CFAO et prothèses amovibles complètes
G. BONNET C. BATISSE N. DRANCOURT M. BESSADET C. PHILIPPON E. NICOLAS
La prothèse amovible complète (PAC) est toujours d'actualité en 2019. La France, au 1er janvier 2017, compte 67 millions d'habitants, et cette population ne cesse de vieillir. Les personnes âgées d'au moins 65 ans représentent 19,2 % de la population et les personnes de plus de 75 ans près d'un habitant sur dix [1]. Selon les prévisions de l'INSEE, la France compterait 76,5 millions d'habitants en 2070, et cette...
Résumé
La prothèse amovible complète est toujours une discipline d'actualité en 2019. Les alternatives implantaires ne sont pas systématiquement envisageables, compte tenu de facteurs médicaux, chirurgicaux ou financiers. Les nouveaux outils numériques disponibles aujourd'hui sur le marché international peuvent être une réponse supplémentaire aux demandes des patients. Cette discipline en plein développement apporte régulièrement des évolutions de prise en charge thérapeutique complémentaire des techniques classiques. L'utilisation d'outils numériques permet le maintien de la précision tout au long de la chaîne de réalisation des prothèses amovibles complètes.
La prothèse amovible complète (PAC) est toujours d'actualité en 2019. La France, au 1er janvier 2017, compte 67 millions d'habitants, et cette population ne cesse de vieillir. Les personnes âgées d'au moins 65 ans représentent 19,2 % de la population et les personnes de plus de 75 ans près d'un habitant sur dix [1]. Selon les prévisions de l'INSEE, la France compterait 76,5 millions d'habitants en 2070, et cette augmentation concernerait majoritairement les personnes âgées de 65 ans et plus. En 2050, la population des plus de 75 ans triplera, et celle des plus de 85 ans sera multipliée par quatre. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 20 millions de personnes en France souffrent d'édentement partiel ou total. On estime ainsi que 60 % des plus de 60 ans ont perdu plusieurs dents et que 16 % d'entre eux sont édentés totalement. Face au vieillissement constant de la population et à l'augmentation du nombre de demandes de renouvellement de prothèses, le nombre de patients édentés à prendre en charge ne va donc cesser d'augmenter.
Les premiers travaux de recherche sur les prothèses amovibles complètes numériques datent du milieu des années 1990 [2]. Cette nouvelle évolution technique de Conception et fabrication assistée par ordinateur (CFAO) a connu un engouement exponentiel depuis cette date, et ce parallèlement aux travaux de recherche publiés. À partir de la base de données PUBMED, 1 seul article pour l'année 1998 est référencé, 15 articles en 2008 et 78 articles en 2018. Plusieurs systèmes sont aujourd'hui disponibles sur le marché international et ils ont tous été décrits en détail [3-5]. À l'origine, ces systèmes étaient conçus pour la réalisation de prothèses amovibles complètes maxillo-mandibulaires uniquement. Les différents systèmes présentaient tous des caractéristiques similaires : réalisation d'empreintes physico-chimiques classiques qui étaient par la suite scannées, et usinage des bases prothétiques. Le système d'enregistrement intra-oral à point d'appui central est également utilisé ainsi que la possibilité d'usinage de gabarits pour l'étape de validation du montage, validation qui devient, de fait, fonctionnelle.
Au fil des années, des mises à jour régulières ont permis d'augmenter l'offre de soins avec cet outil numérique. Il est aujourd'hui possible de réaliser des prothèses amovibles complètes uni-arcades et des prothèses amovibles complètes immédiates.
Le service d'odontologie du CHU de Clermont-Ferrand a pu faire l'acquisition en 2015, grâce à des fonds FEDER (Fonds européens de développement économique régional) et à un financement du CHU, de l'ensemble de la chaîne numérique Ivoclar Digital Denture. Plus de 70 patients ont déjà bénéficié de ce nouvel outil numérique. À partir de deux situations cliniques rencontrées et prises en charge intégralement au sein du service d'odontologie du CHU de Clermont-Ferrand dans les dernières semaines, les évolutions technologiques récentes seront décrites et les avantages cliniques de cet outil numérique seront détaillés.
Le premier cas présenté concerne une patiente prise en charge au sein de la polyclinique étudiante. La prise en charge a été effectuée de manière classique par l'étudiant. Le problème est survenu au retour du laboratoire lors de l'inspection des prothèses après la polymérisation (fig. 1 à 3). Ce problème peut être récurrent si le technicien de laboratoire ne prend pas toutes les mesures nécessaires lors du grattage et du polissage des prothèses, pour la préservation des bords garante de la future rétention de la prothèse.
La perte de ce bord prothétique a induit une absence de rétention des prothèses maxillo-mandibulaires. Cependant, la position des dents prothétiques et le montage des dents étaient conformes aux impératifs de la prothèse complète. La décision a donc été prise, en accord avec la patiente, de modifier cette nouvelle prothèse pour répondre aux impératifs de la prothèse complète, puis d'utiliser l'outil numérique pour copier la nouvelle base enregistrée et de conserver le montage déjà validé.
Pour cela, une nouvelle empreinte anatomo-fonctionnelle a dû être réalisée. Nous avons donc réduit l'ensemble des bords pour transformer ces nouvelles prothèses en porte-empreintes individuels. Puis un élastomère avec deux viscosités différentes a été utilisé pour l'enregistrement, d'une part des bords (élastomère haute viscosité), et d'autre part de l'empreinte de surfaçage (élastomère basse viscosité). Par la suite, un nouvel enregistrement de la relation mandibulo-maxillaire a été effectué (fig. 4 et 5).
Ces empreintes ont ensuite été scannées conformément au protocole de l'industriel, et le montage des dents de l'ancienne prothèse a pu être utilisé comme référence (masque activable en transparence sur le nouveau montage numérique) pour guider le positionnement des nouvelles dents prothétiques. L'usinage des bases et le collage ont permis l'obtention de prothèses répondant aux impératifs de la prothèse amovible complète, mais également aux objectifs fixés par cette situation clinique (fig. 6 et 7).
L'utilisation de l'outil numérique dans cette situation a permis de donner satisfaction à la patiente concernant sa demande dans l'esthétique du montage des dents antérieures qui avait été validé et de permettre une rétention et une équilibration idéale des prothèses. L'intégration de ces nouvelles prothèses a été très rapide car un seul rendez-vous de contrôle a été nécessaire. La patiente est très satisfaite et a noté une amélioration fonctionnelle significative (fig. 8 et 9).
Ce patient présentait un passif de fente labio-palatine (fig. 10) et nécessitait une prise en charge spécifique, l'édentation complète maxillaire ainsi qu'une prothèse amovible complète de transition avec des bourrelets en résine postérieur (fig. 11 et 12). Après la phase de cicatrisation, une PAC classique a été entreprise. Malheureusement, une fois la pose de cette prothèse effectuée, le patient a décrit un inconfort et une grande instabilité comparativement à la prothèse de transition. La décision a été prise d'utiliser la technologie CFAO pour réaliser la copie de la base de la prothèse de transition ainsi que celle du montage antérieur des dents prothétiques. Le montage postérieur devra être réalisé en fonction des dents résiduelles antagonistes. Comme dans le cas clinique précédent, une empreinte de surfaçage avec un élastomère de faible viscosité a été effectuée sur la résine acrylique à prise retardée déjà en place. Puis un nouvel enregistrement de la relation mandibulo-maxillaire a été effectué, et enfin cette empreinte ainsi que le modèle mandibulaire ont été scannés (fig. 13).
Dans un contexte clinique identique, l'impératif occlusal en prothèse amovible complète uni-arcade est de réaliser un montage des dents et une adaptation des dents de l'arcade antagoniste favorable à la mise en place d'une Occlusion bilatéralement équilibrée (OBE).
Dans ce cas clinique spécifique, un montage correspondant au montage antérieur des dents de la prothèse de transition a pu être réalisé (comme dans le cas clinique précédent) (fig. 14). Parallèlement, le montage des dents postérieures a été réalisé en fonction des dents antagonistes. Le contexte médico-social du patient ne permettait pas d'envisager des modifications à l'arcade mandibulaire (fig. 15). La validation fonctionnelle par le patient de la prothèse de transition a conforté notre choix dans l'absence de modification de l'arcade mandibulaire.
La difficulté n'est donc pas, dans ce cas précis, d'adapter la mandibule au montage idéal maxillaire, mais l'inverse. L'outil numérique apporte désormais une réponse à cette difficulté. Lors de la modélisation du montage des dents prothétiques, un montage idéal pour la mise en place de l'OBE est proposé (fig. 16) ; il est également possible de prendre en compte l'anatomie des dents antagonistes et de réaliser une mise en occlusion des dents du montage numérique (fig. 17). Il est possible d'usiner l'intégralité de l'arcade dentée à partir de disque en résine présentant les mêmes propriétés que les dents prothétiques du commerce SR Vivodent SPE (SR Vivodent CAD®) (fig. 18). La morphologie occlusale des dents prothétiques est donc prédéfinie en amont de l'usinage (fig. 19 à 21). Cela aura comme avantage de faciliter l'équilibration sur articulateur le jour de la pose des prothèses.
L'usinage des bases prothétiques et le scan de l'empreinte ont permis la conservation de la précision de l'enregistrement anatomo-fonctionnel (fig. 22). De plus, l'anatomie périphérique de la prothèse suit parfaitement celle de la prothèse de transition validée par le patient (fig. 23 et 24).
Cette technique a permis de donner entière satisfaction au patient car aucune gêne n'a été ressentie et décrite par lui après la pose de la nouvelle prothèse. Aucune retouche n'a été nécessaire dans les semaines qui ont suivi.
À travers les cas cliniques disponibles dans la littérature, nous observons les avantages apportés par l'outil numérique en prothèse amovible complète maxillo-mandibulaire. Il permet une standardisation du procédé de réalisation et de conserver, tout au long de la chaîne de production, la précision indispensable à l'équilibre fonctionnel des prothèses amovibles complètes.
À partir des nouveaux cas présentés, nous observons un nouveau versant dans l'apport du numérique dans la pratique quotidienne en prothèse amovible complète et dans la gestion des événements prothétiques indésirables.
L'usinage possible des arcades de dents prothétiques est une nouvelle alternative favorable à la prise en charge individualisée des demandes esthétiques et fonctionnelles des patients édentés.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Guillaume Bonnet - MCU-PH Clermont-Ferrand
Cindy Batisse - MCU associée et Praticien Attaché, Clermont-Ferrand
Noémie Drancourt - Interne en Médecine Bucco-Dentaire, Clermont-Ferrand.
Marion Bessadet - MCU-PH, Clermont-Ferrand
Christine Philippon - Prothésiste hospitalière, Service d'Odontologie, Clermont-Ferrand
Emmanuel Nicolas - PU-PH, Clermont-Ferrand
Université Clermont Auvergne, CROC.
Service d'Odontologie, CHU de Clermont-Ferrand.