Editorial
Rédacteur en chef
Marseille, Ve arrondissement, février 2018. Lors d'une perquisition dans une affaire de cambriolage, les gendarmes d'Aix-en-Provence et les policiers de Marseille ont découvert la dernière lettre d'un poilu, Jean Soulagnes, datée du 27 mai 1915 et rédigée juste avant qu'il ne parte sur le front de la Somme comme sergent au 73e régiment d'infanterie. Une lettre adressée à son ami Jean Audiffen :
« Je m'adresse à vous comme au meilleur, au seul de...
Marseille, Ve arrondissement, février 2018. Lors d'une perquisition dans une affaire de cambriolage, les gendarmes d'Aix-en-Provence et les policiers de Marseille ont découvert la dernière lettre d'un poilu, Jean Soulagnes, datée du 27 mai 1915 et rédigée juste avant qu'il ne parte sur le front de la Somme comme sergent au 73e régiment d'infanterie. Une lettre adressée à son ami Jean Audiffen :
« Je m'adresse à vous comme au meilleur, au seul de mes amis. Je pars dans 2 heures pour une destination incertaine où doivent se passer de grandes choses. Je connais votre cœur et je n'hésite pas à lui faire un appel suprême : vous ne refuserez pas ce pénible service, en cas d'événement grave, d'avertir ma famille et ma fiancée qu'avant de mourir, après avoir donné ma vie au pays, mon âme ne pense qu'à eux et leur envoie mon adieu suprême ».
La mort attendait ce soldat 15 jours plus tard à Hebuterne dans le Pas-de-Calais, comme l'atteste sa fiche publiée sur le remarquable site internet « mémoire des hommes ». Il avait 24 ans. « Émus par cette découverte, nous ne pouvions rester de glace et devions faire quelque chose » confie le major Arnaud Louis : les policiers de la Direction départemental de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône ont souhaité restituer cette lettre à son propriétaire légitime. Leurs recherches sur internet restant vaines, ils font appel aux réseaux sociaux et déposent cette lettre sur le compte Twitter @PoliceNat13, de la police de Marseille. Moins de 48 heures plus tard, sont reçus des milliers de messages de soutien et de remerciements accompagnant des dizaines d'éléments généalogiques concrets. La précieuse lettre centenaire a été remise le vendredi 23 février dernier à Stéphane Drouot, arrière-petit-neveu du soldat qui l'avait écrite et dont le nom reste gravé sur le monument aux morts des Camoins, son quartier d'origine de la cité phocéenne. Cette histoire est l'expression vivante de ce numéro spécial des Cahiers de prothèse qui se veut un pont entre le passé, le présent et l'avenir.
Parmi les un million quatre cent mille soldats français morts de la grande guerre, certains s'appelaient François Pernier, Pierre-Marie Pernin, Jean Soulagnes... Ils avaient tous une vie, une famille. Pour eux, l'indicible a côtoyé la réalité. D'autres centaines de milliers sont revenus de l'enfer, douloureusement blessés : « gueules cassées », amputés, brulés, gazés, portant des stigmates tout au long de leur vie, dans leur chair et sur leur visage. Mais comme le précise le Professeur Blanc, chirurgien maxillo-facial émérite, « les souffrances de ces blessés de la face ont permis des progrès chirurgicaux considérables au long du siècle qui a suivi, le dernier en date étant représenté par la première greffe partielle de visage, réponse au problème très difficile de la réparation des grandes pertes de substances de la face ». Je remercie très sincèrement tous les auteurs des articles et nos deux confrères et amis, Florent Destruhaut et Rémi Esclassan pour avoir coordonné ce numéro spécial, il revient non seulement sur les prises en charge actuelles des grandes pertes de substances de la face, mais aussi sur les « Gueules Cassées » de la grande guerre. C'est à tous ces hommes courageux et héroïques que nous souhaitons rendre hommage avec respect et reconnaissance.