Plans de traitement
J.M. BOISVERT A. HENNEQUIN X. DUSSEAU F. DESTRUHAUT
Le choix des différentes options thérapeutiques offertes au praticien et au patient lors de la prise de décision et du consentement éclairé doit être intégré dans une analyse globale de la situation clinique incluant la faisabilité, la balance bénéfice/risque, le gradient thérapeutique et le pronostic des restaurations prothétiques. Dans la mesure du possible, ce choix doit être fondé sur des preuves. Les taux de succès et/ou de survie observés varient...
Résumé
La rubrique « plans de traitements » propose un article original présentant des notions très utiles à connaître en amont de la décision thérapeutique relative au choix des types de prothèses. À travers une revue de littérature récente, les auteurs souhaitent présenter les taux de survie, de succès et les différentes complications biologiques et techniques des solutions prothétiques fixes d'usage quotidien comme les facettes, les onlays, les couronnes sur dents naturelles ou sur implants, les bridges collés, les bridges sur dents naturelles ou sur implants, afin d'éclairer la prise de décision en pratique clinique.
Le choix des différentes options thérapeutiques offertes au praticien et au patient lors de la prise de décision et du consentement éclairé doit être intégré dans une analyse globale de la situation clinique incluant la faisabilité, la balance bénéfice/risque, le gradient thérapeutique et le pronostic des restaurations prothétiques. Dans la mesure du possible, ce choix doit être fondé sur des preuves. Les taux de succès et/ou de survie observés varient en fonction des matériaux utilisés et des techniques mises en œuvre, ainsi que des complications techniques et biologiques rencontrées.
La méthodologie utilisée s'appuie sur les fondements PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic review and Meta-Analyses, 2015), établis par l'université d'Oxford et l'Institut de recherche d'Ottawa. Ces lignes directrices définissent la méthodologie à suivre lors de la rédaction d'une revue de littérature. L'objectif est une mise à jour des connaissances concernant le pronostic des restaurations dentaires fixes (scellées ou collées). Sont inclues des études de cohorte, des revues de littérature et des méta-analyses, publiées sur les dix dernières années, soit entre 2009 et 2019. Sont exclues les études de rapport de cas. Les critères de jugements retenus pour la sélection des articles sont de trois ordres : le taux de survie, le taux d'échec, le type de complications.
Les moteurs de recherche utilisés sont Pubmed et Cochrane. La littérature de proche en proche est utilisée, complétée par une recherche manuelle.
Les recherches sur les bases de données sont effectuées à partir de mots-clés qui sont combinés tels que : (« survival rate » OR « failure rate ») AND (« veneers » OR « single crowns » OR « bonded bridges » OR « fdps » OR « onlays »). Sur Pubmed, les mots-clés sont recherchés via les Mesh Term. Les recherches se limitent aux dix dernières années. Après cette recherche informatique, la classification des articles et la suppression des doublons est réalisée, puis la sélection des articles est faite par lecture des titres, des résumés (« abstracts »), et ensuite par une lecture intégrale (tableau 1). La dernière recherche d'articles est effectuée le 15 mai 2019.
Les articles sélectionnés devront permettre de répondre à la problématique posée. Les essais comparatifs randomisés, les méta-analyses d'essais comparatifs randomisés et les études de cohortes pourront être intégrés dans la synthèse, à la condition qu'ils ne présentent pas de biais majeur, interférant dans l'exploitation des données. Grâce à des outils d'évaluation des biais, la pertinence scientifique de chaque article est déterminée.
Le taux de succès est défini comme « le pourcentage de restaurations restant en bouche pour un temps donné sans aucune modification ». Le taux de survie est défini comme « le pourcentage de restaurations fonctionnelles toujours en place pour un temps donné ». Le taux d'échec est défini comme « le pourcentage des différents événements ayant conduit à la perte de la prothèse ou de sa fonction », toujours pour un temps donné. Plus significatif, le taux de complications est défini comme « le pourcentage des différents événements touchant une restauration pour une période donnée ». Les complications techniques regroupent tous les événements concernant les éléments prothétiques (fracture, fêlure, chipping) et les complications biologiques des structures anatomiques sur lesquels ils reposent (dent, os, tissus mous).
Concernant les matériaux utilisés le plus fréquemment (vitrocéramiques et céramiques feldspathiques) pour une période moyenne de survie de 9 ans [1], le taux de survie des premières est de 94 % et de 87 % pour les secondes, ce qui n'est statistiquement pas significatif [2]. On observe cependant une forte dispersion des résultats en fonction des études rassemblées lors des méta-analyses : par exemple, pour Watt et Conway [3], le taux de survie des facettes en céramique feldspathique à 10 ans varie en fonction des cohortes étudiées entre 64 % et 95 %. Outre le taux de survie, les différents taux de complication rencontrés sont, par ordre décroissant : la fracture et le chipping (4 %), le décollement (2 %), les complications endodontiques (2 %), l'apparition de discoloration marginale importante (2 %) et les caries secondaires (1 %) [1]. Pour Petridis et al. [2], les mêmes complications sont observées, mais les plus fréquentes sont la discoloration marginale (9 % à 5 ans), suivie par le défaut d'intégrité du joint marginal (entre 3,9 et 7 % à 5 ans).
La forme de la facette, la préparation ou non du bord incisal, ainsi que la profondeur de préparation influencent les taux de survie. Pour Shetty et al. [4], un recouvrement incisal est de meilleur pronostic que son absence, avec deux modes de préparation : le recouvrement partiel (overlap), plutôt pour les dents saines, et le recouvrement complet (butt), plutôt pour les dents fracturées (études cliniques et études in vitro). Concernant la profondeur de la préparation, bien que ce paramètre ne fasse pas consensus [1], une préparation dentinaire semble de pronostic péjoratif, car le collage entre la dentine et la facette ne peut empêcher sur le long terme les phénomènes de micro-infiltration. De même, la différence des modules d'élasticité du substrat dentinaire et de la facette est une source probable de décollement [5].
Leur indication esthétique première (correction morphologique, positionnelle, dyschromie) les destinait le plus souvent à des dents indemnes de pathologie [4]. Depuis l'avènement des réhabilitations prothétiques globales et peu invasives, elles sont de plus en plus souvent utilisées pour restaurer des dents fracturées, érodées ou encore abrasées, dans un contexte de pathologie dentaire ou d'usure généralisée, ce qui est susceptible de créer des dispersions statistiques du pronostic de ces restaurations, selon le contexte thérapeutique dans lequel elles évoluent. Ces considérations rappellent que la réalisation de facettes dans des indications inadéquates comporte un risque d'initier un cycle de dentisterie dont le patient resterait prisonnier.
Concernant le type de matériau utilisé, l'emploi de céramique feldspathique ou de vitrocéramique semble équivalent [6]. Morimoto et al. relèvent dans une revue systématique que les taux de survie à 5 ans varient entre 92 % et 95 %, et sont de 91 % à 10 ans. Abduo et Sambrook [7] relèvent que les taux de survie à moyen terme, c'est-à-dire entre 2 et 10 ans, varient entre 91 % et 100 %, pour au-delà de 5 ans se situer entre 71 % et 98,5 % (tableau 2). L'hétérogénéité des paramètres pris en compte rend difficile la comparaison des résultats entre différentes études quant aux taux de succès et de survie des divers types de restaurations en céramique, et rend complexe l'identification des complications biologiques et techniques [7].
Les résultats assemblés dans les méta-analyses ne prennent pas toujours en compte les mêmes variables. Par exemple, pour 9 cohortes différentes, 4 mentionnent l'influence du bruxisme sur les résultats mais de manière partielle et sans expliciter la manière dont le diagnostic est porté, et 2 seulement prennent en compte l'utilisation de la digue lors du collage constituant des biais méthodologiques [8]. Le type de dentition, le site et la préparation de la restauration, le statut carieux du patient, son niveau socio-économique, la fréquence de changement de praticien, les aléas de la fabrication ou de la séquence opératoire, le fait que les restaurations soient réalisées au sein de l'université ou en pratique privée, ne font pas partie des variables systématiquement prises en compte [9], et sont probablement des facteurs susceptibles d'influencer le taux de survie.
Les complications les plus fréquentes sont : la fracture et le chipping (4 %), les complications endodontiques (3 %), les caries secondaires (1 %), le décollement ou descellement (1 %). Les colorations marginales sont rarement observées [6], de même que l'hypersensibilité dentinaire transitoire [7] (tableau 3).
La vitalité pulpaire de la dent est un facteur de succès [6, 7] ainsi que la situation plus antérieure de l'onlay (le pronostic est meilleur sur une prémolaire que sur une molaire [6], et meilleur sur une première molaire que sur une deuxième en ce qui concerne la fracture de la céramique [7]). Abduo et Sambrook [7] mettent en évidence des facteurs de succès des onlays (une épaisseur minimum de 2 mm de céramique en occlusal, la présence de dispositifs de rétention), ainsi que des facteurs d'échec (comme l'absence de vitalité de la dent ou l'existence de parafonctions). Les matériaux utilisés, les méthodes de fabrication (incluant la CAD/CAM) et le système de collage ne semblent pas discriminants [7].
Dans un souci de respect du gradient thérapeutique, certains auteurs [8] ont essayé de comparer les taux de survie et les complications observées entre, d'une part, les onlays (onlays, inlays et inlays-onlays), et d'autre part les couronnes. L'hétérogénéité des études ne permet pas de comparaison exacte mais permet d'estimer les taux de survie moyens à 5 ans : de 90,89 % pour les inlays, de 93,5 % pour les onlays et de 95,38 % pour les couronnes.
Les onlays sur dents dépulpées ou les endocouronnes, dont le taux de succès à 36 mois varie entre 94 et 100 % [9], constituent des alternatives intéressantes et fiables comparées aux traitements conventionnels utilisant des tenons radiculaires ; même si la présence d'études in vitro et d'études comparatives entre onlays, couronnes et reconstitutions directes [10] ne suffit pas encore à pallier l'absence de cohorte de grande étendue en vue d'établir un fort niveau de preuve (A).
Le taux de survie à 5 ans varie en fonction du type de matériau : 94,7 % pour les couronnes céramo-métalliques, 96,6 % pour les couronnes vitrocéramiques (vitrocéramique enrichie au disilicate de lithium ou vitrocéramique à base de leucite), 94,4 % pour les céramiques infiltrées (céramique alumineuse infiltrée) et 96 % pour les couronnes à chape zircone (alumine ou zircone dense totalement sintérisée) [11]. Ces taux ne mettent pas en évidence de différence statistiquement significative [11, 12] (tableau 4).
Seules les couronnes à base de céramique feldspathique ont un taux de survie inférieur de manière significative, dû à un mauvais pronostic en région postérieure (leur indication se limitant au secteur antérieur eu égard à leurs excellentes qualités optiques). Concernant les complications techniques, le chipping est la complication qui concerne le plus les couronnes céramo-métalliques, mais à un bien moindre niveau que les couronnes à chape zircone (fig. 1 et 2). La fracture de la chape est d'autant plus fréquente que la chape est fine : les couronnes céramiques feldspathiques plus que les couronnes vitrocéramiques, elles-mêmes davantage que les couronnes à chape zircone [12] (fig. 3). La fracture de la chape est extrêmement rare pour les couronnes céramo-métalliques. Concernant les complications biologiques, la perte de vitalité pulpaire ainsi que la fracture de la dent pilier concernent plus les couronnes céramo-métalliques que les couronnes céramo-céramiques, alors que les caries secondaires apparaissent plus souvent sur les couronnes céramo-céramiques (moins pour les couronnes à chape zircone, plus pour les couronnes à base de céramique infiltrée) [11] (tableau 5).
On observe une grande homogénéité des taux de survie, des complications techniques et biologiques rencontrées pour les couronnes céramo-métalliques et les couronnes à chape zircone. Les taux de survie à 5 ans sont de 93,3 % pour les couronnes céramo-métalliques et de 97,7 % pour les couronnes à chape zircone, et les taux de succès à 5 ans sont respectivement de 86,7 % et de 83,8 %. Ces différences ne sont statistiquement pas significatives [13].
Les complications biologiques péri-implantaires observées ne semblent pas dépendre de la nature des matériaux utilisés. Ainsi, les péri-implantites concernent autant les implants portant des couronnes céramo-métalliques (5,1 %) que ceux supportant des couronnes à chape zircone (5,3 %). Les pertes osseuses supérieures à 2 mm autour de l'implant concernent 3,3 % des couronnes céramo-métalliques, et 4,3 % des couronnes à chape zircone (résultats non significatifs). Les couronnes devant être refaites pour des raisons esthétiques sont plutôt des couronnes céramo-métalliques (1,7 %) (tableau 6).
Concernant les complications techniques, les fractures de couronnes concernent essentiellement les couronnes à chape zircone (2,1 %) et peu les couronnes céramo-métalliques (0,2 %). L'absence de recul suffisamment important des couronnes full zircone [13] sur implants explique pour le moment leur absence des revues systématiques.
Les complications techniques les plus fréquentes sont la perte de la vis occlusale ou du pilier, qui concerne 3,6 % des couronnes céramo-métalliques et seulement 1 % des couronnes à chape zircone [13]. Les fractures de la vis occlusale, du pilier ou de la vis du pilier (fig. 4) restent rares (0,2 % pour les couronnes céramo-métalliques et 0,4 % pour les couronnes à chape zircone).
Si les complications biologiques surviennent plus souvent sur les couronnes scellées (perte d'os supérieure à 2 mm autour de l'implant, pour beaucoup en relation avec des restes de ciment de scellement), les complications techniques sont plus fréquentes sur les couronnes vissées (perte de la vis occlusale et chipping de la céramique). Les taux de survie des couronnes unitaires sur implant à 5 ans sont de 96,5 % pour les couronnes scellées et de 89,3 % pour les couronnes vissées, avec des taux de complication plus importants pour les couronnes vissées (24,4 %) que pour les couronnes scellées (11,9 %) [14].
Malgré les différences constatées dans les complications, les deux types de couronnes peuvent être recommandés [14] (tableaux 7 et 8).
Bien qu'ils soient en France d'une utilisation relativement peu commune, les bridges collés font l'objet d'une importante bibliographie dans la littérature internationale, eu égard à leur coût relativement modéré, leur caractère peu invasif et leur rapidité d'exécution [15, 16]. Les dents supports des bridges collés étudiés dans les différents articles ont toutes fait l'objet de préparation préalable. Les taux de survie sont de 91,4 % à 5 ans et de 82,9 % à 10 ans [15]. Les meilleurs résultats sont obtenus avec les bridges courts (une ailette collée et un inter), et plutôt avec des armatures en zircone [15]. Il semblerait que la multiplicité des appuis (2 piliers au lieu de 1 pilier) crée une désynchronisation des forces appliquées sur les dents piliers et concoure au décollement précoce [15, 17]. Les meilleurs taux de survie sont constatés en secteur antérieur, sans différence statistiquement significative entre le maxillaire et la mandibule (tableau 9).
Les complications techniques les plus fréquentes sont le décollement et la fracture de céramique. La fréquence de décollement (15 % de bridges décollés à 5 ans) augmente en fonction du nombre de collages, et on parlera d'échec et non plus de complication si un nouveau décollement suit le premier. Le chipping de la céramique cosmétique concerne 4,1 % des restaurations à 5 ans [15]. Les complications biologiques sont moins fréquentes ; ainsi, les caries de la – ou des – dent(s) pilier(s) sont de 1,7 % à 5 ans, la fracture de la dent pilier 0,2 %, et les maladies parodontales 0,8 % [15], en concordance avec de nombreuses autres études [16-18].
Le taux d'échec global annuel de 1,8 % semble linéaire [15]. D'autres études mettent en évidence des taux de succès beaucoup moins importants sur le long terme : 64,5 % à 10 ans [18]. Les taux de succès à 5 ans varient en fonction des matériaux utilisés : 84,86 % pour les bridges en composites renforcés en fibres [19], 88,18 % pour les bridges collés céramo-métalliques, 92,07 % pour les bridges collés à chape zircone, 94,26 % pour les céramiques alumineuses infiltrées. Les fractures semblent plus fréquentes sur les bridges collés tout céramique, et il y a plus de décollement sur les bridges collés céramo-métalliques [17] (tableau 10).
Certaines recommandations peuvent être émises à l'analyse des complications. Il convient d'éviter de réaliser ces prothèses en cas de deep bite, en l'absence ou en cas de faible overjet, en cas de moindre quantité d'émail sur la ou les dents piliers [15], en présence de parafonctions, ou si la couronne clinique du pilier est courte [16]. Les recommandations seraient de réaliser des préparations sus-gingivales, limitées à l'émail, d'éviter toute interférence occlusale ou même de contact occlusal en latéralité, de privilégier le secteur antérieur et plutôt maxillaire [18]. Le cas type de bon pronostic est le remplacement d'une incisive latérale maxillaire par un bridge collé cantilever avec une seule ailette [16, 20]. Au-delà des taux de succès favorables, ces restaurations semblent toujours conseillées sur un moyen terme [17] ou comme des restaurations transitoires de longue durée [16].
Les bridges collés semblent avoir d'excellents taux de survie, mais leurs difficultés de réalisation les destinent à être réalisés par peu de praticiens, connaissant probablement très bien les procédures de collage, sélectionnant correctement les indications en fonction des bonnes conditions anatomiques. Ces éléments constituent des biais méthodologiques évidents, ne permettant pas la généralisation des taux de survie à des pratiques courantes.
Le taux de survie des bridges sur dents naturelles à 5 ans en fonction des matériaux utilisés ne montre pas de différence significative [21] : bridge céramique vitreuse renforcée (89,1 %), bridge à chape zircone (90,4 %), bridge céramo-métallique (94,4 %).
Concernant les complications techniques, on retrouve : les fractures de l'armature (2,2 % à 5 ans) à un taux important pour les bridges vitrocéramique (8 %) et les bridges en céramique infiltrée (12,9 %), et à un taux très faible sur les bridges céramo-métalliques (0,6 %) et à chape zircone (1,9 %). Les fractures massives de la céramique de recouvrement (chipping fracture) nécessitant la confection d'un nouveau bridge apparaissent préférentiellement sur les bridges à armature zircone (14,35 % à 5 ans), alors qu'elles ne concernent que 5 à 6 % des autres types de bridges [22]. Les fractures de faible étendue de la céramique de recouvrement, pouvant être résolues par un polissage en bouche et ne nécessitant pas la confection d'un nouveau bridge, apparaissent plutôt sur les bridges à armature zircone mais également sur les armatures métalliques (12,7 % à 5 ans pour tous les bridges). Les taux de descellement à 5 ans touchent plus les bridges à armature zircone (6,2 %) que les autres (3,1 %) (tableau 11).
Pour ce qui est des complications biologiques, les caries secondaires concernent 1,4 % des bridges à 5 ans (plus pour les bridges à armature zircone que pour ceux à armature métallique) ; la perte de vitalité des dents piliers est exclusivement observée pour les bridges à armature zircone (2,22 %) ; la fracture d'une dent pilier 0,9 %, et les problèmes parodontaux 1,2 % (plus pour les bridges vitrocéramiques et pour les céramiques infiltrées). La perte d'étanchéité marginale, l'apparition d'un espace ou la discoloration marginale touchent 17,7 % des bridges sur 5 ans, le taux le plus important concernant les bridges à armature zircone (28,5 %).
Si l'on ne considère que la variable « bridge sur implant », les taux de survie sont de 95,6 % à 5 ans et de 93,1 % à 10 ans [22]. Par ordre décroissant, les complications rencontrées sont : la fracture de la céramique cosmétique (13,5 %), la péri-implantite ou les complications au niveau des tissus mous (8,5 %), la perte de la restauration recouvrant la vis occlusale (5,4 %), la perte de la vis occlusale ou la fracture de la vis occlusale ou de la vis du pilier (5,3 %), et enfin le descellement du bridge (4,7 %). La fracture d'implants ou de la structure du bridge est rare (fig. 5 et tableau 12).
Les taux de survie sur 5 ans sont de 98,7 % pour les bridges à armature métallique et de 93 % pour les bridges sur implant à armature zircone [24]. Seul le taux de succès à 5 ans des bridges céramo-métalliques a pu être estimé : 84,9 % des bridges restaient en place sans aucune complication (tableau 13).
Les fractures de la céramique de recouvrement et le chipping touchent 11,6 % des bridges céramo-métalliques implanto-portés et 50 % des bridges à armature zircone. Au-delà de ces complications, les bridges perdus pour cause de fracture « fatale » de la céramique représentent 4,1 % des bridges à armature zircone (fig. 6) et seulement 0,2 % des bridges à armature métallique et ce, pour des bridges comportant entre 2 et 6 unités en majorité. Pour ce qui est des complications biologiques (péri-implantite, complications au niveau des tissus mous), on relève un taux de 3,1 % pour les bridges céramo-métalliques et de 10,1 % pour les bridges à armature zircone [24]. Pour Pjetursson et al. [21, 25], les bridges céramo-métalliques sont toujours considérés comme ayant le meilleur pronostic.
Les bridges scellés ont un taux de survie de 96,9 % à 5 ans et de 98 % pour ceux qui sont vissés [14], avec des taux de complications de 24,5 % pour les premiers et de 22,1 % pour les seconds. Pour des arcades complètes, les taux de survie sont de 95,8 % pour les vissés. On retrouve plus souvent des complications biologiques sévères (perte de l'implant ou perte d'une hauteur d'os supérieure à 2 mm) pour les bridges scellés : il y a moins d'implants perdus sous des bridges vissés, et cette différence augmente d'autant plus que la taille du bridge est importante (tableau 7). Les complications des tissus mous en rapport avec des restes de ciment de scellement disparaissent la plupart du temps avec l'enlèvement du ciment excédentaire s'il n'est pas trop profond pour la prothèse scellée. Pour les bridges partiels, les complications techniques sont moins importantes pour les bridges vissés que scellés (essentiellement perte de la vis et chipping), de même pour les bridges complets (tableau 8).
Qu'ils soient partiels ou complets, les bridges scellés font rarement l'objet de perte ou de fracture d'une vis d'un pilier. Plus il y a d'éléments, meilleur est le pronostic de la prothèse vissée par rapport à la prothèse scellée ; de même que les incidents apparaissant avec celle-ci peuvent être plus simples à résoudre cliniquement qu'avec une option scellée. Pour ce qui est de la prothèse sur implants, les taux de survie ont progressé de 93,5 % à 5 ans avant l'an 2000, à 97,1 % à la décennie suivante [25]. Les complications esthétiques ont diminué, les complications biologiques sont à peu près identiques. Les taux de survie des reconstitutions vissées ont beaucoup progressé (de 77,6 % à 96 %) ; on perd ainsi moins de vis ou de pilier, et si on constate que l'incidence des fractures de la cosmétique augmente, ainsi que le taux des complications techniques, on peut penser que c'est également parce que leur recension augmente [25].
Le succès clinique des reconstitutions prothétiques ne dépend pas uniquement des taux de succès ou de survie observés, mais aussi du nombre et de la nature des complications techniques et biologiques apparaissant au cours de la vie de cette reconstitution [14], qui permettent d'orienter le type de traitement choisi en fonction du cas clinique. Autant en terme de nombre d'études qui leur sont consacrées que dans leurs résultats, on assiste au basculement de la prothèse de la céramo-métallique, encore considérée par certains comme le « gold standard », vers le tout céramique, de nombreux espoirs se tournant en particulier vers le « full zircone » en attendant que le recul nécessaire à l'observation et au regroupement des études cliniques au sein de vastes cohortes permette de le justifier statistiquement.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Jean-Michel BOISVERT
Chargé d'enseignement
Antonin HENNEQUIN
AHU
Xavier DUSSEAU
Prothésiste dentaire
Florent DESTRUHAUT
MCU-PH
Équipe d'occlusodontie et de réhabilitation de l'appareil manducateur,
faculté de chirurgie dentaire de Toulouse, CHU Rangueil, Toulouse