Synergie implants et prothèses
Une patiente s'est présentée à la consultation avec une incisive centrale supérieure droite en infraposition et une mobilité de type 2 (fig. 1). La couronne, relativement ancienne, lui apparaissait également disgracieuse. Elle souhaitait remédier à cette problématique, d'autant qu'elle montrait un sourire gingival de type 3 (
Introduction
La triade esthétique-fonction-biologie est aujourd'hui l'enjeu de nos traitements implanto-prothétiques. En effet, le résultat esthétique en implantologie est devenu primordial : il n'est plus satisfaisant de n'obtenir qu'un simple résultat fonctionnel. Nos patients souhaitent effectivement des résultats totalement intégrés dans leur bouche, nos restaurations doivent donc être biomimétiques. De plus, ces résultats obtenus initialement se doivent d'être pérennes dans le temps. Cette notion d'esthétique est si importante dans le domaine implantaire que de nombreux auteurs ont publié des index d'évaluation de résultats implantaires gingivo-prothétiques, dont le plus usité est celui de Fürhauser [
Une patiente s'est présentée à la consultation avec une incisive centrale supérieure droite en infraposition et une mobilité de type 2 (fig. 1). La couronne, relativement ancienne, lui apparaissait également disgracieuse. Elle souhaitait remédier à cette problématique, d'autant qu'elle montrait un sourire gingival de type 3 (fig. 2) selon la classification de Vailati [3] : sourire à exposition modérée à majeure, où la lèvre remonte de plus en plus. Les bords cervicaux des couronnes étaient visibles, avec une hauteur maximale de 2 mm de gencive. Le sourire était classé comme « légèrement gingival ».
À l'examen clinique, les dires de la patiente étaient confirmés et la radiographie rétroalvéolaire (fig. 3) laissait apparaître une résorption radiculaire étendue, corroborée à l'examen 3D (fig. 4).
La décision d'extraction-implantation associée à une mise en esthétique immédiate était prise après la mise en corrélation du projet prothétique (fichier stl) et des fichiers tomodensitométriques (fichiers Dicom). L'association de ces fichiers se fait très facilement sous différents logiciels disponibles sur le marché (dans le cas présent, Logiciel Simplant®, Dentsply) [4]. Le prothésiste a donc réalisé un projet prothétique virtuel de façon à repositionner la dent, et notamment le collet de la dent 11 en bonne place (symétrie par rapport à la 21). Ce projet a été obtenu par élimination de la couronne dentaire 11, puis section virtuelle de la couronne de la dent controlatérale (21) pour intégration virtuelle en lieu et place de 11 (fig. 5) – Noter l'état de surface identique, indiquant bien le duplicata et l'effet miroir de la couronne 21 pour obtenir la couronne 11. Compte-tenu de l'infraclusion de la dent à traiter, la gencive devait aussi être reconstruite par le technicien de laboratoire. Une fois ce projet obtenu, il a été intégré dans les fichiers Dicom, permettant ainsi de positionner la distance entre le futur collet de la dent (trait bleu) à obtenir et le niveau osseux actuel. Ici, la distance a été mesurée à 3,1 mm (fig. 6). Or, nous savons qu'une distance de 3 mm était la distance idéale entre le collet dentaire et le col de l'implant [5]. Dans ce cas présent, cette technique a pu être mise en œuvre en un seul temps. Si la distance avait été largement supérieure à 3 mm, alors cette décision thérapeutique n'aurait pas pu être prise. Un traitement avec 3 temps chirurgicaux aurait été nécessaire (1 : extraction ; 2 : implant et régénération osseuse guidée ; 3 : deuxième temps chirurgical pour mise en place de la dent provisoire associée à une greffe conjonctive) afin d'optimiser le résultat sans hypothéquer le succès esthétique de la restauration (voir collets non alignés).
Les empreintes (conventionnelles ou digitales) ont été réalisées et transférées au prothésiste afin de réaliser le projet prothétique selon les explications ci-dessus. Ce projet prothétique correspond à la partie coronaire mais aussi gingivale. Une fois ces éléments réceptionnés (fichiers stl de la situation initiale, de la dent extraite et du projet), l'indexation des modèles stl a pu s'effectuer via des cuspides de référence. Ensuite, la planification chirurgicale a pu être réalisée précisément, puis un guide chirurgical à appui dentaire a été dessiné pour faciliter la chirurgie implantaire et pouvoir consacrer plus d'attention sur les périphériques chirurgicaux (comblement alvéolaire, greffe conjonctive tunnelisée).
Dans le même temps, l'extraction virtuelle de la dent 11 a été pratiquée grâce au logiciel Simplant Dentsply® et ceci, dans son intégralité, couronne et racine. Cette segmentation permet de récupérer le volume précis, notamment dans le secteur du profil d'émergence avec pour idée de copier la nature au plus juste. Dans le cas présent, il a été convenu de « lisser » les parties perforées liées à la présence d'un tenon radio-opaque créant des artéfacts importants. Le volume obtenu a alors été extrait en fichier stl (fig. 7). Ce fichier a pu être obtenu en réel. Initialement, des imprimantes tridimensionnelles ont été utilisées : l'obtention d'un volume a permis de préparer le profil d'émergence dans le modèle. Cependant, le faible choix de couleurs est un facteur limitant pour une restauration dentaire : l'élément obtenu ne peut être utilisé comme future dent provisoire, au contraire des usineuses de laboratoire de prothèse. Les usineuses de laboratoire, telles que la M5 Zirkonzahn® utilisée dans ce cas, permettent d'obtenir un objet de volume correct et d'une couleur adaptée (choix de teinte possible) autorisant son utilisation comme dent provisoire. Ici, un bloc de résine (Multistratum A1/A2 Zirkonzahn) a été mis en place afin d'usiner la dent provisoire duplicata de la dent naturelle (fig. 8). La chirurgie a pu être effectuée dans une seconde phase.
L'extraction a été réalisée de façon atraumatique afin de conserver l'architecture alvéolaire gingivo-osseuse. Dans le cas présent, l'extraction coronaire a été facilitée par la mobilité de la dent 11. Il s'agissait d'être très précautionneux par la suite pour retirer la racine résiduelle (fig. 9). Peu après, le forage implantaire a été effectué au travers du guide chirurgical et trois forets ont été utilisés : 2 mm, 2,8 mm et 3 mm. L'implant a été ensuite positionné, également au travers du guide : il s'agissait bien d'une chirurgie totalement guidée (fig. 10). L'implant (Nobel Active NP®, 3,5 x 13 mm) a donc été positionné conformément à notre planification initiale, mais une vérification du bon enfoncement par une sonde parodontale s'avère toujours pertinente à ce stade (règle des 3 mm explicitée précédemment).
À la suite de cela, le transfert de la position de l'implant a été fourni au prothésiste : le transfert a été transvissé à l'implant, puis un contrôle radiographique a été réalisé afin de s'assurer de la bonne connexion du transfert et de l'implant. Une fois ce contrôle validé, de la résine (Luxabite®) a été injectée sur le transfert et sur les bords libres des dents adjacentes (fig. 11). Ce dispositif permet le repositionnement de la réplique dans le modèle initial.
La chirurgie a suivi son cours : une greffe conjonctive tunnelisée a été pratiquée en vestibulaire. L'augmentation du biotype a été nécessaire afin d'assurer une meilleure stabilité tissulaire dans le temps [6]. Le tunnel créé a également eu pour objectif de tracter la partie vestibulaire en direction coronaire pour éliminer le décalage des collets de 11 et 21. La liberté de traction du tunnel a été alors vérifiée (fig. 12). Dans cette situation clinique, le prélèvement a été réalisé dans la zone médiane palatine afin d'obtenir un tissu conjonctif moins dense, moins fibreux, mais qui a l'avantage d'être extrêmement bien vascularisé et de posséder une cicatrisation facilitée. Ce choix de prélèvement a été imposé car une partie conjonctive aurait pu être exposée en fin de sutures (fig. 13). Afin de finaliser la partie chirurgicale, un comblement de l'alvéole a été effectué pour maintenir au mieux l'architecture ostéomuqueuse de l'alvéole d'extraction. Ce comblement a été réalisé avec de l'hydroxyapatite d'origine bovine (Bio-Oss, Geistlich®).
Le prothésiste a pu alors confectionner la dent provisoire avec les différentes informations transmises : modèle initial en plâtre ou imprimé, transfert de la position implantaire et de la dent usinée préalablement. Le prothésiste a eu pour objectif de réunir tous ces éléments afin de réaliser la dent provisoire transvissée (fig. 14) qui a respecté très scrupuleusement l'anatomie coronaire et radiculaire de la dent initiale, avec l'ensemble des concavités et des convexités naturelles (fig. 15). La dent usinée et maquillée a été mise en place par vissage. À la suite, des sutures suspendues ont été réalisées afin de tracter la gencive marginale en direction coronaire [7] et ont été réalisées autour des points de contacts des dents pour favoriser la descente du niveau gingival (fig. 16 et 17). La cicatrisation obtenue à 8 mois a semblé satisfaisante (fig. 18).
Une fois le délai de maturation des tissus mous et durs passé, la prise d'empreinte pour la prothèse définitive a été effectuée par la technique du transfert personnalisé (fig. 19 et 20) [8]. La méthodologie a suivi des étapes rigoureuses décrites dans un article précédent de cette rubrique [9].
Le prothésiste a dès lors réalisé la dent définitive conforme au berceau gingival créé et guidé lors de la cicatrisation. Il convient de rappeler que la forme de la dent prothétique finale a été obtenue par utilisation du fichier stl de la dent virtuellement extraite. Dans le cas présent, la dent obtenue a été réalisée sur une Ti-base (Nobel Biocare) sur laquelle une base zircone stratifiée a été collée (fig. 21). Le résultat clinique et radiographique obtenu est apparu satisfaisant (fig. 22 et 23).
Les outils digitaux, comme les logiciels cliniques et les laboratoires, permettent d'exploiter au mieux les fichiers Dicom et stl obtenus par des examens complémentaires. Le diagnostic est, de fait, beaucoup plus performant. Dans le même temps, les outils digitaux aident à une meilleure réalisation chirurgicale avec les guides chirurgicaux de chirurgie guidée « statique », mais également du point de vue prothétique. En effet, comme cela vient d'être détaillé, l'extraction virtuelle réalisée dans les fichiers Dicom puis transférée en fichier stl, permet aujourd'hui d'obtenir une dent provisoire puis définitive identique à la dent initiale. La notion de biomimétique prend alors tout son sens en implantologie. Cette réflexion est valable tant sur l'édentement unitaire que dans les cas d'édentement partiel et complet.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Renaud Noharet - MCU-PH, docteur en chirurgie dentaire, ancien interne en odontologie
Exercice libéral (Lyon)
Philippe Buisson - Prothésiste dentaire
Saint-Didier-au-Mont-d'Or