Prothèse implantaire et profil d'émergence
Le résultat esthétique implantaire est capital aujourd'hui : des indices [1] nous permettent de valider objectivement la conformité des protocoles et des résultats, tant du côté du patient que de celui du professionnel. Dans le cadre de la réhabilitation esthétique du secteur antérieur, et lorsque l'indication est présente, il est préférable d'utiliser les techniques d'extraction-implantation immédiate/restauration immédiate...
Résumé
Dans les situations cliniques nécessitant une technique d'extraction-implantation immédiate, la conservation du profil d'émergence naturelle reste une priorité afin de satisfaire aux exigences esthétiques des traitements implantaires modernes. La technique présentée mixe les données DICOM et STL du patient afin de créer, avant la chirurgie, une dent artificielle biomimétique. Cette combinaison d'informations permet de confectionner informatiquement une dent dans son intégralité. Ensuite, l'usinage de ce volume permet d'utiliser ces informations « naturelles » pour créer une dent provisoire.
Le cas clinique présenté montre l'extraction, à la suite d'un traumatisme, de l'incisive centrale gauche (fracture radiculaire). La planification implantaire (CAO, pour conception assistée par ordinateur) permet d'obtenir un guide physique (FAO, pour fabrication assistée par ordinateur) pour le bon positionnement tridimensionnel de l'implant. Ensuite, l'extraction virtuelle de la dent (CAO) permet, avant la chirurgie, de réaliser un modèle avec le profil d'émergence identique à la dent naturelle (FAO). Une fois l'implant positionné, l'assemblage entre le cylindre titane et la dent usinée est fait dans un délai très court. Enfin, lors de la réalisation de la prothèse définitive et compte tenu des éléments récoltés en amont, une simple empreinte du niveau gingival permettra de réaliser la restauration définitive directement. Les outils actuels (cone beam, fichiers STL) permettent de copier la nature et de conserver l'architecture gingivale existante par anticipation, ce qui est important dans l'obtention d'un résultat adéquat. En outre, en évitant la dépose de la prothèse implantaire provisoire, ces techniques numériques permettent un traitement plus biologique et moins traumatique.
Le résultat esthétique implantaire est capital aujourd'hui : des indices [1] nous permettent de valider objectivement la conformité des protocoles et des résultats, tant du côté du patient que de celui du professionnel. Dans le cadre de la réhabilitation esthétique du secteur antérieur, et lorsque l'indication est présente, il est préférable d'utiliser les techniques d'extraction-implantation immédiate/restauration immédiate afin de diminuer les pertes tissulaires [2, 3].
Les technologies radiologiques de type cone beam (ou CBCT, pour Cone Beam Computed Tomography), et scanner (ou CT-scanner, pour Computerized Tomography) permettent de poser en premier lieu la bonne indication du traitement : l'analyse du volume d'os résiduel a été optimisée par les progrès dans le domaine de l'imagerie en 3 dimensions, qui conduit à une planification implantaire beaucoup plus précise que celle donnée par un examen en 2 dimensions [4]. La position implantaire doit être stricte en termes de situation tridimensionnelle afin de s'assurer du succès thérapeutique [5].
Ce positionnement correct de l'implant peut être facilité par les techniques de chirurgie guidée, utilisées dans les situations où les restaurations prothétiques doivent être particulièrement esthétiques et fonctionnelles [6].
Cela s'accompagnera également d'une technique prothétique adéquate liée à la confection d'une dent provisoire anatomique, pour s'assurer de la conservation parfaite de l'architecture parodontale existante, et donc d'une architecture muqueuse implantaire conforme pour un résultat esthétique final optimal [7, 8]. La reproduction de l'anatomie cervicale et radiculaire de la dent originale permet de maintenir le niveau de l'architecture des tissus gingivaux présents avant l'extraction [9-11].
L'objectif de cet article est de décrire la technique de confection d'une dent provisoire mimétique à la dent naturelle, et ce avant la phase chirurgicale. Dans le même temps, le protocole de réalisation prothétique finale explicité permet d'éviter une nouvelle empreinte après cicatrisation osseuse et gingivale, évitant alors des traumatismes successifs des tissus mous par rupture de l'attache épithéliale lors des déposes. Ces deux techniques utilisent les technologies actuelles de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO).
Le cas clinique présenté est celui d'un patient de 32 ans qui se présente à la consultation adressé par un confrère : l'incisive centrale maxillaire gauche a subi un choc et montre une fracture radiculaire au tiers apical, imposant l'extraction pour éviter notamment infection et perte osseuse associée (fig. 1).
Le protocole classique initial débute par la réalisation d'une empreinte d'étude (dans le cas présent, une empreinte classique, mais une empreinte digitale peut également être réalisée). Parallèlement, un examen tridimensionnel cone beam (CBCT, Newtom 5G XL®) est réalisé afin de s'assurer du diagnostic dentaire et osseux (fig. 2 et 3). Des photographies et des relevés de couleur sont également envisagés pour la transmission des informations au laboratoire de prothèse (fig. 4 et 5).
La planification implantaire est réalisée de manière classique avec l'aide du logiciel Simplant Dentsply®. Le modèle obtenu suite à l'empreinte primaire est numérisé par un scanner de laboratoire (S600 ARTI®, Zirkonzahn) pour obtenir un modèle virtuel (fichier STL) qui est ensuite modifié par wax-up virtuel, afin d'obtenir un modèle avec la position de la future dent (en corrigeant le léger déplacement de la dent suite au traumatisme subi). Un modèle sans la dent concernée est également scanné (fig. 6 et 7). Puis ces modèles sont indexés sur les données DICOM de l'examen tridimensionnel. Grâce à ces données, l'implant peut être bien positionné en fonction des paramètres biologiques et prothétiques, et sera situé à 3 mm du collet de la future dent, collet représenté par le trait bleu sur l'imagerie (fig. 8). Le guide stéréolithographique (Simplant Dentsply®) peut être commandé après sa conception sur le modèle avec la dent extraite, pour avoir un contrôle total de profondeur de forage mais aussi un contrôle total de positionnement implantaire via le guide.
La dent est visualisée en trois dimensions grâce au logiciel Simplant Dentsply®. Ce volume est alors extrait en fichier STL par un module spécifique du logiciel (fig. 9). Initialement, des imprimantes tridimensionnelles ont été utilisées : l'obtention d'un volume permet de préparer le profil d'émergence dans le modèle. Cependant, le faible choix de couleurs est un facteur limitant pour une restauration dentaire : l'élément obtenu ne peut être utilisé comme future dent provisoire du fait de cette technique par imprimante 3D, au contraire de l'utilisation des usineuses de laboratoire.
Ces usineuses de laboratoire de prothèse, telle que la M5® Zirkonzahn utilisée pour ce traitement, permettent d'obtenir un objet de volume correct et de couleur adaptée (choix possible), qui pourra être utilisé comme dent provisoire. Pour le cas clinique, un bloc de résine Multistratum® A1-A2 (Zirkonzahn) est choisi pour l'usinage de la dent provisoire, véritable duplicata de la dent naturelle (fig. 10).
Puis un nouveau modèle de travail est confectionné à partir d'un moule de duplication, réalisé préalablement, et dans lequel la dent usinée est placée avant d'y couler le plâtre (fig. 11). Une fois la réaction de prise du plâtre achevée, la dent usinée est alors extraite : le profil d'émergence est parfaitement obtenu (fig. 12 à 15). La chirurgie peut alors se dérouler.
En début de phase chirurgicale, l'extraction a été réalisée avec précaution pour limiter la résorption osseuse post-extractionnelle. Un implant (NobelActive® 4,3 mm × 10 mm, Nobel Biocare) a été mis en place en suivant les principes de chirurgie guidée (fig. 16). Dans un second temps, un transfert d'empreinte a été connecté à l'implant positionné, puis relié aux bords libres des dents collatérales par de la résine (Luxabite®) pour confectionner une clé (fig. 17). Cette clé, contenant le transfert d'empreinte connecté à une réplique d'implant, a été positionnée sur le modèle préparé en amont. La dent usinée a été dès lors évidée, puis adaptée par fraisage sur le modèle, en fonction du volume du cylindre temporaire titane (Nobel Biocare) utilisé pour confectionner la couronne provisoire sur implant.
Cliniquement, l'espace qui existe entre l'implant et la corticale osseuse a été comblé par un matériau de comblement (Bio-Oss®, Geistlich). Une greffe conjonctive a été réalisée pour augmenter le biotype parodontal (fig. 18) et la dent provisoire a été mise en place (fig. 19 et 20).
Passé le délai d'ostéointégration, le modèle ayant permis la réalisation de la dent provisoire a été scanné. Une simple empreinte de situation a été effectuée afin d'enregistrer le volume gingival modifié de la zone implantée. Il n'est pas nécessaire de réaliser une empreinte en dévissant la couronne provisoire, évitant un trauma des tissus mous périphériques à la dépose. La couronne d'usage est réalisée en zircone (NobelProcera®, Nobel Biocare) sur une base titane (Universal Base®, Nobel Biocare) et en céramique cosmétique (LiSi®, GC) (fig. 21). Pour la zone correspondant au profil d'émergence (fig. 22), la surface de la zircone est laissée pure sans céramique cosmétique, pour exploiter ses qualités de biocomptabilité avec les tissus mous, ce qui est parfaitement objectivable 10 mois après la pose d'implant (fig. 23).
Cette technique permet donc de maintenir et de pérenniser l'architecture des tissus mous. Elle facilite également la réalisation de la dent provisoire implantaire dans les situations cliniques d'extraction-implantation. Pour sa confection, aucune improvisation n'est réalisée puisque sa forme est mimétique à la dent naturelle. En accord avec Liu [11], cette technique apparaît intéressante car elle diminue le temps de confection de la dent provisoire, puisque celle-ci est réalisée avant la chirurgie. Par ailleurs, le choix d'une dent transvissée allonge le temps de réalisation, mais sécurise la qualité de la cicatrisation par l'absence évidente d'excès de ciment.
Cette technique est donc intéressante mais peut présenter des limites, notamment en présence d'artefacts sur l'imagerie, la dent à extraire contenant des restaurations métalliques. Dans ce cas, la couronne ne pouvant être extraite de façon nette, une des solutions est d'additionner les données DICOM du profil d'émergence et de l'empreinte buccale pour la partie coronaire. Un volume global est alors obtenu, permettant l'usinage. Une autre limite de la technique peut apparaître en cas de dent fracturée ou absente. Pour contourner cet obstacle, les dents controlatérales peuvent être utiles et, grâce à un effet miroir, il est possible de recréer la morphologie de la dent naturelle. Cette situation clinique nécessite davantage de travail informatique car la dent doit être repositionnée au mieux dans l'espace. L'empreinte optique doit pouvoir intégrer ce flux de production et, dans les deux situations exposées préalablement, elle peut être une vraie solution de simplification – tout en étant complémentaire des données DICOM, puisque seules ces dernières peuvent fournir le profil d'émergence sous-gingival avant la chirurgie.
L'apport des nouvelles technologies décrites dans cet article est indéniable pour tendre vers un mimétisme dentaire naturel en présence de restaurations implanto-portées, tout en permettant également d'optimiser les durées de réalisation de traitement, par gain de temps à la fois grâce à la chirurgie guidée et à l'usinage préalable de la dent provisoire. Ces technologies ouvrent ainsi de nouvelles perspectives. Il serait dès lors pertinent de recueillir en amont les « données » biologiques individuelles des patients pour les réhabiliter en totale conformité avec leurs dents naturelles (profil d'émergence, formes cuspidiennes...), si cette situation venait à se produire.
Remerciements très sincères à Monsieur Philippe Buisson, à l'origine des restaurations prothétiques provisoires et définitives de ce traitement.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Renaud Noharet - Docteur en chirurgie dentaire
Maître de conférence des Universités
Praticien hospitalier
Docteur de l'université de Lyon
Exercice libéral, Lyon
Philippe Buisson - Prothésiste dentaire
Saint-Didier-au-Mont-d'Or
Éric Van Dooren - Docteur en chirurgie dentaire
Exercice Libéral à Anvers, Belgique