Cellules souches pulpaires
L'os est un des composants anatomiques avec lequel nous, chirurgiens-dentistes, devons sans cesse nous adapter. Que ce soit pour des raisons pathologiques (pertes de dents, maladies parodontales, cancers, traumatismes) ou des raisons physiologiques avec l'âge, le support osseux diminue, voire disparaît, compliquant fortement la réhabilitation prothétique.
Actuellement, 2 types de traitements sont proposés aux patients :
– des substituts osseux (d'origine...
Résumé
L'os est un des composants anatomiques majeurs avec lequel nous, chirurgiens-dentistes, devons sans cesse nous adapter. Les traitements actuels de reconstruction de volume osseux ont tous leurs limitations tant techniques que physiologiques. La médecine régénérative représente une nouvelle approche thérapeutique de la reconstruction osseuse, grâce à la combinaison de biomatériaux et de facteurs de croissance associés à des progéniteurs cellulaires adaptés. L'utilisation de cellules souches des dents a montré son intérêt en ingénierie tissulaire cranio-faciale et représente une piste intéressante dans ces thérapeutiques complexes de réparation osseuse. Néanmoins, ces « thérapies du futur » nécessitent qu'un cadre législatif harmonisé en Europe soit mis en place afin de standardiser le recueil, le stockage et l'utilisation de ces cellules souches à des fins thérapeutiques.
L'os est un des composants anatomiques avec lequel nous, chirurgiens-dentistes, devons sans cesse nous adapter. Que ce soit pour des raisons pathologiques (pertes de dents, maladies parodontales, cancers, traumatismes) ou des raisons physiologiques avec l'âge, le support osseux diminue, voire disparaît, compliquant fortement la réhabilitation prothétique.
Actuellement, 2 types de traitements sont proposés aux patients :
– des substituts osseux (d'origine synthétique, végétale ou animale) dans les cas simples [1] ;
– des greffes osseuses autologues, qui sont la référence dans les défauts osseux importants, notamment en traumatologie et dans les cancers maxillo-faciaux.
Mais ces 2 traitements (fig. 1) ont leurs limites, tant techniques que physiologiques :
– les substituts nécessitant des parois osseuses résiduelles et/ou des membranes associées, ils ne recréent pas un os ad integrum ;
– les greffes autologues présentent des risques tant pour le site donneur que receveur, avec la possibilité d'un échec tissulaire (nécrose), mais également de douleurs postopératoires sur les 2 sites (douleurs inflammatoires, neuropathiques...).
Dans un effort pour contourner ces limitations, l'ingénierie tissulaire et les thérapies cellulaires ont été proposées comme alternatives pour induire et promouvoir la réparation osseuse (fig. 1). La médecine régénérative offre ainsi des nouvelles perspectives de traitement avec pour objectif de remplacer ou de régénérer tout ou partie des organes ou tissus lésés.
Cet article se concentre sur les avancées récentes en ingénierie tissulaire osseuse et sur le potentiel des cellules souches dentaires dans la réparation osseuse, notamment celui des cellules pulpaires.
Lors d'un traumatisme, différentes voies interviennent pour maintenir l'intégrité d'un tissu, son homéostasie, voire pour suppléer une fonction déficiente (fig. 2). Nous évoquerons dans un premier temps les processus physiologiques impliqués dans la cicatrisation osseuse afin de comprendre les stratégies déployées pour améliorer, promouvoir, voire provoquer cette cicatrisation. Nous décrirons ensuite succinctement les différents acteurs utilisés en thérapie cellulaire ainsi que quelques études récentes d'ingénierie osseuse chez l'animal utilisant des cellules souches pulpaires combinées à différents biomatériaux et à certains facteurs de croissance ou pré-conditionnements. Nous évoquerons enfin les enjeux éthiques et législatifs que pose l'émergence de ces nouvelles thérapeutiques.
Suite à une lésion osseuse, le processus de guérison comporte plusieurs étapes : la réponse aiguë inflammatoire, le recrutement des cellules souches mésenchymateuses (MSC), la génération du cal osseux cartilagineux et périosté, la revascularisation, la minéralisation et la résorption de ce cal et, enfin, le remodelage osseux.
Ce processus est essentiellement possible grâce au recrutement des MSC présentes dans le tissu ou mobilisées au niveau systémique sur le site de fracture via des cascades de signalisation telle que la voie du SDF1/CXCR4 [2]. Pendant la phase de résorption osseuse, la libération de TGFb-1 à partir de la matrice osseuse induit le recrutement de MSC sur le site de fracture par le biais de la voie de signalisation SMAD [3]. Ces MSC stimulent ainsi la formation de néovaisseaux améliorant encore la cascade de guérison par l'apport de cellules souches et de facteurs de croissance sur le site lésé [4].
Améliorer le recrutement des cellules souches est donc une piste intéressante pour potentialiser la guérison osseuse. Deux grandes stratégies sont actuellement testées :
- en apportant par différentes méthodes directement les facteurs de croissance sur le site lésé ;
- en apportant des MSC modifiées génétiquement pour surexprimer des gènes impliqués dans la réparation osseuse, la vascularisation ou le recrutement.
Les problèmes éthiques que pose l'utilisation des cellules souches embryonnaires (ESC) ainsi que la difficulté technique de réaliser des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) ont conduit les chercheurs à développer l'utilisation des cellules souches mésenchymateuses (MSC), notamment celles présentes dans la moelle osseuse (BMSC), qui ont la possibilité de se différencier en lignées osseuses, cartilagineuses, musculaires et adipeuses.
Récemment, des études ont mis en avant des cellules souches mésenchymateuses au potentiel prometteur et nettement plus faciles d'accès que les BMSC : les MSC d'origine dentaire et péri-dentaire (fig. 3) [5], au potentiel de différenciation synthétisé dans le tableau I [6-8]. On en répertorie de nombreuses populations mais on se limitera ici à la description des cellules d'origine pulpaire (DPSC, SHED) qui, par leur accessibilité et leur haut potentiel de prolifération et de différenciation, sont les plus aptes à la régénération musculo-squelettique.
Ce sont des cellules isolées de la pulpe dentaire de dent permanente qui représentent un pool de progéniteurs cellulaires. Découvertes par l'équipe de Gronthos en 2000, elles ont un haut potentiel de prolifération et possèdent un potentiel de différenciation varié, similaire à celui des BMSC. De plus, elles ont l'avantage d'être plus facilement accessibles [8, 9], notamment avec l'extraction fréquente des troisièmes molaires ou dans la pulpe retirée lors d'une pulpectomie [10]. In vitro, il a été montré que ces cellules peuvent se différencier en cellules nerveuses [11], musculaires [11], vasculaires [12], adipeuses [13], cartilagineuses [11, 13] et osseuses [9, 11, 12, 14, 15]. Des études in vitro et in vivo ont prouvé leur potentiel ostéoblastique [15, 16] et leur capacité à former un complexe dentino-pulpaire [9]. Les DPSC ont ainsi été différenciées avec succès vers l'ostéogenèse à la fois in vitro et in vivo, avec une expression accrue des marqueurs liés à l'os et à la néoformation osseuse [17]. Une étude pionnière de d'Aquino et al. a montré que les DPSC se différencient de manière synergique en ostéoblastes et en endothéliocytes in vitro, alors que leur transplantation dans un modèle de rat immunodéprimé aboutit à la formation d'une structure de tissu osseux avec un apport sanguin intégral, similaire à la structure osseuse d'un adulte [18].
Les dents temporaires humaines sont une source accessible de cellules souches, et ce dès le plus jeune âge. Facilement isolées à partir de la pulpe coronaire des dents exfoliées saines, ces cellules souches ont un potentiel de prolifération encore plus intéressant que les DPSC. In vitro et selon les conditions de culture, elles ont la capacité de se différencier en odontoblastes [19, 20], ostéoblastes [13], chondroblastes [9], adipocytes [13, 19] et neurones [19]. In vivo, ces cellules multipotentes peuvent se différencier en neurones, adipocytes, odontoblastes [19, 20], cellules ostéo-inductrices [21, 22] et endothélioïdes [20].
Ces cellules pulpaires mésenchymateuses issues de la pulpe dentaire de dents temporaires (SHED) et permanentes (DPSC) pourraient ainsi être sélectionnées dans des thérapeutiques d'ingénierie osseuse. Mais des étapes restent à préciser avant d'arriver en phase thérapeutique : comment les apporter sur le site greffé ? Comment stimuler leur différenciation osseuse et vasculaire, au sein de quels biomatériaux et avec quel « cahier des charges » ? D'ailleurs, ce dernier serait-il le même quelle que soit la lésion osseuse ?
L'autogreffe reste à ce jour la référence pour le comblement d'une perte de substance osseuse [23]. Elle possède l'ensemble des caractéristiques nécessaires à la croissance osseuse : ostéoconduction, ostéo-induction, ostéogenèse et compatibilité immunitaire. Néanmoins, la morbidité du site de prélèvement, la quantité restreinte d'os disponible et sa qualité variable en sont les principales limites, conduisant les professionnels à recourir aux substituts osseux et, donc, les chercheurs à les développer pour qu'ils aient des caractéristiques permettant de mieux stimuler l'os endogène.
Ils ont pour objectif de remplacer temporairement le tissu osseux dans la perspective de permettre sa reconstitution. Il existe différentes catégories de substituts et chacun d'eux a ses propres indications selon le contexte clinique du patient. On distingue les allogreffes d'origine humaine nécessitant un site donneur, les xénogreffes d'origine animale ou végétale, et les matériaux synthétiques que l'on peut classer en 3 familles : les céramiques, les polymères et les matériaux hybrides appelés composites (fig. 4).
Ces derniers sont les plus utilisés en ingénierie tissulaire car ils ont l'avantage de pouvoir être facilement cultivés in vitro avec les MSC et de créer une multitude de combinaisons permettant de faire évoluer leurs propriétés (mécaniques, biodégradabilité, adhésion, prolifération, différenciation) selon les besoins [24, 25].
C'est dans cette logique que le collagène de type 1, principal composant de la matrice ostéoïde, est souvent privilégié en ingénierie osseuse. Ce polymère possède une biodégradabilité, une biocompatibilité et une bioactivité excellentes lui conférant des propriétés indispensables à son association à des MSC (adhésion, prolifération et différenciation dans les bonnes conditions de culture) [26]. Toutefois, utilisé seul, il présente des problèmes de résistance mécanique et d'ostéo-inductivité et il relargue de l'acidité lors de sa dégradation. Pour contrecarrer ces défauts, des chercheurs l'ont couplé aux céramiques et à d'autres polymères dans le but d'en améliorer leurs propriétés, notamment leur bioactivité et leurs propriétés mécaniques, créant ainsi une nouvelle famille de matériaux : les composites [27, 28].
Par exemple, au niveau cranio-facial et dentaire, des céramiques à base de phosphate de calcium (CaP) sont utilisées couplées à des constituants bio-organiques tels que le strontium et le fluor, permettant d'accélérer la formation osseuse [29].
Quelques études ont couplé les DPSC à des biomatériaux :
– in vitro : au contact de microsphères d'alginate, elles peuvent se différencier en ostéoblastes sans avoir besoin de milieu de minéralisation [30] ; elles ont également la capacité d'adhérer et de produire du minéral au contact d'un matériau composite composé d'HydroxyApatite-collagène-PolyLactide [31] ;
– in vivo : ensemencées dans des polymères d'éponge de collagène, elles ont été utilisées pour réparer des défauts osseux critiques de crâne de rat avec la formation d'un nouvel os dès 4 semaines et une réparation quasi complète dès 8 semaines [32].
Une autre façon d'améliorer l'ostéo-inductivité du collagène a été de le densifier pour mimer l'environnement ostéoïde. Brown et al. ont ainsi mis au point un modèle de matrice de collagène compressée [33, 34] qui a été testée in vivo dans un modèle de défaut critique du crâne chez le rat [35] et la souris [36] et a permis d'améliorer la cicatrisation osseuse.
Les facteurs de croissance (GF pour Growth Factor) permettent l'induction de la formation osseuse, qu'ils soient :
- des stimuli directs (à visée ostéogéniques) qui vont orienter la cellule vers la lignée ostéoblastique, permettant d'améliorer la rapidité et la qualité de la formation osseuse ;
- des stimuli indirects (facteurs de croissance de l'angiogenèse, hypoxie) qui vont permettre la migration des cellules souches sur le site lésé, par exemple via la formation de néovaisseaux (fig. 5).
Les GF à visée ostéogénique sont nombreux. Les plus étudiés sont les BMP (Bone Morphogenic Protein) et principalement le BMP-2 déjà commercialisé seul, sous forme de protéine recombinante (rhBMP-2, Medtronic®) pour accélérer la guérison osseuse chez l'homme [37], ou associé à la céramique Ca-P, afin d'améliorer les propriétés ostéo-inductrices de cette dernière [38].
D'autres protéines de la famille des IGF (Insulin-like Growth Factor) sont connues pour stimuler la formation d'os, notamment l'IGF-1. Une étude a mis en évidence que l'injection d'IGF-1 à des rats âgés stimule la formation d'os [39] : cette molécule pourrait par exemple être utilisée à visée préventive chez des patients à haut risque de fractures. Il demeure néanmoins nécessaire d'étudier tous les paramètres (dosage, mode et durée d'administration, effets secondaires à court, moyen et long termes...) avant de pouvoir envisager des essais cliniques.
Certains GF permettent de stimuler la formation osseuse de façon indirecte, notamment en favorisant l'arrivée des cellules sur le site lésé, qui pourront ainsi se différencier.
Ils peuvent soit être libérés de la matrice osseuse par l'activité des ostéoclastes, comme c'est le cas du TGFb-1 (Transforming Growth Factor b-1), permettant le recrutement des MSC locales [3], soit être apportés par le réseau vasculaire à proximité de la lésion, l'os étant un tissu très vascularisé [40]. Ainsi, le facteur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF), connu pour attirer les MSC et permettre la stabilisation des nouveaux vaisseaux [41], a pu montrer son efficacité dans l'induction de l'activité ostéoblastique, la croissance vasculaire et la guérison des fractures [42, 43].
L'implantation de cellules capables de sécréter leurs propres GF pro-angiogéniques est donc une autre piste intéressante en ingénierie osseuse. Récemment, il a été montré que la stimulation des DPSC par 24 heures d'hypoxie in vitro ou par le FGF-2 (Fibroblast Growth Factor) avant leur implantation favorise directement l'angiogenèse in vivo chez la souris (fig. 6) [44] et stimule la synthèse osseuse lors de leur implantation dans des défauts osseux critiques de crânes de souris (fig. 7) [36, 45]. Ceci a pu être directement observé par TEP-scan (Tomographie par émission de positrons) en corrélant la néoangiogenèse d'un site osseux lésé avec sa future réparation osseuse [36]. Cette découverte a un réel intérêt clinique car elle pourra peut-être permettre de prédire, grâce à l'imagerie, la réussite ou l'échec d'une réparation osseuse à des temps très précoces, bien avant la minéralisation attendue, et de pouvoir cliniquement agir en conséquence.
De nombreuses questions émergent avec les avancées scientifiques dans le domaine de l'ingénierie tissulaire, notamment avec les thérapies cellulaires et l'utilisation des cellules souches humaines. Des questions d'ordre éthique mais également pratique ont été soulevées par les acteurs médicaux, mais également par les médias et les patients : quels types de cellules souches ? Embryonnaires, adultes ? Âge du donneur ? Quelle quantité de cellules ?
Les cellules souches dentaires ont éthiquement plus de chance d'être utilisées à ces fins car leur prélèvement est peu invasif et souvent déjà effectué avec l'extraction des dents de sagesse ou la perte naturelle des dents temporaires. Leur accessibilité et leur forte capacité de différenciation en font donc des acteurs de choix.
Mais l'âge du donneur est-il un paramètre à encadrer ? En effet, il a été prouvé que les cellules souches provenant de germes dentaires ont de meilleures propriétés, notamment de multiplication, et moins de problèmes de mutations génétiques. La notion de sénescence cellulaire liée au vieillissement des tissus chez l'adulte et au nombre de multiplications in vitro pour obtenir le bon nombre de cellules en vue d'une utilisation clinique est un paramètre à prendre en compte et à encadrer [46]. Il reste également des questions sur les doses cellulaires à envisager chez l'homme (par exemple, nombre de cellules/kg) : les études précliniques comportent potentiellement un biais important puisqu'elles n'ont lieu que sur des animaux. De plus, la quantité de cellules utilisées étant rapportée au poids de l'animal, la transposition chez l'adulte serait impossible à ces doses, nécessitant des centaines de millions de cellules.
Par ailleurs, il faudrait définir le type de greffe à privilégier (autologue ou allogénique) mais également la qualification de ces traitements (préparation individuelle ou médicament industrialisé), s'il faut utiliser ces cellules dès leur prélèvement ou s'il est préférable de les conserver et, dans ce cas, dans quel cadre et à quel coût...
L'utilisation autologue serait la plus simple avec des barrières éthiques plus faibles : tout comme on réalise déjà des prélèvements d'un site donneur à un site receveur sur un même patient, on pourrait imaginer l'appliquer en prélevant une dent, en en extrayant les cellules et en les réinjectant à l'hôte. Ce type de technique nécessitant une prise en charge individuelle avec un cout individualisé, il pose plusieurs problèmes :
– la nécessité de 2 interventions sur 2 sites d'un même patient, ce qui ne résout donc pas les problèmes des sites donneurs et receveurs ;
– un problème de cryoconservation de ces cellules et de quantité cellulaire nécessaire.
En effet, on ne peut multiplier in vitro à l'infini des cellules souches sans risquer de les endommager dans leur multipotence et leur potentiel de prolifération et sans envisager que cela puisse engendrer des mutations génétiques.
L'utilisation allogénique, plus facile à industrialiser, nécessite simplement que le donneur et le receveur soient compatibles HLA. Cela résoudrait le problème d'avoir 2 sites opérés chez un même patient, avec des cellules qui seraient disponibles quasi immédiatement. Néanmoins, il reste à tester le comportement immunitaire des cellules implantées, avec une inconnue sur la nécessité d'un éventuel traitement immunosuppresseur.
La législation tend probablement vers une utilisation « industrialisable » avec une qualification de « médicament » en France par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Mais à l'échelle européenne, et dans l'optique actuelle d'harmonisation des pratiques médicales en cours, il faudra sûrement un accord de l'EMA (European Medicine Agency) avant une autorisation de mise sur le marché de ces nouveaux traitements.
Par ailleurs, l'utilisation des cellules souches en thérapeutique a fait émerger de nouveaux acteurs face aux besoins des chercheurs et des médecins : les Biobanques, établissements permettant la collecte et la conservation des prélèvements tissulaires et cellulaires. Le cadre législatif de ces banques diffère selon les pays et leurs comités d'éthique, les médecins, les chercheurs et politiques tentant de trouver un équilibre permettant les recherches sur les cellules souches, tout en protégeant les patients et la population de leurs potentielles dérives. En France, le système de santé relève encore majoritairement du domaine public : les Biobanques devraient donc logiquement relever du même régime. Il faut désormais espérer que cela sera également le cas au niveau européen, afin d'éviter que des structures à but spéculatif ne contribuent à creuser les inégalités sociales et ne freinent l'accès aux soins d'une partie de la population.
Les développements récents de la recherche sur les cellules souches rendent désormais envisageable à court terme une véritable révolution dans de nombreux domaines thérapeutiques, et notamment en ingénierie osseuse. Les cellules souches pulpaires sont des candidates intéressantes de par leur accessibilité (extraction des germes de dents de sagesse chez le jeune adulte, et exfoliation des dents temporaires dans l'enfance) et leur multipotence, permettant l'obtention de différentes lignées cellulaires dont celle ostéoblastique. Des études récentes ont montré que, au contact de molécules favorisant l'angiogenèse (VEGF, FGF, PDGF...) et l'ostéogenèse (BMP2, TGFb-1, IGF-1...), ces cellules ensemencées dans de bons biomatériaux permettent un remodelage osseux ad integrum.
En tant que chirurgiens-dentistes prothésistes, nous sommes quotidiennement confrontés à la fonte inexorable du support osseux, qu'elle soit physiologique ou pathologique. Ces thérapeutiques futures permettront peut-être à terme de pouvoir proposer des thérapeutiques fixes et durables, notamment dans les prothèses implantaires et maxillo-faciales complexes.
Il faut toutefois souligner qu'à ce jour, très peu d'essais cliniques ont été effectués et ce uniquement chez l'animal (notamment les rongeurs), avec toutes les limitations que cela comporte. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires afin d'évaluer la faisabilité des applications cliniques, notamment pour déterminer les quantités de cellules à implanter et les concentrations de facteurs de croissance nécessaires pour avoir une action significative chez l'homme. Ces recherches devront être encadrées par les comités d'éthiques et les pouvoirs publics afin d'éviter les dérives commerciales, et notamment la cryoconservation des cellules souches au sein des Biobanques. De nombreux espoirs sont placés dans le domaine de la recherche en ingénierie tissulaire afin d'aboutir à la réparation, voire au remplacement complet d'un organe. Il n'est donc pas si utopique de penser que, dans un futur proche, nos dents temporaires et nos dents de sagesse auront un intérêt médical et deviendront incontournables en médecine régénérative !
L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Caroline Gorin - MCU-PH
Prothèses à l'Université Paris Descartes
EA2496, Pathologies, imagerie et biothérapies orofaciales
De nombreuses études utilisent les troisièmes molaires comme source de DPSC, DFSC, TGPC et SCAP (fig. 3).
On parle d'hypoxie quand le taux d'oxygène est inférieur à 5 %.