Internes, jeunes praticiens : à vos protocoles !
A.S. VAILLANT-CORROY / P. CORNE
• Choisir le porte-empreinte adapté avec le compas à pointe sèche :
– au maxillaire, placer les faces internes du compas à l'extérieur des tubérosités maxillaires (fig. 1) ;
– à la mandibule, placer les faces externes du compas à l'intérieur des tubercules rétro-molaires ;
– reporter ensuite le compas sur la tablette dédiée pour...
Liste de matériel
– Porte-empreintes de Schreinemakers.
– Compas à pointes sèches.
– Dosette d'eau.
– Bol et spatule.
– Spray de désinfection.
– Crayon dermographique.
Liste des matériaux
– Adhésif spécifique.
– Matériau à empreinte.
– Eau à température ambiante.
– Résine photo-polymérisable.
• Choisir le porte-empreinte adapté avec le compas à pointe sèche :
– au maxillaire, placer les faces internes du compas à l'extérieur des tubérosités maxillaires (fig. 1) ;
– à la mandibule, placer les faces externes du compas à l'intérieur des tubercules rétro-molaires ;
– reporter ensuite le compas sur la tablette dédiée pour choisir le porte-empreinte adapté (fig. 2) ;
– si prothèse existante : placer les pointes du compas dans celle-ci.
• Valider le choix du porte-empreinte.
• Enduire le porte-empreinte d'adhésif et laisser sécher.
• Rincer et sécher la muqueuse du patient.
• Préparer le matériau à empreinte.
• Enduire les zones de concavités de matériau à empreinte, insister :
– au maxillaire : zone d'Eisenring et fond du palais (fig. 3) ;
– à la mandibule : niches rétro-molaires et zones linguales (fig. 4).
• Garnir le porte-empreinte :
– au maxillaire : centrer et insérer le porte-empreinte d'avant en arrière ;
– à la mandibule : centrer et insérer le porte-empreinte d'arrière en avant.
• Crocheter les joues et les lèvres et faire tirer la langue (lors de l'empreinte mandibulaire) pendant la prise du matériau.
• Attendre la prise complète du matériau.
• Désinsérer le porte-empreinte dans l'axe des crêtes.
• Si utilisation d'alginate, cartographier l'empreinte primaire obtenue : noter les bords du futur porte-empreinte individuel en comparant l'empreinte à l'anatomie buccale (dégager les freins et les sur-extensions) (fig. 5).
• Désinfection (fig. 6) puis conditionnement de l'empreinte (fig. 7).
Coulée en plâtre du modèle issu de l'empreinte primaire.
Tracés des limites du porte-empreinte individuel (fig. 8).
La prothèse amovible complète est une solution thérapeutique encore très fréquemment proposée face à un patient édenté complet. L'implantologie a grandement amélioré la prise en charge de ces patients mais la prothèse complète reste la base de tout traitement ainsi qu'un incontournable de notre arsenal thérapeutique de par son faible coût par rapport aux traitement implantaires et sa relative facilité de mise en œuvre face aux traitements plus complexes, notamment chirurgicaux [1].
Leur confection nécessite deux temps d'empreinte aux objectifs et techniques bien distincts : les empreintes primaires, dites muco-statiques, et les empreintes secondaires, dites anatamo-fonctionnelles. Les empreintes primaires ne sont malheureusement pas toujours considérées à leur juste valeur alors qu'elles sont garantes de la réussite de la stabilité et du maintien des prothèses finalisées. Elles permettent ainsi d'enregistrer l'anatomie du terrain sur lequel vont reposer les bases prothétiques et d'élaborer le modèle de travail primaire sur lequel sera ensuite confectionné le porte-empreinte individuel (PEI). Les deux principaux écueils à éviter sont les surpressions, en raison d'un matériau à empreinte trop compressif, et les sur-extensions, sources de blessures et/ou d'instabilité des futures prothèses.
L'empreinte primaire ne constitue pas le premier maillon du traitement de l'édenté complet. Au préalable, il est nécessaire, d'une part, de réaliser un examen clinique rigoureux permettant d'apprécier l'anatomie buccale du patient et de dépister d'éventuelles pathologies (absence ou manque de salive, allergie vraie à la résine) rendant le traitement plus difficile à mettre en œuvre. D'autre part, il faut garder à l'esprit que l'empreinte primaire ne peut être réalisée que sur un terrain parfaitement sain, autrement dit exempt de tout élément perturbateur, muqueux (type crête flottante) ou osseux (importantes contre-dépouilles, irrégularités majeures de la crête). La santé des tissus sous-jacents doit ainsi être évaluée. L'orthokératose se caractérise par la présence de tissus sains, à la différence de la parakératose qui se définit par une muqueuse rouge et inflammatoire. Il s'agit d'un état tout à fait réversible si l'on adapte les prothèses existantes (équilibration occlusale, re-basage souple à l'aide de résine à prise retard) et/ou si l'hygiène est améliorée. Enfin, la dyskératose est caractérisée par une muqueuse rouge enflammée et flottante. Il s'agit d'un état cette fois irréversible qui nécessite une prise en charge pré-prothétique chirurgicale. Il faut s'interroger sur l'étiologie de la pathologie (souvent une surcharge occlusale antérieure, surtout en cas de présence de dents résiduelles antérieures mandibulaires, ou parfois un déficit d'espace prothétique) avant de la traiter.
Enfin, le facteur psychologique est certainement un des facteurs les plus importants à prendre en compte. Rappelons que les patients édentés totaux souffrent d'un véritable handicap physique (perte du calage occlusal, étalement de la langue, affaissement de l'étage inférieur de la face), social/relationnel (difficulté d'alimentation, de phonation et d'élocution) et psychologique [2]. De nombreux échecs sont liés à un manque de préparation psychologique, et ce même si les prothèses sont bien conçues et réalisées [3, 4]. Il est important de se poser la question de la nécessité de réhabilitation prothétique en se fondant sur un examen clinique et un examen des prothèses existantes – si elles existent –, mais aussi sur la qualité de vie du patient avant traitement.
Le plâtre est le matériau de choix pour réaliser les empreintes primaires de prothèse complète. Ce matériau inerte et donc non compressif permet une fidèle reproduction des détails et évite l'enregistrement de sur-extensions étant donné qu'il ne déplace pas les lignes de réflexion muqueuse [6], contrairement aux alginates. Toutefois, sa manipulation délicate nécessite de l'expérience et il est contre-indiqué en présence de contre-dépouilles ou si le patient présente peu de salive [6]. De plus, le risque de blessures est plus important de par sa rigidité une fois la réaction de prise terminée [6]. Les empreintes au plâtre nécessitent des portes-empreintes métalliques pleins spécifiques (type Cerpac™) et l'utilisation de plâtre de type 1 à prise rapide (type Snow White, Kerr®).
L'utilisation des alginates s'est largement démocratisée dans les cabinets dentaires et la majeure partie des empreintes primaires sont réalisées avec ce matériau [1]. Ce matériau hydrophile, facile d'utilisation, de faible coût, présente toutefois le désavantage d'une stabilité dimensionnelle médiocre qui nécessite idéalement une coulée dans l'heure qui suit. Il s'adapte néanmoins à toutes les situations cliniques et peut ainsi être utilisé en présence de contre-dépouilles tout en limitant le risque de blessures. Sa viscosité importante est souvent à l'origine de sur-extensions et le prothésiste n'ayant pas examiné le patient ne peut imaginer l'anatomie de la cavité orale du patient [3]. Il est donc intéressant de réaliser une cartographie de l'empreinte primaire après désinsertion pour corriger les erreurs enregistrées et limiter l'incidence de ces sur-extensions. Ces empreintes nécessitent des portes-empreintes perforés qui permettent de maintenir le matériau (type Schreinmakers™) ainsi que de l'alginate de classe B.
Dans tous les cas, le meilleur matériau, malgré les avantages et inconvénients de chacun, reste celui qui est bien utilisé, et ce de manière répétée par le praticien (tableau 1).
Le porte-empreinte doit être bien dimensionné pour permettre d'englober les tubérosités maxillaires ou les tubercules rétro-molaires à la mandibule. Le but est d'obtenir une harmonie entre le porte-empreinte et la forme de l'arcade. Un porte-empreinte trop grand gênera le patient tandis qu'un trop petit ne permettra pas d'enregistrer convenablement les arcades. Au besoin, il faut le personnaliser à l'aide de cire pour l'allonger ou le déformer pour l'adapter au mieux au profil du patient. Il ne faut pas hésiter à positionner de la cire dans les régions rétro-mylo-hyoïdiennes à la mandibule afin d'enregistrer les zones de réflexion muqueuses. Idéalement, le porte-empreinte ne doit pas gêner ni déplacer les organes para-prothétiques. On vérifie ainsi que le manche du porte-empreinte n'interfère pas avec les lèvres en antérieur. On peut ensuite réaliser des butées de centrage et d'espacement en cire molle pour faciliter la prise de l'empreinte.
Tout d'abord, il est important de respecter les ratios poudre/liquide donnés par le fabricant pour la préparation du matériau à empreinte, et ce plus particulièrement pour l'alginate [8]. L'eau doit idéalement être à température ambiante, en sachant qu'une élévation de la température entraîne une accélération du temps de prise du matériau.
Avant l'insertion du porte-empreinte, il est préférable de réaliser une enduction des zones importantes. Il est ainsi possible d'utiliser une seringue à cet effet [8], un doigt ganté ou une spatule de largeur moyenne. Au maxillaire, l'enduction concernera principalement les fonds de vestibule, les tubérosités, la suture palatine et les zones d'Eisenring. À la mandibule, on insistera plus particulièrement sur les niches rétro-molaires et les zones linguales.
L'insertion du porte-empreinte se réalise rapidement après enduction pour éviter une prise différée des matériaux qui rendrait l'empreinte inexploitable [8]. Au maxillaire, afin d'éviter toute bulle au niveau du palais, il est préférable d'insérer le porte-empreinte de l'avant vers l'arrière. À la mandibule, il faut procéder inversement, soit de l'arrière vers l'avant.
Durant toute la prise des matériaux, une manipulation constante des organes para-prothétiques (lèvres, joues, langue) facilite l'enregistrement des fonds de sillons afin que la future prothèse occupe au mieux une position physiologique.
Lorsque le patient souhaite renouveler sa prothèse et que cette dernière présente une base conforme sur une muqueuse saine [9], il est possible de l'utiliser pour réaliser directement le modèle de travail en plâtre pour la conception du PEI. Pour ce faire, il suffit d'enduire l'intrados prothétique de plâtre à prise rapide et de reposer l'ensemble sur un socle. Une autre alternative consiste à réaliser un duplicata de la prothèse en résine pour obtenir un PEI d'excellente qualité [8].
La désinfection doit se faire immédiatement après désinsertion de l'empreinte. Cette dernière est alors rincée sous l'eau courante durant 15 secondes puis secouée énergiquement (élimination de 90 % des micro-organismes). Les excès éventuels de matériaux non soutenus sont ainsi éliminés. La désinfection se fait avec de l'hypochlorite de sodium à 0,5 % soit en spray, soit en immersion pendant 15 secondes [10]. L'empreinte doit ensuite être placée dans un milieu fermé saturé en humidité (dit « hygrophore ») pendant 30 minutes [7, 11]. Après ce délai, l'empreinte est à nouveau rincée, secouée puis conditionnée en milieu hygrophore jusqu'à sa coulée.
La coulée doit intervenir le plus rapidement possible afin de limiter les éventuelles déformations : elle doit se faire idéalement dans les 30 minutes suivant la désinfection [8, 12]. Si la coulée immédiate est impossible, l'empreinte peut être placée dans un environnement froid (4 oC), ce qui permet d'augmenter légèrement le temps d'attente avant traitement [1].
Le modèle de travail confectionné permet ainsi la réalisation du PEI pour la réalisation de l'empreinte fonctionnelle. Ce dernier doit ainsi permettre d'enregistrer les tissus muqueux en mouvement. Pour ce faire, il doit se trouver à une distance de 1 mm des fonds de vestibule et à 2 mm des freins et des brides. Son épaisseur doit être suffisante pour soutenir le matériau à empreinte et permettre une liberté de mouvement optimale des muscles para-prothétiques. Les bourrelets qui surplombent la plaque base et qui servent de zone de préhension doivent ainsi préfigurer les futures aires de montage des dents. Au maxillaire, on conseille de respecter en antérieur une inclinaison de 15o avec une largeur de 3 à 4 mm alors que, en postérieur, le bourrelet doit être rectiligne, incliné de 45o en arrière du sommet des tubérosités avec une épaisseur moyenne de 5 à 6 mm [13]. La hauteur totale du PEI se situe en moyenne à 21 mm en antérieur et 18 mm en postérieur (à partir du fond de vestibule) [13] (fig. 12). À la mandibule, le bourrelet du PEI présente une largeur de 2 à 3 mm avec une inclinaison de 0 à 5o et un profil concave alors que, en postérieur, il est vertical avec une largeur de 5 à 6 mm [13]. La hauteur totale du PEI mandibulaire n'excède pas en moyenne 18 mm (à partir du fond de vestibule) [13] (fig. 13).
La technique conventionnelle, reconnue et enseignée mondialement, de réalisation d'une prothèse complète est décrite selon 5 étapes cliniques [14].
1. Empreinte primaire ou « préliminaire » à l'aide d'hydrocolloïdes irréversibles (alginate). Au laboratoire : réalisation d'un porte-empreinte individuel.
2. Modelage des bords du porte-empreinte individuel puis empreinte secondaire à l'aide de polysulfure, polyvinyl siloxane ou polyéther. Au laboratoire : coulée du maître-modèle et réalisation des maquettes d'occlusion.
3. Réglage des maquettes et enregistrement des rapports maxillo-mandibulaires puis, idéalement, transfert du modèle maxillaire sur articulateur à l'aide d'un arc facial. Au laboratoire : montage des dents prothétiques.
4. Essayage des dents sur une base en cire. Certains auteurs décrivent ici à nouveau deux séquences, une première pour l'essayage des dents antérieures, puis une seconde pour les postérieures [15]. Au laboratoire : polymérisation et finition prothétique.
5. Insertion prothétique.
Cette méthode éprouvée engendre des résultats reproductibles et tout à fait satisfaisants [16].
Toutefois, des études ne montrent aucune différence statistiquement significative en employant une méthode dite « simplifiée », tant sur les capacités masticatoires que sur la satisfaction générale du patient [8, 15, 17, 18]. Cette méthode simplifiée, décrite en 2013, consiste en l'élaboration d'une prothèse amovible complète en 4 étapes cliniques [15].
1. Empreinte dite d'emblée « d'usage » à l'alginate.
2. Réglage des maquettes et enregistrement des rapports maxillo-mandibulaires.
3. Essayage des dents sur cire.
4. Insertion prothétique.
Certains auteurs recommandent tout de même de dépister les profils de patients « à risque » d'échecs si on utilise la technique simplifiée [8]. Les échecs ont 3 étiologies principales : la psychologie du patient, son anatomie et son état de santé (xérostomie par exemple).
Dans les deux techniques, il est décrit une période de réglage des bases et d'occlusion s'étalant sur une période de 2 à 3 semaines [15].
De notre point de vue, le temps « gagné » par cette étape en moins est bien souvent à nouveau « perdu » lors des réglages successifs suivant l'insertion prothétique.
L'utilisation de la caméra intra-buccale en prothèse amovible complète est encore très marginale en 2020. Il n'existe pas à l'heure actuelle de protocole scientifiquement validé pour la réalisation d'empreintes en prothèse amovible complète. En effet, les empreintes physico-chimiques sont capables de par leur viscosité d'enregistrer la dépressibilité muqueuse nécessaire à l'établissement du joint prothétique, sans compter leur temps de prise qui permet d'enregistrer la dynamique musculaire contrairement à l'empreinte optique. Toutefois, les caméras de dernière génération (Trios 4™ de 3shape™, Primscan™ de Dentsply Sirona™ par exemple) sont maintenant suffisamment rapides et fiables pour permettre, en théorie, un enregistrement muco-statique des crêtes édentées et faciliter l'élaboration du PEI par CFAO. Toutefois, l'investissement bénéfice/coût encore trop important freine en partie sa démocratisation. Pour ce faire, on privilégie des trajectoires de scannage dites en « zigzag » qui facilitent le recalage de la caméra [19]. L'utilisation d'un crayon dermographique peut également aider à cet effet mais l'enregistrement de muqueuses édentées en empreinte optique reste encore fastidieux comparé aux méthodes conventionnelles. Elle aurait toutefois l'avantage d'être totalement non compressive et sans risque de sur-extension. Même si la CFAO s'intègre peu à peu dans les protocoles d'élaboration des prothèses amovibles complètes [20-22], l'enregistrement du terrain prothétique numérisé directement en intra-buccal n'est pas encore d'actualité [23].
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Anne-Sophie Vaillant-Corroy - MCU-PH, Nancy
Pascale Corne - MCU-PH, Nancy