Les cahiers de prothèse n° 175 du 01/09/2016

 

Laboratoire de prothèses

J.-M. Moal - G. Duminil  

Actuellement, la prothèse implantaire occupant tout ou partie des arcades dentaires se développe rapidement. La pérennité de ces restaurations dépend de plusieurs facteurs mécaniques et biologiques :

– ostéo-intégration ;

– adaptation des composants prothétiques ;

– occlusion ;

– entretien correct par le patient.

Une fois l'ostéo-intégration obtenue et testée, la phase prothétique d'usage peut commencer. Lors de cette...


Résumé

Résumé

La prothèse implanto-portée requiert une méthode rigoureuse tout au long des étapes de son élaboration. Parmi celles-ci, le contrôle de l'adaptation passive de l'armature au laboratoire est décisif pour la poursuite des phases cliniques. Quelle que soit la technique employée pour la fabrication de l'armature, l'article décrit une méthode simple et fiable de contrôle pour laquelle aucun matériel de métrologie n'est nécessaire. Dans un premier temps, le contrôle est réalisé au niveau de chaque appui, puis l'adaptation est testée de manière globale. Un serrage identique des vis au cours des deux étapes atteste qu'aucune contrainte n'existe, montrant une adaptation passive de l'armature. Toute armature ne répondant pas à ce critère est à rejeter car sa mise en bouche pourrait entraîner des tensions sur les implants et des risques vis-à-vis de la pérennité de la prothèse.

Actuellement, la prothèse implantaire occupant tout ou partie des arcades dentaires se développe rapidement. La pérennité de ces restaurations dépend de plusieurs facteurs mécaniques et biologiques :

– ostéo-intégration ;

– adaptation des composants prothétiques ;

– occlusion ;

– entretien correct par le patient.

Une fois l'ostéo-intégration obtenue et testée, la phase prothétique d'usage peut commencer. Lors de cette phase, le contrôle de l'adaptation passive de l'armature du bridge sur les piliers doit être validé. Le but de cet article est de décrire une méthode originale de vérification de l'adaptation passive des armatures transvissées pouvant être réalisée dans tout laboratoire, sans équipement spécifique de contrôle.

Armatures métalliques et CFAO

Depuis une vingtaine d'années, les techniques de réalisation des armatures ont considérablement évolué. La fonderie par cire perdue a été la méthode classique de fabrication des armatures et le reste encore dans le cas d'utilisation d'alliages précieux (fig. 1). Cependant, la CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) prend désormais une place grandissante dans les laboratoires de prothèses (fig. 2). L'usinage réalisé par des machines imposantes se fait pour des matériaux tels que le chrome cobalt ou le titane (fig. 3). Cette méthode, même si elle apporte une garantie de précision [1-4], ne dispense pas de la phase de contrôle de l'adaptation. Les centres d'usinage industriels disposent de moyens élaborés de contrôle et de métrologie, ce qui n'est pas le cas de tous les laboratoires dans lesquels des armatures peuvent être produites.

Un contrôle doit impérativement être réalisé au laboratoire avant livraison de l'armature au praticien. L'examen clinique visuel et/ou radiologique est insuffisant, car imparfait (fig. 4 et 5).

Les limites du test de Sheffield

Avant les étapes de conception et de réalisation de l'armature, il est nécessaire que le moulage de travail soit parfaitement validé. La première étape consiste à placer en bouche une clé en plâtre construite sur le moulage par le prothésiste. Son insertion et son vissage délicat ne doivent pas entraîner de fracture du plâtre (fig. 6).

Après réalisation, quel que soit son moyen de fabrication, l'armature doit être l'objet d'un contrôle de l'adaptation passive sur le moulage. Un procédé largement pratiqué dans les laboratoires de prothèses est le test de Sheffield, décrit par White [5], qui consiste en la vérification de l'ajustage d'une armature en ne serrant qu'une vis à la fois. Le principe en est le suivant : après avoir positionné l'armature sur les répliques, un vissage est effectué avec une vis, d'un côté de l'arcade (au niveau de la 35) ; il faut, en pressant à l'aide d'une feuille de cire rose ordinaire de 13 mm de largeur à une température de 20 oC, pouvoir amener l'armature au contact de l'autre côté de l'arcade (au niveau de la 45). Le contrôle est uniquement visuel pour évaluer la présence ou non d'un hiatus entre les analogues et l'armature.

Ce test est critiquable dans sa méthode car, notamment, disposer d'une cire à 20 oC n'est pas facile selon la température ambiante, ce qui rend la reproductibilité du test aléatoire. Par ailleurs, il met en évidence des erreurs essentiellement situées du côté vestibulaire ou du côté distal sur les piliers postérieurs et en aucun cas les hiatus linguaux, mésiaux ou distaux.

Proposition d'une méthode originale, éprouvée et fiable

Nous proposons ici une méthode de contrôle originale, fiable et répétitive pratiquée régulièrement dans notre laboratoire depuis de nombreuses années.

Ce test consiste, dans un premier temps, à valider l'appui de l'armature individuellement sur chaque pilier qui lui est affecté puis, dans un second temps, à contrôler l'armature dans son ensemble après un serrage dynamométrique tel qu'il aura lieu en bouche.

Ce sont des vis longues de prothèse qui sont utilisées et non celles destinées à transvisser en bouche la prothèse terminée. Chaque vis est attribuée à un pilier et ne sera pas interchangée lors de la réalisation du test.

Une marque est faite avec un feutre dans l'axe de la vis (fig. 7). Sur chaque réplique de pilier, l'armature est positionnée perpendiculairement à sa position logique en faisant attention à ce qu'elle ne touche pas le moulage (fig. 8). La vis est tournée à l'aide d'un tournevis jusqu'au moment où elle s'arrête de manière très nette et sèche. Le « point stop » est alors atteint et marqué sur le moulage par un trait au crayon noir en face de la position du repère de la vis (fig. 9).

La vis amenée au « point stop » permet d'assembler armature et réplique de manière intime sans appliquer de serrage. Dans cette situation, l'armature n'ayant qu'un seul point d'appui, est neutre et donc passive.

Cette même opération est reproduite au niveau de tous les autres puits de vissage, toujours en évitant tout contact entre le plâtre et l'armature métallique (fig. 10).

Cette première étape permet de valider la position d'adaptation passive de l'armature sur chaque pilier, sans avoir appliqué de couple de serrage.

Le moulage présente ainsi une série de marques indiquant la position de la vis lors du serrage jusqu'au point d'arrêt (fig. 11).

Pour la seconde partie du test, l'armature est mise en place dans la position qu'elle occupera cliniquement.

Du côté gauche, la vis la plus postérieure est insérée jusqu'au stop puis, à l'aide d'une clé dynamométrique, le couple de 15 Ncm est appliqué tel qu'il le sera en bouche lors de la pose du bridge (fig. 12 et 13).

La vis la plus éloignée, controlatérale, est insérée et vissée jusqu'à ce qu'elle s'arrête au stop de manière nette et sèche. Sur le moulage, un trait rouge est tracé en face du repère qui se trouve sur le corps de la vis (fig. 14 et 15). Si l'armature est passive, les traits noirs et rouges doivent être superposés.

Dans un second temps, la situation est inversée : la vis postérieure est relâchée, du côté gauche puis un couple de serrage sur la vis postérieure du côté droit est appliqué (fig. 16). Le « point stop » est alors recherché sur la vis postérieure du côté gauche. De nouveau, un trait rouge est tracé en regard du repère de la vis (fig. 17), et ainsi de suite, sur les piliers en direction antérieure (fig. 18). À l'issue de ces divers vissages, le moulage doit présenter des traits noirs et rouges se superposant, attestant que l'adaptation de l'armature est passive au niveau de chaque réplique de pilier (fig. 19).

Quand l'adaptation est incorrecte, les traits ne sont pas concordants (fig. 20 et 21). Dans ce cas, la conduite à tenir dépend de l'origine de l'armature. Si celle-ci a été usinée ou fondue en métal non précieux, elle est à refaire. Si elle est issue de fonderie en métal noble, elle peut être éventuellement sectorisée, puis les différentes parties sont mises en place sur le moulage de travail et brasées dans des clés de positionnement, étape qui est une opération extrêmement délicate. Le test doit ensuite être validé avant de passer aux étapes suivantes.

Conclusion

Le test présenté dans cet article reste une méthode artisanale ne nécessitant pas de matériel sophistiqué. Il présente toutefois les mêmes limites que le test de Sheffield car il ne peut indiquer si le hiatus est lingual, mésial ou distal. En revanche, il indique de manière sûre si l'armature est passive ou non.

Une armature stable et passive est un facteur important dans la transmission optimale des contraintes aux implants, ce qui permet d'assurer leur pérennité.

Bibliographie

  • 1 Abduo J. Fit of CAD/CAM implant frameworks: a comprehensive review. J Oral Implantol 2014;40:758-766.
  • 2 de França DGB, Morais MHST, das Neves FD, Barbosa GAS. Influence of CAD/CAM on the fit accuracy of implant-supported zirconia and cobalt-chromium fixed dental prostheses. J Prosthet Dent 2015;113:22-28.
  • 3 Paniz G, Stellini E, Meneghello R, Cerardi A, Gobbato EA, Bressan E. The precision of fit of cast and milled full-arch implant-supported restorations. Int J Oral Maxillofac Implants 2013;28:687-693.
  • 4 Tahmaseb A, van de Weijden JJ, Mercelis P, De Clerck R, Wismeijer D. Parameters of passive fit using a new technique to mill implant-supported superstructures: an in vitro study of a novel three-dimensional force measurement-misfit method. Int J Oral Maxillofac Implants 2010;25:247-257.
  • 5 White G. Technologie des implants ostéo-intégrés. Paris : CdP;1994.

Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

J.M. Moal - Prothésiste dentaire Toulon

G. Duminil - Docteur en chirurgie dentaire, exercice libéral 15 rue de France 06000 Nice