Plans de traitement
A. HENNEQUIN C. MOZ F. DESTRUHAUT
R. Esclassan A. MONTEIL A. DARTHEZ
L'usure dentaire, nouveau fléau du XXIe siècle, a gagné du terrain depuis une trentaine d'années, notamment chez les jeunes mais aussi chez les seniors, et est devenue un véritable enjeu de santé publique qui reste cependant sous-estimé par notre profession. Alors qu'il est primordial d'identifier les causes de la maladie, avec des causes médicales sous-jacentes (fig. 1) et d'adopter une attitude préventive, le...
Résumé
L'usure dentaire, d'étiologie multifactorielle, est présente dans toutes les classes d'âge de la société. Souvent méconnue ou sous-évaluée, elle est devenue un véritable enjeu de santé publique.
Face à cette particularité odontologique, le chirurgien-dentiste doit mettre en œuvre une stratégie thérapeutique appropriée. Grâce aux progrès des techniques restauratrices économes en tissus dentaires et aux avancées dans le domaine de l'adhésion et des biomatériaux, les traitements modernes de l'usure permettent de s'affranchir des règles strictes de préparation pour prothèse conjointe au profit d'une approche minimalement invasive. Des restaurations partielles collées vont permettre de répondre à des pertes de substance y compris lorsqu'elles sont importantes. À travers un cas clinique détaillé, l'objectif de cet article est de proposer une mise au point sur la prise en charge de l'usure dentaire généralisée dans les réhabilitations prothétiques occlusales de grandes étendues.
Du diagnostic fonctionnel et esthétique, jusqu'à la réalisation du projet, nous détaillerons les différentes étapes de la phase restauratrice, ainsi que les choix des thérapeutiques et des matériaux de restaurations.
L'usure dentaire, nouveau fléau du XXIe siècle, a gagné du terrain depuis une trentaine d'années, notamment chez les jeunes mais aussi chez les seniors, et est devenue un véritable enjeu de santé publique qui reste cependant sous-estimé par notre profession. Alors qu'il est primordial d'identifier les causes de la maladie, avec des causes médicales sous-jacentes (fig. 1) et d'adopter une attitude préventive, le chirurgien-dentiste doit sélectionner pour les traitements qu'il propose la stratégie thérapeutique la plus appropriée. Le traitement de l'usure dentaire en général et de l'érosion en particulier est devenu un sujet d'actualité depuis une dizaine d'années et représente un défi important à relever.
Ces dernières années viennent de voir l'avènement de techniques restauratrices économes en tissus dentaires, notamment grâce aux avancées dans le domaine de l'adhésion et des biomatériaux permettant d'optimiser les performances mécaniques et esthétiques des restaurations. En effet, sous l'impulsion de la « biomimétique », l'avènement de la dentisterie adhésive a profondément bouleversé le mode de pensée du praticien et les solutions thérapeutiques actuelles.
Les traitements modernes de l'usure permettent de s'affranchir des règles strictes de la préparation pour prothèse conjointe au profit d'une approche minimalement invasive grâce aux restaurations partielles collées aussi bien sur les dents antérieures que postérieures. Ces restaurations permettent de répondre à des pertes de substance y compris lorsqu'elles sont importantes. Le travail se complique lorsque ces restaurations deviennent plurales et multisectorielles, associant perte de calage occlusal et, dans certains cas, perte de dimension verticale d'occlusion.
L'objectif de ce travail est de proposer une mise au point sur la prise en charge de l'usure dentaire généralisée dans les restaurations prothétiques occlusales de grande étendue.
À l'aide d'un cas clinique, les différents concepts qui sous-tendent une telle démarche seront étudiés (fig. 2), du diagnostic fonctionnel et esthétique à la réalisation du projet, et les différentes étapes de la phase restauratrice ainsi que les choix des thérapeutiques et des matériaux de restauration seront détaillés.
Un patient de 70 ans consulte pour des usures importantes de toutes ses dents, qui le gênent fonctionnellement et esthétiquement. L'examen révèle de nombreuses pertes de substance dentaire non carieuses du type attrition, abrasion et érosion du bloc antérieur comme des secteurs postérieurs, bien qu'à des degrés divers. Le patient ne présente aucune prothèse dentaire mais a trois anciennes obturations coronaires en composite. L'examen clinique ne révèle pas de pathologie des articulations temporo-mandibulaires ou musculaire mais un décalage relation centrée-occlusion d'intercuspidie maximale très important est présent (fig. 3 à 9).
L'anamnèse doit évaluer les risques et affiner l'approche diagnostique en faisant émerger et en validant les éléments étiologiques [2, 3]. Elle doit mettre en évidence les facteurs de risque individuel locaux (bruxisme, tics, débit salivaire, maladies parodontales...) et généraux (stress, mode de vie, boulimie, reflux gastro-œsophagien, habitudes alimentaires, prise de médicaments) [4, 5].
La prévalence et le degré d'usure dentaire physiologique augmentent avec l'âge. La présence de pertes du tissu amélaire ou dentinaire chez des sujets jeunes doit amener le praticien à rechercher toutes les causes d'acidité d'origine intrinsèque ou extrinsèque [6, 7].
Le potentiel d'érosion doit être évalué – habitudes alimentaires, mode de vie (sports), perturbations de la fonction salivaire –, tout comme le potentiel d'abrasion – habitudes d'hygiène, accessoires utilisés (brosse, fil, brossette ou stimulateur interdentaire), dentifrices (coefficient d'abrasivité), fréquence du brossage [2].
Concernant ce patient, ni l'interrogatoire ni une consultation chez le gastro-entérologue ne permettent de mettre en évidence un facteur de risque susceptible d'expliquer à lui seul ces pertes de substances importantes, à part une consommation élevée de crudités. Il est possible qu'il s'agisse ici de cofacteurs associés.
Même si le souhait du patient n'est de restaurer que les dents antérieures, une étude rapide montre que les pertes étant généralisées, la restauration devra être globale. Il est important de noter que le patient ne présente aucune prothèse en bouche et que toutes ses dents sont vivantes.
Un wax-up doit être réalisé mais, les calages étant perdus et le patient étant adaptatif, il faut au préalable retrouver une position mandibulaire de référence.
Murphu, en 1959, et Sicher, en 1953 [8], ont montré qu'il existait des compensations dentaires et alvéolaires au phénomène d'usure et qu'il ne s'accompagnait pas nécessairement de perte de la dimension verticale d'occlusion en raison de l'égression compensatrice des dents concernées, à condition que le phénomène soit suffisamment lent.
D'Incau et al. [8] ont montré que les processus d'usure s'accompagnaient de l'ouverture de l'angle interincisif par la verticalisation des incisives, entraînant la mésialisation des apex dentaires, ce dernier point pouvant être important lors de la restauration d'un guide antérieur par exemple (fig. 10 et 11).
La réalisation d'une céphalométrie de profil montre que le patient est en classe II squelettique (ANB : 5o) avec une tendance à la promandibulie et à la promaxillie de compensation associée à une hypodivergence. Les incisives mandibulaires sont linguo-versées (IMPA ; 92o ; normale : 95o) (fig. 12 et 13).
Il n'existe pas réellement de perte de dimension verticale d'occlusion chez ce patient, l'angle de Ricketts (hauteur faciale inférieure ENA – Xi – Pm = 44o ± 4,5o) et l'angle de Sanial (ENA – Co – Me = 40o ± 3o) sont compatibles avec des valeurs « courantes ». Ce point vient confirmer l'hypothèse de compensations dento-alvéolaires du phénomène d'usure.
Néanmoins, une restauration globale implique d'avoir de l'espace prothétiquement disponible, aussi est-il décidé d'augmenter la dimension verticale d'occlusion sur la tige incisive de 3 mm environ, ce qui va libérer 1 mm en postérieur, ce qui est suffisant pour loger un matériau en céramique tel que l'e.max® (Ivoclar Vivadent). Cette augmentation se fera en relation centrée.
L'idée d'augmenter la dimension verticale d'occlusion pour traiter ou restaurer les patients atteints d'usure dentaire a été décrite et popularisée par Dhal et al. [6]. Cette variation de la dimension verticale d'occlusion utilisée comme moyen thérapeutique ne constitue pas en elle-même un objectif du traitement mais est une aide précieuse dans la résolution de certains traitements prothétiques [9].
Dès l'instant où le praticien opte pour une approche thérapeutique minimalement invasive, l'augmentation de dimension verticale d'occlusion offre plusieurs avantages [10-13] :
– elle ménage d'emblée une hauteur disponible pour les futures restaurations ;
– elle améliore l'apparence esthétique des dents permettant l'augmentation de la hauteur des couronnes cliniques ;
– elle rétablit une occlusion physiologique en permettant de modifier les rapports des dents antérieures ;
– elle réduit ou évite la nécessité d'allongements coronaires chirurgicaux ;
– elle limite ou évite les mutilations tissulaires et permet de maintenir la vitalité dentaire.
Certaines recommandations ont été formulées par Orthlieb et Ehrmann [14] et Abduo [15] :
– augmenter la dimension verticale d'occlusion en relation centrée en une seule fois ;
– augmenter de façon modérée (jusqu'à 5 mm en interincisif [16]) ;
– éviter les variations de dimension verticale d'occlusion importantes et brutales chez des patients avec une faible adaptation neuro-musculo-articulaire ;
– éviter d'exagérer les typologies squelettiques verticales (hyperdivergence, hypodivergence) ;
– respecter un contact labial non forcé sans contraction musculaire en position de repos ;
– respecter la mise en place d'un schéma occlusal correct et adapté [16] (préservation ou rétablissement des contacts antérieurs fonctionnels requis pour le guide antérieur [12]) ;
– respecter une temporisation adéquate [10] (une phase transitoire, de préférence fixée, est indispensable).
Cette augmentation de dimension verticale d'occlusion est testée par le port d'une gouttière occlusale mandibulaire en orthorésine, pendant 3 mois environ (fig. 14). Le patient est revu régulièrement pour régler l'occlusion car le port d'une orthèse occlusale induit souvent une levée des compensations musculaires mises en place graduellement par le patient au fur et à mesure de l'installation du processus d'usure.
Après 2 mois de port de la gouttière, le nouveau rapport interarcade (il avait été précédemment établi grâce à la gouttière) doit être enregistré et transféré précisément au laboratoire, les modèles sont remontés en articulateur dans l'occlusion de relation centrée thérapeutique. Un montage directeur et des wax-up sont secondairement réalisés afin d'établir un diagnostic fonctionnel et esthétique précis (fig. 15 à 19).
La simulation par cire montre la nécessité de modifier toutes les dents, mais les usures étant différentes d'une dent à l'autre et d'une arcade à l'autre, les restaurations le seront également ainsi que les volumes en fonction des dents concernées.
Il est proposé au patient une restauration globale par éléments collés de type inlays, onlays, overlays et facettes uniquement. Aucune couronne ne sera réalisée et toutes les dents seront gardées vivantes. Une phase transitoire sera utilisée pour valider l'esthétique et la fonction et pour pérenniser le rapport interarcade lors de la réalisation des prothèses d'usage.
Le laboratoire confectionne des restaurations provisoires sous forme de rails d'overlays et de rails de facettes à coller, en composite, dont la morphologie est guidée par les informations dupliquées du wax-up [17] (fig. 20). Les restaurations provisoires en composite sont fines et fragiles et vont devoir rester en place pendant une période assez longue. Pour résister aux contraintes fonctionnelles, elles doivent donc être collées efficacement sur leur support dentaire.
Les surfaces de collage concernées sont microsablées puis mordancées pendant 20 secondes à l'acide phosphorique à 35 % sans dépose préalable des anciennes obturations. Les restaurations en résine sont alors collées, sextant par sextant, à l'aide d'un adhésif amélo-dentinaire et d'un composite fluide (G-ænial Flo, GC).
Les restaurations provisoires sont collées en une fois, sous digue, puis une vérification occlusale est réalisée. Le patient repart avec ses provisoires pour environ 2 mois avant de passer à la restauration d'usage (fig. 21 à 23).
Les avantages de cette technique sont un temps de pose clinique considérablement raccourci et la possibilité d'utiliser un matériau très résistant, diminuant le risque de fracture, ce qui en fait une technique de choix lors d'une phase transitoire longue. L'inconvénient principal est le coût.
Selon Magne, l'ensemble céramique, résine composite et adhésif amélo-dentinaire constitue « l'unité de bio-mémulation » de ces tissus [12].
Grâce à la sophistication des techniques adhésives et aux progrès des matériaux en céramique et en composite, il semble possible aujourd'hui de parvenir à reproduire une correspondance biomimétique entre des matériaux de substitution esthétique et le substrat anatomique d'une dent naturelle et de recréer le continuum biomécanique de la dent naturelle [1, 18].
Actuellement, il existe une large gamme de matériaux en céramique sur le marché : ils diffèrent tant au niveau de leur composition que de leur procédé de fabrication. Chaque matériau en céramique a ses indications cliniques en fonction de ses propriétés de résistance, de son aptitude au collage, mais aussi du résultat esthétique souhaité, et le choix éclairé effectué par l'équipe praticien-prothésiste influencera largement le taux de succès des restaurations, particulièrement dans les cas à risque (tableau 1).
L'application du principe de la biomimétique permet de conclure raisonnablement que le but des nouvelles approches thérapeutiques n'est pas l'obtention de la restauration la plus résistante mais, plutôt, d'une restauration compatible avec les propriétés mécaniques, biologiques et optiques des tissus dentaires sous-jacents [19]. Il n'y a pas de matériau idéal : dans le cas où certains facteurs sont en faveur de la céramique, d'autres sont en faveur du composite.
Les céramiques feldspathiques enrichies en disilicate de lithium, dont le chef de file est l'e.max®, sont à l'origine d'une véritable révolution et sont le plus largement utilisées [20]. Leur résistance à la flexion est déjà excellente mais, une fois qu'elles sont collées, l'élément prothétique gagne considérablement en ténacité, ce qui rend possibles des préparations très fines (0,4, 0,6 et 0,8 mm), y compris sur les faces occlusales des secteurs postérieurs.
De plus, elles présentent une fiabilité clinique et une longévité excellentes [21-23]. C'est la raison pour laquelle elles ont été choisies ici pour réaliser l'intégralité de la restauration.
La dimension verticale d'occlusion étant fixée et les nouveaux rapports interarcades, l'esthétique et la fonction étant validés, il devient plus simple de fractionner la réalisation des prothèses d'usage. C'est donc secteur par secteur (fig. 24), en commençant par la mandibule, que les overlays provisoires en composite seront déposés puis refaits par secteurs à l'identique, en céramique (fig. 25 et 26). Le collage est réalisé dent par dent.
Ces traitements permettent une liaison micromécanique (rugosité) et chimique [24] (fig. 27).
Le sablage à l'oxyde d'alumine permet de nettoyer les résidus de revêtement et de retirer la couche la plus superficielle de la restauration afin de créer des aspérités qui faciliteront la pénétration des colles [22]. La mise en œuvre est la suivante : sablage de l'intrados des restaurations par projection de particules d'alumine de 25 à 50 μm, sous pression. Après sablage de l'intrados prothétique, la restauration est rincée et séchée jusqu'à l'obtention d'un aspect mat.
L'acide fluorhydrique provoque la dissolution de la phase vitreuse des céramiques et permet la création de rugosités qui augmentent la surface de silanisation [25, 26]. La mise en œuvre est la suivante : un gel d'acide fluorhydrique entre 4 et 9 % est appliqué dans l'intrados de la restauration [20] pendant 20 secondes pour les céramiques enrichies en disilicate de lithium (e.max ®). À la fin du processus, la surface de la céramique a un aspect crayeux (même apparence que l'émail mordancé) [27].
Considéré comme un promoteur de l'adhésion, le silane agit comme un agent de couplage grâce à sa bipolarité en se liant par des liaisons hydrogènes ou covalentes au verre ; il peut ensuite copolymériser avec la matrice résineuse de la colle [20, 24]. La mise en œuvre est la suivante : il se présente sous la forme d'un monoflacon ou de deux flacons à mélanger pour activer la molécule. La surface de céramique doit être correctement séchée avant son application, puis le silane est énergiquement frotté afin de favoriser l'imprégnation sur la surface mordancée. La couche de silane doit être fine afin de ne pas noyer l'adhésif. Au bout de 1 minute, une application d'air chaud peut être préférée au lieu d'un simple séchage à la soufflette pour améliorer l'adhérence [24]. Le silane est appliqué en une couche unique ou en plusieurs couches successives en fonction des produits [20].
Une couche d'adhésif non polymérisée est appliquée dans l'intrados puis est placée sous une protection en plastique pour l'isoler de la lumière [10, 17].
Un champ opératoire est mis en place.
Le sablage permet l'obtention de surfaces propres et rugueuses, en éliminant les résidus de ciment provisoire, les contaminations survenues entre les séances de préparation et d'assemblage, les colorations. Il permet de rouvrir les tubuli et, donc, améliore l'ancrage mécanique. Le sablage de la préparation avec une microsableuse (Micro-Etcher®, Danville ; RONDOflex®, KaVo) et des particules d'alumine entre 25 et 50 μm est réalisé à une distance de 2 à 3 cm [20, 28]. Le sablage doit être doux pour ne pas trop abraser les surfaces et nuire à l'adaptation marginale [20]. Une fois qu'il a été réalisé, la préparation est soigneusement rincée.
Sur l'émail, le mordançage entraîne une déminéralisation des cristaux d'apatite sur 10 à 20 μm de profondeur, offrant une microrugosité de surface augmentée par 20. La dentine est, quant à elle, plus difficilement gérable pour le collage car elle constitue une surface humidifiée en permanence, ce qui explique la dégradation plus rapide des joints de collage situés dans la dentine. Le gel d'acide orthophosphorique à 37 % est appliqué sur l'émail et la dentine (30 secondes sur l'émail et 15 secondes sur la dentine) [17]. Il peut être frotté sur l'émail pour augmenter son action. Le rinçage est d'une durée équivalente à l'application [20], puis la préparation et la digue sont séchées [17].
Le protocole d'application de l'adhésif devra prendre en compte deux impératifs : ne pas provoquer de surépaisseurs pouvant nuire à l'insertion de la pièce prothétique et permettre une bonne polymérisation des parties les plus proches de la pulpe. L'agitation préalable de l'adhésif entraîne son échauffement (favorable) et son application forte assure une excellente imprégnation. L'adhésif est appliqué vigoureusement sur la dent avant d'être étalé à la seringue à air sec avant d'être polymérisé [20].
Il est nécessaire de bien repérer l'axe d'insertion avant le positionnement. La colle est enduite en excès dans l'intrados de la restauration. Il est possible de réaliser une double enduction en cas de facette avec un retour palatin [17, 24].
Il faut utiliser un stick de préhension pour maintenir la pièce et positionner la restauration, vérifier l'adaptation et maintenir une pression constante jusqu'à la fin de la polymérisation [29]. Une fois que la pièce est positionnée, les excès de colle sont minutieusement enlevés par essuyage à l'aide d'une microbrosse et d'une sonde avant la polymérisation [20].
Une photopolymérisation de toutes les faces de la restauration est effectuée pendant 60 secondes. Elle se subdivise en une phase initiale de 20 secondes suivie d'une autre de 40 secondes, en ayant préalablement recouvert les joints de composite d'un film de glycérine (DeOx®, Bisico) de manière à éviter, à leur niveau, la couche d'inhibition de prise liée à l'oxygène [17]. En effet, l'oxygène altère le durcissement des résines en surface en formant une couche d'inhibition qui se dégrade plus rapidement que le reste et qui peut avoir des répercussions non négligeables sur l'adaptation marginale [30].
Les éléments prothétiques sont collés individuellement. Les contacts proximaux doivent être vérifiés et rectifiés si nécessaire avant chaque collage [31]. Dans le cas des facettes, on commence par les incisives centrales, puisque ce sont les dents dont le bon placement est capital, puis suivent les canines et, enfin, les incisives latérales, puisqu'il est toléré, étant observable dans la nature, une légère rotation ou dysmorphose si les points de contact doivent être retouchés (fig. 28 et 29).
En raison de l'adaptation précise de chacune des restaurations, l'essai clinique doit être répété sous digue au fur et à mesure des collages ; une adaptation passive doit être obtenue avant chaque nouvelle insertion. Du papier à articuler et des disques abrasifs utilisés en alternance permettent de vérifier et d'adoucir le contact interdentaire.
Après retrait du champ opératoire, les excès de colle polymérisée sont immédiatement éliminés à l'aide d'une curette mini-CK6 ou d'une lame de bistouri 12 en traction afin de ne pas altérer le glacé de surface de la céramique [24] (fig. 30 à 32). Le contrôle visuel est réalisé grâce à l'aide des visuelles (loupes) et de radiographies afin de repérer tout excès de colle pouvant nuire à l'intégration parodontale.
Les restaurations sont ensuite polies au niveau des joints accessibles en vestibulaire et en lingual à l'aide de fraises de faible granulométrie puis à l'aide de pointes siliconées diamantées (Brownie®, Shofu ; OptraPol®, Ivoclar Vivadent). Les joints proximaux peuvent être polis à l'aide de strips en celluloïd ou métalliques de rugosité décroissante (kit Nex Metal Strip Epitex®, GC) [32].
L'ajustement occlusal ne se fait jamais avant le collage des éléments en céramique, en raison du risque de fracture du matériau (fig. 33 et 34). Les réglages se font d'abord en occlusion d'intercuspidie maximale, avec des fraises diamantées à grain fin et des pointes en silicone, puis en dynamique afin d'assurer le rétablissement du guide antérieur correct aux cours des mouvements mandibulaires [19]. Il faut prévenir le patient de ne pas serrer les mâchoires trop fort au début des réglages (risque d'éclats) [29] (fig. 35 à 41).
Depuis quelques années, les publications concernant le traitement de l'usure dentaire généralisée sont en nette augmentation [33].
Comme cela a été dit plus haut, un diagnostic étiologique précis de l'usure dentaire est parfois difficile à réaliser à cause de la multitude des facteurs qui interviennent. Un diagnostic précoce des différentes formes d'usure est cependant primordial pour intercepter au plus tôt la maladie, avant que les conséquences soient irréversibles. Les praticiens doivent être sensibilisés à la prise en charge de ces patients, que ce soit en matière de diagnostic ou de traitement.
De multiples propositions de traitements et de matériaux ont été proposées. Même s'il existe des similarités entre les différentes étapes des traitements, il reste encore difficile, pour les praticiens, de choisir la meilleure option de traitement pour résoudre ces cas complexes. Les résultats d'une récente étude de la littérature scientifique [33] montrent qu'il existe des similarités entre les différentes étapes du traitement et ils peuvent guider les cliniciens dans leur démarche thérapeutique. Cependant, des données probantes ne sont pas encore disponibles. Certaines étapes semblent être indispensables mais des divergences existent entre les façons de les mettre en œuvre [33] :
– tous les auteurs s'accordent sur le fait que la phase restauratrice doit être entreprise lorsque les facteurs étiologiques sont sous contrôle ;
– la réalisation des wax-up et des mock-up diagnostiques semble incontournable et offre de nombreux bénéfices : prédictibilité du résultat final, communication entre les différents protagonistes (praticien, prothésiste, patient) [10, 25, 26, 32] ;
– la relation centrée est la position mandibulaire de choix dans la plupart des études, considérée comme la position la plus reproductible dans les reconstructions de grande étendue [14, 15] ;
– l'évaluation de la dimension verticale d'occlusion et une phase de temporisation sont recommandées avant de commencer le traitement définitif. La durée du test de la dimension verticale d'occlusion varie en fonction des études, mais il semble nécessaire qu'elle dure pendant au minimum 1 mois. L'augmentation de la dimension verticale d'occlusion semble être une procédure sûre et bien acceptée dans la limite de 5 mm en interincisif [14] ;
– en ce qui concerne les matériaux, les composites semblent être adaptés pour les restaurations directes en cas d'usure faible. Des restaurations indirectes sont nécessaires dans les cas d'usure modérée, sévère ou extrême. Pour cela, deux matériaux semblent particulièrement indiqués : les composites nanohybrides et les vitrocéramiques renforcées au disilicate de lithium (e.max®) [23] ;
– l'opinion des auteurs est similaire en ce qui concerne la nécessité de préparations peu invasives et une large préservation de l'émail. Les thérapeutiques adhésives semblent être les plus adaptées au traitement de l'usure ;
– la majorité des auteurs recommandent l'utilisation d'une gouttière de protection à la fin du traitement et un suivi régulier.
D'autres étapes du traitement méritent d'être approfondies comme le transfert de la nouvelle position mandibulaire sur l'articulateur (arc facial, enregistrement du rapport interarcade), la temporisation, mais aussi la prise en charge des patients dysfonctionnels...
Peu d'études sont disponibles sur les résultats à long terme des restaurations minimalement invasives. Cependant, les premiers résultats semblent être favorables à court et moyen termes. Des études supplémentaires sont nécessaires pour une évaluation à long terme.
Un diagnostic précoce de l'usure est indispensable afin d'éviter des dommages esthétiques et fonctionnels irréversibles, notamment chez les jeunes patients qui sont particulièrement touchés.
Le premier objectif de la prise en charge de ces patients est d'éviter l'aggravation des lésions par l'instauration de mesures préventives et l'élimination des facteurs étiologiques ; cela conditionne le succès à long terme des restaurations. Si nécessaire, un traitement restaurateur sera entrepris en respectant les principes de restauration minimalement invasifs. La phase de réflexion préprothétique est primordiale afin de retrouver une relation interarcade « perdue » et une esthétique agréable ; elle doit aboutir à une séquence de traitement cohérente.
De nouvelles stratégies de restauration adhésive directe ou indirecte ont été proposées récemment et prennent en compte les trois piliers essentiels que sont la biologie, la mécanique et l'esthétique.
La nouvelle philosophie « ajouter, ne pas retirer » propose des restaurations ultrafines antérieures ou postérieures donnant la possibilité de préserver les tissus dentaires sous-jacents déjà altérés par l'usure. Grâce aux techniques adhésives et aux nouveaux biomatériaux (composites nanohybrides et vitrocéramiques enrichies en disilicate de lithium), ces stratégies permettent de proposer des restaurations de plus en plus proches des structures dentaires originelles et semblent donner de bons résultats à moyen terme dans le traitement des usures généralisées.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.
Les auteurs remercient le laboratoire de prothèse dentaire Dicoceram (Castres) pour la qualité de ses réalisations prothétiques.
Antonin Hennequin – Chirurgien-dentiste, adjoint d'enseignement en occlusodontologie (Toulouse III)
Christelle Moz – Chirurgien-dentiste
Florent Destruhaut – Maître de conférences des universités, praticien hospitalier, département de prothèses (Toulouse III, CHU Rangueil)
Rémi Esclassan – Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier, département des prothèses (Toulouse III, CHU Rangueil)
Alexis Monteil – Prothésiste dentaire
André Darthez – Chirurgien-dentiste, ancien assistant hospitalo-universitaire, praticien hospitalier, ancien responsable du DU d'occlusodontologie (Toulouse III, CHU Rangueil)