Synergie implants et prothèses
Camille X., âgée de 20 ans, s'est présentée en consultation en fin de traitement orthodontique (fig. 1 et 2). Elle est atteinte d'agénésie pour les dents 12 et 22. Après examen clinique, il est apparu que les espaces mésio-distaux des deux incisives n'étaient pas de même largeur. De même, les inclinaisons des axes...
Introduction
Le défi esthétique représenté par le remplacement des incisives latérales maxillaires (après des extractions ou des agénésies) peut être envisagé de nos jours sous différentes formes thérapeutiques. Si l'utilisation des implants peut au premier abord représenter la solution de choix, la situation initiale doit être soigneusement analysée pour poser les indications. En effet, un déficit osseux peut être un frein au bon positionnement tridimensionnel de l'implant.
Ce déficit, lorsqu'il est associé à un biotype gingival fin, aura également des incidences chromatiques inesthétiques sur le résultat final. Enfin, le dernier point défavorable d'une solution implantaire s'observe en fonction du potentiel de croissance des procès alvéolaires des dents naturelles collatérales, cela étant plus ou moins lié à l'âge [
Camille X., âgée de 20 ans, s'est présentée en consultation en fin de traitement orthodontique (fig. 1 et 2). Elle est atteinte d'agénésie pour les dents 12 et 22. Après examen clinique, il est apparu que les espaces mésio-distaux des deux incisives n'étaient pas de même largeur. De même, les inclinaisons des axes dentaires des dents collatérales ont invité à la plus grande attention en ce qui concerne le remplacement de 12 et 22 par des implants : l'examen scanner a confirmé le faible espace mésio-distal en 12, tant au niveau coronaire qu'apical, la distance entre les apex de 11 et 13 était d'environ 2 mm (fig. 3 et 4).
Après avoir évoqué la complexité de la situation avec la patiente et le praticien orthodontiste, la solution consistant à reprendre un nouveau traitement orthodontique n'est malheureusement pas retenue et il convient donc de proposer une autre solution pour le traitement de cette patiente. Après l'étude de son cas, il a été décidé de réaliser un implant en position de 22 et d'opter pour un remplacement de 12 par une solution de bridge cantilever en extension telle que proposée par différents auteurs [4-6] avec un seul appui sur la face palatine de la 11.
Une analyse esthétique spécifique par la méthode du Digital Smile Design (DSD) (fig. 5) a été effectuée [7].
Ce concept a permis de tenir compte d'une ligne du sourire inversée mais aussi de la forme carrée des dents existantes tout en établissant la position correcte des dents à remplacer. L'analyse a aussi montré que la position de la ligne des collets devait être modifiée. Le résultat global a enfin montré qu'il était souhaitable de modifier l'axe des incisives, de réaliser des élongations coronaires au niveau des dents 13 et 23 et d'effectuer un apport tissulaire en vestibulaire des futures incisives latérales. À l'aide de l'ensemble des données transmises grâce aux photographies et à l'analyse DSD, le prothésiste a réalisé un wax-up dont le transfert en bouche par la technique du mock-up a permis la validation des options prothétiques et chirurgicales.
En un temps clinique ont été regroupées différentes interventions chirurgicales : gingivectomie, gestion de la concavité muqueuse pour l'intermédiaire de bridge (pontic) ovoïde du futur intermédiaire en 12 et mise en place de l'implant en 22 (fig. 6 à 8). La mise en esthétique immédiate de cet implant et la pose d'un petit bridge à ailette transitoire ont été réalisées dans la même journée, environ 4 heures plus tard (fig. 9 et 10). Les gestions tissulaires microchirurgicales ont été effectuées à l'aide d'une lame adaptée (Viper, MJK Instruments) (fig. 6).
Après les 5 mois requis pour l'ostéo-intégration, les préparations a minima des facettes ont été envisagées pour les dents 13, 11, 21 et 23 (concepts sans ou avec peu de préparation : prepless ou noprep) (fig. 11). L'empreinte au niveau de l'implant a été réalisée selon la méthode décrite par Hinds qui consiste à confectionner un transfert anatomique garant de l'enregistrement de la partie transgingivale modelée par la prothèse transitoire transvissée, ce transfert étant un duplicata par moule en silicone de la partie cervicale de cette provisoire (fig. 12 à 16).
L'empreinte obtenue a été traitée par le prothésiste selon la méthode de Willy Geller permettant d'obtenir des dies individualisés (fig. 17 à 19). Le choix de la restauration supra-implantaire s'est porté sur un pilier ASC (Nobel Biocare) (fig. 20) afin de corriger l'axe d'émergence et, surtout, de positionner le puits d'accès à la vis le plus palatin possible, libérant ainsi de l'espace au céramiste pour gérer la translucidité. Les facettes pelliculaires sur 13 et 23 étaient d'une épaisseur moyenne de 0,3 mm, voire plus fines pour 11 et 21 avec une épaisseur minimale de 0,1 mm (fig. 21).
La couronne en céramique en cantilever a été réalisée en céramique pressée tout en respectant la surface de la poutre de connexion avec l'ailette sur 11, surface préconisée par les auteurs de cette technique. Une clé de positionnement a été réalisée au niveau de la 12 pour s'assurer du bon repositionnement du bridge cantilever lors des étapes du collage de l'ailette (fig. 22). De même, pour les facettes réalisées avec pas ou peu de préparation, il convient de s'assurer de leur bon positionnement avant la mise en place du système adhésif.
Dans la mise en œuvre des étapes de collage (fig. 23 à 26), le clinicien a opté pour la réalisation d'une digue ouverte de 14 à 24 afin d'envisager un collage sans risque et d'éviter tout risque de saignement sulculaire dû à la mise en place des crampons vestibulaire et palatin, mais aussi pour limiter la durée de cette étape clinique qui entraînera un collapsus de la muqueuse transgingivale supra-implantaire. Ce collapsus est d'autant plus important que la durée se prolonge. Le même processus physiologique peut se dérouler pour la concavité muqueuse en regard de l'intermédiaire de bridge ovoïde de 12 avec un phénomène de « rebond » si la durée précédant l'installation du bridge est trop longue.
Quelques jours après la pose, l'examen clinique montre la qualité de l'intégration finale des facettes sur 13, 11, 21, 23, de la restauration céramique en cantilever en 12 et de la prothèse supra-implantaire en 22 (fig. 27 à 30).
La vue occlusale (fig. 28) permet d'apprécier la gestion des volumes, la morphologie vestibulaire des facettes en céramique et des restaurations sur 12 et 22. Au bout de 2 ans, la stabilité du résultat donne satisfaction à la patiente qui a été d'emblée satisfaite par la restauration globale et son nouveau sourire (fig. 31 à 33).
À Philippe Llobell (laboratoire Prothetik) pour la réalisation prothétique globale.
L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Benjamin Cortasse - Docteur en chirurgie dentaire
Exercice libéral, Pernes-les-Fontaines