'odontologie, hôpital de la Timone (APHM) (Marseille)

Michel Ruquet - PU-PH, UFR d'odontologie, université Aix-Marseille - service d'odontologie, hôpital de la Timone (APHM) (Marseille)

Olivier Hüe - Professeur d'université « émérite », UFR d'odontologie, université Aix-Marseille

  • IT intervalles ou degrés de tolérance normalisés ISO 286.