Implantologie et prothèse
La prothèse implanto-portée est devenue une thérapeutique courante dans la réhabilitation orale des patients partiellement ou totalement édentés, avec des résultats fiables à long terme [1, 2].
Cette pratique nécessite un capital osseux suffisant pour assurer la stabilité des implants. Un implant de trop courte longueur ou placé en dehors de l'axe...
Résumé
La réhabilition des édentements par prothèse implanto-portée au niveau de la région maxillaire sinusienne est souvent confrontée à un obstacle majeur à sa réalisation : un volume osseux insuffisant dans sa composante verticale et horizontale. Pour pallier ce défaut osseux, plusieurs options s'offrent au praticien, parmi lesquelles le sinus lift.
Plusieurs techniques d'ostéotomie ont été proposées, l'augmentation du volume osseux pouvant se faire soit par voie latérale, soit par voie crestale. L'abord crestal, moins invasif et avec peu de suites opératoires, est privilégié chaque fois que les conditions cliniques le permettent.
À travers un cas clinique illustré, les auteurs exposent les différentes étapes d'une ostéotomie par abord crestal dans le cadre d'une restauration par couronne implanto-portée de la 26.
Bien qu'accessible à l'omnipraticien, cette technique nécessite une courbe d'apprentissage et une certaine rigueur.
La prothèse implanto-portée est devenue une thérapeutique courante dans la réhabilitation orale des patients partiellement ou totalement édentés, avec des résultats fiables à long terme [1, 2].
Cette pratique nécessite un capital osseux suffisant pour assurer la stabilité des implants. Un implant de trop courte longueur ou placé en dehors de l'axe prothétique peut conduire à un échec thérapeutique [3, 4]. Cette thérapeutique est souvent rendue complexe au niveau de la région postérieure maxillaire au volume osseux insuffisant.
Il est donc nécessaire de modifier la quantité de l'os résiduel à ce niveau par une technique de comblement sinusien, destiné à corriger le défaut osseux pour positionner parfaitement le ou les implants. Deux voies d'abord du sinus sont couramment proposées : la fenêtre latérale et l'ostéotomie par voie crestale [5]. L'abord crestal, moins invasif, est privilégié chaque fois que les conditions cliniques le permettent.
Cet article illustre par un cas clinique l'intérêt et les étapes du sinus lift par abord crestal dans le cadre d'une restauration prothétique implanto-portée d'une 26.
Une patiente, âgée de 75 ans, vient consulter au CHU Pellegrin de Bordeaux pour la perte d'un amalgame accompagnée de douleurs importantes sur 26.
Elle présente un bon état général de santé (pas de traitement en cours ou d'antécédent de maladies graves). L'examen clinique exobuccal ne révèle aucune anomalie. L'examen endobuccal montre une hygiène buccodentaire correcte, un biotype parodontal épais avec une hauteur de gencive attachée acceptable et des récessions gingivales multiples. Il existe une alvéolyse horizontale qui signe une parodontite chronique de l'adulte qui semble, lors de l'examen, stabilisée. La dent 26, motif de la consultation, a été restaurée il y a 7 ans par un amalgame de classe II. L'examen dentaire montre une mobilité d'un fragment coronaire de cette dent.
Il s'agit d'une fracture verticale semblant atteindre le tiers cervical radiculaire. Les dents adjacentes présentent des restaurations prothétiques satisfaisantes (CCM sur les 24, 25 et 27)
L'examen radiographique rétro-alvéolaire montre la perte d'obturation, du point de vue osseux, une procidence sinusienne, et une perte osseuse verticale assez importante que l'on retrouve aussi au niveau des dents voisines (fig. 1).
La dent ne peut malheureusement pas être conservée. La patiente, qui a un bon niveau socio-économique, semble motivée par une proposition de traitement implantaire.
Le traitement devra permettre de rétablir la continuité d'arcade et une fonction masticatoire correcte. Deux solutions peuvent être envisagées :
– extraction de 26 et bridge conventionnel qui intègre comme piliers les dents voisines déjà couronnées. Les couronnes devront être refaites ainsi que les traitements endodontiques ;
– extraction de la 26 suivie de la pose d'un implant unitaire avec la réalisation d'une couronne esthétique sur pilier implantaire.
La solution de bridge a été écartée car les dents voisines présentent des traitements prothétiques corrects et leur affaiblissement parodontal n'est pas très favorable à une augmentation de la charge occlusale des piliers conséquente à un bridge. La solution implantaire est privilégiée, car elle recrée l'organe dentaire perdu et ménage les dents voisines. Sa réalisation est cependant plus longue que celle d'un bridge dento-porté, avec une durée totale de traitement de 8 à 10 mois.
Après un assainissement parodontal par détartrage et surfaçage, l'extraction de la 26 est réalisée de façon atraumatique, et suivie d'un comblement allogénique (Bio-Oss®). L'arcade de la patiente étant complète et l'édentement unitaire postérieur, il est décidé de ne pas faire de système provisoire.
Après analyse des clichés du scanner 4 mois après l'extraction, l'implant est prévu en coupe 98 à 102. Sur ce site, l'os est de type 3 avec une faible hauteur sous-sinusienne de 3 à 4 mm selon les coupes (fig. 2 à 6).
On réalise une ostéotomie d'élévation sinusienne par voie crestale avec soulevé de l'os autogène broyé et/ou du béta-tricalcium de phosphate (Cerasorb®), et mise en place de l'implant dans la même séance (Osseotite® 3I – 685). La technique chirurgicale utilisée est la technique de Summers [6].
La technique de Summers consiste à élever le plancher sinusien à l'aide d'ostéotomes permettant de condenser l'os latéralement et de l'impacter verticalement. La technique peut être associée ou non à l'utilisation de biomatériau. Elle permet de soulever la membrane de Schneider et de poser immédiatement des implants. Elle est indiquée pour des hauteurs osseuses initiales sous-sinusiennes supérieures ou égales à 5 mm. En deçà de 5 mm, il est conseillé de choisir une technique de comblement sinusien par volet latéral. La principale justification en est la difficulté de garantir une stabilité primaire de l'implant. L'ancrage primaire de l'implant est exclusivement assuré par la portion d'os initialement disponible. En conséquence, la possibilité d'implanter dans le même temps chirurgical que le soulevé de sinus est définie par la hauteur d'os initiale [6]. La technique de Summers est nettement moins invasive que celle par volet latéral et entraîne moins de suites opératoires. Elle induit peu de complications. Cette technique chirurgicale, une fois maîtrisée, présente des taux de succès comparables à la pose traditionnelle d'implants [7] (fig. 7 à 9).
Après vérification à 5 mois de la bonne ostéointégration de l'implant sur le plan clinique et radiographique (fig. 10), on dégage chirurgicalement la vis de couverture de l'implant et un pilier usiné en titane est retouché pour le rendre plus anatomique. Son emboîtement correct sur l'hexagone externe de l'implant est contrôlé radiologiquement. (fig. 11 et 12). Une vis or 3I est serrée à 35 newtons à l'aide d'une clef dynamométrique (fig. 13 et 14).
Dans la même séance, un réaménagement tissulaire est réalisé par un petit lambeau d'épaisseur partielle repositionné apicalement. Ce réaménagement améliore l'harmonie entre les tissus péri-implantaires et le profil d'émergence de la couronne (fig. 15 et 16).
Une couronne provisoire fabriquée au laboratoire (fig. 17 à 20) est ajustée et maintenue en place pendant 2 mois pour attendre la stabilisation parodontale.
Après un délai de cicatrisation de 8 à 10 semaines, on réalise les empreintes silicones de précision en technique de double mélange (fig. 21).
Une couronne sur armature en zircone est réalisée (fig. 22 et 23). Elle présente une légère réduction vestibulo-linguale de sa table occlusale. Son profil axial vestibulaire est adapté en « aile de mouette » par rapport à la fibro-muqueuse vestibulaire selon la règle d'Abrams. La durée totale du traitement depuis l'extraction a été d'environ 10 mois (fig. 24 et 25).
Le patient est contrôlé à 6 mois. On observe en particulier l'occlusion de la dent, ses entrées et ses sorties de cycle, afin de corriger toute surcharge occlusale. On motive le patient pour un bon nettoyage proximal à l'aide de brossettes prophylactiques. Un contrôle radiographique à 12 mois après la pose de l'implant montre la très bonne régénération osseuse autour de l'implant, avec un gain important d'os fonctionnel dans le sinus (fig. 26).
La pose d'un implant au maxillaire dans le secteur molaire nécessite souvent une ostéotomie pour augmenter la quantité de l'os. Parmi les techniques décrites, le sinus lift par voie crestale fait partie des procédés peu invasifs avec des résultats prédictibles. C'est une technique qui a peu de suites opératoires. Bien qu'accessible à l'omnipraticien, cette technique nécessite néanmoins une grande rigueur dans l'étude pré-implantaire, et son approche doit se faire en considérant certains impératifs :
– une hauteur sous-sinusienne minimum de 5 mm ;
– aucune pénétration intrasinusienne des ostéotomes violente pouvant entraîner la rupture de la membrane, ce qui est facilement contrôlable par une épreuve du souffle (manœuvre de Valsalva : narines pincées, bouche ouverte, le patient est prié de souffler par le nez) ;
– une augmentation progressive et délicate de volume par apports d'os autogène broyé et/ou de biomatériau [8].
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Augustin Sawadogo - Assistant en prothèse, université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina Faso
Jean-François Lasserre - MCU/PH, université de Bordeaux
Pratique libérale