CFAO et prothèses cliniques
Depuis des décennies, l'attelle de contention est considérée comme une méthode efficace pour stabiliser des dents parodontalement compromises mais aussi après un traitement orthodontique ou un traumatisme [1-4]. Il faut toutefois noter que l'élaboration d'une attelle demeure parfois complexe à réaliser pour le praticien et peut représenter un certain inconfort pour le...
Préambule
L'objectif de cet article est de décrire l'intérêt de la CFAO dans la conception d'une attelle en matériau hybride pour remplacer un fil composite défectueux sur des incisives mandibulaires antérieures compromises parodontalement.
Après le décollement d'une ancienne attelle en fil orthodontique collée avec du composite chez une patiente de 66 ans, il a été décidé avec son accord de concevoir une nouvelle attelle par CFAO. L'empreinte optique a été prise avec une caméra iTero element 2 (Align®) et l'attelle a ensuite été modélisée avec le logiciel InLab®. L'axe d'insertion a été défini et les limites de préparation, similaires à celles des facettes linguales, ont été conçues avec une épaisseur de 1 mm afin d'obtenir un matériau suffisamment résistant pour accepter le processus d'usinage. L'attelle a été usinée à partir d'un bloc d'un matériau hybride composé de 70 % de verre céramique et de 30 % de polymères (Ambarino High Class®). Au bout d'un an, en termes de confort et de qualité de vie, les réactions de la patiente ont été extrêmement positives avec une sensation de dents parfaitement stables, solides et esthétiques.
Depuis des décennies, l'attelle de contention est considérée comme une méthode efficace pour stabiliser des dents parodontalement compromises mais aussi après un traitement orthodontique ou un traumatisme [1-4]. Il faut toutefois noter que l'élaboration d'une attelle demeure parfois complexe à réaliser pour le praticien et peut représenter un certain inconfort pour le patient, en particulier lors de la prise d'empreinte ou en termes d'encombrement rétro-incisif.
Par ailleurs, il existe des risques de complications post-thérapeutiques tels que la fracture ou le décollement partiel ou total du dispositif [5]. Pour pallier ces inconvénients, l'association de la CFAO et de matériaux hybrides offre une aujourd'hui une nouvelle alternative plus confortable et plus durable pour le patient.
À travers ce cas clinique, nous présentons une méthode de réalisation d'une attelle de contention à l'aide d'un matériau hybride (Ambarino®) après empreinte optique, pour remplacer une attelle défectueuse décollée, sur des incisives mandibulaires mobiles et parodontalement compromises.
En mars 2018, une patiente de 66 ans est venue consulter au service d'odontologie de Toulouse pour le décollement partiel de son attelle de contention mandibulaire au niveau des incisives centrales 31 et 41. Elle avait été anciennement traitée avec succès pour une parodontite de grade 2, stade A, suivie d'un traitement orthodontique pour corriger l'encombrement des incisives inférieures. En 2016, à la fin du traitement orthodontique, en raison de la mobilité résiduelle des dents parodontalement compromises et afin de maintenir les résultats obtenus, un fil de contention fixé avec du composite a été réalisé.
À l'examen clinique, il a par ailleurs été noté une importante lésion endo-parodontale sur la première incisive inférieure gauche 31. Afin d'effectuer le traitement endodontique de la lésion, le fil a été coupé entre 31 et 32 (fig. 1 et 2).
Après réalisation du traitement endodontique, la patiente a donné son accord pour la réalisation d'une attelle. Nous avons choisi de la réaliser en matériau hybride par CFAO.
Les surfaces dentaires ont été nettoyées et le composite entièrement retiré à l'aide d'un appareil à ultrasons (Satelec®) et d'une brosse prophylactique. Une légère réduction amélaire linguale de 0,5 mm a été effectuée au niveau des dents mandibulaires de 33 à 43, afin de laisser suffisamment d'espace pour la future attelle CFAO et le matériau de liaison (fig. 3). L'empreinte optique a été prise avec une caméra iTero element 2 (Align®) (fig. 4).
L'attelle a ensuite été modélisée avec le logiciel InLab® (Dentsply-Sirona). L'axe d'insertion a été défini et les limites de préparation, similaires à celles de facettes linguales, ont été programmées pour une épaisseur de 1 mm afin d'obtenir un matériau suffisamment résistant pour accepter le processus d'usinage.
L'usinage de l'attelle a été réalisé à partir d'un bloc d'Ambarino High Class®, un matériau hybride composé de 70 % de verre céramique et de 30 % de polymères (fig. 5). La durée de l'usinage est de 30 minutes environ.
Ce matériau hybride combine les propriétés mécaniques des résines céramiques et composites pour donner un matériau résistant, esthétique mais également flexible, permettant le remodelage de l'os alvéolaire et la cicatrisation du système d'attachement parodontal. Une fois l'attelle usinée, une digue a été posée entre 33 et 43 (fig. 6).
Les six surfaces linguales ont été sablées avec de l'oxyde d'alumine à 27 μm pour améliorer l'ancrage mécanique de la liaison. De l'acide orthophosphorique a été appliqué sur l'émail pour favoriser le conditionnement des tissus en vue de l'application de l'adhésif (fig. 7).
Après un rinçage et un séchage complets, un adhésif universel a été appliqué sur l'émail des dents, puis photopolymérisé, conformément aux recommandations du fabricant (fig. 8).
Du Téflon® a ensuite été placé dans les espaces interdentaires pour éviter le débordement de matériau de liaison et permettre un accès facile pour l'hygiène interdentaire une fois l'attelle en place (fig. 9).
L'attelle a ensuite été conditionnée par sablage de la surface intérieure et un adhésif universel a été appliqué et polymérisé (fig. 10 et 11).
Une fois les deux surfaces traitées, un composite de liaison (Nexus NX3®, Kerr) a été déposé sur l'intrados de l'attelle. L'attelle a été positionnée et maintenue sous une pression douce au niveau des surfaces linguales des dents, suivie d'une polymérisation « flash » de cinq secondes. L'excès de composite a été retiré avec un instrument miniCK6, puis une nouvelle polymérisation plus longue (une minute pour chaque dent) avait été réalisée. Un polissage minutieux a été effectué à l'aide de fraises en silicone de taille de grain décroissante (fig. 12).
Enfin, la digue a été retirée et l'occlusion a été ajustée statiquement et dynamiquement pour éviter une éventuelle prématurité et/ou des interférences lors des mouvements fonctionnels (fig. 13 et 14).
À notre connaissance, aucune publication n'a été faite sur la réalisation d'attelle hybride en composite par CFAO sur des dents parodontalement compromises. Selon la patiente, une amélioration majeure de cette technique par rapport à son expérience précédente a été le confort ressenti lors de l'empreinte numérique comparé à l'empreinte conventionnelle. Ce résultat est conforme à celui d'autres auteurs qui ont tous décrit les empreintes numériques comme étant précises et confortables pour les patients, en particulier concernant les réflexes nauséeux ou la mobilité des dents [6-9].
Un autre point intéressant est la résistance de la nouvelle attelle collée. Le matériau hybride choisi, composé de 70 % de vitrocéramique et de 30 % de polymères (Ambarino®) représente une alternative intéressante qui combine résistance et esthétique [10-12]. Il a été rapporté dans la littérature que la résistance d'une dent en composite à liant de porcelaine combiné peut atteindre 63 MPa, ce qui donne une considérable force de rétention pour les facettes [13-14]. Enfin, l'utilisation d'une digue en caoutchouc pour le collage a également augmenté la longévité et le taux de réussite de ce nouveau dispositif.
En termes de confort et de qualité de vie, les réactions de la patiente ont été extrêmement positives : elle a eu très rapidement la sensation d'avoir des dents parfaitement stables, polies et esthétiques. Au bout d'un an, le résultat est toujours convaincant et cette méthode a depuis lors été appliquée sur d'autres patients.
Pour conclure, rappelons que chez les patients présentant des dents parodontalement compromises et/ou un réflexe nauséeux, la CFAO peut fournir un moyen précis, utile et rapide de réaliser une empreinte confortable et indolore. Le traitement peut être réalisé en une seule séance et la pièce peut être usinée sur place si l'on est équipé du logiciel et de l'usineuse. Par ailleurs, le collage avec un composite de collage optimise la résistance de l'attelle de contention.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Sophie Caroline Campana - DDS, ancienne interne MBD, Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse
Karim Nasr - MS, DDS, MCU-PH Biomatériaux,
Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse
Rémi Esclassan - PhD, DDS, MCU-PH Prothèses, Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse, Corresponding author: Dr Rémi Esclassan esclassan.r@gmail.com
Thibault Canceill - MS, DDS, AHU-PH, Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse
Antoine Galibourg - MS, DDS, ancien AHU-PH Prothèses, Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse
Bertrand Arcaute - MS, DDS, ancien AHU-PH Odontologie conservatrice, Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse
Olivier Chabreron - MS, DDS, Ancien AHU-PH ProthèsesFaculté de chirurgie-dentaire de Toulouse
Luc Raynaldy - MS, DDS, Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse
Sara Laurencin - PhD, DDS, MCU-PH Parodontologie, Faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse