Pédagogie
L'Union européenne définit l'e-learning comme « l'utilisation des nouvelles technologies multimédias de l'internet pour améliorer la qualité de l'apprentissage, en facilitant d'une part l'accès à des ressources et à des services, et d'autre part les échanges et la collaboration à distance ». L'enseignement en ligne est passé du e-learning web 1.0 au e-learning web 4.0 avec des technologies de plus en plus performantes [
Résumé
Ce travail est issu de la collaboration entre deux enseignants-chercheurs, l'une en Odontologie et l'autre en Didactique des mathématiques. Il permet un regard croisé sur une formation en odontologie de deuxième année en prothèse fixée qui, partie d'une formation exclusivement en présentiel, s'est transformée au fil des années en une e-formation hybride. Cet enseignement, fortement ancré sur la gestuelle et le travail pratique, est particulièrement intéressant à analyser dans la mesure où la place de l'enseignement à distance ne va justement pas de soi.
Cette démarche bi-appartenante est confortée notamment par l'atelier de réflexion prospective soutenu par l'Agence Nationale de la Recherche (projet ANR-PREA 2K30) qui insiste en effet sur la nécessité d'un travail transdisciplinaire pour un bon développement des usages des technologies numériques dans l'enseignement et la formation.
Ce travail a donné lieu à deux articles dans ce numéro dont le premier est « Concevoir une e-formation en Odontologie : de la réflexion à la mise en œuvre » expliquant l'impulsion et l'origine de nos travaux sur l'enseignement des Sciences Odontologiques au sein de notre UFR.
Ce second article est issu de nos recherches sur l'enseignement réalisées à partir d'une e-formation à distance en Prothèse Fixée créée en 2010 et qui a évolué au fil des années jusqu'à ce jour. Nous expliquons ici les différentes étapes de la médiatisation d'une formation présentielle tout en insistant sur les points fondamentaux du blended-learning appliqué à l'Odontologie.
Nous mobilisons le concept de genèses instrumentales pour mieux comprendre à la fois les usages du numérique par les étudiants mais aussi leurs pratiques de formation à l'aube de 2020. Ces travaux encore en cours, visent à mieux comprendre l'impact de la mise à distance de contenus (sur le travail de l'étudiant comme sur celui de l'enseignant) et, in fine, à améliorer encore notre enseignement pour déployer d'autres outils pédagogiques à distance et en ligne sur notre plateforme numérique à l'Université de Reims Champagne Ardenne.
L'Union européenne définit l'e-learning comme « l'utilisation des nouvelles technologies multimédias de l'internet pour améliorer la qualité de l'apprentissage, en facilitant d'une part l'accès à des ressources et à des services, et d'autre part les échanges et la collaboration à distance ». L'enseignement en ligne est passé du e-learning web 1.0 au e-learning web 4.0 avec des technologies de plus en plus performantes [1], mais comment faire pour que cette évolution s'accompagne d'une amélioration des pratiques d'enseignement ?
Le concepteur pédagogique, ou « e-teacher », doit s'assurer de l'évolution régulière de ses contenus de formation, année après année, en accord avec l'évolution de notre discipline. Le but est de mettre à jour son enseignement conformément aux données actuelles de la science et à l'avancée des technologies en santé bucco-dentaire, notamment avec la familiarisation des pratiques par CFAO en prothèses (empreinte optique et logiciels informatiques). Il s'agit de former des praticiens à jour des dernières connaissances scientifiques, mais également pleinement insérés dans les usages sociaux des technologies actuelles. L'enseignant doit également s'adapter en permanence au public, à ses attentes et à ses façons d'apprendre, et pour cela il peut exploiter les nouvelles possibilités pédagogiques permises par les technologies.
Pour évaluer la qualité de sa formation, l'enseignant utilise des méthodes qui associent directement les activités pédagogiques à accomplir aux compétences à obtenir. L'ensemble des tâches réalisées dans un contexte défini implique de mesurer les effets immédiats et différés grâce, notamment, aux performances des apprenants lors de la réalisation de ces activités pédagogiques [2].
Les plateformes d'enseignement à distance (EAD) permettent de répondre à ces attentes : organiser l'acquisition des connaissances, les contrôler, et surtout les personnaliser. Dans cet article, nous nous appuyons d'une part sur notre propre expérience et, d'autre part, sur une analyse croisée entre chercheurs en odontologie et en éducation pour proposer des résultats sur les usages des e-formations en odontologie.
Dans les formations en ligne, comme dans toutes les formations, les objectifs pédagogiques proposent un découpage cohérent, correspondant aux notions à transmettre et à assimiler par les étudiants, ainsi que les compétences à faire acquérir. Chaque séquence pédagogique est ainsi conçue pour répondre à un objectif pédagogique spécifique. Chacune d'elles met en œuvre différentes phases d'apprentissage pour assurer le développement des compétences opérationnelles sous forme d'activités (fig. 1).
L'introduction de technologies numériques dans ce processus nous amène à nous poser plusieurs questions :
– l'impact des technologies sur les pratiques même des étudiants ;
– l'impact de l'introduction des technologies sur la progressivité des apprentissages ;
– la transposition d'activités sans technologies avec ces nouveaux outils ;
– l'invention de nouvelles activités permises ou facilitées par les technologies.
Nos étudiants sont considérés comme des « digital natives » mais cela doit néanmoins nous interroger : cette génération numérique utilise internet et les réseaux sociaux mais est-ce que cela en fait des étudiants capables d'apprendre avec les technologies, rien n'est moins sûr. Ces « digital natives » ne sont-ils pas aussi des « digital naïves » sur certains points de vue ? L'un de nos enjeux va donc être de les accompagner dans un usage pertinent, professionnel et raisonné de ces outils : utiliser l'internet à bon escient, cela s'apprend !
Contrairement à la scénarisation de formation en présentiel, qui est par essence chronologique, une e-formation basée sur du online-learning permet de créer des parcours pédagogiques non linéaires, en arbres, tout en étant cohérents et adaptés à la matière enseignée, qu'elle soit théorique, pratique, ou clinique.
L'introduction d'outils numériques dans les formations peut être vue à plusieurs niveaux : durant des cours en présentiel (on parlera de « présentiel enrichi »), ou utilisant des technologies de mises à distance (on parlera d'« enseignement à distance intégral » ou de « blended learning » s'il y a interaction entre présence et distance). Nous nous intéressons ici uniquement au blended learning ; nous devons donc soit transposer à distance des activités qui étaient faites en présentiel, soit inventer des nouveaux scenarii [3]. Les modèles d'introduction des technologies dans les processus d'apprentissage considèrent qu'il y a une évolution entre ces usages, comme le modèle SAMR de Puentedura [4].
Notre expérience montre que si l'enseignement en ligne demande beaucoup de temps aux enseignants, le résultat n'en est pas moins étonnant quant à son potentiel pédagogique et à l'engouement suscité auprès des étudiants ; c'est ce que nous proposons d'illustrer ici.
Nous ne visons pas ici à présenter l'exhaustivité des outils disponibles, mais quelques grandes catégories d'outils qui permettent la mise à distance de formations. Distinguons d'abord, pour ces nouvelles voies d'enseignement, l'asynchrone (quand l'étudiant travaille quand il veut, sans interaction immédiate avec l'enseignant), et le synchrone (quand il y a des interactions en temps réel).
Le synchrone correspond à la visioconférence, le chat, les outils de visioconférence personnelle légère (tableau 1), mais aussi les outils de travail collaboratif Google doc ou Prezy. L'asynchrone correspond aux travaux sur plateformes, activités en ligne (documents, vidéos, exercices, activités, etc.), wiki, courriels, forums, mais aussi les documents collaboratifs qui supportent un travail asynchrone. Ces outils peuvent être regroupés dans des espaces numériques de travail (ENT), comme les bureaux virtuels universitaires ; nous pouvons citer les plateformes Moodle, Dokéos, ou Chamilo par exemple [5]. Cependant, la question technique reste, pour nous, en arrière-plan : c'est la conception du cours elle-même qui est fondamentale et qui doit focaliser l'attention de l'enseignant.
Notre hypothèse est que, pour qu'un enseignement à distance soit efficace, il faut que le concepteur entre dans un processus d'ingénierie de formation, processus qui commence par l'analyse des besoins et s'achève par l'analyse de l'efficacité du processus. Cette boucle est décrite dans un référentiel de bonnes pratiques (RBP) élaboré par le Forum français pour la formation ouverte et à distance (FFFOD) et publié par l'Association française de normalisation (AFNOR) en avril 2004 (fig. 2). Le terme de « bonnes pratiques » n'est pas vraiment adapté et nous préférons parler de référentiel de pratiques éducatives (RPE).
C'est dans ce processus d'ingénierie que nous nous plaçons en croisant une approche disciplinaire scientifique : l'odontologie et une approche de recherche en éducation. Ce croisement nous permet de répondre à la question des contenus (sont-ils conformes aux données de la science, les étudiants ont-ils acquis les connaissances visées, les compétences professionnelles attendues ?) et à celle de la démarche (analyse de la démarche d'enseignement, stratégies d'apprentissage des étudiants, objectivité des évaluations).
Nous présentons ici le matériel et les méthodes que nous avons utilisés pour concevoir et développer une e-formation. L'idée est de dématérialiser le programme de l'enseignement théorique et pratique. Nos hypothèses sont que l'avantage du cours virtuel est de permettre un lien intime entre la théorie et la pratique grâce à des parcours d'apprentissages, et qu'il permet de répondre aux difficultés que rencontrent les étudiants pour s'approprier les cours magistraux, tant dans leur forme que dans leur contenu. Le cours théorique (magistral) est de facto totalement lié au travail manuel que les étudiants devront réaliser en présentiel lors des TPs. Le tout est fondu et regroupé en un parcours d'apprentissage unique en ligne, qui permet de mieux articuler les deux problématiques.
Pour commencer à créer un cours en ligne, les enseignants doivent savoir utiliser les fonctions de base d'un ordinateur, être familiarisés avec l'environnement numérique (Windows ou MacOsX), savoir utiliser les fonctions de base d'un logiciel de bureautique, savoir naviguer facilement sur le web, être familiarisés avec les outils d'enregistrement d'écran et de vidéo. Si ce n'est pas le cas, les universités ont des services d'appui comme à l'université de Reims : il s'agit du service des usages du numérique (SUN, Direction du numérique), qui aide à mettre en musique la partition que l'enseignant peut avoir en tête.
Pour acquérir le savoir-faire qui permet de réaliser un projet de formation en ligne du point de vue pédagogique, l'enseignant doit faire preuve de créativité, d'originalité et d'imagination, mais il peut aussi s'appuyer sur des recherches en éducation ou sur des collaborations avec des collègues de ce domaine. En effet, des résultats existent, parfois contradictoires, sur l'apprentissage avec les technologies, et dans tous les cas ils permettent à l'enseignant de faire des choix éclairés.
Comme déjà évoqué, le temps passé reste un des problèmes majeurs pour lequel aucune solution n'existe à ce jour. En effet, la mise en ligne d'un cours virtuel est très chronophage, et la maîtrise du temps de réalisation est incontrôlable pour l'enseignant, bien souvent submergé par ses multiples activités hospitalo-universitaires déjà en place. La dématérialisation de tout un programme de cours « conventionnel » comme nous l'avons réalisé n'est pas immédiate et rapide, mais au contraire a demandé un travail sur plusieurs années. Cependant, une fois le cours en ligne réalisé, la qualité d'enseignement est nettement supérieure à un enseignement conventionnel et c'est là que l'enseignant gagne finalement du temps.
Par ailleurs, les possibilités de mutualisation des contenus augmentent avec le nombre d'enseignants impliqués. Cela ouvre des possibilités intéressantes de gain de temps à terme.
En conclusion, le e-learning ne doit pas être un projet à l'heure du web 4.0 mais un dispositif concret et spontané pour les enseignants et leur enseignement.
Depuis 2010, nous avons progressivement développé une e-formation pour les étudiants en diplôme de formation générale des sciences odontologiques 2e année (DFGSO2). Cette formation a régulièrement évolué avec une croissance exponentielle. Aujourd'hui, elle est stabilisée (malgré plusieurs changements de plateforme) et a montré son efficacité au quotidien dans notre enseignement [6]. D'autres cours à distance et en ligne ont été créés depuis, avec une médiatisation et une scénarisation différentes en fonction des années d'enseignement (étudiants en précliniques ou cliniques correspondant au public cible) et du contenu.
Nous avons fait le choix du e-learning pour répondre à plusieurs besoins, dont celui d'améliorer notre enseignement en prothèses, et tout particulièrement en prothèse fixée (fig. 3), notamment en questionnant le modèle universitaire avec des cours magistraux et des TPs. Ce modèle est ressenti comme de moins en moins adapté aux étudiants actuels pour au moins deux raisons : la capacité d'attention comme de travail autonome des étudiants et l'accès aux savoirs qui peut sembler très facile. Pourquoi assister à un cours magistral quand on pense que l'on peut retrouver le même contenu sur internet ? Quelle est la réelle capacité d'attention des étudiants durant un CM ? Cela dépend du contenu, de l'organisation de l'espace, du fait que les étudiants soient actifs ou non, mais dans tous les cas, ce n'est pas 2 heures en continu [7]. Ce travail de transmission des contenus scientifiques est-il alors réalisé de façon optimale ?
Ce cours virtuel développe des ressources numériques destinées à améliorer l'enseignement de la prothèse fixée en DFGSO2, en tirant profit des outils de travail actuels tels que l'imagerie 3D et/ou la CFAO. Les supports pédagogiques en 2D actuels (schémas, dessins) ou en 3D (sculptures sur cire ou plâtre) pourraient ainsi être complétés, voire définitivement remplacés par des supports technologiques plus pédagogiques, tels que l'imagerie 3D virtuelle, les vidéos et les jeux d'apprentissage (serious games). La dématérialisation de ces cours/TPs en cours virtuel est accompagnée de tests d'auto-évaluation afin que l'étudiant s'assure de son acquisition des connaissances après chaque séquence de travail.
L'évolution des plateformes numériques universitaires nécessite parfois un réagencement complet de la formation initiale créée avec une nouvelle prise en main des paramètres du cours (fig. 4). L'inconvénient est le temps passé à tout redéposer en ligne, avec une nouvelle mise en page de la formation ; l'avantage est de pouvoir mettre l'ensemble de la formation à jour (fond, forme et formats des ressources) et retoucher les supports à disposition des étudiants en ligne.
La mise à distance d'une partie des activités d'un dispositif de formation se justifie pour les disciplines cliniques, et tout particulièrement pour l'enseignement prodigué en prothèses. Le blended learning, basé sur un apprentissage mixte, demeure à ce titre un modèle performant pour l'odontologie, où la théorie peut être mise en ligne pour favoriser l'apprentissage manuel en présentiel et laisser plus de temps aux travaux pratiques. Un enseignement mixte reste ainsi un choix raisonné et judicieux pour les disciplines cliniques.
Le blended learning repose sur l'alternance d'activités en ligne et à distance (travail en ligne des cours théoriques, travaux à rendre en ligne, préparation des TPs) et des activités en présentiel (forums interactifs, échanges par les pairs, TDs, TPs). Soulignons que le cours en ligne reste le pilier central de notre enseignement en prothèse fixée depuis sa création. La partie en ligne est individualisée, l'étudiant accède au contenu au moment où il le souhaite, s'auto-évalue, peut échanger avec l'enseignant ou ses pairs en cas de difficultés ou de question. Même si l'enseignant a prévu des parcours types, le cheminement de chaque étudiant est différent. La partie en présentiel est en interaction avec le distanciel, les étudiants pouvant accéder en permanence aux ressources et aux préparations qu'ils ont réalisées. S'instaure donc un dialogue entre la théorie et la pratique [8].
De notre point de vue, un enseignement entièrement dispensé à distance ne peut pas convenir pour une discipline clinique où la gestuelle et la compétence manuelle restent un des points clés de la profession. Même avec le développement des simulateurs virtuels en 3D (Simodont, Moog, etc.), notre discipline de prothèses ne permettra jamais un enseignement exclusivement en ligne ; le patient doit rester au centre de notre travail, ce qui nécessite une simulation physique indispensable dans les années précliniques. En revanche, la construction de parcours pédagogiques en ligne permet l'intégration des travaux pratiques en lien direct avec la théorie ; cette liaison intime reste pertinente et efficiente dans le sens où la pratique ne peut pas être réalisée sans une base théorique.
La médiatisation est une démarche consistant à penser puis à produire des ressources pédagogiques dans le but de transmettre un savoir ou un savoir-faire. Les étapes de la médiatisation peuvent se résumer en quatre phases distinctes :
– la définition des objectifs pédagogiques par l'enseignant ;
– la granularisation : méthodes organisationnelles qui découpent le projet pédagogique en unités adaptées au média ;
– la scénarisation : mise en pratique pour répondre aux apports potentiels du multimédia interactif (méthodes d'enseignement, moyens mis à disposition, intérêt des étudiants) ;
– la production : mise en œuvre d'un savoir-faire technique afin de produire les contenus par l'enseignant-scénariste.
Les contenus et les supports numériques doivent répondre aux attentes des étudiants, tout particulièrement auprès des générations Z pour lesquelles le numérique fait totalement partie de leur quotidien, à chaque instant (websurfing). Ainsi, une ergonomie désuète, ou par exemple des outils collaboratifs moins performants que ceux qu'ils ont l'habitude d'utiliser dans leur vie quotidienne risquent de les rebuter. Un module de formation (ou parcours d'apprentissage) doit être structuré en choisissant des supports numériques pertinents et adaptés afin de permettre sa mise en ligne. En effet, tout ne peut pas se mettre en ligne. Pour se faire, il faut connaître :
– l'architecture pédagogique de la formation ;
– la typologie des activités pédagogiques multimédias ;
– les principes de rédaction et les règles de conception pédagogique multimédia ;
– les moyens d'évaluation des connaissances des étudiants.
La forme demeure spécifique et doit être adaptée à la visualisation des documents en ligne (qualité des supports numériques) et sur différents matériels (ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.). L'analyse de l'évolution de notre cours en ligne nous montre l'importance de l'entrée dans la formation. Nous sommes progressivement passés de contenus textuels bruts à des utilisations de courtes vidéos et de podcasts. Cette évolution s'est accompagnée d'une meilleure compréhension des attendus et de la structure du cours par les étudiants. Nous avons également augmenté l'accompagnement des contenus par des outils d'autopositionnement et de réorientation de l'étudiant. En effet, étant seul devant une vidéo ou une ressource, il n'est pas nécessairement capable de savoir s'il a compris ou non le contenu. Le but est de pouvoir éventuellement réorienter l'étudiant vers un autre module pour lui permettre de se mettre à niveau et ne pas prendre du retard dans sa formation.
Enfin, l'enseignement en ligne permet à l'apprenant de réfléchir à la place des ressources sur internet et de l'utiliser à bon escient. Le but est de créer une vraie classe virtuelle d'apprenants que nous retrouvons en présentiel (notamment en TDs et TPs), et de les faire entrer très tôt dans une démarche d'autoformation tout au long de la vie.
Dans les formations en e-learning, les objectifs pédagogiques proposent un découpage des notions à transmettre et à assimiler par les étudiants.
Chaque séquence pédagogique est ainsi conçue pour répondre à un objectif pédagogique spécifique. Chacune d'elles met en œuvre différentes phases d'apprentissage pour assurer le développement des compétences opérationnelles.
La structure d'un cours en ligne est organisée en modules composés de séquences : c'est la « granularisation ». Nous nous appuyons ici sur notre expérience et sur les résultats des recherches sur les comportements en ligne ainsi que sur les capacités attentionnelles. Dans notre travail, un module est composé de 3 à 5 séquences maximum. Une séquence (ou unité d'apprentissage) est découpée en plusieurs activités. Une séquence doit contenir un objectif pédagogique et contribuer à l'acquisition de 3 ou 4 compétences ou notions. Ainsi, il est possible de renvoyer à l'apprenant des informations claires sur ce qu'il a appris et compris. Elle ne doit pas occuper plus de 15 à 20 minutes d'attention de l'apprenant connecté.
La séquence est composée d'une ou plusieurs activités pédagogiques en ligne ou en présentiel. Ces activités peuvent être variées et être supportées par différents e-outils du web 4.0 (tableau 2). L'organisation pédagogique d'un cours en ligne alterne des activités asynchrones ou synchrones, individuelles ou collectives.
La structure des contenus est aussi dépendante de contraintes liées à la nature même du média et à l'énergie cognitive que l'apprenant peut y consacrer. Les modules et séquences sont assimilables à des chapitres et sous-chapitres d'un livre. Les activités constitueront quant à elles les pages de ce même livre, où l'on retrouve le contenu texte, test, image ou son.
Pour une bonne stratégie de formation en ligne, l'enseignant doit d'une part scénariser l'ensemble de son programme d'enseignement, et d'autre part savoir choisir l'outil pédagogique virtuel le plus adapté. Le but est de faire passer son message aux apprenants de façon didactique (tableau 3). Ces supports numériques sont très différents de ceux utilisés jusqu'à ce jour en présentiel, basés sur un aspect plus vertical de la transmission des savoirs « du maître à l'élève ».
Autres types de médiatisations existantes et bien connues du corps enseignant, de nouvelles possibilités ont vu le jour depuis ces dix dernières années : les modes médiatiques et multimédias font désormais partie des outils pédagogiques couramment utilisés en odontologie : document htlm/xml, vidéos, podcasts, imagerie 2D/3D, pdf 3D animés, contenus pédagogiques numériques, télétutorat, jeux d'apprentissage, etc. [9].
La scénarisation d'un cours en ligne fait appel à différentes modélisations, comme les contenus pédagogiques (unités pédagogiques) et les tâches d'apprentissage (activités d'acquisition, mises en situation, activités d'évaluation, activités d'exploitation des compétences). Le cours virtuel est idéalement conçu sous forme de parcours pédagogique successif dans lequel l'étudiant navigue de façon logique et progressive [10].
Après avoir ciblé son public (2e, 3e, 4e ou 5e année), il faut répondre aux besoins de formation de celui-ci. Un étudiant évolue au cours de son cursus professionnel en prothèses, et les enseignements également, notamment avec la nécessité d'intégrer les cas cliniques en fin de cursus.
La création d'un projet e-learning nécessite une méthodologie structurée et des outils multimédia variés [11]. La difficulté de concevoir des cours en ligne s'envisage à trois niveaux :
– cours de niveau 1 : textes et graphiques ;
– cours de niveau 2 : textes et graphiques interactifs ;
– cours de niveau 3 : applications multimédias interactives.
Une des composantes essentielles de tout dispositif de formation à distance est l'accompagnement des e-learners grâce au tutorat à distance. Lorsque l'on parle de blended learning, le tutorat est indispensable afin de s'assurer du bon suivi de l'enseignement en ligne et d'accompagner de façon synchrone ou asynchrone, individuellement ou en groupe, l'ensemble des étudiants tout au long de l'année hospitalo-universitaire. Ainsi, le déploiement et la démarche qualité sont également associés au projet e-learning [12].
Pour Brassard et al. (2003), la conception d'un scénario pédagogique « apparaît comme un processus systématique permettant d'assurer une certaine qualité de l'enseignement en tenant compte de divers facteurs agissant sur l'apprentissage » [13, 14].
Un des points forts de ces outils est la possibilité pour l'enseignant de pouvoir évaluer le processus d'apprentissage avec un suivi des apprenants en ligne, réaliser des statistiques, et envoyer des enquêtes d'évaluation de la formation et de satisfaction aux étudiants en fin d'année universitaire.
L'enseignant gère le tutorat à distance et en ligne pour motiver les étudiants et vérifier la réalisation des travaux mis en ligne. La motivation des apprenants serait supérieure avec un enseignement en ligne versus un enseignement conventionnel, à la seule condition qu'il soit tutoré [14].
L'évaluation des connaissances à distance et en ligne reste à ce jour difficile, d'une part à cause des problèmes de connexion individuelle qui imposerait que chaque étudiant ait un accès internet à domicile, et d'autre part à cause de la non-maîtrise de l'identifiant de connexion à distance (l'internaute est-il bien l'étudiant évalué ?). L'évaluation des connaissances en présentiel et en ligne n'apporte pas d'avantage, notamment lorsqu'il faut avoir un ordinateur pour chaque étudiant (ce qui reste irréalisable à ce jour). Le seul concours organisé sur tablette mobile à l'heure actuelle est le concours de l'internat en médecine avec les épreuves classantes nationales (ECNi). Le concours de l'internat en odontologie devrait se mettre en place également sur tablette d'ici quelques années, mais le « tout QCM » n'est pas envisageable dans notre discipline où le patient est au cœur de notre pratique. Une épreuve sur les relations humaines et la prise en charge globale du patient reste nécessaire (un oral).
L'évaluation des connaissances en tant que telle ne peut donc pas être faite à distance et en ligne. En revanche, un suivi en ligne des étudiants permet de vérifier la connexion hebdomadaire des étudiants qui est imposée dans notre enseignement. Cependant, cette connexion ne permet pas non plus de vérifier si le travail a bel et bien été fait en amont des TPs par exemple ; le temps de connexion ne peut pas non plus être pris en considération, entre les fichiers téléchargés et révisés dans un second temps et les étudiants qui restent connectés pour « simuler » un apprentissage en ligne. Cela n'est pas, pour autant, un problème : en effet, un étudiant qui n'a pas réalisé la préparation en ligne du TP va se retrouver démuni durant le travail à réaliser. Si ce n'est pas le cas, c'est-à-dire si un étudiant qui a préparé réussit aussi bien que celui qui n'a pas préparé, c'est sans doute que le cours prévu n'était pas adapté au TP. La vérification des connexions des étudiants à la e-formation et le contrôle de la progression des e-parcours d'apprentissage permettent à l'enseignant de renvoyer l'étudiant vers l'apprentissage en ligne, c'est-à-dire de l'autonomiser pour sa professionnalisation. Cela évite également de répéter plusieurs fois les mêmes choses, notamment lorsque les promotions atteignent près de 100 étudiants en 2e année : l'information et la formation sont plus justes car accessibles pour toutes et tous de la même façon, dans un même temps donné et avec un contenu identique.
Une auto-évaluation des connaissances et des acquis est réalisée en fin de parcours d'apprentissage (module) par l'étudiant grâce à des e-tests. Ces tests en ligne et à distance n'ont pas pour principe d'évaluer les connaissances mais d'apporter une aide à l'apprentissage pour l'étudiant. Les QCM diversifient notre enseignement et restent un outil en ligne plus ludique. En cas de difficultés, l'étudiant peut communiquer et poser librement ses questions dans le forum en ligne du cours. Les fils de discussion sont visibles pour tous les étudiants, qui ont le choix d'y participer (apprentissage actif) ou de les lire (apprentissage passif). Bien souvent, l'impulsion d'une première question incite d'autres étudiants à poser les leurs, et cet enseignement devient interactif et dynamique pour la promotion. Les échanges entre les étudiants via l'enseignant permettent un travail de groupe et collaboratif tout en favorisant l'auto-apprentissage. Ces forums s'assimilent en fait à des « réseaux sociaux » (la promotion d'étudiants), inter- et intra-étudiants/enseignants, et restent ouverts du premier jour de la rentrée jusqu'à la semaine précédant les examens écrits. Ce réseau social n'a pas du tout l'objet d'un réseau social privé (de type Facebook) mais professionnel avec une structure et un cadre purement universitaires.
Les plateformes en ligne telles que Moodle disposent également d'outil de peer reviewing, le travail produit par un étudiant étant évalué en aveugle par 2 ou 3 autres étudiants, ce premier étudiant évaluant également 2 ou 3 travaux de ses pairs. Ces pratiques, sur le modèle de l'évaluation en recherche scientifique, ont des vertus formatives intéressantes, mettant les étudiants en position d'évaluateur.
Ces e-outils (tests et forums en ligne) permettent également d'aider l'étudiant en difficulté, d'organiser des séances de rattrapage et de personnaliser l'apprentissage si nécessaire. L'objectif est de pouvoir cibler plus facilement l'étudiant en difficulté et, le cas échéant, d'individualiser sa formation en présentiel au cours des TPs. L'enseignant, tuteur principal de la e-formation, peut également interagir en ligne avec les assistants hospitalo-universitaires (AHU) et les moniteurs qui participent à l'encadrement des TPs en présentiel ; c'est la mise en place d'une équipe pédagogique de tutorat. Le niveau de tutorat est déterminé et donné en ligne par l'enseignant-tuteur, qui doit rester le seul maître d'œuvre du cours en ligne et conserver le fil conducteur de l'enseignement. L'avantage est de diffuser la même information pour tous les étudiants et tous les enseignants (via les annonces du cours en ligne notamment) et d'aboutir à une meilleure gestion de l'enseignement tout au long de l'année, à tous les niveaux et pour tout le monde.
Dans une perspective plus lointaine, nous pouvons imaginer des e-formations collaboratives et interdisciplinaires afin de favoriser l'approche pluridisciplinaire de l'enseignement, qui rentre pleinement dans la dynamique actuelle en réhabilitation orale/prothèses. La notion d'équipe pédagogique multidisciplinaire en serait facilitée, tout en se rapprochant des besoins des étudiants et en travaillant dans toutes les dimensions du dispositif de formation.
Nous avons, à partir de notre propre expérience et grâce à une analyse croisée des usages de notre plateforme, esquissé des propositions pour la mise en œuvre de formation à distance en odontologie.
L'enseignement à distance via internet peut encore diviser les acteurs, mais notre expérience acquise depuis près de 10 ans nous permet aujourd'hui d'affirmer que la e-formation est efficace en prothèses [15].
Les conditions que nous avons identifiées sont multiples. D'abord, l'alternance entre théorie et pratique rend l'usage de la distance intégrale quasi-impossible et nous amène donc à proposer du blended learning.
Ensuite, il s'agit de ne pas chercher uniquement à transposer en ligne des pratiques présentielles mais d'utiliser les potentialités des outils numériques pour créer de nouvelles démarches. Les jeux d'apprentissage ou jeux sérieux (serious games) sont en plein développement. Le programme « E-learning 2022 » confirme l'enjeu de l'apprentissage en ligne [1]. Nous travaillons également dans cette direction depuis plusieurs années [16, 17]. En outre, l'une des clés de la réussite de ce type de travail semble résider dans l'accompagnement des e-learners grâce au tutorat à distance, et ce tout au long de l'année. Le déploiement et la démarche qualité doivent être également associés à un projet e-learning en prothèses [12], afin de s'assurer de la bonne transmission des connaissances aux étudiants, les praticiens web 4.0 de demain.
Enfin, pour concevoir et développer ces formations, une adaptation progressive et réfléchie est nécessaire. Il faut analyser les effets sur les apprentissages des étudiants, puis adapter les contenus comme les démarches formatives en fonction de ces résultats. C'est alors une réelle démarche d'ingénierie que nous mettons en œuvre.
Des questions persistent néanmoins : quid des inégalités d'accès aux technologies et de la gestion du temps, tant celui de l'étudiant que celui de l'enseignant ? Comment prendre en compte ce temps de travail qui, certes, laisse des traces informatiques, mais reste difficilement quantifiable ?
Se pose également la question du développement des systèmes d'entraînement virtuel robotisé de la pratique dentaire (simulateur physique virtuel), qui est au cœur de l'actualité mais est aussi déjà bien connu et étudié dans d'autres domaines [18]. Celui-ci a pour but de compléter à court terme l'actuel simulateur physique, familièrement appelé « fantôme » en travaux pratiques dans les années précliniques. Simuler au plus près le patient reste indispensable en formation initiale : « never the first time on the patient » est la devise du Center of Medical Simulation de Boston (MA, USA), reprise par les rapporteurs de la mission sur la simulation en santé demandée par la Haute Autorité de Santé (HAS) (« jamais la première fois sur le patient »). Cependant, le conflit de générations au niveau des usages des TICE entre apprenants et formateurs est une réalité à ce jour. Le simulateur physique ne doit pas être abandonné et le numérique ne le remplacera jamais : il faut justement le prendre comme une valeur ajoutée à l'enseignement [19]. Ainsi, les outils numériques à venir offrent des possibilités infinies pour lier et relier ces nouveaux moyens de simulation en santé à notre e-formation déjà en place, rôdée et fonctionnelle, en prothèse fixée.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Les auteurs tiennent à remercier la Direction du numérique de l'université de Reims Champagne-Ardenne, et tout particulièrement le service des usages du numérique (SUN) pour leur fidèle et fructueuse collaboration depuis 2010.
Céline Brunot-Gohin
Ancienne interne des Hospices Civils de Lyon, spécialiste qualifiée en médecine bucco-dentaire
MCU-PH, Réhabilitation Orale - Prothèses
DIU Multimédia et Pédagogie des métiers de la Santé
UFR d'Odontologie, Université de Reims Champagne-Ardenne
Pôle de Médecine et Chirurgie Bucco-Dentaire, CHU de Reims
Laboratoire des Biomatériaux en Site Osseux (BIOS, EA 4691), SFR Cap-Santé, Université de Reims Champagne-Ardenne
celine.brunot-gohin@univ-reims.fr
Fabien Emprin
MCU - HDR, didacticien en mathématiques
Centre d'études et de recherches sur les emplois et les professionnalisations (Cérep, EA 4692), Université de Reims Champagne-Ardenne
fabien.emprin@univ-reims.fr