Les cahiers de prothèse n° 183 du 01/09/2018

 

Prothèse fixée

B.Z.R. TRA   K.A. KOUAMÉ   D.M. PESSON   E.L.E. DIDIA   N.Y. KONATÉ   H.E. HOUÉDANOU   S. VIENNOT   K.B. DJÉRÉDOU  

Introduction

L'angle de convergence des parois ou angle de dépouille résulte de la combinaison des parois axiales opposées lorsqu'il est mesuré selon l'axe longitudinal de la dent [1]. Cet angle est déterminé par le degré de conicité des parois axiales opposées. La dépouille des préparations doit être suffisante pour permettre l'insertion de la pièce prothétique. Toutefois, elle doit être la plus faible possible pour...


Résumé

Résumé

L'angle de convergence des parois des préparations en prothèse fixée (dépouille) doit être le plus faible possible pour optimiser la fixité de la prothèse sur son pilier. Sa valeur recommandée est de 6o. Le non-respect de cette valeur semble expliquer en partie les échecs. Ce travail vise à évaluer les angles de convergence des parois des piliers de prothèses fixées réalisées en omnipratique.

Il s'agit d'une étude transversale descriptive qui a consisté à mesurer les angles de convergence des parois des préparations des piliers de prothèses fixées sur 249 MPU à l'aide d'un microscope digital doté d'un logiciel d'acquisition et de traitement d'image.

Très peu de préparations (4 %) ont un angle inférieur ou égal à 6o. Près de la moitié (48 %) des MPU ont des parois V/L trop convergentes (> 30o). Les praticiens qui réalisent très fréquemment des prothèses fixées et les spécialistes ont les plus petites valeurs d'angle de convergence (respectivement V/L = 26,06 ± 13o, M/D = 18,24 ± 8o avec p = 0,007 et V/L = 22,06 ± 14o, M/D = 12,90 ± 9o avec p = 0,006).

Les valeurs d'angles de convergences trop élevées confirment les difficultés éprouvées par les praticiens lors de la préparation des piliers de prothèses fixées. Cette étude montre que l'amélioration de la qualité des préparations passe par une réduction de la valeur de l'angle de convergence des parois, et ceci par l'instauration de séances de formations continues visant à donner aux praticiens des outils de contrôle des préparations.

Introduction

L'angle de convergence des parois ou angle de dépouille résulte de la combinaison des parois axiales opposées lorsqu'il est mesuré selon l'axe longitudinal de la dent [1]. Cet angle est déterminé par le degré de conicité des parois axiales opposées. La dépouille des préparations doit être suffisante pour permettre l'insertion de la pièce prothétique. Toutefois, elle doit être la plus faible possible pour optimiser la rétention et la fixité de la prothèse sur son pilier. Théoriquement, selon les études de Jorgensen [1], la conicité optimale est fixée à 6o, soit une inclinaison des parois de 3o par rapport à l'axe de préparation choisi. En pratique quotidienne, plusieurs auteurs rapportent que cet angle de convergence est difficile à obtenir [2-11]. Aussi, des valeurs plus réalistes ont-elles été proposées avec des intervalles allant de 6o à 12o pour Mack [12], et de 10o à 20o selon Goodacre et al. [13]. Pour Smith Bernard et al. [14], si l'angle de convergence peut atteindre 20o, il ne doit toutefois pas excéder 30o sous peine de nuire fortement à la rétention de la prothèse.

En Côte d'Ivoire, certaines études [15-18] ont relevé les appréhensions exprimées par les chirurgiens-dentistes au sujet de l'étape de la préparation des piliers dentaires tandis que d'autres [19] ont incriminé la convergence accrue des préparations comme la cause principale des descellements fréquents des prothèses fixées dento-portées.

La question est de savoir quelle est la réalité de ces affirmations. En d'autres termes, quelle est la part effective des défauts des préparations dans les échecs thérapeutiques en prothèse fixée dans notre contexte d'exercice ? C'est pour répondre à ces questions que la présente étude s'est proposée de mesurer les angles de convergence des parois d'une série de modèles positifs unitaires (MPU) issus d'empreintes de piliers de prothèses fixées préparés dans plusieurs cabinets dentaires de la ville d'Abidjan.

Méthodes

Type d'étude et échantillonnage

Il s'agit d'une étude descriptive transversale réalisée sur des MPU issus d'empreintes de piliers dentaires préparés en vue de recevoir des ancrages de prothèse fixée. Elle s'est déroulée de mars à juillet 2015 dans 5 laboratoires de prothèse de référence qui réalisent 80 % de l'activité de prothèse de la ville d'Abidjan [16]. La constitution de l'échantillon des MPU a tenu compte des critères de sélections suivants.

Critères d'inclusion

– MPU issus d'empreintes de préparations coronaires périphériques totales pour couronnes métalliques coulées, couronnes céramo-métalliques, couronnes à incrustation vestibulaire, couronnes céramo-céramiques.

– MPU de tous les groupes de dents de chaque arcade.

– MPU issus des préparations réalisées par des chirurgiens-dentistes spécialistes ou non en prothèse et par des étudiants cliniciens.

Critères de non-inclusion

– MPU issus d'empreintes de préparations coronaires périphériques partielles (facettes, inlays, onlays).

– MPU issus d'empreintes de préparations corono-radiculaires (inlay-core, Richmond).

Taille estimatif de l'échantillon

Sur la base des critères décrits plus haut, des sous-groupes de MPU ont été établis en fonction de l'arcade (maxillaire, mandibule) et de la situation topographique (antérieures et postérieures). Un minimum de 30 MPU était requis par sous-groupe pour que chaque sous-échantillon soit suffisamment représentatif en unités statistiques. Le nombre total de MPU nécessaire était donc estimé à 120.

Protocole de l'étude

Mesure des angles de convergence sur les MPU

Les MPU collectés ont d'abord été positionnés sur un socle représenté par une boîte rectangulaire remplie de pâte à modeler qui a servi à la fixation des MPU selon leur axe de préparation. La boîte est retournée sur le côté et le MPU se retrouve alors dans le plan horizontal pour les nécessités des opérations (fig. 1).

La mesure des angles de convergence des parois opposées a été réalisée grâce à un microscope digital de type PCE-MM200 doté d'un logiciel d'acquisition et de traitement d'images (fig. 2).

Le microscope est monté sur une potence de loupe binoculaire pour permettre sa fixité et la réalisation des mouvements verticaux nécessaires à la mise au point la plus parfaite de l'image et à l'obtention d'images reproductibles. L'ensemble est connecté à un micro-ordinateur pour le transfert et le traitement des données-images (fig. 3).

Le grossissement du microscope PCE-MM200 est modulable de 5 à 200. Dans le cadre de cette étude, un agrandissement de 30 a été choisi. Au-delà de cet agrandissement, certains MPU ne pouvaient tenir entièrement dans le champ du microscope, rendant alors les mesures impossibles. De plus, un agrandissement trop important augmente les risques d'erreur du logiciel d'acquisition d'images.

Pour réaliser les mesures, le microscope a été d'abord calibré à l'aide de sa réglette. Les mesures ont été faites sur deux faces, à savoir la face vestibulaire et la face mésiale de chaque préparation (fig. 4 et 5).

Avant de procéder aux différentes mesures, le microscope a été étalonné.

Sur un cliché en vue vestibulaire, l'angle de convergence mésio-distal a été obtenu en sélectionnant, dans la barre d'outil du logiciel, la mesure des angles à 4 points (fig. 6) et en traçant 2 traits à l'aide du curseur, l'un sur la face mésiale, l'autre sur la face distale.

La valeur de l'angle s'affiche directement à l'écran (fig. 7 et 8). La mesure de l'angle vestibulo-linguale a été faite de la même façon sur une vue mésiale du MPU. Les mesures ont été reportées sur une fiche de recueil de données.

Analyse statistique

Les données recueillies ont été analysées à l'aide du logiciel SPSS. Pour l'étude descriptive, les moyennes des angles de convergence des parois des MPU ont été calculées. Pour les différentes comparaisons, le test ANOVA à un facteur a été effectué au seuil de 95 % (α = 5 %).

Résultats

L'échantillonnage des MPU se répartit de manière quasi égale entre les 2 arcades et les 2 situations antérieure et postérieure des dents à restaurer (tableau I).

Quel que soit le sens considéré, seulement 3,6 % des préparations ont un angle de convergence inférieur ou égal à 6o. Et 49,8 % des MPU ont des parois V/L trop convergentes avec des angles de dépouille supérieurs à 30o.

Les angles moyens de convergence (M/D et V/L) sont plus faibles pour les chirurgiens-dentistes réalisant fréquemment des prothèses fixées (tableau II).

Les angles moyens de convergence sont plus élevés pour les praticiens non spécialistes en prothèse fixée (tableau III).

Discussion

Caractéristique générale de l'échantillon

L'effectif des MPU issus d'empreintes de piliers dentaires collectés dans les laboratoires pour cette étude est de 249. Ce nombre équivaut au double de la taille de l'échantillon prévisionnel (120 MPU). Cet échantillon se distribue presque également selon les sous-groupes en fonction de l'arcade concernée et de la situation antérieure et postérieure des dents à restaurer (tableau I).

Mesure des angles de convergence (AC) des parois

Aussi bien dans le sens V/L que dans le sens M/D (fig. 9), seulement 3,6 % des MPU ont un angle de convergence compris entre 0o et 6o, correspondant à la valeur optimale de Jorgensen [1]. Ce résultat confirme les travaux des auteurs [12-14] qui ont montré que le seuil de rigueur recommandée par Jorgensen [1] était difficile à obtenir en pratique quotidienne.

Pour Smith Bernard et al. [14], en accord avec Mack [12] et Goodacre et al. [13], même si l'angle de convergence peut atteindre 20o, il ne doit toutefois pas excéder 30o sous peine de nuire fortement à la rétention de la prothèse. Or, près de la moitié (49,8%) des MPU de l'échantillon de notre étude présentent des parois V/L trop convergentes avec des angles de dépouille supérieurs à 30o. Ce résultat confirme et objective les difficultés qu'ont relevées les praticiens à réaliser correctement les préparations des piliers des couronnes et bridges dans l'étude effectuée par Kamagaté et al. [17] en 2006.

Ces auteurs ont d'ailleurs rapporté que, dans 40,7 % des cas, les préparations avaient des angles de dépouille trop élevés.

Facteurs influençant la valeur de l'angle de convergence

Plusieurs facteurs semblent influencer la dépouille des préparations. Parmi ceux-ci, on note la fréquence de réalisation des prothèses et la spécialité de l'exécutant.

Fréquence de réalisation des prothèses fixées

Les parois des MPU des praticiens qui réalisent fréquemment ou très fréquemment les prothèses conjointes ont des angles de convergence statistiquement plus faibles que ceux des MPU des chirurgiens-dentistes qui ont une pratique moins régulière (p V/L = 0,000 ; p M/D = 0,000) (tableau II). La fréquence de réalisation des prothèses fixées par les praticiens a donc une influence significative sur la qualité des préparations. Cela est à mettre au compte de l'amélioration de la dextérité avec l'expérience acquise.

Type de praticien

Quelles que soient les faces concernées, les préparations des chirurgiens-dentistes non spécialistes en prothèse fixée ont les angles moyens de convergence les plus élevés (angle V/L = 31,60 ± 15 ; angle M/D = 22,3 ± 10o) (tableau III). Les parois des MPU des chirurgiens-dentistes spécialistes en prothèse fixée ont les angles de convergence V/L et M/D les plus faibles par rapport aux autres praticiens de l'étude (angle V/L = 22,06 ± 14o et angle M/D = 12,90 ± 9o). Les angles de convergence des parois des MPU des étudiants cliniciens (angle V/L = 28,86 ± 17o et angle M/D = 23,22 ± 8o) sont également plus faibles que ceux des omnipraticiens.

Les différences observées entre les angles de convergences des MPU des différents groupes sont statistiquement significatives tant dans le sens V/L (p = 0,007) que dans le sens M/D (p = 0,006).

Par leur formation plus pointue, les spécialistes ont des capacités opérationnelles qui leur permettent d'atteindre des niveaux de performance plus importants dans l'exécution des différentes étapes de la chaîne prothétique. Les écarts observés entre les omnipraticiens et les étudiants cliniciens sont dus au fait que les préparations effectuées par les étudiants se font dans un cadre d'apprentissage académique qui est suivi par un encadrement pédagogique de praticiens spécialisés en la matière. De ce point de vue, nos résultats sont conformes aux données de la littérature [10, 20-24]. En 2004, Al-Omari et al. [25], évaluant les préparations pour CCM réalisées par des étudiants en fin de cycle en Jordanie, ont mesuré des angles de convergence moyens des parois V/L de 25,3o et des parois M/D à 22,4o. Ces valeurs sont proches des résultats de notre étude concernant le groupe des étudiants. Dans une étude similaire réalisée en 2012 en Arabie Saoudite sur des préparations faites par des étudiants, Aleisa et al. [20] ont noté des angles de convergence moyens des parois V/L (20,45o) et M/D (16,66o) plus faibles. Ces données sont en conformité avec les résultats de Annerstedt et al. [22] qui ont noté un angle de convergence de 21o pour les praticiens en général et de 19,4o pour les étudiants.

Conclusion

Les résultats de cette étude montrent des valeurs d'angles de convergences trop élevées de plus de 30o pour la moitié (48 %) des MPU. Cette convergence accrue de la dépouille objective ainsi les difficultés éprouvées par les praticiens lors de la préparation des dents piliers de couronnes et bridges.

Elle montre également que la spécialisation et la fréquence d'exécution de l'acte de préparation permettent de réduire significativement la valeur de l'angle de convergence des parois. Ainsi, l'amélioration de la qualité des préparations passe par une réduction de la valeur de l'angle de convergence des parois, et ceci par l'instauration de séances de formations continues visant à donner aux praticiens des outils de contrôle de l'inclinaison des parois des préparations nécessaire à une meilleure rétention.

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Liens d'intérêts

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Bi Zaouri Robenson Tra*

Koffi Alexandre Kouamé*

Nambé Yacouba Konaté*

Houémé Estelle Houédanou*

Ekow Léon Eric Didia*

Delon Müller Pesson*

Kouadio Benjamin Djérédou*

* Département de Prothèse et d'Occlusodontie, UFR D'Odonto-Stomatologie, Université Félix Houphouët-Boigny, 22 BP 612 Abidjan 22, Côte d'Ivoire.

Stéphane Viennot - Département de Prothèses, UFR d'Odontologie de Lyon, Université de Lyon, France.