éditorial
Rédacteur en chef
À une époque où ceux qui réfléchissent à l'organisation du travail se demandent comment améliorer le rythme, l'efficacité et détecter ce qui peut être source de piétinement ou de régression, le concept de procrastination tenait encore il y a peu le haut du pavé. Cette attitude systématique visant à tout remettre au lendemain était commentée et savamment décortiquée. Doctes démonstrations étaient fournies pour montrer que repousser la résolution des tâches ou...
À une époque où ceux qui réfléchissent à l'organisation du travail se demandent comment améliorer le rythme, l'efficacité et détecter ce qui peut être source de piétinement ou de régression, le concept de procrastination tenait encore il y a peu le haut du pavé. Cette attitude systématique visant à tout remettre au lendemain était commentée et savamment décortiquée. Doctes démonstrations étaient fournies pour montrer que repousser la résolution des tâches ou des problèmes provoquait un engorgement du futur, un traitement incomplet des tâches, voire une désorganisation insurmontable. Il semble maintenant que nous avons franchi un cap supplémentaire. Il s'agit non plus de faire les actes dès qu'ils se présentent mais de les prévoir, de les deviner, de les anticiper... L'essentiel de notre attention se doit donc d'être focalisé sur cet objectif digne d'une cartomancienne ayant toujours « un coup d'avance ». Et ce n'est pas faux. Les événements politiques récents liés à la crise des « gilets jaunes » montrent une impréparation avec un manque d'anticipation au plus haut niveau, de part et d'autre. De même, l'État n'a pas suffisamment anticipé ni prévu les violences embrasant la capitale crescendo de samedi en samedi. « Gouverner c'est prévoir » dit-on, les exemples le confirment mais la réalité est toujours moins facile que la théorie, surtout lorsqu'il faut s'y confronter. C'est la même chose dans notre pratique professionnelle : les conclusions de la plupart des procédures juridiques praticiens/patients montrent une impréparation des plans de traitements et des conséquences complexes sous-tendues par un manque d'explication et de communication. Dans notre activité quotidienne, il sera plus aisé de prévenir un patient de son état médical, des évolutions probables de sa denture et des traitements auxquels il devra se préparer pour qu'il se conditionne psychologiquement et qu'il s'organise financièrement afin de hiérarchiser ses priorités. Les exemples peuvent être multipliés : « on peut tout affronter quand on sait tout prévoir ». À côté de cette théorie, la problématique de taille est le télescopage entre la réalité du présent et le futur par le prisme du manque de temps. Dans une course permanente, nous n'avons plus assez de temps pour agir au présent, régler les conflits, soigner, et il nous faudrait toujours prévoir, prévenir, anticiper ! Cette difficile alchimie est le quotidien des soignants à tous niveaux : être et agir dans le présent mais se projeter systématiquement dans le futur pour anticiper pour son patient, sous peine d'être balayé et noyé dans les flots de l'impréparation avec des conséquences paroxystiques parfois. La folie de la vie moderne nous impose paradoxalement de nous poser de plus en plus pour réfléchir. Et ce n'est pas du temps perdu pour forger son expérience. Posons-nous et évadons-nous le temps d'une lecture de ce nouveau numéro des Cahiers de Prothèse. Au fil des rubriques, chacun y trouvera un sujet pour l'aider à anticiper ses futurs traitements.