Les cahiers de prothèse n° 182 du 01/06/2018

 

Prothèse amovible complète

P. LE BARS   A. A. KOUADIO   L. MERDES  

Un guide international du montage des dents en prothèse amovible complète concernera potentiellement 158 millions d'édentés totaux en 2030 [1, 2]. La réhabilitation prothétique de ces patients passe par le respect de certaines règles en relation avec les praxies (phonation, mastication, déglutition) mais aussi en rapport avec des singularités squelettiques et morphologiques propres à...


Résumé

Résumé

La réalisation d'un guide international pour le montage des dents en prothèse amovible se justifie pour faire face aux déplacements croissants de la population mondiale. Les praticiens peuvent être confrontés à des patients totalement édentés présentant des particularités spécifiques en relation avec leur anatomie mais aussi avec leur origine ethnique. Les normes communément admises pour les Caucasiens peuvent présenter des fluctuations lorsque des patients d'autres groupes sont traités. Cet article illustré présente une étude de la littérature internationale permettant de préciser les repères cutanés et osseux pouvant influencer la réalisation d'une restauration prothétique amovible. Différentes approches de la situation du plan d'occlusion et de la dimension verticale sont présentées pour déterminer le rapport mandibulo-maxillaire. Enfin, cet article détaille diffèrents paramètres en relation avec l'origine du patient pour le choix et le montage des dents.

Un guide international du montage des dents en prothèse amovible complète concernera potentiellement 158 millions d'édentés totaux en 2030 [1, 2]. La réhabilitation prothétique de ces patients passe par le respect de certaines règles en relation avec les praxies (phonation, mastication, déglutition) mais aussi en rapport avec des singularités squelettiques et morphologiques propres à chaque individu.

Ces particularités constituent un éventail anatomique et culturel nécessitant des adaptations et une créativité concernant aussi bien le résultat fonctionnel qu'esthétique. D'un point de vue typologique, la classification des individus selon des critères anthropométriques, médicaux ou psychologiques n'est scientifiquement pas reconnue, aucune normalisation n'ayant de valeur scientifique reconnue car les progrès de la génétique imposent parallèlement de rejeter toute tentative de catégorisation raciale (voir Glossaire). Ainsi, face à ces données multiples, n'est-il pas temps de sortir du champ esthétique classique et conventionnel pour s'ouvrir à celui qui reflète plus précisément la réalité de cette diversité ? En effet, au sein de nos sociétés hétérogènes, des spécificités ethniques existent. Les connaître et les explorer permet de pouvoir répondre plus précisément aux attentes réelles et légitimes des patients, notamment d'adapter les prothèses esthétiquement tout en respectant les fonctions dévolues à l'appareil manducateur.

Les informations concernant la population mondiale recouvrent des particularités physiologiques et anatomiques qui reposent sur des études épidémiologiques [3] (voir Éclairage). La normalisation des règles du montage des dents appliquée notamment en Europe repose essentiellement sur l'ethnie caucasienne (par exemple, technique Bio-functional Prosthetic System BPS, Ivoclar Vivadent AG Schaan, Liechtenstein). Elle résulte d'un consensus établi entre les fabricants et les professionnels et vise à spécifier, unifier et simplifier la confection des prothèses. Toutefois, l'existence de différences entre les individus issus de différents continents et différentes communautés permet de dégager certaines règles (voir Glossaire), avec des caractéristiques représentatives. Une revue de la littérature illustrée nous permet d'approcher les fluctuations des normes communément admises et cet article propose d'appréhender les particularités ethniques pouvant influencer la réalisation d'une prothèse amovible. En premier lieu, l'analyse céphalométrique montre l'éventail des singularités humaines.

Glossaire (Larousse 2018)

Anthropologie : étude de la dimension sociale de l'homme. L'anthropologie physique étudie les caractéristiques morphologiques des populations humaines.

Espèce : ensemble d'individus animaux ou végétaux semblables par leur aspect, leur habitat, féconds entre eux mais ordinairement stériles avec tout individu d'une autre espèce : les espèces animales et végétales.

Ethnie : société humaine réputée homogène, fondée sur la conviction de partager une même origine et sur une communauté effective de langue et de culture.

Ethnocentrisme : tendance à considérer sa propre culture comme la norme de toutes les autres.

Groupe : ensemble distinct de choses ou d'êtres de même nature réunis dans un même endroit. En biologie, la notion de groupe est indépendante des divisions traditionnelles de la classification, telles que l'embranchement, la classe ou la famille.

Race : cette notion est à réserver aux seules espèces animales en tant qu'équivalent de la notion de variété botanique. Au XIXe siècle, une tentative de classification de la diversité humaine fondée sur les critères les plus immédiatement apparents (couleur de peau) a été mise en place. Aujourd'hui, les progrès de la génétique conduisent à rejeter toute tentative de classification raciale chez les êtres humains.

Type : ensemble de traits caractéristiques d'un groupe, d'une famille de choses : avoir le type méditerranéen.

Typologie : classification des individus humains selon des critères morphologiques médicaux ou psychologiques.

ÉCLAIRAGE

Évolution et adaptation de la lignée humaine dans son environnement naturel

Des fossiles remontant à 6-7 millions d'années témoignent de l'existence d'une lignée humaine (hominidés) qui trouve son origine chez les primates arboricoles vivant en Afrique. Il y a 1,8 million d'années, une partie de cette lignée (Homo ergaster) étend son domaine en Asie (devenant Homo erectus) et ensuite en Europe. Ces trois berceaux ont évolué concomitamment à un brassage qui s'accélère jusqu'à nos jours. Il parait intéressant de connaître les spécificités anatomiques de ces trois appartenances tout en tenant compte des particularités (différentes influences) ethniques chez un même individu.

Pour autant, l'apparente diversité humaine n'est qu'apparente. Aux yeux de la science, du point de vue génétique, l'homme actuel est l'espèce de primates la plus homogène. Ainsi, les différences entre deux « races » humaines sont à peine décelables par un examen génétique approfondi.

Des adaptations superficielles en fonction du milieu sont apparues au fil du temps et elles peuvent influencer le rapport mandibulo-maxillaire, le choix des dents prothétiques et des fausses gencives. Celles-ci faisant partie des caractéristiques visibles, comme la pigmentation de la peau, la texture des cheveux, la forme du nez ou la taille corporelle, elles jouent un rôle prépondérant dans la communication « instinctive » chez les humains. D'autant plus que celle-ci est accentuée par des différences culturelles. Il n'y a, par exemple, que 4 groupes dans la classification humaine squelettique d'Angles (Classe I, Classe II1, Classe II2, Classe III) et on retrouve ces groupes au sein de toutes les populations : seule la proportion de chaque groupe varie d'une population à une autre.

La morphologie crânienne concerne la taille, la longueur, la largeur de la tête et l'indice céphalique, ce qui permet de différencier les « brachycéphales » des « dolichocéphales ». Cependant, les déterminismes génétiques de ces particularités sont peu connus. Ces caractéristiques constituent une grande diversité entre les individus mais pas entre les grands groupes classiquement admis (blancs, jaunes, noirs) [4].

La population mondiale a atteint, en 2016, 7,4 milliards d'habitants. Chaque année, elle augmente de 80 millions d'individus. À elle seule, l'Asie concentre plus de la moitié de ces personnes. L'Europe avec la Russie compte à peine 10 % de la population mondiale et la France, en constante décroissance, à peine 0,9 %. (Dictionnaire Larousse 2018).

Spécificités céphalométriques faciales des individus

Une approche fondée sur l'analyse céphalométrique en 3 dimensions de 111 patients, quelle que soit leur origine ethnique, montre de larges variations entre les individus. Celles-ci concernent notamment la position du plan occlusal postérieur (POP) qui positionne les faces occlusales des dents cuspidées, par rapport à la position spatiale de la mandibule au repos, ceci en tenant compte de sa morphologie.

Le POP présente une corrélation significative avec la posture mandibulaire : plus le POP est incliné vers le bas et en avant et plus le patient a tendance à la rétrognathie, ce qui correspond à une posture mandibulaire hyper-divergente. Inversement, plus ce POP est plat, plus le patient a tendance à la prognathie et à une position de la mandibule hypo-divergente [5]. Contrairement à l'ethnie caucasienne pour laquelle le plan de Ricketts constitue une référence pour déterminer la situation postérieure du POP, un échantillon de 100 sujets adultes de type mélanoderme africain porteurs de prothèses complètes bi-maxillaires présente un PO corrélé avec le plan de Francfort [6].

Le profil plus ou moins convexe du visage s'apprécie grâce à la mesure de l'angle facial. Celui-ci est formé par la rencontre de deux lignes au niveau du conduit auditif externe, l'une passant par les incisives maxillaires (point inter-incisif) et l'autre par le point cutané le plus saillant du front. Cet angle présente une large ouverture, reflet des multiples facettes du panel humain (tableaux 1 et 2). Ainsi, cet angle, presque droit chez certains sujets, peut atteindre 100 degrés chez des femmes en classe I d'Angle originaires de la province de Guangdong du sud de la Chine. L'appréciation du profil tient compte du contour des lèvres, de leur jonction avec le nez, du philtrum et de la columelle [7]. Un autre échantillon incluant 83 sujets de la même province de la Chine montre une prépondérance significative entre la base du crâne et la situation de la mandibule en classe III squelettique d'Angle [8]. 

La population caucasienne présente diverses particularités physiques avec une constance dans les variations des résultats épidémiologiques au niveau de la dysharmonie dento-squelettique. Par contre, les populations négroïdes et mongoloïdes sont plus homogènes en ce qui concerne ces anomalies dento-squelettiques. Soulignons que, d'après cette étude, la distance mésio-distale pour le montage des dents cuspidées est plus importante chez les noirs que chez les Caucasiens et qu'elle est intermédiaire chez les Mongols [9].

Repères anatomiques cutanés de la face

Les différences anatomiques et les particularités d'un visage nécessitent de tenir compte des situations au repos et durant les praxies, lors des différents stades de la réhabilitation [10]. Ceci est d'autant plus marqué du fait de la variété de la physionomie humaine (tableau 1). La difficulté réside, notamment en l'absence de documents pré-prothétiques, dans le fait de respecter les contextes fonctionnel et esthétique liés à la prothèse pour favoriser l'intégration. Le praticien dispose de plusieurs repères pour l'aider dans ses choix.

Les lignes ophriaque et/ou bi-pupillaire constituent une aide communément admise pour établir l'orientation du plan d'occlusion antérieur (POA) qui caractérise la position des pointes des canines et des bords incisifs des dents maxillaires. Toutefois, un autre paramètre appelé « largeur du nez » n'est pas aussi normé et la mesure de celui-ci (indice de Lee) permet de situer les pointes des canines du maxillaire verticalement par rapport aux rebords des ailes du nez. Une étude reposant sur 300 sujets dentés d'origine indienne montre que la mesure entre les ailes du nez et la distance entre les canines est statistiquement significative dans les cas des formes carrées ou ovoïdes de la voûte palatine mais n'est pas significative en présence d'une forme triangulaire [11]. Une autre étude portant sur 118 individus chinois ne trouve pas de correspondance entre la largeur du nez et la distance entre les pointes des canines [12].

D'autres particularités anatomiques variables d'une personne à l'autre constituent une aide précieuse pour la mise en place des dents : le soutien cutané, l'anatomie du philtrum, le dessin de la ligne de la jonction des lèvres, le dessin de la limite entre le vermillon des lèvres et la peau (arc de Cupidon), les commissures, les lèvres et les joues (tableau 2).

Le rapport maxillo-mandibulaire relève aussi de plusieurs réglages cliniques essentiels sous la dépendance de repères cutanés permettant de situer la mandibule dans l'espace. Ainsi, le plan d'occlusion est parallèle au plan de Camper et passe par l'angle externe de l'aile du nez et le tragus. Les dimensions verticales d'occlusion et de repos sont mesurées grâce à des repères entre le menton et au niveau du nez [13]. Il existe plusieurs façons de les évaluer et la mise en œuvre de différentes méthodes est préconisée par la plupart des auteurs [14].

L'usage de l'arc facial permet de transférer la position du maxillaire sur articulateur par rapport à des repères anatomiques en localisation approchée : conduits auditifs externes, point sous-orbitaire et appui nasiaque sont les repères cutanés les plus communément utilisés pour mettre en place l'arc facial. Un enregistrement axiographique situe plus précisément l'axe charnière au niveau cutané.

Repères anatomiques osseux au maxillaire et à la mandibule

Les repères anatomiques osseux au maxillaire sont au nombre de quatre

L'épine nasale antérieure, point de repère pour situer le plan de Camper, est en rapport avec les ailes du nez.

Le crochet de l'aile interne de l'apophyse ptérygoïde constitue la zone d'insertion du ligament ptérygo-maxillaire et ne doit pas être recouvert par la plaque base prothétique.

Le trou palatin antérieur, correspondant à la papille palatine rétro-incisive, constitue un repère précieux à la fois pour la situation de la face vestibulaire des incisives centrales mais aussi des canines. À partir de 500 sujets dentés d'origine indienne, une récente classification a répertorié 10 types de papilles d'apparences morphologiques différentes [15]. Une équivalence à cette classification chez le patient édenté est proposée en tenant compte de l'insertion du frein de la lèvre supérieure et de la situation par rapport à la crête (tableau 3). Certaines situations nécessitent des décharges des intrados prothétiques, des dégagements du frein de la lèvre de type échancrure, voire une intervention chirurgicale sur la papille elle-même. Ces particularités anatomiques de la papille peuvent expliquer en partie la variabilité ethnique de la distance entre la papille rétro-incisive et la situation de la face vestibulaire des incisives centrales (fig. 1). Cette mesure varie entre 7 mm et 10 mm [16] (tableau 4). Ce dernier auteur préconise de prendre comme repère de préférence la partie postérieure de la papille ; en effet, celle-ci est la zone la moins susceptible de subir des déplacements des tissus suite aux extractions des dents antérieures [15].

Le dernier repère anatomique osseux au maxillaire est la pyramide zygomato-malaire dont la crête antérieure, perceptible à la palpation, correspond à la localisation de la partie distale de la première molaire maxillaire et répond au point d'entrecroisement des crêtes (cas de classe I d'Angle, classe II division 1 et classe II division 2). Ce point est une zone de stabilité par excellence en prothèse amovible complète.

Les repères anatomiques osseux à la mandibule sont au nombre de trois

Les lignes obliques internes et externes limitent le couloir dentaire dans le sens vestibulo-lingual.

Les trigones rétro-molaires permettent, dans le plan sagittal, de définir la position postérieure du plan d'occlusion mandibulaire (à leur tiers supérieur).

Enfin, la position de l'insertion du frein de la langue au niveau des apophyses géni constitue aussi un repère inchangé entre la situation dentée et édentée chez le même patient [19]. À partir de ce repère, la distance mesurée perpendiculairement par rapport au plan d'occlusion constitue une mesure fiable pour reporter le plan mandibulaire d'occlusion préalablement validé entre le patient denté et le patient édenté (fig. 2 et 3).

À partir de cet inventaire, la codification des proportions des maquettes d'occlusion est déterminée puis celles-ci sont confectionnées classiquement ou numériquement. Le recouvrement et l'étendue de la plaque de résine de ces maquettes obéissent aussi à des règles bien précises (fig. 4 à 6).

Le contrôle du gabarit des maquettes d'occlusion ne peut se faire qu'en présence du patient par d'ultimes réglages. Durant cette étape, comme durant celle des empreintes, la priorité est accordée aux praxies et aux mimiques spécifiques et guidées que le patient effectue. Il n'est pas rare d'être amené à modifier la position, la hauteur, la largeur d'un bourrelet de la maquette afin de satisfaire aux soutiens des lèvres, des joues ou au volume de la langue (tableau 5).

De la même manière, la recherche de l'approbation du patient pour valider les positions des dents s'effectue cliniquement grâce à l'articulation de différents phonèmes et en simulant les mouvements de la mandibule lors de la déglutition et de la mastication (tableau 6). Le fondement de ces pratiques repose sur l'expérience du praticien et sur le souci de confectionner des prothèses confortables et satisfaisantes sur les plans esthétique, masticatoire et phonétique [20].

Rapport mandibulo-maxillaire

Localisation de la position de l'axe charnière

Le repère fonctionnel postérieur prépondérant pour une réalisation prothétique de grande étendue est désigné sous l'appellation d'axe charnière. Cet axe passe par le milieu des deux condyles mandibulaires droit et gauche. Il conditionne en partie le mouvement de rotation et de translation de la mandibule. Son transfert sur un articulateur autorise le montage des dents pour leur fonctionnement dans une situation au plus près de la physiologie statique et dynamique. La difficulté réside dans la technique de localisation, d'enregistrement et de transfert qui ne doit pas entraîner d'approximations préjudiciables pour la fiabilité de la réhabilitation occlusale. Les enregistrements des paramètres postérieurs de l'articulation temporo-mandibulaire en relation avec la cinématique mandibulaire peuvent être effectués par différentes techniques : soit approximativement grâce à des cires d'enregistrement intra-buccales, soit à l'aide d'un axiographe mécanique ou, plus précisément, avec un axiographe électronique. Les mesures de la pente condylienne, de l'angle et du mouvement de Bennett sont autant de valeurs qui augmentent la précision des montages.

Recherche de la situation et de l'orientation du plan d'occlusion en statique

La recherche de la position du plan d'occlusion doit tenir compte de l'ethnie du patient [21].

La prudence est recommandée si on souhaite appliquer les normes standards caucasiennes aux autres groupes ethniques. Aussi, afin d'optimiser la recherche de la situation de ce plan chez un patient totalement édenté, l'utilisation de plusieurs méthodes est préconisée par les auteurs par absence d'unanimité sur une seule technique [22]. Parmi les méthodes incontournables et les plus fiables au niveau antérieur pour déterminer le plan d'occlusion figure celle parallélisant la ligne bi-pupillaire et le bord libre des incisives et des pointes canines au maxillaire. Cette méthode, tout en respectant le positionnement de la base des six dents dans le couloir de stabilité prothétique, permet de respecter l'harmonie des lignes horizontales de l'ensemble du visage. Les positions des faces vestibulaires conditionnent le soutien des lèvres et sont disposées avec plus ou moins d'inclinaison pour convenir au repos et durant les différentes praxies (phonation, déglutition, mastication). La position du point inter-incisif découle aussi de ce réglage esthétique et fonctionnel. Les dents doivent être en harmonie avec la typologie du patient et avec la classe d'Angle, au repos lèvres entrouvertes, puis lors de l'établissement progressif et graduel du sourire jusqu'au sourire appuyé (tableau 7).

Dans le plan frontal, quelle que soit l'origine ethnique, les critères esthétiques correspondant aux contingences culturelles et sociétales du moment sont communément acceptés. Mais la situation est différente dans le plan sagittal pour situer le POP parallèle au plan de Camper. Deux repères cutanés permettent de localiser le plan de Camper : l'angle externe de l'aile du nez qui fait l'unanimité, et le tragus, qui soulève des controverses avec différentes localisations (fig. 7 à 10). En effet, certains auteurs prennent le bord supérieur ou le milieu du tragus comme repère postérieur du plan d'occlusion postérieur [23-30]. D'autres auteurs choisissent exclusivement le bord supérieur [31]. Enfin, le centre du tragus a été établi comme point de repère dans certaines études [29, 32-35]. Une approche récente reposant sur 150 sujets dentés indiens révèle que, pour 53,3 % d'entre eux, le plan d'occlusion postérieur passe par le bord inférieur du tragus [36]. Il semble que la disparité de ces différents résultats soit en relation avec l'origine des populations étudiées.

Cependant, une réserve peut être émise : l'absence de fiabilité entre la concordance précise de la situation de l'axe charnière d'un patient denté et celle des patients appareillés avec une prothèse amovible complète. Dans ce cas, les paramètres occlusaux obéissent aux impératifs de l'occlusion bilatéralement équilibrée et ne sont pas forcément superposables avec la cinématique mandibulaire du patient denté.

De même, le plan de Coopermann est une autre méthode de détermination du plan d'occlusion qui passe par des repères anatomiques qui sont les insertions des ligaments ptérygo-maxillaires droit et gauche et la papille. Mais, cette dernière étant morphologiquement variable comme vu précédemment, elle nécessite une adaptation et un report en bouche afin de satisfaire aux exigences fonctionnelles.

Enfin, le plan d'occlusion peut aussi être déterminé grâce à une analyse céphalométrique personnalisée ou à différentes techniques d'enregistrement particulières comme la piézographie [37] et des méthodes standardisées à la mandibule [38] (fig. 11 et 12).

Plan d'occlusion et frein de la langue pour une prothèse amovible complète immédiate

La prothèse amovible immédiate, insérée juste après les extractions, est exigeante dans sa confection. La difficulté dans le positionnement des dents antérieures peut être limitée en considérant que la distance verticale entre le bord des incisives supérieures et le frein de la langue est stable quand celui-ci est mobilisé (tendu en portant la pointe de la langue au palais). Cette mesure, enregistrée chez le patient denté avant les extractions, peut permettre de situer verticalement la position des incisives mandibulaires [19, 39, 40] car les auteurs montrent que l'insertion du frein de la langue au niveau des apophyses géni est inchangée entre les situations dentée et édentée chez un même patient. Par extension, la distance verticale moyenne de 12,3 mm entre les bords des incisives supérieures et le point le plus haut et mésial du frein de la langue permet de situer le niveau du plan d'occlusion antérieur et la position verticale des incisives mandibulaires d'une prothèse amovible complète (tableau 8).

Paramètres pour le choix des dents

Choix de la dimension des dents

Le choix de la taille des six dents antérieures maxillaires est influencé par les proportions faciales [41] ; leur position par rapport à la courbe de la crête est plus ou moins corrélée en fonction de l'origine ethnique. Une étude portant sur 160 patients dentés de différentes origines ethniques montre une corrélation significative entre la mesure de la courbe d'arcade entre les faces distales des canines maxillaires et la mesure de la courbe de la crête [42] (tableau 9). Cette constatation est à moduler en fonction de la situation de la crête après les extractions et, sur le long terme, avec la résorption osseuse.

Choix de la forme des dents

Classiquement, les types faciaux humains selon Williams correspondent à trois catégories : le type carré, le type triangulaire, le type ovale. Mais ces types standards se rencontrent peu car le brassage au fil du temps a donné naissance à des types plus ou moins complexes. Il faut souligner que le choix de la forme et des dimensions des six dents antérieures en harmonie avec le type facial conditionne l'apparence naturelle de la prothèse (tableaux 10 et 11).

Choix de la couleur des dents et des fausses gencives

La chromatopsie, ou perception visuelle des couleurs, se cantonne aux infrarouges chez l'homme. La couleur est considérée comme une sensation produite sur l'œil par les radiations de la lumière. Celles-ci sont absorbées ou réfléchies par les tissus dentaires ou les matériaux de substitution. Dans ce domaine, notre acuité visuelle étendue et discriminante reste limitée par le choix restreint proposé par les fabricants [49]. Il en est de même pour le choix des fausses gencives [50] (fig. 13 et 14). Ces limitations peuvent être en partie surmontées par les techniques de maquillage des dents et des gencives où la personnalisation des restaurations trouve toute sa place [51].

Paramètres faciaux pouvant influencer la position des dents

La codification du montage esthétique des dents est étroitement liée à l'anatomie du visage [52] (fig. 15 et 16). Dans ce domaine, la formation initiale du chirurgien-dentiste est essentielle [53]. Le jugement du résultat esthétique diffère très peu entre des praticiens chinois, anglais, allemands ou suisses, mais tous sont sensibles à l'appréciation qu'ils perçoivent en retour de la part du patient [54, 55].

Conclusion

En 2018, la réalisation d'une prothèse nécessite des connaissances et des adaptations pour faire face à la diversité ethnique et répondre aux demandes des patients totalement édentés. Des conceptions essentiellement fondées sur l'ethnie caucasienne deviennent particulièrement réductrices et ne peuvent répondre aux besoins des différents codes des groupes qui composent la plupart des populations contemporaines. Ainsi, le praticien ne peut que déplorer la restriction des choix relatifs aux formes, tailles et couleurs des dents artificielles conçues et produites industriellement par l'art et non par la nature. Même si la médecine dentaire à l'échelle mondiale doit faire face aux contingences économiques et aux barrières culturelles, il faut espérer que le paramétrage des futurs logiciels relatifs à la conception et la fabrication des prothèses amovibles intègrera un large panel de l'ensemble des paramètres fonctionnels et esthétiques reflétant les diverses particularités ethniques.

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Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Pierre Le Bars - Maître de conférences des universités (MCU)

Département de Prothèse, UFR d'odontologie, Université de Nantes, 1 Place Alexis-Ricordeau, 44042 Nantes Cedex 1

Ayepa Alain Kouadio - Assistant associé des universités (AAU)

Département de Prothèse - Département de Biomatériaux, UFR d'odontologie, Université de Nantes, 1 Place Alexis-Ricordeau, 44042 Nantes Cedex 1

Département de Prothèse, UFR d'Odonto-Stomatologie, Université Félix Houphouët Boigny, 22 BP 612 Abidjan 22, Côte d'Ivoire

Latifa Merdes - Professeur en prothèse dentaire

Service de Prothèse, Département de chirurgie dentaire, Faculté de médecine, Université Badji-Mokhtar-Annaba, BP 205, 23000 Annaba, Algérie