Prothèse amovible partielle
M. Gueye K. Badji P.I. Kamara A. Touré B. Cissé E.B. Mbodj
La prothèse amovible partielle métallique (PAPM) est une option thérapeutique accessible et fiable pour restaurer les édentements partiels, assurer le rétablissement des fonctions perturbées et préserver la santé des surfaces d'appui prothétique [1-4].
La confection d'une prothèse adaptée exige le respect d'impératifs de réalisation parmi lesquels l'équilibre biomécanique, la...
Résumé
Le châssis métallique est un dispositif prothétique dont la qualité de réalisation reste tributaire de la communication fidèle des informations relatives au cas clinique. L'objectif de ce travail était d'analyser l'intérêt de la transmission des données cliniques sur la qualité des châssis métalliques. L'étude descriptive transversale portait sur 51 châssis métalliques. Les variables étaient relatives à l'édentement, à la communication cabinet/laboratoire et à la qualité du châssis. L'analyse statistique a été faite à l'aide du logiciel SPSS® version 20. Les châssis réalisés sur la base d'une communication cabinet/laboratoire recourant à la fiche de liaison, au téléphone et au déplacement du prothésiste en cas de besoin représentaient 96,1 % de l'échantillon. Les demandes de travaux de 57 % des châssis comportaient des tracés prospectifs. Le porte-empreinte individuel a été utilisé pour 68,6% des châssis et le silicone dans 62,7 % des cas. La qualité des systèmes de rétention était corrélée à la réalisation du tracé prospectif (p = 0,032). La qualité des selles était liée à la réalisation du tracé prospectif (p = 0,001), au type de porte-empreinte (p = 0,012) et au matériau d'empreinte (p = 0,012). La transmission des paramètres cliniques est déterminante pour la confection de châssis de prothèse partielle de qualité.
La prothèse amovible partielle métallique (PAPM) est une option thérapeutique accessible et fiable pour restaurer les édentements partiels, assurer le rétablissement des fonctions perturbées et préserver la santé des surfaces d'appui prothétique [1-4].
La confection d'une prothèse adaptée exige le respect d'impératifs de réalisation parmi lesquels l'équilibre biomécanique, la maîtrise des empreintes, la gestion de l'occlusion et la conception raisonnée du châssis. Ainsi, la réalisation du châssis au laboratoire suit un processus technologique rigoureux, sur la base des informations cliniques fournies par le praticien [5]. Or, l'expérience clinique a révélé des défauts d'adaptation élevés et des déficits de communication cabinet/laboratoire notoires [6].
L'objectif de cette étude était d'évaluer l'intérêt de la transmission des données cliniques dans la réalisation de châssis métalliques de prothèse amovible partielle.
Il s'agissait d'une étude descriptive transversale réalisée dans le 2e semestre de l'année 2015. À partir de la liste des 58 prothésistes membres de l'Association des prothésistes dentaires du Sénégal (APDS), les laboratoires de prothèse dentaire intégrant la confection des châssis métalliques de PAP dans le paquet minimum d'activités ont été sélectionnés par recrutement exhaustif. La population cible était constituée par les châssis en alliage cobalt-chrome de prothèses amovibles partielles réalisés pendant la période d'enquête.
Les variables d'étude étaient relatives à l'édentement, à la communication cabinet/laboratoire et à la qualité du châssis métallique. Les critères d'évaluation des châssis portaient sur la connexion principale, les systèmes de rétention, les taquets occlusaux, les selles et le décolletage selon le référentiel conçu par Matysiak et Chabert [7]. L'opérateur attribuait à chaque élément du châssis une appréciation correspondant à un niveau de qualité matérialisé par un code A pour une réalisation excellente, B pour une réalisation correcte et C pour une réalisation incorrecte.
L'analyse statistique a été faite à l'aide des logiciels Microsoft Excel® 2013 et SPSS® 20 version portable. La liaison entre les variables a été estimée par les tests du Khi-deux de Pearson et ANOVA. Le risque d'erreur a été fixé à 5 %.
Les châssis étaient confectionnés par 6 laboratoires de prothèse qui collaboraient chacun avec 13 praticiens en moyenne. Dans l'échantillon, 51 % des châssis étaient destinés à l'arcade maxillaire et 49 % à la mandibule. Les châssis restaurant les édentements de classes I et II de Kennedy-Applegate représentaient 54,9 %.
Les châssis réalisés sur la base d'une communication cabinet/laboratoire recourant à la fiche de liaison, au téléphone et au déplacement du prothésiste en cas de besoin représentaient 96,1 % de l'échantillon. L'internet n'était pas utilisé pour la transmission des informations (tableau 1). Les demandes de travaux de 57 % des châssis comportaient des tracés prospectifs dessinés sur moulages et sur papier. Dans 25,5 % des cas, la confection du châssis était faite sur la base de commande sans tracé (tableau 2).
Les châssis réalisés à partir d'une empreinte terminale prise à l'aide de porte-empreinte individuel (PEI) en résine auto-polymérisante constituaient 68,6 % de l'échantillon (tableau 3). Les empreintes terminales ont été prises à l'aide de porte-empreinte individuel dans les édentements de classe I pour 9 châssis, soit 17,7 % de l'échantillon, et dans les édentements de classe II pour 12 châssis, soit 23,5 % de l'échantillon (tableau 4). Dans 62,7 % des cas, les empreintes terminales étaient prises avec un élastomère silicone. Le polysulfure a été utilisé pour 17,7 % des châssis (tableau 5).
La qualité de réalisation de la connexion principale était excellente pour 27 % de l'échantillon et correcte pour 67 %. Le décolletage et les selles étaient de qualité de réalisation excellente pour respectivement 94 % et 92 % des châssis examinés. Quant aux taquets occlusaux et appuis cingulaires, leur réalisation était excellente pour 45 % de l'échantillon et incorrecte pour 51 %. Les éléments de rétention observés étaient excellents sur 41 % des châssis et de qualité incorrecte pour 59 % (fig. 1).
La qualité de réalisation des systèmes de rétention était significativement corrélée à la réalisation du tracé prospectif par le dentiste (p = 0,032). Une liaison significative a été trouvée entre la qualité de réalisation des selles métalliques et les variables comme la réalisation du tracé prospectif (p = 0,001), le type de porte-empreinte (p = 0,012) et le matériau d'empreinte terminale (p = 0,012).
L'échantillon est constitué d'un nombre faible de châssis métalliques de PAP. La prise en charge de certains types de traitements dentaires coûteux comme la prothèse métallique reste problématique dans les pays en développement, du fait de la précarité économique [8, 9].
La fiche de liaison, le téléphone et le déplacement constituent les trois modalités largement utilisées pour l'échange des données cliniques nécessaires à la réalisation du châssis métallique. Leur complémentarité favorise la précision des informations transmises, simplifie la réalisation du projet prothétique et optimise le résultat final du point de vue esthétique, fonctionnel et biologique [10]. De même, les applications de l'internet améliorent la qualité et la rapidité de transmission des caractéristiques esthétiques essentielles au succès de la restauration prothétique [11]. Mais, à l'instar de l'étude de Gueye et al. [12], cet outil de communication n'est pas utilisé compte tenu du coût élevé de l'investissement matériel.
L'élastomère silicone se présente comme le matériau privilégié pour l'empreinte terminale alors que d'autres études [13, 14] rapportaient une prépondérance de l'alginate. Le silicone est préféré pour sa finesse de reproduction, sa bonne recouvrance élastique, sa meilleure stabilité dimensionnelle et son délai de coulée plus long [5]. Le porte-empreinte individuel a servi à réaliser l'empreinte des surfaces d'appui pour la majorité des châssis confectionnés, comme dans l'étude de Selva et al. [13]. Même si son choix ne fait pas l'objet d'un consensus, il reste que le PEI permet de réaliser un enregistrement précis des améloplasties et du jeu fonctionnel des organes para-prothétiques, facilitant ainsi l'adaptation du châssis métallique.
Par ailleurs, un châssis sur quatre est confectionné sans tracé prospectif préalable du praticien tandis que Amani et al. [15] révèlent une fréquence plus élevée de demandes de travaux sans tracé. Ainsi, l'insuffisance d'informations relatives à la conception du châssis confirme la mauvaise qualité de la communication cabinet/laboratoire rapportée dans certains travaux [5, 16]. Étant donné que le tracé prospectif du châssis découle d'une réflexion motivée au cabinet par la situation clinique, les prothésistes devraient être plus exigeants pour sa réalisation car l'analyse des paramètres anatomo-physiologiques par le praticien ainsi que le respect des impératifs cliniques constituent un facteur déterminant pour la réalisation d'une prothèse intégrée.
La forte fréquence de demandes de travaux portant un tracé devrait impliquer un taux plus élevé d'éléments de rétention correctement réalisés étant donné la corrélation significative trouvée entre ces deux variables. Paradoxalement, les défauts de réalisation les plus fréquents sur les châssis concernent, entre autres, les systèmes de rétention. Cette prépondérance des crochets inadaptés est retrouvée dans l'étude de Hummel et al. [17]. Les anomalies de rétention révélées augurent d'une qualité fonctionnelle déficiente, d'une intégration difficile et d'un pronostic peu favorable de la prothèse et des éléments de soutien dento-muqueux. L'enquête n'ayant pas permis l'accès aux tracés réalisés, il est difficile de déterminer qui, du praticien chargé de la conception du châssis ou du prothésiste maître d'œuvre de la confection des crochets, est responsable des défauts de rétention observés.
Quant aux selles métalliques, leur quasi-totalité est de qualité excellente. Des résultats similaires sont retrouvés par Matysiak et Chabert [7] avec tout de même une fréquence plus faible. Les selles adéquates favorisent une sustentation satisfaisante de la prothèse, un support correct des dents prothétiques et de la fausse gencive ainsi qu'un port confortable. Ce succès dépend en partie d'une conception respectant les impératifs biomécaniques et d'un enregistrement précis des tissus sous-prothétiques et para-prothétiques, comme en témoigne la liaison significative trouvée entre la qualité des selles et les variables comme la réalisation du tracé prospectif, le type de porte-empreinte et le matériau à empreinte.
Les châssis confectionnés pour les édentements terminaux sont les plus fréquents à l'instar des tendances rapportées par d'autres auteurs [4, 18, 19]. Ces édentements exigent une conception raisonnée ayant pour objectifs la maîtrise des mouvements parasites des selles et la répartition équilibrée des forces occlusales sur les surfaces d'appui en vue de garantir la stabilité de la prothèse [3]. Or, les châssis des édentements mandibulaires de classe I comptent les proportions les plus élevées de selles et de crochets incorrects. De même, Vanzeveren et al. [18] relient la courte longévité des prothèses à la localisation mandibulaire et à la situation terminale des édentements. Du fait de la dualité d'appui des édentements terminaux, un crochet incorrect favorise, par effet scoliodontique, une surcharge de la dent bordant l'édentement et une parodontolyse responsable de sa perte à long terme. La prise en compte de la différence de dépressibilité entre les surfaces muqueuses, d'une part, et dentaires, d'autre part, est impérative pour la pérennité des tissus d'appui prothétique.
La réalisation d'un châssis de qualité requiert la transmission de données cliniques précises entre le cabinet et le laboratoire. En vue d'améliorer la qualité des prothèses, le praticien devrait renforcer sa compétence sur la conception des châssis et le prothésiste s'approprier davantage les outils communication efficaces.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Moctar GUEYE - DCD, DSO, Maître de Conférences Agrégé
Khady BADJI - DCD, Assistante
Pape Ibrahima KAMARA - DCD, Assistant
Amadou TOURÉ - DCD, Assistant
Binta CISSÉ - DCD, Assistante
El Hadj Babacar MBODJ - DCD, DSO, Professeur
Institut d'Odontologie et de Stomatologie
Université Cheikh Anta Diop.