Editorial
Rédacteur en chef
Si, comme l'a dit Voltaire, « l'homme est né pour vivre dans les convulsions de l'inquiétude », les chirurgiens-dentistes le vérifient fort bien depuis deux ans face aux rebondissements multiples liés à l'application des volontés gouvernementales sur leur profession. Face à ces mesures inédites et coercitives qui divisent, ils s'inquiètent légitimement pour leur métier, pour leurs patients et pour leur avenir. Exprimées de longue date, ces mesures sont inscrites dans...
Si, comme l'a dit Voltaire, « l'homme est né pour vivre dans les convulsions de l'inquiétude », les chirurgiens-dentistes le vérifient fort bien depuis deux ans face aux rebondissements multiples liés à l'application des volontés gouvernementales sur leur profession. Face à ces mesures inédites et coercitives qui divisent, ils s'inquiètent légitimement pour leur métier, pour leurs patients et pour leur avenir. Exprimées de longue date, ces mesures sont inscrites dans la Stratégie nationale de santé 2018-2022 qui constitue, de facto, le cadre de la politique de santé en France en visant à « la réduction de l'ensemble des inégalités en matière de santé, et notamment les inégalités sociales et territoriales de santé » qui restent à des niveaux élevés dans notre pays selon une étude de 2017 de la DREES. La concrétisation de ces longues discussions vient de trouver son apogée par la quasi signature de la nouvelle convention par deux des trois syndicats de chirurgiens-dentistes. À côté d'une revalorisation de certains soins conservateurs et de la création de nouveaux actes de prévention, la mesure inédite est le plafonnement de la majorité des actes de soins prothétiques pour 2020-2021. Selon le Directeur de l'Assurance maladie, il n'y aurait pas d'augmentation des tarifs des assurances complémentaires mais cette réforme demanderait à ces dernières un investissement de 500 millions d'euros... Ainsi, convient-il d'afficher une tranquille assurance en se délectant goulûment de cet accord ? Qui peut honnêtement dire ce que sera l'avenir ? Quels seront réellement les surcoûts des assurances complémentaires pour les familles ? Basculons-nous dans le low cost et ses conséquences déjà connues ? La déresponsabilisation venant du « tout gratuit » conduira-t-elle à une dérégulation totale et à des dérapages des frais pour l'Assurance maladie ? À côté de ces questions légitimes demeurent les paradoxes désarmants de l'inadéquation entre les données acquises de la science et leur inapplication à grande échelle sur le terrain comme les universitaires l'ont récemment souligné. À quoi serviront les conclusions des recherches cliniques promouvant scientifiquement et sans contestation telle ou telle thérapeutique si elle devient inapplicable ? Que fera-t-on des bonnes pratiques élaborées par les groupes d'experts de la Haute Autorité de la Santé ? Acceptons-nous que ce soit notre pratique clinique qui doive s'adapter aux nouvelles règles et au secteur de la santé gratuite ? Déjà savamment orchestrée par les entreprises de déstabilisation, la profession se trouve de plus en plus écornée jusqu'à perdre ses lettres de noblesse. Et il n'est pas sûr que les patients seront gagnants. Car tout ce qui est gratuit n'a plus de valeur.