Internes, jeunes praticiens : à vos protocoles !
A.S. VAILLANT-CORROY / P. CORNE
Réaliser des modèles d'étude.
Réaliser au besoin une céroplastie de la dent à remplacer.
Être vigilant quant à la position des points de contact (pour permettre de conserver ou de recréer la papille gingivale).
Faire réaliser par le prothésiste une coque en résine chémopolymérisable issue de la céroplastie (fig. 1) ou dans un...
Liste du matériel
Cette rubrique présente des protocoles de travail sur des thématiques ciblées afin de faire le point sur les méthodes de travail. Appuyés sur une analyse de la littérature scientifique internationale, les protocoles présentés abordent différentes techniques, balayant l'ensemble de l'odontologie prothétique (prothèse fixée, amovible, supra-implantaire, prise en charge des urgences).Chaque fiche est suivie d'une analyse de la littérature sur différents points essentiels à sa compréhension. Un lexique bilingue en fin de rubrique est disponible pour faciliter les recherches bibliographiques ultérieures. Pour certaines fiches, des séquences vidéos seront accessibles sur editionscdp.fr, afin de mieux appréhender les protocoles proposés. Enfin, chaque fiche est téléchargeable en ligne par les abonnés au format .PDF pour constituer un classeur de protocoles à garder près de soi lors des premières années d'exercice.
Liste du matériel
– Coque résine réalisée par le prothésiste
– Pilier transitoire d'implant
– Analogue d'implant
– Pièce à main
– Disque à métal
– Godets
– Pinceau
– Spatule plastique
– Fraises résine
– Tour à polir
Liste des matériaux
– Pilier provisoire vissé en titane
– Teflon® (coton ou cire)
– Résine métacrylate chémopolymérisable
– Pâte à polir
– Résine composite
Réaliser des modèles d'étude.
Réaliser au besoin une céroplastie de la dent à remplacer.
Être vigilant quant à la position des points de contact (pour permettre de conserver ou de recréer la papille gingivale).
Faire réaliser par le prothésiste une coque en résine chémopolymérisable issue de la céroplastie (fig. 1) ou dans un contexte d'urgence utiliser une dent du commerce.
Positionner le pilier transitoire (pouvant être à ce stade clipsé ou vissé en fonction des systèmes implantaires).
Régler sa hauteur en le coupant à l'aide d'un disque spécifique.
Vérifier le bon positionnement de la coque (fig. 2).
Perforer la coque pour accéder au puits de vis du pilier (fig. 3).
Protéger le puits de vis à l'aide de Téflon® (cire ou coton) (fig. 4).
Remplir la coque de résine (fig. 5).
Attendre qu'elle soit en phase plastique avant de l'insérer sur le pilier.
Positionner la coquille sur le pilier transitoire (fig. 6).
Dégager immédiatement la résine positionnée au niveau du puits de vis (fig. 7).
Remarque : il est possible de libérer le puits d'accès à la vis du pilier provisoire à l'aide d'un instrument dédié en fonction du système implantaire. Dans ce cas, il n'est pas utile de perforer la coquille.
Retirer les excès de résine à l'aide de fraises dédiées (ajustage parfait au pilier transitoire) ; s'aider d'un analogue d'implant (fig. 8 et 9).
Réaliser soigneusement le profil d'émergence pour guider la cicatrisation muqueuse.
Réaliser des embrasures pour permettre le passage de brossettes interdentaires.
Régler l'occlusion afin que la prothèse ne soit pas en contact avec l'arcade antagoniste (ni en statique, ni en dynamique) (fig. 10).
Procéder au polissage à l'aide de pierre ponce et au brillantage avec de pâte à polir.
Visser manuellement la restauration et s'assurer de la qualité des contacts occlusaux et du confort du patient.
Mettre en place une bande de Téflon® dans le puits de vis et recouvrir de résine composite.
Insister sur l'interdiction de solliciter la prothèse transitoire pendant une période de deux mois au minimum.
En implantologie du secteur antérieur, la phase temporaire se place souvent comme une étape redoutée par le patient lors de l'explication du plan de traitement [1]. C'est une des raisons pour lesquelles la prothèse temporaire immédiate sur implant est devenue une étape quasiment incontournable, de par ses nombreux avantages et le confort certain qu'elle procure au patient [2-4]. On parle ici de mise en esthétique immédiate car la prothèse n'est pas en occlusion. Selon le dictionnaire de prothèse odontologique, « elle – la prothèse temporaire – participe activement au retour à la santé bucco-dentaire en facilitant la mise en œuvre des traitements préprothétiques et prothétiques » [5]. Afin d'anticiper sa réalisation et permettre la bonne réussite du traitement implantaire, la prothèse temporaire doit être envisagée dès les étapes de planification. L'avantage majeur de la technique de mise en esthétique immédiate par une restauration transvissée réside dans la facilité de dépose avant chaque étape prothétique et dans la gestion de l'esthétique, notamment des tissus mous, proche de la solution finale. C'est en effet un outil précieux qui permet de diriger et de personnaliser la cicatrisation des tissus mous en permettant de modeler le contour gingival [6].
La phase d'ostéo-intégration s'étalant sur plusieurs mois, il était de rigueur de ne pas mettre en charge les implants durant cette période afin de favoriser la cicatrisation [7,8]. Aujourd'hui, la mise en charge immédiate est une technique fiable qui permet le rétablissement de la fonction occlusale dans de bonnes conditions car la résilience de la résine permet d'amortir les contraintes occlusales [9]. En implantologie unitaire, c'est la mise en esthétique immédiate qui est préconisée et les taux de succès d'ostéo-intégration avec ou sans prothèse temporaire sont identiques, dès lors que les indications sont respectées [10-12]. La stabilité du niveau osseux autour de l'implant est également équivalente lors de la mise en esthétique immédiate [13-16]. L'immédiateté de la restauration permet de guider la cicatrisation des tissus mous et de permettre ainsi de créer ou maintenir la papille et de modeler le profil gingival [2,6,17-19]. L'esthétique finale est améliorée en utilisant cette technique [10,21]. D'autre part, la réalisation d'une prothèse temporaire immédiate permet au patient d'améliorer son confort et de maintenir l'esthétique de son sourire [6,22-24]. Dans les cas où la mise en charge suit une extraction-implantation immédiate, le fait que le patient ne soit jamais « sans dent » a un impact psychologique important.
La réalisation d'une prothèse temporaire immédiate transvissée sur implant requiert quelques prérequis indispensables pour ne pas compromettre l'ostéo-intégration de l'implant.
En premier lieu, cette technique ne peut être envisagée que lorsque l'implant présente une stabilité primaire immédiate et suffisante [19] dans un os de bonne qualité (serrage à plus de 35 Ncm [6]). Il est donc préférable d'envisager des implants légèrement plus longs pour favoriser sa stabilité primaire. Ce type de réhabilitation n'est donc possible que chez les patients présentant un volume et une densité osseuse suffisants. On évitera ainsi la réalisation de restaurations transvissées immédiates chez les patients fumeurs ou diabétiques non équilibrés.
De plus, cela nécessite également que l'axe implantaire soit légèrement palatinisé pour que le puits de vis puisse se situer en palatin [25] et ainsi ne pas entraver l'esthétique de la prothèse.
L'absence de contraintes occlusales est également un paramètre particulièrement important à respecter afin de ne pas surmobiliser l'implant durant sa période d'ostéo-intégration. On privilégiera donc cette technique dans le cadre d'une occlusion favorable avec absence de sollicitations occlusales [26-28]. L'acte chirurgical doit être maîtrisé [19,29] et permettre à la prothèse de respecter l'ensemble des impératifs tant biologiques que mécaniques.
Il existe différents types de mise en charge et la terminologie est rappelée dans le tableau 1, d'après le consensus édité en 2004 (tab. 1) [30]. Dans le cas où plusieurs implants ont été mis en place, il est possible de réaliser une mise en charge en solidarisant les implants par la prothèse temporaire [31], mais dans les cas de prothèses unitaires, les données de la littérature vont dans le sens de la mise en esthétique et non de mise en charge [6,10,11,19,24,32-34]. Il est manifestement plus risqué de réaliser une véritable mise en charge immédiate de l'implant [35] mais certains auteurs se penchent actuellement sur une mise en charge progressive de la prothèse [30]. C'est pourquoi il est recommandé au praticien de positionner provisoirement la prothèse en sous-occlusion complète et de demander au patient de ne pas mastiquer sur cette dent durant la période d'ostéo-intégration. Cette dernière ne doit idéalement pas être dévissée durant une période minimale de six semaines [36].
Les restaurations temporaires peuvent être scellées ou vissées. Bien qu'il n'existe pas d'alternative scientifiquement meilleure pour la prothèse d'usage, il est préférable de choisir une solution vissée en temporisation pour éviter toute fusée de ciment qui viendrait contrarier la cicatrisation osseuse et muqueuse après la pose de l'implant [14,23,33,37]. La prothèse temporaire doit s'approcher au mieux de la restauration d'usage en termes de forme et d'harmonie avec les dents adjacentes.
Techniquement, il est primordial de réaliser un profil d'émergence naturel, se confondant avec celui de la dent naturelle remplacée. Le profil d'émergence correspond à la partie transgingivale qui assure la continuité entre la forme du col implantaire et la morphologie de la prothèse supra-implantaire au niveau cervical. C'est lui qui assure entre autres la stabilité des tissus muqueux entourant l'implant.
Cette fiche présente la réalisation d'une prothèse temporaire transvissée par méthode de la coquille (technique de l'isomoulage indirecte) car elle présente l'avantage de non seulement limiter le travail de la résine directement en bouche sur des tissus biologiques fragilisés par l'intervention, mais également d'assurer une meilleure stabilité colorimétrique de la prothèse dans le temps, avec une résine moins poreuse (car cuite sous pression) et qui résiste mieux à l'usure [38].
D'autres solutions sont toutefois possibles en fonction du contexte clinique. On peut, par exemple, utiliser la dent du patient que l'on évide puis solidarise au pilier transitoire. Cela permet d'obtenir un rendu naturel en termes de morphologie et colorimétrie. L'emploi d'un moule préformé du commerce (type moule Ion®) est aussi envisageable (également présenté sur cette fiche) dans un contexte d'urgence mais limite l'intégration esthétique. On peut également réaliser la prothèse temporaire avec la technique classique de l'isomoulage directe (en réalisant une clé en silicone sur la dent encore présente sur l'arcade ou sur le modèle agrémenté d'une céroplastie) mais cette technique ne doit être envisagée qu'en dernier recours, du fait du risque de toxicité des matériaux utilisés sur les tissus biologiques.
Le matériau de restauration idéal pour la réalisation d'une restauration temporaire transvissée sur implant doit respecter un cahier des charges qui comprend les critères suivants :
– biocompatibilité afin de respecter les tissus biologiques environnants ;
– résistance mécanique suffisante pour limiter le risque de fracture ;
– absence de porosité pour limiter le risque d'inflammation par rétention de plaque ;
– facilité de mise en œuvre avec possibilité de modifications aisées ;
– esthétique pour faciliter l'intégration de la restauration dans le sourire ;
– absence de solubilité pour limiter le risque d'inflammation ;
– stabilité de la couleur pour garantir une esthétique optimale durant toute la période de cicatrisation ;
– économique.
Aucun matériau disponible sur le marché ne répond parfaitement à ce cahier des charges. On distingue toutefois deux grandes familles de matériaux qui peuvent être utilisées dans la fabrication de restaurations temporaires transvissées sur implant : les résines acryliques (méthacrylates) et les résines composites (diméthacrylates) [39] (tab. 2).
Les résines acryliques qui sont le plus couramment utilisées dans le cadre des restaurations temporaires se présentent généralement sous une forme poudre-liquide. Avec un investissement financier faible, elles permettent de répondre aux principales caractéristiques du cahier des charges présentées précédemment. Leur facilité d'utilisation et de modification en fait un matériau de choix. Toutefois ces nombreux avantages sont contrebalancés par leur risque de toxicité lié au relargage de monomères après polymérisation et leur exothermie qui peut alors léser les tissus biologiques environnants. Dans ce contexte, on préférera les utiliser en quantité moindre directement en bouche, comme dans le cadre d'un rebasage d'une coquille ou d'une préforme. La réalisation de la coquille par méthode indirecte au laboratoire de prothèse par cuisson sous pression améliore le taux de conversion des monomères, limitant le risque de toxicité par relargage des monomères tout en améliorant ses propriétés mécaniques et optiques.
Les résines diméthacrylates, ou résines composites, présentent, elles, de nombreux avantages en termes de biocompatibilité, d'ergonomie et d'esthétique. On privilégiera leur utilisation en bouche pour la confection de prothèse temporaire par méthode directe. Toutefois, leurs principaux inconvénients résident dans les difficultés de modifications et de rebasage après polymérisation, ainsi que leur surcoût.
Différents facteurs influencent le choix entre les différentes alternatives : délai de mise en charge, espace prothétique disponible, conditions occlusales, éventuel besoin de ré-intervention, rapidité de réalisation, disponibilité du patient, demandes esthétiques et considérations économiques [40,41].
La prothèse temporaire est collée à la résine composite sur la face palatine d'une ou plusieurs dents adjacentes. Cette prothèse peut être une dent prothétique du commerce transformée en couronne provisoire ou encore une couronne temporaire directement réalisée par le prothésiste. L'avantage de cette technique est qu'elle permet de ne pas mettre en charge l'implant juste posé (en cas notamment de stabilité primaire insuffisante) [40]. L'inconvénient est la complication des étapes prothétiques ultérieures (dépose/repose de l'élément lors des étapes de réalisation de la restauration d'usage) et les risques de décollage en inter-séance, une fois la première dépose réalisée. Elle nécessite également au maxillaire d'avoir suffisamment d'espace disponible pour positionner la résine composite en palatin.
Il s'agit d'une gouttière qui remplace la dent absente, découpée au collet des dents restantes et réalisée en fonction du projet prothétique. Cette gouttière contient soit un élément intermédiaire en résine (dent du commerce en vestibulaire, remplie en palatin de résine) soit directement la dent du patient dont la racine aura été fraisée. Le polissage de la gouttière et de l'élément intermédiaire doit être particulièrement soigné. On peut utiliser cette technique en phase pré- et post-implantaire, ce qui peut constituer un avantage intéressant. Cette technique permet aussi de retrouver une esthétique correcte à moindre coût. Elle est très rapidement réalisable et peut être indiquée dans les cas d'espace prothétique faible. Cette technique permet également de ne pas imposer de forces sur le site opéré. Elle ne permet en revanche pas de guider la cicatrisation des tissus mous autour de l'implant. Un autre inconvénient est la difficulté de mastiquer avec les gouttières, ainsi qu'une gêne à la phonation, qui peut perturber le patient dans les premiers jours.
Une prothèse amovible en résine dont l'intrados est adapté avec une résine à prise retard (type Ufi Gel Soft®, Voco). Elle sera donc par définition muco-portée. C'est une technique simple et peu onéreuse, facilitant les étapes prothétiques ultérieures. L'inconvénient majeur de cette technique, outre l'inconfort certain du patient en termes de mastication et de phonation, réside dans les mouvements appliqués sur la vis de cicatrisation implantaire, pouvant compromettre l'ostéo-intégration, de par les forces reçues par l'implant nouvellement posé [10]. Pour éviter ce problème, il est important que la surface d'appui soit réduite au maximum. Pour toutes ces raisons, on préférera réserver cette solution de manière très ponctuelle [41].
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Anne-Sophie Vaillant-Corroy - MCU-PH, Nancy
Pascale Corne - MCU-PH, Nancy