Occlusion et grandes restaurations céramiques
Ces dernières années, la prévalence des patients présentant des cas d'usures sévères tend à augmenter [1, 2]. Pour de nombreux patients, cette érosion pose non seulement un problème esthétique, mais aussi de sérieux problèmes fonctionnels [3]. Les causes peuvent être d'ordre mécanique (bruxisme), chimique (boissons types sodas ou...
Résumé
La réhabilitation de patient bruxoman ou présentant des dents usées n'est jamais facile. En effet, il est nécessaire de prendre en considération la demande esthétique du patient mais la composante fonctionnelle est primordiale pour le confort du patient et pour la pérennité des restaurations. Dans cet exercice le laboratoire de prothèse est un allié important. Nous devons lui transmettre les données suivantes: l'analyse esthétique, la position mandibulaire incluant l'augmentation de dimension verticale, le schéma occlusal afin que le technicien de laboratoire réalise des wax-up qui nous serviront à la fabrication des mock-up pour la validation du projet esthétique et fonctionnel. A partir de là, la réhabilitation qui semblait complexe est rendue plus simple et le praticien va intégrer les restaurations finales dans le projet préfiguré par le mock-up.
Ces dernières années, la prévalence des patients présentant des cas d'usures sévères tend à augmenter [1, 2]. Pour de nombreux patients, cette érosion pose non seulement un problème esthétique, mais aussi de sérieux problèmes fonctionnels [3]. Les causes peuvent être d'ordre mécanique (bruxisme), chimique (boissons types sodas ou reflux gastro-œsophagiens). La dentisterie adhésive nous permet de traiter ces patients avec un impact biologique très faible. Elle évite la mutilation dentaire, surtout si nous parvenons à maintenir le maximum d'émail sur la dent, ce qui augmente grandement la qualité et longévité du collage.
Les buts d'un traitement de « bouche complète » doivent être :
– rétablir une fonction efficace (mastication), ainsi qu'une esthétique qui convienne au patient ;
– ne pas être iatrogène, être biologique tant au niveau des dents (non-mutilation) qu'au niveau du parodonte et au niveau occlusal (musculaire et articulaire) ;
– maintenir la santé bucco-dentaire à long terme (faciliter l'hygiène).
L'article présente la réhabilitation d'un patient présentant des érosions sévères – en intégrant bien évidemment le concept de dentisterie minimalement invasive et de dentisterie adhésive, mais surtout la dentisterie fonctionnelle –, en sachant précisément quel concept occlusal et quelle position mandibulaire donner au patient et comment communiquer avec le laboratoire de prothèse. Ce dernier élément est la problématique principale et la clef des voûtes de ces plans de traitements.
Les principales problématiques lorsque nous devons réaliser des reconstructions de grandes étendues sur nos patients sont :
– la structuration de notre plan de traitement ;
– l'occlusion et la position mandibulaire du patient doivent-elles être changées ? (si oui, comment ?) ;
– la transmission des informations au laboratoire de prothèse ;
– la combinaison de cela avec le nouveau sourire du patient.
Dans la littérature, différents types de position mandibulaire ont été décrits :
C'est la position où l'engrènement dentaire se caractérise par le plus grand nombre de contacts interarcades. Elle engendre une multiplicité des contacts occlusaux simultanés, assurant la répartition des efforts sur l'ensemble de la denture. Les dents antérieures sont légèrement moins chargées. Cette position est indépendante de la situation des condyles. Cependant, il peut arriver que les rapports occlusaux soient légèrement modifiés. Dans ce cas, il est décrit deux PIM physiopathologiques : PIM fonctionnelle et PIM de convenance. La PIM fonctionnelle est une occlusion naturelle ou thérapeutique proche de la PIM idéale et respectant les fonctions occlusales de calage, centrage et guidage. PIM de convenance, quant à elle, est une « position adaptative à un potentiel pathogène ». Elle peut être stable mais décentrée (dans le plan sagittal, transversal ou vertical), ou instable en raison d'une perte de substance (carie, abrasion, édentement...). Elle peut également être instable et décentréée.
Il s'agit d'une position condylienne de référence correspondant à une coaptation bilatérale condylo-disco-temporale haute, simultanée, obtenue par contrôle non forcé. Elle est décrite comme réitérative dans un temps donné et pour une posture corporelle donnée (CNO). Le concept de relation centrée a évolué. Même si, aujourd'hui, règne un semblant de consensus quant à la définition de la RC, cela n'a pas toujours été le cas. En effet, depuis la création du concept de RC, différents courants de pensées se sont affrontés :
– L'école gnathologiste :
Les recherches de l'école gnathologiste ont donné naissance au concept de relation centrée, dans les années 1930. Mc Collum, le père de la gnathologie, s'est intéressé à la recherche d'un axe charnière horizontal, à son enregistrement et à son transfert sur articulateur. Avec l'aide de Stuart, il met au point un articulateur semi-adaptable (le gnathoscope), ce qui les amène à chercher une position mandibulo-crânienne réitérative, de référence : la relation centrée. Leurs recherches sont notamment à la base des concepts des mouvements mandibulaires, de l'axe charnière, de la relation intermaxillaire, des articulateurs et du transfert sur articulateur de la relation intermaxillaire. Au fil des années, les recherches au sujet de la relation centrée se sont multipliées et ont permis d'affiner les connaissances, aboutissant à la définition actuelle du CNO présentée précédemment. Néanmoins, certains auteurs s'opposent à cette théorie, donnant naissance à de nouveaux courants de pensée.
– La relation myo-centrée :
Ce concept rejette l'existence d'une relation articulaire stable et physiologique de référence chez le sujet denté. Pour les partisans de la relation myo-centrée, dont Jankelson fait partie, ce n'est pas l'articulation temporo-mandibulaire qui détermine l'eétablissement de l'occlusion, mais le système neuromusculaire. C'est la musculature qui est à l'origine des mouvements mandibulaires fonctionnels, l'ATM limitant uniquement le mouvement grâce à ses propriocepteurs. Ils justifient cette idée en prenant l'exemple de patients ayant subi une condylectomie bilatérale, et dont les mouvements fonctionnels s'établissent très bien. Cette position de référence est alors celle où le patient est relâché musculairement. Elle est appelée « relation habituelle de fonction ». La référence de cette position est musculaire. L'un des arguments présenté par les partisans de cette théorie est que la relation centrée « classique » est imposée à la musculature lors de la fonction. Le risque est donc de contrarier la musculature si elle ne s'adapte pas, provoquant alors des contractures musculaires, à l'origine du bruxisme. En outre, lorsqu'on demande au patient de se relâcher pour établir la position de RC, on fait appel à sa volonté. Une fois le traitement terminé, ce n'est plus la volonté qui intervient mais des mouvements réflexes involontaires. Les propriocepteurs desmodontaux détectent une malocclusion conduisant à une dysharmonie fonctionnelle. En ce qui concerne les traitements prothétiques, ils peuvent être réalisés à partir d'occluseurs, et le choix d'une fonction canine ou de groupe n'a pas d'importance.
Cette école de pensée est d'abord appelée « école neuromusculaire » et évolue par la suite en « école fonctionnaliste », menée par Jeanmonod. La principale critique qui a été faite à cette théorie est que la position est insuffisamment reproductible, car uniquement dépendante du système neuromusculaire. Aucune étude ne démontre une meilleure reproductibilité de la relation myo-centrée par rapport à la relation centrée « classique » [4].
– La relation myo-stabilisée :
Le concept de relation myo-stabilisée [5, 6] est plus récent que le précédent, et naît des idées de l'école gnathologiste. Ce courant de pensée s'organise sous l'impulsion de Slavicek et Okeson, pour qui « la position articulaire orthopédiquement stable est obtenue lorsque les condyles sont dans leur position la plus supéro-antérieure dans la fosse articulaire ; elle est dite ``musculo-squelettiquement stable''« . Cette position a une référence articulaire.
Cette école prend en compte l'action de chaque élément constituant l'ATM. Le simple jeu de la musculature ne permet pas une reproduction fiable de la position de RC, d'après les auteurs qui se réfèrent aux études faites avec le Myomonitor, dans les années 1980 : il est indispensable d'utiliser une référence articulaire. Néanmoins, celle-ci n'est pas indépendante de la musculature. Au contraire, c'est l'action combinée de ces composants qui permet la position de RC. Il est clair que « le jeu musculaire peut influencer positivement ou négativement l'obtention d'une position condylienne stable », en cas d'insuffisance ou d'excès de contraction.
L'antéposition mandibulaire a pour objectif de corriger une antéposition discale réductible thérapeutiquement.
Préalables et préparation du patient
Pour enregistrer la RC, le patient doit être détendu et relâché. C'est la mise en confiance via les explications fournies et l'attitude du praticien qui vont permettre d'atteindre cet objectif. Il est nécessaire d'obtenir un relâchement postural du patient, et pour ce faire, le patient doit pouvoir poser la tête dans le prolongement du corps, sur un appui, afin de diminuer le tonus des muscles responsables du maintien postural de la tête.
Le praticien maintient la mandibule du patient, en plaçant le pouce, l'index ainsi que le majeur sous les deux branches horizontales de la mandibule, afin de pouvoir réaliser une élévation de la mandibule. Il peut alors guider le patient en RC. Le risque de cette technique est de provoquer une déviation mandibulaire, si le praticien ne manipule pas la mandibule dans le plan sagittal médian du patient.
Cette technique, créée par Dawson, consiste à placer les deux pouces au niveau du menton du patient alors que les autres doigts sont sous la branche horizontale de la mandibule. Ainsi, les pouces guident la mandibule tandis que les autres lui permettent de l'élever, et donc de placer les condyles dans une position haute et antérieure. Une double épaisseur de cire Moyco est découpée à l'aplomb des cuspides vestibulaires maxillaires. Le praticien exerce des mouvements de rotation doux et continus sur la mandibule, sans forcer et guide la mandibule en RC, créant des indentations dans la cire. La manipulation étant bimanuelle, la mandibule est guidée de manière symétrique, dans le plan sagittal médian. Par contre, cette manipulation nécessite l'aide d'une assistante pour maintenir la cire occlusale.
Elle consiste en l'utilisation d'un mini-plan rétro-incisif, fabriqué en résine chémopolymérisable, agrégé sur les incisives maxillaires (et ne peut donc pas être utilisée si ces dents sont absentes). Le JIG provoque une déprogrammation neuromusculaire progressive en désengrenant les arcades dentaires. Le praticien place alors du papier carbone entre le JIG et les incisives mandibulaires du patient, et lui fait faire des mouvements de propulsion et de diduction. Les trajets mandibulaires sont alors marqués sur le JIG et reproduisent l'arc gothique de GYSI. L'intersection des tracés matérialise le point de relation centrée. L'inconvénient majeur de cette technique est le temps de mise en œuvre.
Dans un souci de rapidité et de simplification de la technique précédente, Dupas a mis au point la technique du JIG universel. De la même manière, elle repose sur l'utilisation d'un JIG, cette fois découpé dans le coin d'une boîte en Altuglas ou préformé en résine cuite. Il est agrégé sur les incisives maxillaires du patient grâce à un matériau thermoplastique (pâte de Kerr). Le praticien demande au patient d'effectuer des mouvements de propulsion et de diduction, provoquant ainsi une déprogrammation neuromusculaire. Puis, en positionnant le pouce au niveau du menton, il demande au patient de réaliser des petits mouvements d'ouverture/fermeture en rotation pure. Lorsque le praticien sent une cohésion entre sa gestuelle et celle de son patient, il peut enregistrer la RC, à l'aide d'une double épaisseur de cire Moyco réchauffée à 52o. La plaque de cire a été préalablement découpée en regard des pointes cuspidiennes vestibulaires maxillaires et en antérieur, pour laisser un espace et ne pas interférer avec le JIG.
Le TENS® (électrostimulation : Transcutaneous Electrical Nerves Stimulation, disponible chez Bisico-France) permet une décontraction musculaire et la déprogrammation du patient, chose que nous recherchons dans la préparation. La plaque de Koïs permet de stabiliser la mandibule du patient, d'obtenir un repère articulaire et d'enregistrer la RC plus facilement. Après une heure de décontraction musculaire avec le TENS®, la plaque de Koïs est mise en bouche et le patient guidé jusqu'au premier contact entre les incisives mandibulaires et la butée antérieure de la plaque. Le mouvement doit être reproductible (contrôle à l'aide de papier articulé) puis, dans un second temps, du silicone d'occlusion est injecté sur les dents postérieures, et le patient ferme sur la plaque de Koïs. Les avantages de cette technique sont que la reproductibilité est contrôlée à l'aide du papier articulé, les muscles relaxés à l'aide du TENS®, et que le patient est déprogrammé avec le TENS®.
Le patient de 55 ans se présente au cabinet pour un check-up annuel. Au cours de cet examen, nous évoquons avec lui ses problèmes d'usures sévères et le fait que ces usures vont s'accélérer du fait de l'absence d'émail au niveau des faces occlusales (fig. 1 à 4). L'examen extra-oral révèle un étage inférieur de la face légèrement réduit. L'examen intra-oral montre des usures importantes au niveau dentaire. On note la présence de couronnes en place de 16, 14, 26, 27, 35, 36, 37, 46, 47. La 15 est absente et sera remplacée par un implant.
Le patient nous dit ne pas souffrir de spasme musculaire ni de douleur articulaire, mais nous rapporte un inconfort grandissant à la mastication et dit rechercher en permanence où positionner sa mandibule.
Pour élaborer le plan de traitement, nous suivons toujours le même chemin :
– discussion avec le patient pour connaître ses souhaits, désirs, limites en termes de traitement ;
– planification esthétique en utilisant l'outil Digital Smile Design (DSD) ;
– planification occlusale, recherche de la position mandibulaire adéquate afin de déterminer la quantité de tissus dentaires détruits. Pour cela, nous utilisons le TENS® et une plaque de Koïs ;
– diagnostic du parodonte et des dents-supports.
Pour les étapes de plan de traitement, nous procéderons de la manière suivante :
– détartrage et polissage de toutes les dents ;
– mise en bouche du mock-up complet ;
– le mock-up sera laissé en bouche pour validation de la nouvelle occlusion ;
– intégration de concept de dentisterie minimalement invasive [7-9].
L'étude esthétique se fait digitalement [10]. Nous prenons les photographies et vidéos qui vont nous permettre de faire l'étude esthétique. Le patient (comme la majorité des patients) présente une légère asymétrie, nous décidons de prendre comme ligne de référence la ligne verticale glabella-philtrum. Le protocole DSD est réalisé et nous déterminons des longueur, largeur et position idéales des futures dents [11]. Aucune retouche gingivale n'est nécessaire. Cette étude nous donne une information primordiale pour le laboratoire de prothèse : la position des bords libres des incisives maxillaires.
Un rendez-vous au cabinet est fixé pour une session de neurostimulation transcutanée (NST), afin de définir une nouvelle occlusion [12, 13]. La dimension verticale d'occlusion étant insuffisante, il est nécessaire de l'augmenter pour la reconstruction des dents, cette augmentation de dimension verticale nous permettant aussi d'avoir suffisamment de place pour les futures restaurations céramiques sans préparation de dents (ou préparation a minima). Cette augmentation se fait verticalement, mais aussi antérieur-postérieurement, et transversalement si nécessaire.
Le patient n'est pas capable de définir la bonne position de sa mandibule à cause de sa proprioception. Les récepteurs desmodontaux envoient des informations au système nerveux central afin que ce dernier agisse sur les muscles qui vont positionner la mandibule. La NST est utilisée pour couper la proprioception du patient. Elle détend les muscles, chasse l'acide lactique, et introduit de l'oxygène et de l'adénosine triphosphate (ATP), interrompant le cycle anaérobie et créant un cycle aérobie [14]. Le TENS® stimule les nerfs 5, 7 et 11 et, après une heure d'action, la nouvelle position mandibulaire est enregistrée à l'aide de Regidur® (Bisico) et d'une plaque de Koïs. La plaque de Koïs est une plaque palatine intégrant une marche plate en arrière des incisives maxillaires. Elle sert à stabiliser la mandibule lors de l'enregistrement d'occlusion.
Nous collons les électrodes du TENS® (NST) au niveau de l'échancrure sigmoïde où passe le nerf 5 (nous cherchons à agir sur les muscles masticateurs) et au niveau de la concavité située entre les muscles sternocléidomastoïdiens et trapèzes, où passe le nerf 11 qui innerve les muscles paravertébraux. Nous laissons le TENS® agir pendant une heure. Ce dernier va envoyer toutes les secondes des impulsions électriques ultra-basses fréquences. Cela va avoir pour effet une contraction involontaire des muscles stimulés par les nerfs 5 et 11. Nous ne recherchons pas une stimulation musculaire directe mais une stimulation nerveuse qui entraînera une stimulation musculaire. L'objectif est d'obtenir une déprogrammation proprioceptive et une relaxation musculaire. Nous pouvons obtenir ce même type de déprogrammation avec le port d'une gouttière lisse portée pendant plusieurs semaines par le patient. Le TENS® nous permet d'accélérer le traitement et d'éviter au patient le port de ce type de gouttière.
Nous cherchons à positionner la mandibule dans une position reproductible, en harmonie neuro-musculaire, dans les trois dimensions de l'espace. Après une heure de relaxation sous TENS®, nous allons ajuster la plaque de Koïs. Après sa mise en bouche, nous demandons au patient de mordre sur le papier articulé, placé au niveau antérieur, entre les incisives mandibulaires et la plaque de Koïs. Nous ajustons la verticalité de cette plaque pour que l'étage inférieur du visage du patient soit équilibré au niveau esthétique, mais aussi pour que l'augmentation de dimension verticale nous permette de très peu préparer les dents lors de la phase prothétique. Lorsque le Koïs est équilibré, nous insérons du silicone d'occlusion (ici Regidur®, Bisico) en bouche sur les dents postérieures et demandons au patient de fermer sur la plaque de Koïs. Nous prenons aussi trois autres enregistrements en silicone d'occlusion : la position mandibulaire en bout à bout incisif, puis la position mandibulaire en latéralité droite et gauche. Nous obtenons donc quatre enregistrements, le premier avec le Koïs et le TENS® nous permet de déterminer la nouvelle position mandibulaire avec l'augmentation de dimension verticale, les trois autres serviront au prothésiste pour la programmation de l'articulateur (angle de Bennett et pente condylienne). La dernière information à transmettre au laboratoire est le plan de Camper, afin que le technicien de laboratoire puisse recréer un plan occlusal correct. Nous utilisons soit le Ditramax®, soit un plan de Fox. Deux empreintes silicones (Precision® et S4i®, Bisico) sont prises et sont envoyées au laboratoire de prothèse pour montage sur articulateur, fabrication d'un wax-up maxillaire et d'une clef en silicone. Le wax-up intègre l'augmentation de dimension verticale, la nouvelle position des bords libres et la création des facettes palatine.
Après la coulée des modèles en plâtre, le laboratoire va monter le modèle maxillaire sur une table de montage HIP (Hamular Notches – Papille rétro-incisive – Gad-center). Cette table permet de poser la maxillaire en relation avec la base du crâne en se basant sur trois points osseux qui ne se résorbent pas malgré l'absence des dents (la papille rétro-incisive et les encoches hamulaires qui sont la jonction entre le sphénoïde et la mandibule). Il réalise ensuite le montage du modèle mandibulaire à l'aide de la plaque de Koïs et du silicone d'occlusion. Enfin, la troisième étape est la programmation de l'articulateur avec les mordus en silicone en latéralité et en propulsion. Il va reporter le plan de Camper sur le modèle maxillaire à l'aide d'une mine graphite. L'étape suivante est la réalisation du wax-up qui va être guidé par la table HIP et par le DSD. Le technicien va positionner la table HIP à la future longueur des incisives maxillaires et va anguler la partie postérieure de la table pour être parallèle au plan de Camper. Il commence par réaliser le wax-up maxillaire en suivant la table HIP, puis le wax-up mandibulaire. Nous demandons au technicien de réaliser des fonctions de groupe, cela simplifiera l'équilibration à la mastication. Il nous livre les wax-up avec les clefs en silicone.
En clinique, après polissage parfait des dents et séchage, la résine composite de type Provitemp® (Bisico) est injectée dans la clef en silicone, puis cette dernière est mise en bouche. Après polymérisation, les excès sont éliminés et la clef retirée. Aucune préparation dentaire n'a été réalisée à cette étape. Le wax-up n'a été conçu que par addition. L'occlusion est ensuite ajustée, tout d'abord en statique en cherchant un maximum de contact cuspide fosse, puis en dynamique en vérifiant les cycles de mastication (le patient mastique le papier articulé comme un chewing-gum) et, enfin, le guide antérieur et la fonction canine ou groupe sont contrôlés. Comme les bords libres ont été allongés, des photos du visage, du sourire sont prises pour vérifier la position de ces derniers afin qu'ils s'intègrent parfaitement dans l'harmonie esthétique du patient. Des contrôles d'équilibration sont réalisés le jour de la pose des mock-up et à 2 jours, 8, 15 jours puis 1 mois.
Après 3 mois de port, deux empreintes du mock-up sont prises. Elles serviront à :
– après montage sur articulateur, réaliser une table incisive pour la création des futurs éléments en céramique ;
– fabriquer une clef en silicone pour la réalisation des prothèses provisoires ;
– aider le laboratoire de prothèse dans le design des céramiques en copiant le mock-up.
Après deux mois de port des mock-up, les trois plus importants aspects d'une réhabilitation ont été validés : fonction, esthétique et approbation du patient. Il est maintenant possible de passer aux restaurations définitives. Il est possible de réaliser les étapes suivantes soit en un seul temps, soit en sectorisant le traitement (pour des raisons économiques ou pour des raisons cliniques, ou encore pour des raisons de longueur de séance clinique). Nous allons sectoriser le mock-up afin d'enregistrer l'occlusion. Les dents sont préparées à travers le mock-up (de la 16 à 11 et de la 46 à 41), puis polies, les angles vifs arrondis et un silicone d'occlusion est mis en bouche à la place, puis l'opération est répétée du côté opposé et enfin au niveau des secondes molaires. La préparation des dents à travers le mock-up permet d'éliminer le minimum de tissus dentaires pour être le moins mutilant possible et conserver un maximum d'émail [15-17]. Au niveau postérieur, les amalgames, les composites infiltrés ainsi que les anciennes couronnes ont été éliminés. Une fois les préparations parfaitement polies et l'immédiat dentin sealing réalisé [18], les empreintes au polyvinylsiloxane sont prises pour concevoir le modèle de travail en plâtre pour les restaurations finales. Les empreintes sont transmises au laboratoire de prothèse ainsi que la couleur des dents-supports et la couleur des éléments céramiques souhaités. Les provisoires sont réalisés avec les clefs en silicone, en utilisant la même technique que le mock-up.
Le technicien va tout d'abord monter le modèle maxillaire mock-up en place avec une table de montage HIP en occlusion avec le modèle mandibulaire mock-up. Il utilise le même articulateur, avec les mêmes programmations d'angle de Bennett et de pente condylienne que pour la réalisation du wax-up. Puis il crée une table incisale pour enregistrer les mouvements fonctionnels. Pour cela, il utilise de la résine Duralay® qu'il positionne sur la table incisive, referme l'articulateur et fait glisser la tige incisive avec les modèles des mock-up en occlusion. Dans un second temps, le modèle pour la réalisation des couronnes et overlays est monté grâce au mordu d'occlusion sur le modèle mandibulaire. Le technicien fabrique les cires de pressées en copiant le plus précisément possible la forme du mock-up afin d'intégrer les facettes fonctionnelles. Les cires seront ensuite mises en revêtement puis pressées. Les éléments sont réalisés en céramique Emax® maquillées.
Nous suivons les protocoles de collage classique. Dans un premier temps, tous les éléments céramiques sont essayés un par un pour validation de l'ajustage, puis tous ensemble pour contrôler les points de contact. Ensuite, la digue est posée au maxillaire. L'intrados des céramiques est préparé avec de l'acide fluorhydrique à 9,5% pendant 60 secondes, puis rincé abondamment et séché. Une couche de silane est appliquée pendant 60 secondes puis séchée et chauffée [19]. Le traitement des surfaces dentaires se fait de la manière suivant : application d'acide orthophosphorique à 37% pendant 30 secondes sur l'email et pendant 10 secondes sur la dentine. Ensuite, rinçage, séchage et application de l'adhésif. Nous collons d'abord les deux incisives centrales avec la colle composite (light cured resin cement), les excès sont éliminés, la photopolymérisation finale sous glycérine est faite. Puis nous collons les incisives latérales, canines, les molaires, et finissons par les prémolaires. Les restaurations mandibulaires sont collées de la même manière. Enfin, l'occlusion est vérifiée en statique avec les contacts cuspides-fosses, puis les latéralités et la propulsion, et enfin la mastication.
Nos traitements doivent être esthétiques et fonctionnels mais surtout biologiques. La biologie est d'abord dans la position mandibulaire choisie, mais aussi dans la dentisterie minimalement invasive.
Les réhabilitations de grandes étendues peuvent sembler parfois complexes. Nous devons être architecte avant d'être clinicien, c'est-à-dire que nous devons esquisser, planifier, nos plans de traitement puis les exécuter. Pour cela, nous pouvons utiliser les outils suivant :
– le DSD : pour la planification esthétique ;
– la transmission des données occlusales avec la nouvelle position mandibulaire (TENS® et Koïs), avec transmission des mordus en propulsion et en latéralité pour programmer l'articulateur, et transmission du plan de Camper avec Ditramax® ou plan de Fox ;
– utilisation de la table de montage HIP.
Avec ces éléments, la réalisation du wax-up puis du mock-up devient aisée (cela correspond à la maquette de l'architecte), et le traitement qui semble complexe au début devient plus facile.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Cyril Gaillard
Exercice libéral, Bordeaux
Jérôme Bellamy
Céramiste,
Global Esthetic, Bordeaux