Les cahiers de prothèse n° 190 du 01/06/2020

 

Prothèses et CFAO

E. WORTHALTER   B. TAVERNIER  

INTRODUCTION

La précision d'adaptation des dispositifs prothétiques implanto-portés est un sujet très vaste. Tout d'abord de par le large éventail des dispositifs prothétiques existants [1], et ensuite car la chaîne de fabrication prothétique, de l'empreinte à la pose de la prothèse, comporte de multiples étapes qui chacune offre au praticien un choix relativement varié.

En effet, Girot, en 2013 [

Résumé

Résumé

Les dispositifs prothétiques implanto-portés sont de plus en plus variés ; en même temps, les options thérapeutiques pour les réaliser sont multiples. Pour autant, l'objectif du praticien reste le même : la précision d'adaptation qui doit permettre de garantir la pérennité de la restauration prothétique et éviter les complications biologiques et mécaniques. Cette recherche bibliographique a pour objectif d'étudier comment la précision d'adaptation est définie dans la littérature, de comprendre quels sont les facteurs en rapport, et en quoi ils peuvent nous intéresser cliniquement ou être du ressort du prothésiste.

INTRODUCTION

La précision d'adaptation des dispositifs prothétiques implanto-portés est un sujet très vaste. Tout d'abord de par le large éventail des dispositifs prothétiques existants [1], et ensuite car la chaîne de fabrication prothétique, de l'empreinte à la pose de la prothèse, comporte de multiples étapes qui chacune offre au praticien un choix relativement varié.

En effet, Girot, en 2013 [2], évoquait déjà la chaîne de précision en prothèse fixée sur implant en expliquant que la précision devait être recherchée à chaque étape.

La précision d'adaptation constitue un facteur de risque pour la pérennité des dispositifs prothétiques [3]. Ce facteur revêt une importance primordiale dont la maîtrise doit être recherchée compte tenu de la complexité et du temps d'élaboration de certains dispositifs prothétiques, et de leurs coûts.

État de la question

La précision d'adaptation des prothèses sur implants a été abordée dès le début de l'implantologie [4]. En 1983, Bränemark a été le premier à l'aborder via l'adaptation passive [5]. Il définit alors une marge verticale tolérée de 10 microns mètres (μm) pour assurer la maturation et le remodelage osseux en réponse aux contraintes occlusales.

Malgré l'amélioration des procédés de fabrication et l'évolution de la connectique, la marge verticale tolérée est passée de 10 μm à 100 μm [6], et resterait cliniquement acceptable sous la barre des 150 μm [7]. La précision est une notion très complexe qui engendre d'autres paramètres. Holmes décrit la précision en prothèse dento-portée comme étant d'abord liée à l'adaptation, et pouvant être définie plutôt par ce qu'elle n'est pas, à savoir l'imprécision ou l'inadaptation [8].

Un déficit dans la précision d'adaptation peut avoir des conséquences biologiques et des conséquences mécaniques [9, 10]. Concernant les conséquences biologiques, cela peut concerner le tissu gingival péri-implantaire avec un effet négatif [11], c'est en particulier le cas lorsque le défaut d'adaptation est situé au niveau cervical avec une composante verticale. Il est intéressant ici de faire remarquer que le « switching platform » peut être considéré comme un défaut d'adaptation cervical, mais à composante horizontale, avec selon les auteurs un effet positif [12] ou plus réservé [13]. Mais cela peut concerner également le tissu osseux si des contraintes inadéquates sont appliquées. Il ne s'agira plus dans ce cas là d'un défaut d'adaptation vertical qui pourra avoir des conséquences néfastes dans les cas de mise en charge immédiates ou plus tardives [14]. Concernant les conséquences mécaniques, les plus fréquemment décrites concernent soit des ruptures d'armatures, soit des ruptures de vis, ou bien encore des dévissages [15].

Cette recherche bibliographique a pour objectif d'une part de regarder comment la précision d'adaptation est définie dans la littérature, et d'autre part de comprendre quels sont les facteurs concernés, et en quoi ils peuvent être maîtrisés cliniquement au fauteuil par le praticien ou au laboratoire de prothèses par le prothésiste.

Matériel et méthodes

La recherche bibliographique a été conduite en utilisant les critères PICO (Population, Intervention, Comparison, Outcome).

– Patient : implant-supported, fixed dental prostheses/prosthesis, denture(s), overdenture(s), crown(s), bridge(s), abutment(s) ;

– Intervention : precision, accuracy, exactness, preciseness ;

– Comparaison : cement-retained, screw retained ;

– Outcome : adaptation, misfit, compromised fit, fit.

La stratégie de recherche a été conduite sur PubMed MEDLINE, en utilisant les mots-clés Mesh ou des termes issus du glossaire des termes prothétiques [16]. La recherche a été limitée entre les années 2009 et 2019.

L'équation de recherche résultante a été la suivante :

(((Implant-supported[Title/Abstract]) AND ((((((((((((((((Fixed dental prostheses*[Title/Abstract]) OR Fixed dental prosthesis*[Title/Abstract]) OR Denture*[Title/Abstract]) OR Dentures*[Title/Abstract]) OR Dental prosthesis*[Title/Abstract]) OR Dental prostheses*[Title/Abstract]) OR Screw-retained*[Title/Abstract]) OR Cement-retained*[Title/Abstract]) OR overdenture*[Title/Abstract]) OR overdentures*[Title/Abstract]) OR crown*[Title/Abstract]) OR crowns*[Title/Abstract]) OR bridge*[Title/Abstract]) OR bridges*[Title/Abstract]) OR abutment*[Title/Abstract]) OR abutments*[Title/Abstract])) AND ((((Precision*[Title/Abstract]) OR Accuracy*[Title/Abstract]) OR Exactness*[Title/Abstract]) OR Preciseness*[Title/Abstract])) AND ((((Adaptation*[Title/Abstract]) OR Misfit*[Title/Abstract]) OR Compromised fit*[Title/Abstract]) OR Fit*[Title/Abstract])

Critères d'inclusion : études expérimentales ou cliniques, in vitro ou in vivo.

Critères d'exclusion : article se résumant à une méthode en particulier ; comparaison de deux systèmes de fabrication entre eux ; trop peu d'échantillons (< 7) ; description de cas cliniques isolés ; protocole pas clair.

Sur 53 articles, 42 ont été exclus et 11 inclus (tableau 1).

Le design des études montre que la majorité sont in vitro [8], puis on trouve deux revues systématiques de la littérature dont une avec méta-analyse, ainsi qu'une étude rétrospective.

Les études ont été sélectionnées sur les titres et résumés issus de la stratégie de recherche citée précédemment. Les thèmes abordés dans les études peuvent être classés en trois catégories : empreinte, procédés de fabrication et assemblage (tableau 2).

Les différents articles trouvés ont été classés suivant les thèmes abordés (tableaux 3 à 5).

Résultats

Empreinte

À l'examen de la littérature, de nombreux facteurs relatifs à la technique d'empreinte apparaissent liés à la précision d'adaptation des dispositifs prothétiques implanto-portés.

Concernant la solidarisation des transferts et leurs type de connexion, soit connectés directement à l'implant, soit indirectement par l'intermédiaire d'un pilier, l'étude in vitro de Papaspyridakos et al. présente des résultats en faveur de la solidarisation seulement pour l'empreinte au niveau de l'implant comparé au niveau pilier conique intermédiaire [17].

Par ailleurs, l'expérience de l'opérateur semble jouer un rôle non négligeable, comme le souligne l'étude de Perez-Davidi et al., qui compare des praticiens seniors avec des praticiens étudiants ayant réalisé ou non la solidarisation des transferts pour fabriquer ensuite les prothèses sur implant [18]. Les transferts sont soit solidarisés entre eux ou bien au porte-empreinte, soit non solidarisés. Les résultats montrent que la solidarisation des transferts n'apporte pas plus de précision et n'est efficace que pour les praticiens expérimentés.

Suivant l'évolution des technologies, la comparaison entre les techniques conventionnelles et les empreintes numériques fait débat. Dans l'étude de Basaki et al., l'empreinte conventionnelle est comparée à l'empreinte optique [19]. Les modèles issus de l'empreinte conventionnelle sont scannés pour être transformés en fichiers STL comparables aux modèles numériques. L'analyse est faite en 3D. Les résultats montrent que l'empreinte conventionnelle permettrait d'obtenir un modèle plus précis. L'auteur fait remarquer que quelle que soit la technique utilisée, il y a toujours un certain degré d'imprécision, mais celui-ci reste considéré comme cliniquement acceptable.

La revue systématique et méta-analyse de Flügge et al. apporte quelques précisions, car elle compare les deux techniques d'empreinte en fonction des indications [20]. Ainsi, les empreintes conventionnelles seraient moins précises pour des implants angulés que pour des implants parallèles, contrairement aux empreintes numériques qui ne montreraient pas de différences statistiquement significatives entre implants parallèles ou angulés.

Par ailleurs, ces auteurs montrent que pour l'empreinte numérique, la précision peut être influencée par le dispositif de scannage lui-même ou le design des scan bodies. Le protocole de scannage aurait une influence sur la précision des empreintes numériques, contrairement à l'expérience de l'opérateur. L'auteur précise que les études sont à faible niveau de preuve et n'incluent pas assez de données in vivo pour en tirer des recommandations cliniques.

Les résultats tendent à conclure que la précision de l'empreinte est un facteur décisif pour la précision de l'armature.

Pour les empreintes conventionnelles, selon Haghi et al., la différence de précision de l'empreinte serait non statistiquement significative suivant la technique utilisée : emportée ou repositionnée [21]. Cependant, une recommandation clinique de ces résultats doit être prudente étant donné le niveau de preuve insuffisant de l'étude in vitro. Selon Moreira et al., pour l'empreinte conventionnelle, la technique la plus précise serait : technique emportée – transferts solidarisés au design rétentif, à l'aide d'un porte-empreinte individuel (PEI) – avec un polyéther [22]. Mais l'auteur ajoute qu'il n'y a pour autant pas de consensus actuel sur la meilleure technique d'empreinte. Ce qui est en accord avec la méta-analyse de Flügge et al. [20].

Enfin, concernant le matériau utilisé, le polyéther permettrait d'obtenir, selon Haghi et al., un joint vertical meilleur qu'avec le silicone polyvinylsiloxane (PVS) [21]. Selon les résultats de la revue de littérature de Moreira et al., l'avis ne serait pas tranché entre silicone (PVS) et polyéther [22]. Le polyéther serait plus couramment utilisé pour les études publiées dans la littérature, et présenterait une meilleure viscosité que le silicone.

Procédé de fabrication

Les résultats s'accordent à dire que le procédé de fabrication a une influence sur la précision d'adaptation des dispositifs prothétiques implanto-portés. Plusieurs facteurs sont mis en évidence.

Concernant la technique conventionnelle utilisant la cire perdue, Eliopoulos et al. montrent que pour cette technique, le choix du dispositif utilisé a toute son importance [23]. Dans cette étude, les auteurs comparent différents dispositifs : absence de pilier calcinable et pilier calcinable dont le stabilisateur en métal est retiré ou non avant la coulée. Les résultats montrent que, même si la précision marginale reste cliniquement acceptable, les résultats sont meilleurs avec le stabilisateur en métal d'origine, non modifié, retiré avant la coulée.

Le matériau utilisé pour la fabrication du dispositif peut avoir de l'importance. Oyagüe et al. comparent la précision marginale d'armatures de bridge trois éléments scellés [24]. La mesure du joint vertical est effectuée en microscopie électronique à balayage (MEB). Pour fabriquer ces armatures avec la technique de coulée, différentes maquettes en cire ont été réalisées : pour les alliages cobalt-chrome (CoCr) et or-palladium (AuPd), sans stabilisateur en métal, contrairement à celle réalisée pour l'armature en alliages de titane. Les résultats montrent qu'une armature en CoCr aurait un joint vertical supérieur, donc moins précis, comparée à une armature en alliage de titane ou d'or.

Concernant les techniques de fabrication par addition et par soustraction, et en particulier pour des couronnes unitaires scellées, l'étude de Kiliçarslan et al. compare la méthode de coulée traditionnelle avec la technique de frittage laser (SLM) pour des armatures en CoCr de couronnes scellées unitaires [25]. Le joint interne est alors étudié en MEB. Les résultats montrent qu'il existe une plus faible épaisseur du joint interne pour la technique de fabrication frittage laser SLM en comparaison avec la technique de coulée traditionnelle.

Pour les édentements pluraux, l'étude d'Akçin et al. compare le procédé de fabrication conventionnel par coulée aux techniques additives (impression 3D) et soustractives (usinage), selon le nombre d'éléments (3, 4 ou 5) pour bridges scellés [26]. L'évaluation du joint marginal, axial ou occlusal est réalisée via la technique de réplique de silicone, coupée et observée en microscopie optique (MO) au grossissement x 45. L'auteur conclut que l'adaptation des armatures est affectée par le procédé de fabrication, à mettre en corrélation avec le nombre d'éléments à fabriquer. La SLM donnerait de meilleurs résultats en termes d'adaptation pour les bridges de 3 et 4 éléments, alors que la technique de coulée serait préférable pour ceux de 5 éléments.

Assemblage

Un travail réalisé par Alonso-Pérez et al. étudie des couronnes unitaires fabriquées après l'utilisation d'un pilier de la marque ou d'une copie [27]. Les piliers ont des dimensions similaires mais une macromorphologie qui diffère. Il s'agit ici de dispositif vissé. L'auteur évalue plusieurs paramètres : la précision du joint interne entre le pilier et l'implant en MEB, le comportement mécanique suite à une application de contraintes, et le pourcentage de dévissage des échantillons soumis ou non à des cycles de fatigue.

Concernant la précision du joint interne, il serait le plus précis entre les pièces du fabricant, quelle que soit la marque utilisée. L'analyse de précision est réalisée en différents points selon une coupe longitudinale. La différence est statistiquement significative au niveau de la localisation pilier/couronne et couronne/implant.

Cette intimité de contact entre les pièces d'origine semble fondamentale. Les conséquences d'une inadaptation ensuite seraient :

– une moins bonne répartition de contraintes, et donc une tendance à la fracture de la vis davantage qu'à une déformation de l'ensemble du dispositif ;

– un dévissage plus aisé suite à l'effet des contraintes masticatoires.

Les piliers proposés par la marque d'origine présenteraient donc plus d'avantages, en termes de précision d'adaptation, de risque de dévissage ou de fracture, comparés aux piliers similaires de marques analogiques.

Discussion

Les résultats des études sont difficiles à comparer du fait de leur hétérogénéité qui constitue un biais. L'hétérogénéité réside dans les différentes méthodes d'évaluation de la précision. Dans l'étude de Perez-Davidi et al., l'analyse est radiographique, en jugeant « précise » ou « imprécise » l'adaptation des dispositifs prothétiques implanto-portés, a priori de manière subjective sans préciser les critères [17]. D'autres études utilisent la microscopie optique ou la microscopie électronique à balayage [26].

Cliniquement, la radiographie peut être utilisée pour juger de l'adaptation marginale d'un dispositif prothétique (fig. 1 et 2).

L'hétérogénéité des études est confirmée dans la revue de littérature et méta-analyse de Flügge et al., avec une hétérogénéité de plus de 90 % entre les études [20]. La difficulté vient de la comparaison des études entre elles. En effet, elles diffèrent fortement de par leur protocole dans le nombre d'échantillons, la technique d'empreinte, le type de connexion, la marque de l'implant, l'étendue de l'édentement, l'angulation des implants, etc. Il est donc difficile de conclure qu'une technique d'empreinte est plus précise qu'une autre. Mais il apparaît dans les résultats que, quelle que soit l'empreinte, sa précision influera sur la précision d'adaptation des dispositifs prothétiques implanto-portés.

La définition de la précision n'est pas clairement établie dans les études. Basaki et al. choisissent comme limite quantitativement et cliniquement acceptable un seuil inférieur à 60 microns, seuil au-delà duquel l'œil humain peut visualiser le défaut d'adaptation [19].

Qualitativement, selon les études issues de la recherche bibliographique, la précision d'adaptation pourrait être visualisée dans le sens horizontal ou vertical en termes de sur- ou de sous-extensions (tableau 6).

Sur le thème de la solidarisation, alors que l'étude de Haghi et al. serait en faveur d'une solidarisation [21], celle de Perez-Davidi et al. [17] propose de solidariser seulement si l'on est expérimenté.

Cependant, les résultats de l'étude de Haghi et al. restent limités par le protocole in vitro, le nombre d'échantillons (10 par groupe), et les écarts-types élevés (valeurs éloignées de la médiane), qui ne penchent pas vers une tendance, même si la différence est statistiquement significative [21].

Pour l'empreinte, Alors que Basaki et al. [19] seraient plus en faveur de l'empreinte conventionnelle, Moreira et al. [22] montreraient en revanche une plus grande précision de l'empreinte optique poudrée par rapport à l'empreinte conventionnelle. Cette revue de littérature est cependant basée uniquement sur des études in vitro, ce qui rend difficile la transposition des résultats à la clinique.

Concernant le matériau à utiliser, Haghi et al. [21] et Moreira et al. [22] préconiseraient le polyéther. On connaît l'importance des conditions d'humidité liées à l'environnement buccal, la présence de salive et la température, sur les conditions de polymérisation du matériau. Là encore, il s'agit donc d'une tendance d'études in vitro, même si le polyéther semble être le matériau le plus couramment utilisé.

D'autres paramètres sont à prendre en considération pour la précision d'une empreinte implanto-portée, avec notamment :

– la bonne adaptation du transfert d'empreinte sur la plateforme implantaire (qui peut dépendre du matériau du transfert : métal/ plastique) ;

– la limitation de déplacement des transferts d'empreinte dans le matériau à empreinte (enrobage du transfert dans le matériau à empreinte) ;

– la rigidité du porte-empreinte (PE) : les PE en métal permettraient d'obtenir des empreintes plus précises que les PE en plastique : étude de Da Lima et al. [28] ;

– la présence de dents, et leur localisation.

Cela est en accord avec les données issues de la littérature. Jemt et al. montraient déjà que la précision de l'empreinte en prothèse sur implant est influencée par différents facteurs : le design des transferts, la solidarisation, la technique emportée ou bien repositionnée [6].

Cliniquement, il serait important de faire attention à la proximité des transferts avec les dents adjacentes et à la divergence des implants (fig. 3).

Aussi, le traitement de l'empreinte conventionnelle aurait son importance : le type de plâtre utilisé et la technique de coulée [29]. Pour les 14 études sélectionnées dans cette revue de la littérature, c'est le plâtre de type IV qui a été utilisé.

Certaines études se penchent directement sur la précision des modèles pour qualifier l'empreinte de « précise » [19], alors que d'autres étudient celle des armatures issues des empreintes avec les biais de fabrication inhérents [17, 18]. L'étude du facteur « Empreinte » dans la précision d'adaptation semble indissociable du facteur « Procédé de fabrication ».

Le rôle du prothésiste est fondamental pour obtenir une armature précise. En effet, la précision de fabrication commence au moment de la construction en cire. Les études s'accordent à montrer son importance : sa stabilisation sur le pilier, son matériau, la marque de piliers calcinables utilisés [23, 24]. Ce qui est en accord avec l'étude de Kiliçarslan et al., qui préconise l'utilisation des alliages de titane et d'or palladium comparé au cobalt chrome en technique conventionnelle [25]. Les auteurs mettent directement ces résultats en rapport avec la technique de maquette en cire utilisée : les coiffes en métal utilisées pour leur réalisation ont des designs différents, ce qui pourrait être ensuite à l'origine de la différence de joint interne. Le protocole gagnerait à être plus détaillé pour comprendre les différentes techniques de réalisation des maquettes en cire dans cette étude. L'armature en alliage de titane serait aussi plus précise dans cette étude lorsqu'elle est soumise à un traitement de polissage spécifique.

Au-delà de la technicité du prothésiste, la maîtrise de la technique de fabrication semble essentielle. Les rugosités de surface au niveau des armatures sont dépendantes de plusieurs paramètres [30] : mélange poudre liquide du matériau fondu, bulle d'air emprisonné, composition même du matériau, pression de fabrication, oxydation du métal durant la coulée, et sa température de fusion élevée [31].

C'est pourquoi, de plus en plus, les nouvelles méthodes de fabrication permettent d'usiner en procédé CAD CAM les dispositifs prothétiques (fig. 4). Le procédé d'usinage serait plus favorable, en termes de coût et de temps, pour améliorer la précision de fabrication et obtenir des résultats plus prédictibles par rapport au frittage laser (SLM) [32]. Il demanderait aussi moins d'étapes : scannage, transfert des données, design et fabrication.

Pour autant, l'usinage a pour inconvénient d'être consommateur de beaucoup de matériaux. Les techniques additives SLM permettent de pallier ce problème. La technique SLM produit une succession de couches de poudres frittées par laser. L'avantage est que plusieurs restaurations peuvent être réalisées en même temps, et la poudre non utilisée peut être recyclée. Les inconvénients sont la distorsion possible lors du procédé de fabrication, la porosité et la délamination [33].

Les résultats de l'étude d'Akçin et al. serait en faveur de la SLM pour les dispositifs pluraux 3 et 4 éléments en termes de précision, et en faveur de la technique de coulée traditionnelle pour les dispositifs de 5 éléments [26]. Des réserves sont à émettre concernant ces résultats et leur transposition clinique : la technique de réplique de silicone utilisée pour mesurer la précision présenterait des biais. On pourrait tout de même imaginer transposer cliniquement ces résultats en validant la réalisation de l'armature visuellement : sur le modèle de travail et cliniquement (fig. 5 à 7).

La technique de réalisation des maquettes en cire est choisie en fonction de la technique de fabrication, indissociable du matériau choisi. Le CoCr est le matériau le plus choisi dans les études présentées [24-26], comparé au NiCr [23] et à AuPd ou Ti [24].

Eliopoulos et al. [23] préconisent d'utiliser le dispositif d'origine, ce qui semble en accord avec les résultats de l'étude d'Alonso-Pérez et al. [27] montrant ensuite l'intérêt d'utiliser le pilier d'origine. Il est intéressant de constater que chaque pilier (d'origine ou analogique) est fourni avec son propre composant en résine calcinable pour réaliser les maquettes. Cela n'est donc pas par hasard.

Même si les résultats sont à prendre avec précaution du fait de l'étude in vitro, et du nombre total d'échantillons utilisés par test (8, 8 et 5), il serait intéressant de poursuivre ces sujets de recherche. En effet, les praticiens peuvent être amenés à commander des pièces analogiques pour des raisons de coûts, de même que pour les prothésistes. En revanche, malgré les recommandations de fabricants sur la compatibilité des pièces et leur possibilité d'utilisation, il faut constater que la pérennité de la restauration peut être affectée, en termes de taux de succès (complications mécaniques) ou de taux de survie (fracture de l'ensemble), rendant à terme la réparation ou la réfection de l'ensemble tout aussi, sinon plus, coûteuse.

Conclusion

La définition de la précision d'adaptation semble complexe. Quantitativement, une prothèse précise aurait un joint de moins de 150 microns [20]. Qualitativement, la précision externe se définirait dans le sens vertical et horizontal, tout comme la précision interne (fig. 1 et 2). Les facteurs impliqués dans la précision d'adaptation doivent être recherchés et maîtrisés à chaque étape de la chaîne de fabrication. Pour le praticien, impliqué dans le choix clinique de la technique d'empreinte, du matériau ; au-delà de son expérience, il apparaît indispensable le refus de toutes systématisations avec une réflexion au cas par cas et en mobilisant l'ensemble des connaissances actuelles sur la question. Le traitement de l'empreinte et les procédés de fabrication sont du ressort du prothésiste. L'évolution des technologies permet de s'affranchir progressivement des imperfections liées à la chaîne de fonderie. Une bonne communication entre les différents acteurs de la chaîne de précision est donc fondamentale.

Enfin, et en particulier dans le domaine de la prothèse sur implant, compte tenu des conséquences de l'inadaptation des dispositifs prothétiques, la recherche d'une économie financière peut se révéler très coûteuse.

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Remerciements

Remerciements aux chirurgiens qui ont posé les implants des cas présentés : Dr Giancarlo BIANCA, Dr Stéphane PERRIN, Dr Fabien VIDOT et Dr Bruce PLAUT.

Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Élisa Worthalter - Assistante hospitalo-universitaire

UFR d'odontologie Garancière, université de Paris

Diplôme universitaire clinique de prothèse implanto-portée

Hôpital Rothschild, GHUEP, AP-HP

Bruno Tavernier - Professeur des Universités

Praticien hospitalier

UFR d'odontologie Garancière, université de Paris

Hôpital Rothschild, GHUEP, AP-HP

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