Du côté des internes
M. DUPHIL J. PATRON F. ROUZE L'ALZIT
Face à un édentement partiel, la prothèse amovible est une solution thérapeutique qui se doit de respecter les cinq critères fondamentaux décrits par Schittly [1] :
– le respect de l'équilibre tissulaire ;
– la maîtrise de la phase transitoire ;
– la maîtrise des empreintes ;
– la maîtrise de l'occlusion ;
– une conception prothétique adaptée à chaque cas clinique.
L'empreinte, dont sera issu le...
Présentation
La prothèse amovible partielle à châssis métallique coulé reste une thérapeutique d'actualité qui, associée ou non à l'implantologie, permet de rendre à de nombreux patients un confort esthétique et fonctionnel. Parmi les clés de la réussite du traitement, le choix de la technique et du matériau d'empreinte, adapté à la fois aux conditions cliniques et aux particularités du type d'édentement, est déterminant. Une empreinte inadaptée peut mettre en péril toute la suite de la réalisation prothétique, que ce soit au laboratoire ou au cabinet, en gardant à l'esprit que l'utilisation d'un matériau ou d'une technique non pertinents entraîne des défauts le plus souvent invisibles à l'œil nu.
Cet article a donc pour objet de synthétiser les indications, avantages et inconvénients des différents matériaux existants sur le marché et des techniques d'empreinte (secondaire ou de correction) à la disposition du praticien. Les empreintes optiques et leur utilisation en CFAO seront également évoquées comme une ouverture vers un futur peut-être proche.
Mots-clés
Prothèse amovible partielle, empreinte anatomofonctionnelle, matériaux
Face à un édentement partiel, la prothèse amovible est une solution thérapeutique qui se doit de respecter les cinq critères fondamentaux décrits par Schittly [1] :
– le respect de l'équilibre tissulaire ;
– la maîtrise de la phase transitoire ;
– la maîtrise des empreintes ;
– la maîtrise de l'occlusion ;
– une conception prothétique adaptée à chaque cas clinique.
L'empreinte, dont sera issu le modèle de travail du technicien de laboratoire, est donc une étape clé pour la bonne intégration fonctionnelle de la prothèse. Sa complexité réside dans la difficulté d'enregistrer dans une même empreinte à la fois des tissus aux comportement très différents d'un point de vue dépressibilité – à savoir les tissus durs (les dents restantes) et les tissus mous (muqueuses) – mais aussi le jeu de la musculature périphérique en rapport avec les éléments prothétiques. Cet enregistrement multiple se fait grâce à une empreinte dite anatomo-fonctionnelle, dont la dénomination résume bien les objectifs de l'empreinte.
La prise en charge d'un cas d'édentement traité par prothèse amovible à châssis coulé passe par la réalisation d'un modèle primaire réalisé classiquement avec un porte-empreinte du commerce et un hydrocolloïde réversible (alginate). Celui-ci permettra l'analyse pré-prothétique et, dans la plupart des cas, la réalisation d'un porte-empreinte individuel nécessaire à l'empreinte anatomo-fonctionnelle. Il sera préalablement réglé et adapté afin d'éviter les surextensions et les zones de compression. À ce stade, le choix de la technique et du matériau d'empreinte adapté à la situation clinique doit être fait et guidera le réglage du PEI.
L'objectif principal est d'enregistrer les différentes surfaces d'appui de la prothèse, à savoir les dents et les surfaces ostéo-muqueuses. L'objectif secondaire, mais indispensable à la bonne intégration de la prothèse, est l'enregistrement des organes périphériques pouvant venir perturber l'équilibre prothétique lors de la fonction. La difficulté de cette empreinte réside dans la différence de dépressibilité entre les tissus en présence (dans un rapport de 1 à 10 parfois), qui doit être prise en compte pour assurer une répartition harmonieuse des charges occlusales futures. Cette empreinte anatomo-fonctionnelle (ou physiologique) doit également enregistrer le jeu des organes périphériques afin d'adapter au mieux les selles prothétiques à l'enveloppe fonctionnelle de la musculature environnante et assurer la stimulation du périoste sur les bords prothétiques [2].
Si tous les matériaux élastiques ont une indication pour les empreintes en prothèse amovible partielle, seule la pâte oxyde de zinc-eugénol, parmi les non élastiques, est utilisée pour la reproduction des surfaces muqueuses.
Les propriétés demandées au matériau idéal sont :
– compatibilité avec les tissus buccaux ;
– stabilité dimensionnelle ;
– fidélité ;
– mouillabilité ;
– hydrophilie ;
– élasticité ou résistance au déchirement permettant le démoulage de l'empreinte sans déformation malgré les contre-dépouilles ;
– temps de travail suffisant pour l'enregistrement des bords prothétiques ;
– existant en plusieurs viscosités ;
– simplicité d'emploi.
Les différentes propriétés sont parfois interdépendantes : par exemple la fidélité est influencée par la mouillabilité et l'hydrophilie. De plus, le matériau doit pouvoir être utilisé sous plusieurs épaisseurs avec les mêmes qualités : les empreintes anatomo-fonctionnelles sont réalisées avec un porte-empreinte individuel espacé au niveau des dents restantes et plus ou moins ajusté au niveau des crêtes édentées ; le matériau doit donc résister à la déformation lors du retrait de l'empreinte malgré une épaisseur réduite.
Ce matériau permet uniquement la réalisation d'empreintes anatomiques car son temps de prise est trop rapide pour un enregistrement fonctionnel. De plus, il nécessite une coulée dans le quart d'heure qui suit, faute de quoi il y a des risques importants de variation dimensionnelle. Enfin, il peut être peu précis dans la définition des tissus muqueux en regard des zones d'édentement.
Il sera donc indiqué dans les cas où un enregistrement des structures périphériques en fonction n'est pas indispensable à l'équilibre prothétique (édentements encastrés de petite à moyenne étendue).
Ces matériaux très élastiques de type élastomère ont l'avantage d'être précis, fidèles en permettant une reproduction fine des détails et, du fait de leur réaction de prise lente (temps de travail 2 à 3 min, temps de prise 8 à 10 min), laissent du temps au praticien pour réaliser tests de Herbst et enregistrement de la musculature et des organes périphériques.
Leurs inconvénients sont l'hydrophobie et une faible stabilité dimensionnelle qui demande une coulée rapide de l'empreinte (8 h selon les données fabricant). L'odeur, le goût et le temps de prise assez long demandent une bonne coopération du patient. À noter que la spatulation des polysulfures est manuelle et donc que l'homogénéisation reste approximative. C'est un matériau indiqué davantage pour le travail à 4 mains.
Le Permlastic® de Kerr™, par exemple, existe en 3 viscosités (heavy, regular, light), permettant plusieurs types d'empreintes, comme nous le verrons plus loin.
Ce matériau élastique présente une forte thixotropie et a une bonne reproduction des détails. Sa préparation par auto-mélangeur le rend facile d'utilisation et son temps de travail laisse le temps des manipulations (Impregum® ou Permadyne® de 3M™ ESPE™ par exemple).
Il possède une hydrophilie relative qui le rend contre-indiqué en présence d'une hypersalivation.
L'inconvénient majeur est sa rigidité et l'analyse en amont des contre-dépouilles importantes est un préalable indispensable. Si anfractuosités il y a, elles doivent être comblées.
Ce matériau se présente lui aussi sous différentes viscosités. Le light peut être appliqué directement en bouche sur les crêtes, les dents (fraisage) tandis que le regular sera appliqué dans le PEI.
Il en existe 2 familles : les silicones par addition ou ceux par condensation, ces derniers n'étant plus utilisés pour des empreintes de précision du fait de leurs médiocres propriétés. Leurs principaux atouts sont la finesse de reproduction avec une excellente recouvrance élastique, leur utilisation aisée grâce aux auto-mélangeurs, le temps de prise modéré (parfois un peu court pour un enregistrement de la musculature périphérique difficile). Ces matériaux existent également en plusieurs viscosités.
Si leur comportement est acceptable en milieu humide, ils sont à proscrire en cas d'hypersalivation.
Proposés récemment en remplacement de l'alginate, ils trouvent leur indication pour les empreintes primaires et anatomiques, avec les avantages des silicones sans certaines contraintes de l'alginate (coulée immédiate, risque de déchirement) (fig. 2).
Cette pâte à empreinte permet de mouler très précisément les tissus fibro-muqueux grâce à ses propriétés de mouillabilité, dues au caractère hydrophile de l'eugénol. Cette hydrophilie autorise son emploi dans des cas d'hypersalivation, notamment à la mandibule où les autres matériaux sont perturbés par l'excès de salive. A contrario, elle est à proscrire dans les cas d'hyposialie, l'eugénol pouvant entraîner des picotements ou des brûlures. Son temps de travail (2 à 2 min 30) et de prise (4 à 5 min) est suffisant pour un enregistrement fonctionnel. Ses propriétés en font un matériau très utilisé en prothèse amovible complète et qui trouve son indication également en prothèse amovible partielle. Inconvénients : la spatulation n'est que manuelle, mais la différence de couleur marquée entre base et catalyseur permet de bien visualiser l'homogénéité du mélange. Par ailleurs, c'est un matériau totalement rigide, ce qui le rend contre-indiqué dans les cas de contre-dépouilles marquées (tableau 1).
Ils reposent sur l'analyse clinique de l'arcade à restaurer et sur des paramètres opérateur-dépendants.
– particularités du patient : état général et antécédents médicaux peuvent influer sur le choix du matériau de même que l'existence d'un fort réflexe nauséeux ;
– quantité et qualité de la salive ;
– travail à 2 ou 4 mains.
– le maxillaire concerné ;
– la classe d'édentement ;
– l'étendue de l'édentement qui déterminera le caractère plutôt dento ou muco-supporté de la future prothèse ;
– la présence de contre-dépouilles sévères ;
– l'importance de la dépressibilité tissulaire ;
– la présence de prothèse fixée et d'attachements associés à la prothèse amovible (tableau 2).
La dénomination des différentes techniques d'empreintes en prothèse amovible partielle à châssis métallique est assez variable dans la littérature, induisant parfois une certaine confusion dans l'esprit du lecteur. La présentation des techniques dans cet article est couramment retrouvée mais n'a pas la prétention d'être exhaustive d'un point de vue terminologique.
Les empreintes primaires et/ou préliminaires, nécessaires à l'analyse pré-prothétique, à l'analyse occlusale si besoin, ainsi qu'à la réalisation du porte-empreinte individuel, ne seront pas détaillées ici car réalisées avec un porte-empreinte du commerce et de l'alginate. Elles ne rentrent pas dans le cadre strict des empreintes dites secondaires, de même que l'empreinte ambulatoire qui consiste en un glaçage de surface des selles prothétiques, après mise en condition tissulaire à l'aide d'un matériau à prise retardée (type Viscogel® de Dentsply™, Fitt® de Kerr™, Hydrocast® de Sultan-Healthcare™...), après réalisation conventionnelle de la prothèse.
De l'empreinte secondaire sera issu le modèle de travail servant à la confection de la prothèse par le laboratoire : cette empreinte peut être globale, composée ou dissociée (ou empreinte de correction). Le choix de la technique d'empreinte et du matériau dépendra des critères précédemment cités. Le point commun est l'utilisation systématique d'un porte-empreinte individuel (PEI), adapté aux caractéristiques anatomiques du patient, permettant d'enregistrer précisément le jeu des structures périphériques : pour cela, il doit être adapté et marginé en regard des zones édentées et des insertions freinales et musculaires.
Elle permet d'enregistrer en un seul temps tous les éléments de l'arcade, dento-parodontaux et ostéo-muqueux.
– Empreinte globale 1 temps, 1 matériau, 1 viscosité : le matériau est placé dans le PEI après mise en place de l'adhésif approprié, et l'empreinte est réalisée en 1 temps.
– Empreinte globale 1 temps, 1 matériau, 2 viscosités (fig. 3 à 8) : le matériau de moyenne viscosité (de type regular) est placé dans le PEI alors que le matériau de basse viscosité (light) est injecté au niveau des faces occlusales et des fraisages.
Ce type d'empreinte est choisi dans les cas de classe 1 et 2 de petite étendue, dans les cas de classe 3 et 4 et dans les cas de prothèse composite lorsque les éléments de prothèse fixée sont emportés dans l'empreinte.
Elle consiste à enregistrer les appuis dentaires et les appuis muqueux en 2 temps cliniques successifs de façon à saisir avec précision le comportement visco-élastique du revêtement fibro-muqueux. Elle est indiquée dans les cas de classe 1, 2 et 4 maxillaire avec prédominance d'un appui muco-osseux.
– Dans un premier temps, après réglage dynamique du PEI, une empreinte de stabilisation du PEI au niveau des zones édentées est réalisée à l'aide d'une pâte oxyde de zinc eugénol ou d'un élastomère de moyenne viscosité. Les tests dynamiques sont réalisés par le patient durant le temps de prise.
– Dans un second temps, une empreinte globale de toutes les surfaces, 1 matériau, 2 viscosités est réalisée. Le matériau de moyenne viscosité est disposé au niveau des dents et celui de basse viscosité vient recouvrir le matériau de stabilisation.
Proposée par Applegate et MacCraken, elle est réservée exclusivement aux cas de classe 1 et 2 muco-supportée mandibulaire.
Elle utilise un châssis préalablement réalisé sur un modèle issu d'une empreinte anatomique à l'alginate, châssis muni de selles porte-empreintes pour enregistrer les surfaces muqueuses dans les conditions cliniques les plus proches de la réalité. Après empreinte sous pression occlusale ou digitale des crêtes édentées, soit le châssis est désinséré et repositionné sur le modèle de travail initial fractionné au niveau des selles, soit une sur-empreinte est faite pour la coulée d'un nouveau modèle de travail sur lequel sera finalisée la prothèse. Le choix entre ces deux dernières possibilités se fait en fonction de la présence ou non d'une prémolaire bordant l'édentement et autorisant le repositionnement fiable du châssis sur le modèle fractionné.
Son utilisation a fait ses preuves en prothèse fixée mais elle reste peu courante en prothèse amovible. Elle permet de s'affranchir des différents aléas de la prise d'empreinte secondaire physico-chimique (homogénéité du mélange, hydrophobie, compression inégale, décollement partiel du PEI...), mais elle peut être faussée par les fluides buccaux et, si elle peut être anatomique, elle ne peut enregistrer ni la dépressibilité des tissus mous, ni le jeu musculaire.
– En cela, son indication reste limitée aux édentements de petite étendue, totalement dento-supportés, où il est possible de s'affranchir de ces enregistrements.
– C'est un apport intéressant pour l'empreinte de correction : elle permet d'obtenir un modèle numérique à partir duquel un châssis avec des selles porte-empreintes est réalisé par fusion laser, ce qui garantit un ajustage optimal au niveau des zones édentées, limitant les risques de compression.
Nous proposons donc de regrouper dans un arbre décisionnel les indications des différentes techniques d'empreinte en fonction du maxillaire concerné et du type d'édentement (fig. 9 et 10).
L'empreinte optique n'étant pas indiquée à ce jour pour la plupart des édentements, l'empreinte secondaire physico-chimique reste d'actualité et impose au praticien de maîtriser les caractéristiques des différents matériaux afin d'adapter au mieux la technique d'empreinte aux facteurs cliniques. L'analyse de ces derniers est un facteur primordial pour ce choix et la qualité de l'empreinte conventionnelle est un des facteurs déterminants de l'équilibre bucco-prothétique de la future restauration.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Magali DUPHIL
Docteur en chirurgie dentaire, attachée universitaire
Faculté d'odontologie, Bordeaux
Johanna PATRON
Docteur en chirurgie dentaire, attachée universitaire
Faculté d'odontologie, Bordeaux
François ROUZE L'ALZIT
Docteur en chirurgie dentaire, assistant hospitalo-universitaire
Faculté d'odontologie, Bordeaux