Internes, jeunes praticiens : à vos protocoles !
A.S. VAILLANT-CORROY / P. CORNE
Nettoyer la prothèse avec une brosse à dents et du savon neutre.
Décontaminer la prothèse dans un bac contenant de l'hypochlorite de sodium dilué à 0,5 % de chlore actif pendant 10 minutes.
Sortir la prothèse, la rincer à l'eau et la sécher.
Présentation
Cette nouvelle rubrique a pour but de présenter des protocoles de travail sur des thématiques ciblées afin de faire le point sur les méthodes de travail. Appuyés sur une analyse de la littérature scientifique internationale, les protocoles présentés abordent différentes techniques, balayant l'ensemble de l'odontologie prothétique (prothèse fixée, amovible, supra-implantaire, prise en charge des urgences). Chaque fiche sera suivie d'une analyse de la littérature sur différents points essentiels à sa compréhension. Un lexique bilingue en fin de rubrique permettra de faciliter les recherches bibliographiques ultérieures. Pour certaines fiches, des séquences vidéos seront accessibles sur editionscdp.fr, afin de mieux appréhender les protocoles proposés. Enfin, chaque fiche sera téléchargeable en ligne par les abonnés au format .PDF pour constituer un classeur de protocoles à garder près de soi lors des premières années d'exercice.
Liste du matériel
Bac de décontamination
Polymérisateur sous pression (ou cocotte-minute)
Élastiques
Pièce à main
Fraises résine
Tour à polir
Liste des matériaux
Hypochlorite de sodium à 0,5 % de chlore actif
Colle cyanoacrylate
Plâtre à prise rapide ou silicone de dureté élevée
Isolant plâtre-résine
Résine autopolymérisable de couleur rose
Pâte à polir
Nettoyer la prothèse avec une brosse à dents et du savon neutre.
Décontaminer la prothèse dans un bac contenant de l'hypochlorite de sodium dilué à 0,5 % de chlore actif pendant 10 minutes.
Sortir la prothèse, la rincer à l'eau et la sécher.
Coapter les morceaux à l'aide de colle cyanoacrylate (fig. 1).
Réaliser un socle à l'aide de plâtre à prise rapide (ou silicone de haute viscosité) sans trop « enterrer » les bords (fig. 2).
Désocler la prothèse.
Isoler le moulage de travail avec l'isolant plâtre-résine.
Séparer à nouveau les morceaux.
Biseauter largement le trait de fracture et ouvrir pour laisser un espace de 3 mm, tout en réalisant des stries transversales (pour permettre la rétention de la nouvelle résine) (fig. 3 et 4).
Nettoyer chaque partie de la prothèse à réparer.
Appliquer du monomère sur le trait de fracture et laisser sécher à l'air libre (fig. 5).
Préparer la résine par mélange poudre + monomère.
Placer la résine dans le trait de fracture légèrement en excès (temps de travail : 2 minutes environ) (fig. 6), ou réaliser alternativement un apport de poudre puis liquide (fig. 7).
Positionner des élastiques pour assurer le maintien des fragments pendant la prise de la résine (fig. 8).
Immerger la prothèse dans de l'eau chaude et polymériser sous pression (fig. 9). L'utilisation d'un polymérisateur sous pression facilite cette étape mais elle peut également être réalisée dans une cocotte-minute.
Retirer les excès de résine à l'aide de fraises dédiées (fig. 10).
Procéder au polissage à l'aide de pierre ponce et au brillantage avec de la pâte à polir (fig. 11 et 12).
Les réparations de fractures ou de fêlures de prothèses amovibles en résine sont des urgences récurrentes [1, 2]. Une étude révèle que près de 50 % des fractures concernent une prothèse complète maxillaire, principalement lorsque l'arcade antagoniste est dentée [3-5]. Cet aléa perturbe logiquement le patient, qui veut rapidement retrouver sa prothèse réparée, mais aussi le praticien qui doit réparer ou faire réparer la prothèse en trouvant un créneau au sein d'un planning souvent déjà chargé. Que ce soit une fêlure ou une fracture, il est important pour le patient que la réparation soit réalisée rapidement. Habituellement déléguée au prothésiste dentaire, ce qui contraint le patient à attendre 24 heures pour retrouver sa prothèse, la réparation d'une prothèse résine peut être aussi se faire au cabinet dentaire. Le temps de travail nécessaire pour sa réalisation peut ainsi s'intercaler entre deux patients et les temps de prise des matériaux se superposer aux rendez-vous déjà programmés, permettant ainsi au patient de retrouver sa prothèse plus rapidement.
La principale étiologie retrouvée dans la littérature est liée à l'occlusion [5, 6]. En effet, un déséquilibre de l'occlusion entraîne un déséquilibre de la prothèse et des concentrations de contraintes. Pour rappel, en prothèse amovible complète, on privilégie une occlusion balancée bilatéralement équilibrée avec présence d'une béance antérieure. On observe pourtant fréquemment des contacts antérieurs sur les prothèses amovibles complètes, en raison de l'usure des dents postérieures (à corriger par un remontage des dents postérieures), ou à une égression des dents mandibulaires (à corriger par un ajustement occlusal des dents mandibulaires). En prothèse partielle, le concept occlusal dépend des dents restantes et des dents antagonistes. On essaie toutefois de se rapprocher, surtout en cas d'édentement étendu, d'une occlusion répartie sur plusieurs dents et équilibrée, voire d'une occlusion balancée (perte d'une ou des canines ou absence de guidage antérieur dentaire). En cas de défauts majeurs d'occlusion, la réfection de la prothèse ou un remontage des dents prothétiques doivent être envisagés. Il sera ainsi important de contrôler l'occlusion statique et dynamique à l'aide de papiers encrés et de réaliser d'éventuels ajustages occlusaux lors de la réinsertion prothétique [7].
Le manque de stabilité de la base prothétique est le deuxième facteur incriminé dans le cadre d'une fracture de base prothétique [6, 8]. À l'image du déséquilibre occlusal, une prothèse mal adaptée et instable ne pourra pas être équilibrée et subira des contraintes excessives, qui finiront par se répercuter dans la prothèse par fatigue des matériaux. Pour tester ce paramètre, une pression bidigitale alternative est appliquée au niveau molaire en cherchant une instabilité prothétique [9]. La réfection de base doit être envisagée si l'usure des dents prothétiques permet de garantir, in fine, une stabilité et une équilibration occlusale. Les autres doléances éventuelles du patient seront écoutées suite à la réinsertion prothétique (manque de rétention, douleurs) et les corrections éventuelles en découlant seront alors réalisées [10].
Un défaut dans la fabrication de la prothèse, et notamment la présence de porosités au sein de la résine, que l'on pourrait voir par transparence, peuvent également être à l'origine de distorsions secondaires importantes, qui sont à terme sources de fracture. Elles traduisent le plus souvent une montée en température trop brutale de la résine, suivie d'un refroidissement trop rapide des prothèses qui génère alors des distorsions s'opposant à la remise en place des prothèses sur leurs modèles de travail [9].
Il faut également veiller à vérifier les structures anatomiques sous-jacentes en cas de fracture. L'émergence d'une racine résiduelle suite à une résorption osseuse ou la présence d'une crête flottante sont autant de facteurs qui seront à l'origine de contraintes dans la base prothétique. La présence d'une crête flottante désigne ainsi un déséquilibre occlusal, qui nécessitera un reconditionnement tissulaire avant la réfection prothétique.
Enfin, l'étiologie accidentelle, telle qu'une chute de prothèse, est également décrite. On recommande ainsi aux patients de nettoyer leur prothèse au-dessus d'un évier avec un fond d'eau ou une serviette pour éviter les chocs en cas de chute, et de stocker leur prothèse dans une boîte hermétique lorsqu'elle n'est pas portée.
Le risque infectieux en odontologie est d'autant plus grand que la cavité buccale est naturellement colonisée par une grande diversité de micro-organismes. Des contaminations croisées entre le cabinet et le laboratoire sont possibles via les transferts d'éléments (empreintes, prothèses essayées) [11]. Dans une étude assez ancienne (1990), près de 70 % des éléments prothétiques analysés (prothèses, moyens d'enregistrement des rapports intermaxillaires, empreintes...) sont porteurs de bactéries pathogènes. Peuvent être citées Enterobacter cloacae, responsable notamment d'infections pulmonaires, Escherichia coli, responsable de pathologies digestives voire même de méningites, ou encore Klebsiella oxytoca, potentiellement responsable d'infections urinaires [12].
Il n'existe à l'heure actuelle aucun consensus concernant la décontamination des prothèses amovibles en résine. Toutefois, il est nécessaire d'établir un protocole (conjointement avec son laboratoire de prothèse au besoin) de décontamination afin de minorer le risque de contamination dû aux manipulations de prothèses [13].
La prothèse est tout d'abord nettoyée à la brosse à prothèse afin d'éliminer débris alimentaires et mucosités (salissures organiques) : si cette étape est oubliée, la suite du protocole risquerait d'être inefficace [14]. Le rinçage à l'eau permet ensuite de diminuer encore le nombre de micro-organismes présents [11].
Même si deux études préconisent une concentration à 1 % de chlore actif [15, 16], l'immersion de la prothèse dans une solution d'hypochlorite de sodium à 0,5 % de chlore actif, soit 1 l d'eau de Javel du commerce à 2,6 % pour un volume final de 5 l, durant 10 minutes, est la technique qui peut être retenue en raison de son efficacité démontrée dans la littérature [14, 17-22]. La concentration à 0,5 % de chlore actif est aussi celle retenue par la Société française d'hygiène hospitalière. Son action désinfectante est principalement due à l'action de l'acide hypochloreux et du dichlore, qui pénètrent facilement à travers les parois des membranes cellulaires des entités microscopiques (virus, bactéries...). Cette solution est fongicide et agit également par dissolution de la mucine et d'autres substances organiques [23]. Elle est suffisante pour réduire de manière significative les micro-organismes sans altérer la couleur ou la rugosité de surface de la résine [20, 24].
Il convient dans tous les cas de respecter les conditions de conservation (date de péremption, température, exposition à la lumière), de dilution et de durée d'application afin d'optimiser l'action de la solution d'hypochlorite de sodium. Lors de ces premières étapes, le port de gants à usage unique est nécessaire. La prothèse est ensuite considérée comme propre et pourra ainsi être manipulée à mains nues.
Les résines acryliques sont la famille de matériaux la plus fréquemment employée dans la confection des bases prothétiques [25]. Ces résines, dont les plus utilisées en odontologie sont à base de polyméthacrylate de méthyle, se présentent généralement sous une forme poudre-liquide. Le mode de polymérisation varie en fonction de la nature de l'initiateur de réaction présent. On distingue ainsi les résines auto ou chémopolymérisables, induites par un agent de polymérisation chimique à froid, les résines thermopolymérisables où la polymérisation est induite par un apport de chaleur (réservée au laboratoire de prothèse), et les résines photopolymérisables, développées sous forme de seringue monocomposant, qui nécessitent la présence de photons.
Au cabinet dentaire, on positionne dans un premier temps de la résine sous forme poudre-liquide de type chémo ou autopolymérisable pour faciliter sa mise en place. On veille ainsi à garantir le meilleur degré de conversion pour optimiser les propriétés optiques et mécaniques des matériaux [26, 27]. Un défaut de polymérisation au sein de la résine peut, en effet, conduire dans certains cas à des risques d'allergies (dermatite allergique de contact) liées au relargage des monomères présents [28]. Le défaut de polymérisation se manifeste par un blanchiment de l'intrados prothétique ou par une présence élevée de porosités. Une polymérisation sous pression et apport de chaleur (eau chaude) permet d'améliorer ce taux de conversion [29]. L'utilisation d'un polymérisateur sous pression ou d'une cocotte-minute est donc recommandée pour optimiser la réaction de prise de matériaux.
On peut ensuite utiliser des résines composites photopolymérisables uniquement en cas de légers défauts ou de porosités à combler, liés aux risques importants de contraction de prise de ce type de matériau.
En cas d'allergie aux résines acryliques, l'utilisation de résine nylon (ou polyamide) est recommandée. Leur mode de polymérisation, de type thermopolymérisable, contraint à déléguer la réparation au laboratoire de prothèse.
Une revue de littérature publiée en 2018 a étudié les résultats de 40 études parues entre 2005 et 2015 [2]. Deux raisons majeures conduisent à renforcer une prothèse résine : la première est d'améliorer la résistance, et la deuxième est de rigidifier la prothèse ; dans les deux cas, l'objectif final est de prévenir les fractures. Le cahier des charges du renfort idéal est le suivant : facile à manipuler, pour un coût raisonnable, une rigidité suffisante pour améliorer les propriétés mécaniques et une bonne stabilité dans le temps. Deux grandes familles de matériaux sont ainsi envisageables : les renforts métalliques et les renforts en fibres de verre.
Bien que très prometteuses et ayant entraîné un nombre conséquent de publications, les fibres de verre sont insuffisamment rigides et trop chères. D'autre part, leurs sections variables et leur difficulté de mise en place ne permettent pas d'en faire le matériau de choix. Toutefois, on privilégiera les renforts à base de fibres de verre en secteur antérieur pour des raisons esthétiques.
Les renforts coulés, notamment en alliage type Co-Cr, permettent d'obtenir les meilleurs résultats en termes d'amélioration de la rigidité et de la résistance, mais la mise en œuvre est plus délicate et consommatrice de temps. Leur principal défaut est la couleur grise, qui peut perturber l'esthétique en secteur visible.
Du point de vue du placement topographique du renfort, l'idéal est de le positionner au niveau d'une zone de concentration de contraintes, plus sujette à des déformations et ainsi à des fractures. C'est pourquoi il faut privilégier le placement sur la crête en cas de prothèse amovible complète, et au-dessus des attachements en cas de prothèse amovible sur attachements.
La pérennité de la prothèse amovible résine dépend en grande partie de son état de surface [30]. En effet, la résine qui présenterait un état de surface rugueux pourrait être source de nombreuses complications :
– accumulation de micro-organismes pouvant engendrer des pathologies des muqueuses [30, 31] ;
– risque de coloration majoré ;
– inconfort du patient. La langue détecte en effet des différences de rugosité infimes : des rayures de moins de 2 μm donnent au patient une impression de « lisse » mais des rayures de plus de 20 μm semblent rugueuses. En cas de rugosité importante, la prothèse peut même engendrer des blessures de la muqueuse buccale [30, 32].
Pour visualiser ces rugosités, différentes techniques sont envisageables, comme l'appréciation avec la pulpe du doigt, l'utilisation de l'extrémité d'une sonde, d'une compresse ou d'un coton salivaire qui accrochent aux irrégularités présentes [20].
Le polissage est donc une étape importante qu'il convient de ne pas négliger. Il s'agit de rendre la surface du matériau la plus lisse possible. Des instruments de coupe décroissante sont utilisés. Dans une étude publiée en 2018, il est démontré que les surfaces polies sont significativement plus lisses que les surfaces non polies [33].
Cette étape débute par le grattage, qui permet de supprimer toutes les parties de résine en excès, les bavures et irrégularités importantes en surface. Des fraises à fissures en carbure de tungstène à lames multiples sont ici utilisées.
Le polissage continue ensuite avec l'utilisation de pierre ponce (éventuellement sur un tour à polir) sur une brosse rotative à poils longs et souples [18, 30]. Il faut veiller à ce que la ponce soit utilisée en consistance fluide afin de ne pas trop abraser la résine.
La dernière étape est le lustrage (ou brillantage) de la résine : la surface du matériau est ainsi rendue brillante. La prothèse réparée est lustrée en montant une brosse douce de finition sur laquelle une pâte à lustrer a été passée (pâte grasse).
Il est important de supprimer tous les débris et particules abrasives de la surface de la prothèse avant de passer à l'étape suivante : une seule particule abrasive peut rayer la surface au cours des phases suivantes du polissage.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Anne-Sophie Vaillant-Corroy - MCU-PH, Nancy
Pascale Corne - MCU-PH, Nancy