éditorial
Florent Destruhaut et Antonin Hennequin
Coordinateurs du numéro spécial et co-responsables du Diplôme universitaire d'occlusodontologie et de réhabilitation de l'appareil manducateur (UPS Toulouse III, UFR Odontologie, CHU Rangueil)
Le regard singulier et actuel que nous portons sur la médecine orale, et plus particulièrement sur la réhabilitation de l'appareil manducateur, nous autorise à nous affranchir du tout technique, trop souvent inscrit dans une vision réductrice de la science et de la médecine. Le patient est un tout qu'il faut savoir appréhender dans sa complexité. Le patient souffrant nécessite aujourd'hui une prise en charge multimodale, dont les seules connaissances en physiopathologie ne suffisent...
Le regard singulier et actuel que nous portons sur la médecine orale, et plus particulièrement sur la réhabilitation de l'appareil manducateur, nous autorise à nous affranchir du tout technique, trop souvent inscrit dans une vision réductrice de la science et de la médecine. Le patient est un tout qu'il faut savoir appréhender dans sa complexité. Le patient souffrant nécessite aujourd'hui une prise en charge multimodale, dont les seules connaissances en physiopathologie ne suffisent plus au sein d'un modèle médical bio-psycho-social tourné vers une approche intégrative et multidisciplinaire des savoirs et des pratiques.
Dans le cadre spécifique de la gestion des douleurs oro-faciales et des troubles fonctionnels de l'appareil manducateur, nous comprenons, à travers cette approche multimodale, que l'occlusion ne représente plus qu'un paramètre clinique au sein d'une multitude, rendant l'exercice de l'occlusodontie complexe et délicat. Bien que nous militions pour une nouvelle appellation de notre discipline, comme « rééducation fonctionnelle de l'appareil manducateur », l'occlusion reste néanmoins la clé de voûte de cet édifice plus vaste que constitue l'appareil manducateur, lui-même inscrit dans une œuvre plus globale encore, l'être humain, qu'il faut savoir appréhender tant dans ses caractéristiques biologiques que psychosociales.
Depuis 2016, nous avons eu le plaisir de reconstituer à Toulouse une équipe hospitalo-universitaire passionnée, avec l'aide du doyen le Professeur Philippe Pomar, et structurée au sein d'un Diplôme universitaire d'occlusodontologie et de réhabilitation de l'appareil manducateur (DUORAM, UPS Toulouse III/CHU Rangueil). Réunis autour des notions de don à la personne malade et de réciprocité, les membres de l'équipe (enseignants, étudiants, chercheurs) essaient, sur les bases solides que nous ont laissées nos maîtres respectifs, de réinventer, de façon consensuelle, collégiale et transdisciplinaire, des modèles thérapeutiques, orientés vers les enjeux de la médecine de demain.
À travers cette médecine du futur, deux pôles de savoirs prendront une part de plus en plus conséquente : les sciences humaines et sociales (SHS), tout d'abord, dont les applications thérapeutiques se déclinent au travers des approches psycho-émotionnelles et comportementales ; et les nouvelles technologies, d'autre part. Les progrès incessants en matière d'informatique, de robotique et d'intelligence artificielle (IA) vont prendre une place majeure dans la prise en charge personnalisée du patient. C'est à travers ces différentes dimensions hybridées que l'ensemble des membres de notre équipe propose, dans ce numéro spécial des Cahiers de Prothèse, plusieurs articles au carrefour des sciences biologiques, des SHS, des arts numériques et des technologies.
Bien qu'il s'agisse d'une discipline encore jeune, l'IA offre actuellement de très nombreuses applications médicales : surveillance à distance des patients, rééducation fonctionnelle, prothèses dites « intelligentes », logiciels d'analyse et de diagnostic, ou encore assistance chirurgicale, les exemples ne manquent pas et les progrès en la matière paraissent exponentiels. L'intelligence hybride (intelligence humaine-intelligence artificielle) permet de repenser nos modèles thérapeutiques ; il faut donc intégrer dès à présent l'IA dans la formation de nos étudiants en santé. Nous militons pour l'émergence future d'EcoCampus de santé connectés : réunir les différentes professions de santé, en interaction constante avec les autres disciplines (sciences, technologies et arts) devient un enjeu majeur pour pouvoir relever, de façon audacieuse, les enjeux de la médecine intégrative de demain.
« L'idée de l'avenir est plus féconde que l'avenir lui-même »
Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, 1889