Les cahiers de prothèse n° 183 du 01/09/2018

 

CFAO et prothèses cliniques

C. BATISSE   G. BONNET   P. BONGERT   Y. GOURRIER   M. BESSADET   J.L. VEYRUNE   E. NICOLAS  

Ces dernières années, les avancées technologiques ont permis l'essor de la conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) et la diminution du nombre d'erreurs inhérentes aux techniques conventionnelles [1] Ainsi, par l'évolution des systèmes numériques et du « tout au fauteuil », la CFAO fait partie de l'arsenal thérapeutique de la prothèse fixée [2] Par contre, en...


Résumé

Résumé

De nos jours, lors de la réhabilitation d'un édentement, le traitement de choix repose sur un traitement implantaire. Cependant, pour des raisons médicales et/ou économiques, l'implantologie n'est pas toujours possible. Dans ce cadre, la prothèse amovible partielle (PAP) demeure une alternative intéressante. Cependant, en PAP, les procédures « conventionnelles » préexistent et impliquent de nombreuses phases de réalisation, toutes sources d'erreurs potentielles. Dans certaines situations, la rétention de la PAP peut être améliorée par la pose d'un ou plusieurs implants, mais les indications demeurent limitées. En parallèle, les avancées technologiques ont permis l'essor de la conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO). De nos jours, beaucoup de laboratoires de prothèse se sont équipés de scanners et de logiciels de conception assistée par ordinateur (CAO) spécifiques à la prothèse amovible. Les armatures de PAP peuvent désormais être réalisées avec ces procédés. Le développement des caméras optiques intra-buccales ouvre également des perspectives intéressantes. Ainsi, la conjonction de l'implantologie et du numérique pourrait permettre l'amélioration des procédures et résultats en PAP. Par la présentation d'un cas clinique, cet article a pour objectif de montrer l'apport des nouvelles technologies numériques lors de réhabilitations prothétiques amovibles partielles avec présence d'implants.

Ces dernières années, les avancées technologiques ont permis l'essor de la conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) et la diminution du nombre d'erreurs inhérentes aux techniques conventionnelles [1] Ainsi, par l'évolution des systèmes numériques et du « tout au fauteuil », la CFAO fait partie de l'arsenal thérapeutique de la prothèse fixée [2] Par contre, en prothèse amovible, les procédures « classiques » préexistent sans modification majeure depuis plus de cinquante ans, avec de nombreuses sources d'erreurs possibles [3-5]. Désormais, l'utilisation des technologies numériques semble une source d'évolution et certains laboratoires de prothèse se sont équipés de scanners et de logiciels de conception assistée par ordinateur (CAO) spécifiques à la prothèse amovible partielle (PAP). Les châssis peuvent désormais être conçus avec ces procédés puis usinés ou réalisés par imprimerie [6]. Les fichiers qui permettent au laboratoire de modéliser les armatures sont le plus souvent issus de scans de modèles en plâtre provenant d'une empreinte conventionnelle mais les scanners de laboratoire de technologies les plus récentes permettent de numériser directement les empreintes. De manière novatrice, pour des édentements, essentiellement encastrés et de petites dimensions, les empreintes optiques peuvent être directement réalisées en bouche et envoyées au prothésiste via un portail sur le web. L'ensemble de ces techniques innovantes peuvent faciliter l'intégration fonctionnelle et esthétique en prothèse amovible, souvent difficile [7]. D'autre part, dans certaines situations où il est impossible de réaliser une réhabilitation fixée à support implantaire, la pose d'un nombre réduit d'implants permet d'améliorer les résultats des traitements amovibles sur le plan esthétique et biomécanique [8]. Ainsi, la prothèse amovible partielle stabilisée sur implants est une procédure intéressante, en particulier pour les édentements distaux en extension, pour lesquels la stabilité est difficile à obtenir [9]. En effet, la présence des implants semblerait réduire les tensions sur les dents piliers, en particulier celles bordant l'édentement [10], et améliorer le degré de satisfaction [11]. Ceci est accentué si l'esthétique doit être optimisé en diminuant les moyens de rétention et en supprimant les crochets antérieurs inesthétiques [12, 13].

Consécutivement, la conjonction de l'implantologie et du numérique pourrait permettre l'amélioration des procédures et résultats en PAP. À ce titre, par la présentation d'un cas clinique, cet article a pour objectif de montrer l'apport des nouvelles technologies numériques lors de réhabilitations prothétiques amovibles partielles avec présence d'implants.

Cas clinique

Par cet exemple clinique, il est proposé de montrer la procédure de réalisation d'un châssis métallique issus d'une empreinte optique réalisée avec le système 3Shape TRIOS®. Un complément de rétention et de stabilité est apporté par l'utilisation d'attachements sur implants. Ces attachements seront usinés et solidaires du châssis métallique.

Présentation du système d'empreinte optique utilisé

Le Système 3Shape TRIOS® se compose d'un scanner intra-oral qui permet des prises d'empreinte en couleur, sans nécessité de poudrage systématique et qui intègre un logiciel de conception qui permet soit de réaliser la CAO ou CFAO au fauteuil, soit d'envoyer l'information via une plateforme spécifique. Les prothésistes disposent quant à eux de plusieurs interfaces leur permettant d'exécuter les commandes des cabinets dentaires.

Logiciel adapté pour la prothèse amovible partielle

À ce jour, il n'existe pas de logiciel intégré dans la 3Shape TRIOS® dédié à la réalisation de châssis métallique. À cet effet, il est nécessaire de sélectionner « modèle » dans le choix thérapeutique et de transférer au laboratoire de prothèse l'empreinte optique via la plateforme 3Shape Communicate. Il est alors possible d'utiliser un logiciel spécifique à la PAP : les limites du châssis sont tracées, suivies des différents éléments le constituant (crochets, appuis occlusaux, selles, attachements). À noter que l'outil « axe d'insertion 3D » facilite cette réalisation. Plusieurs sociétés proposent un logiciel dédié à la PAP, mais le cas clinique ici présenté est réalisé avec le logiciel 3Shape Laboratoire combiné dans un second temps avec un autre logiciel pour relier « la femelle numérique » de l'attachement. C'est au sein du laboratoire que va s'effectuer l'impression du modèle physique en polyamide par une imprimante 3D, et le châssis sera réalisé par une machine de micro-fusion laser.

Procédure clinique

Monsieur X est reçu en consultation pour une réhabilitation complète de sa cavité buccale. Ce patient présente une arcade maxillaire dentée et mandibulaire édenté (Classe I de Kennedy). À l'examen clinique et radiologique, l'état des dents résiduelles ne nécessite pas de soins pré-prothétique particulier. Pour des raisons économiques, le projet prothétique s'est orienté vers une PAP mandibulaire avec pose de deux mini-implants (OBI _ETK) (fig. 1).

En raison d'un réflexe nauséeux et d'une faible ouverture buccale rendant l'empreinte classique difficile, le choix de réalisation d'une empreinte optique a été retenu. Les parties dentées maxillaire et mandibulaire sont enregistrées aisément mais l'empreinte du secteur édenté demande une certaine dextérité et expérience (fig. 2). Cependant, après une dizaine de minutes, le modèle virtuel global maxillo-mandibulaire est obtenu en occlusion (fig. 3).

Après transmission au laboratoire (Digital-LABS) via la plateforme 3Shape Communicate, la CAO peut débuter. L'image 3D obtenue est importée dans un logiciel de modélisation (3Shape Dental System™, version 2.9.9.3). Les différentes étapes de CAO conduisent à l'obtention d'une maquette numérique (virtuelle) du futur châssis souhaité (fig. 4). À cet effet, comme pour une méthode « classique », l'axe d'insertion est choisi en mettant en évidence les zones de contre-dépouille et en délimitant les surfaces d'espacement en ajustant de la cire virtuelle de dépouille. Ces étapes sont largement facilitées par les outils du logiciel.

Par la suite, les différents éléments constitutifs du châssis sont positionnés un à un. Un espace est laissé volontairement vacant au niveau des implants. La troisième étape vise à connecter numériquement la partie femelle de l'OBI sur le châssis virtuel (fig. 5). Une fois la maquette numérique du châssis obtenue, elle est envoyée pour être traitée par le logiciel de fabrication assistée par ordinateur (FAO). La production par FAO de PAP à châssis métallique fait appel à deux procédés différents : fabrication par soustraction (usinage) ou la fabrication par addition (stéréo-lithographie, impression 3D, frittage et fusion laser). Pour ce cas, le matériau est déposé ou solidifié couche par couche, grâce à la technique par fusion laser (SLM) d'une poudre métallique de chrome-cobalt (ProX DMP 200, 3DSytem), le châssis est ainsi réalisé.

En parallèle, par impression à l'aide d'une imprimante 3D (P110, Formiga, EOS), le modèle physique en polyamide est obtenu. Il est placé sur le modèle virtuel pour réalisation des selles ultérieurement (fig. 6). Après essayage (fig. 7) et l'empreinte sectorielle de correction réalisée, les dents prothétiques sont placées et les selles résines polymérisées selon les techniques conventionnelles (fig. 8).

La connexion avec les implants nécessite seulement l'ajout des caoutchoucs de rétention à l'intérieur de la partie femelle. La prothèse amovible partielle peut alors être insérée en bouche (fig. 9).

Discussion

Cette technique utilisant une empreinte optique intra-buccale pour obtenir le modèle virtuel de travail est actuellement peu décrite dans la littérature. C'est une nouvelle perspective de travail qui tend à se développer lorsque les conditions cliniques le permettent. En effet, pour l'instant, l'empreinte optique ne permet pas de réaliser une empreinte anatomo-fonctionnelle enregistrant la dualité tissulaire. Cette technique sera donc réservée à des édentements de faible étendue pour lesquels une empreinte anatomique est suffisante ou pour lesquels une empreinte secondaire sera réalisée dans un second temps, comme ici présentée. Des études cliniques doivent confirmer cette approche mais les premiers cas cliniques comme celui présenté ci-dessus laissent présager des résultats prometteurs pour l'avenir.

Le choix de la prise d'empreinte optique est guidé par plusieurs arguments cliniques et techniques. De manière générale, les empreintes classiques font partie des actes les plus anxiogènes [9] qui peuvent perturber l'équilibre cardio-vasculaire, en particulier chez les sujets âgés [10]. De plus, chez les patients fragiles ou présentant un reflex nauséeux accru, la prise d'empreinte nécessite parfais une prise en charge spécifique voire par sédation [11].

D'un point de vue technique, la réalisation d'une PAP classique est souvent source d'erreurs que soit du côté praticien ou prothésiste [3-5] Ainsi, l'empreinte optique et la chaîne numérique permettent de diminuer le risque d'erreur et de proposer des séances cliniques plus agréables pour le patient.

La production par CFAO de PAP à châssis métallique fait appel à deux procédés différents : fabrication par soustraction (usinage) ou fabrication par addition (stéréo-lithographie, impression 3D, frittage et fusion laser). Les techniques par soustraction utilisent des machines-outils à 4-5 axes qui enlèvent de la matière par meulage ou coupe. Un des procédés consiste à usiner un châssis métallique. Un autre procédé consiste à usiner des châssis en matériaux calcinables qui seront par la suite coulés par technique conventionnelle (fonderie) pour obtenir des châssis métalliques en Cr-Co (Chrome-Cobalt). Ce procédé permet de gagner en précision d'exécution et en temps de travail mais une étape de fonderie avec coulée du châssis métallique reste indispensable. Ces techniques par soustraction sont parfaitement adaptées à la prothèse fixée. Mais pour des raisons de temps d'usinage, de complexité de forme des châssis, de coût des matériaux et d'usure du matériel, elles sont plus difficilement mises en œuvre pour la production d'un châssis de PAP.

L'alternative de fabrication utilise des techniques par addition [12], qui semblent plus adaptées à la production de châssis métalliques. La fabrication additive consiste à mettre en forme un objet par ajout de matière. Le matériau est déposé ou solidifié couche par couche. La fusion des différentes couches entre elles permet de former un volume en 3D. La technique de frittage laser et de fusion laser consiste à transformer de la poudre métallique en pièce solide en la fusionnant localement grâce à un faisceau laser. Parmi ces techniques disponibles, seules celles du frittage laser de poudre (SLS, Selective Laser Sintering) ou de la fusion laser (SLM, Selective Laser Melting) permettent d'obtenir directement le châssis métallique sans passer par une coulée traditionnelle [13-15].

La réalisation d'un châssis métallique par CFAO commence à être un peu décrite dans la littérature [16-17] mais l'intégration simultanée de la partie rigide de la partie femelle de l'attachement est très novatrice. La connexion « conventionnelle » d'une structure amovible sur un attachement est toujours difficile et peut être source d'erreur [3-5]. En utilisant cette procédure numérique, cette étape est simplifiée car elle nécessite simplement d'insérer le caoutchouc de fixation au sein de la partie femelle de l'attachement qui est intégré au châssis. Ce cas « d'école » laisse présager une évolution dans la réalisation des prothèses amovibles implanto-retenues.

Remerciements

La technologie mise en œuvre pour cet article a été acquise grâce aux financements du FEDER (Fond Européen de développement régional) et du CHU de Clermont-Ferrand.

Bibliographie

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Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Cindy BATISSE - AHU, Université Clermont Auvergne, CHU Clermont-Ferrand, Service d'Odontologie

Guillaume BONNET - AHU, Université Clermont Auvergne, CHU Clermont-Ferrand, Service d'Odontologie

Pascal BONGERT - prothésiste dentaire, 3DRPD Europe, Digital-LABS

Yannick GOURRIER - prothésiste dentaire, 3DRPD Europe, Digital-LABS

Marion BESSADET - MCU-PH Université Clermont Auvergne, CHU Clermont-Ferrand, Service d'Odontologie

Jean-Luc VEYRUNE - PU-PH Université Clermont Auvergne, CHU Clermont-Ferrand, Service d'Odontologie

Emmanuel NICOLAS - PU-PH Université Clermont Auvergne, CHU Clermont-Ferrand, Service d'Odontologie