Les cahiers de prothèse n° 174 du 01/06/2016

 

Occlusion

P.-H. Dupas / O. Hüe  

Dans les années 1970-1980, « l'occlusion », science des contacts occlusaux, s'est développée avec son cortège de concepts, de conceptions, de matériels plus ou moins sophistiqués et souvent très onéreux. L'articulateur, l'arc facial, la programmation étaient au centre de toutes les questions prothétiques. Mais qu'en reste-t-il aujourd'hui ? L'articulateur, dont pourtant toutes les facultés d'odontologie françaises prônent l'utilisation, est le plus souvent mis au rebut,...


Résumé

Résumé

Malgré tous les efforts des enseignants dans les facultés de chirurgie dentaire, l'emploi de l'articulateur est toujours resté très confidentiel dans les cabinets dentaires. Une meilleure compréhension de la cinématique condylienne permettrait de simplifier son utilisation sans pour autant galvauder son emploi. L'expérience clinique enrichie par la littérature scientifique et la réflexion a permis de proposer un protocole de programmation qui évite l'utilisation de matériel sophistiqué : la programmation simplifiée de la pente condylienne répond à la réalité clinique tout en démystifiant l'enregistrement du déplacement latéral.

Dans les années 1970-1980, « l'occlusion », science des contacts occlusaux, s'est développée avec son cortège de concepts, de conceptions, de matériels plus ou moins sophistiqués et souvent très onéreux. L'articulateur, l'arc facial, la programmation étaient au centre de toutes les questions prothétiques. Mais qu'en reste-t-il aujourd'hui ? L'articulateur, dont pourtant toutes les facultés d'odontologie françaises prônent l'utilisation, est le plus souvent mis au rebut, parfois placé sur une étagère par l'étudiant sitôt devenu praticien.

Cependant, la réalisation de prothèses de grande étendue, fixes ou amovibles, dento-portées ou implanto-portées, requiert l'utilisation de ces dispositifs. Lorsqu'on analyse la littérature implanto-prothétique, pourquoi dénombre-t-on autant d'échecs du type fracture des dents prothétiques, fracture d'armatures, fracture d'implants, dévissage, etc. ? La réponse est souvent la même : problèmes d'occlusion.

Une question essentielle se pose : à quoi sert l'occlusion ? Pour y répondre, le praticien doit connaître deux préalables :

– l'occlusion reconstruite est une occlusion « prothétique » très éloignée de celle des dents naturelles sur le plan neurophysiologique ;

– il convient de contrôler l'ensemble des forces fonctionnelles qui s'appliquent sur les restaurations prothétiques pour éviter des incidents les mettant en péril.

L'articulateur est le seul dispositif qui permette de répondre à ces deux exigences. En effet, il conserve la dimension verticale d'occlusion ainsi que la relation intermaxillaire enregistrée et il simule entièrement ou partiellement les mouvements mandibulaires, autant d'éléments qui concourent à contrôler les forces fonctionnelles qui s'appliquent sur les restaurations prothétiques.

Au cours du temps, les articulateurs se sont perfectionnés pour devenir des articulateurs dits adaptables sans qu'ils aient amené un réel avantage clinique. Les articulateurs dits semi-adaptables répondent parfaitement aux objectifs cliniques du praticien, encore faut-il savoir les utiliser et en connaître les capacités et les limites. La compréhension mécanique de la cinématique condylienne dans sa fosse mandibulaire permet d'assimiler celle de la boule condylienne dans le boîtier condylien de l'articulateur.

Répondant à ces principes, une méthode de programmation simplifiée des boîtiers condyliens de l'articulateur semi-adaptable a été mise au point sans l'apport de matériel sophistiqué. Cette technique répond à un certain réalisme clinique qui privilégie, en la démystifiant, la programmation de la pente condylienne par rapport à l'angle de Bennett.

Cinématique condylienne

Lorsqu'un patient mobilise sa mandibule, les mouvements sont principalement guidés par les condyles qui se déplacent au sein de leurs cavités glénoïdes respectives. Deux déplacements sont particulièrement importants : la propulsion et le mouvement de latéralité. Dans un premier temps, il convient donc d'analyser les éléments essentiels de la simulation des déplacements condyliens sur un articulateur [1-5].

Propulsion mandibulaire

La propulsion mandibulaire est déterminée par la pente condylienne (P.C.) qui est l'angle formé par le plan axio-orbitaire (PAO) et la droite joignant les points de départ (A) et d'arrivée (B) du condyle lors de son trajet de propulsion. Le point de départ (A) est la position haute du condyle dans sa fosse mandibulaire. Le point d'arrivée (B) correspond au bout à bout incisif. Sur articulateur, la propulsion mandibulaire, ou pente condylienne, est matérialisée par la programmation de l'orientation sagittale des boîtiers condyliens (fig. 1). L'évaluation de son enregistrement axiographique est une aide dans le diagnostic des dysfonctionnements cranio-mandibulaires [6].

Diduction mandibulaire

Lors de la diduction, le côté vers lequel se dirige la mandibule est le côté travaillant, l'autre côté étant qualifié de non travaillant. Avant ce mouvement de latéralité, au point de départ, le condyle est situé dans la partie haute de la fosse mandibulaire. Le point d'arrivée dentaire correspond à la situation spatiale du bout à bout canin ou à l'aplomb des cuspides vestibulaires des prémolaires et molaires travaillantes.

Il est établi que le condyle mandibulaire travaillant peut tourner sur lui-même. Dans ce cas, il est pivotant ou effectue un mouvement centrifuge dans le plan frontal. Pendant ce temps, le condyle non travaillant effectue un mouvement centripète complexe plus ou moins courbe dans les trois plans de l'espace, de haut en bas et d'arrière en avant. Il est classique d'observer deux types de déplacements :

– soit le déplacement est progressif et matérialisé par l'angle de Bennett ;

– soit son trajet est aussitôt latéral avant de devenir progressif, c'est le déplacement latéral immédiat (fig. 2).

Angle de Bennett

L'angle de Bennett est formé par le plan parasagittal passant par le centre du condyle non travaillant et la droite joignant le point de départ (A) de ce condyle et son point d'arrivée (B) lors du mouvement de diduction (fig. 3). Le point de départ est la situation du condyle dans la partie haute de la fosse mandibulaire. Le point d'arrivée est soit le bout à bout canin, soit le bout à bout des cuspides travaillantes prémolaires et molaires. La valeur angulaire de l'angle de Bennett permet la programmation des boîtiers condyliens de tous les articulateurs.

Déplacement latéral immédiat

Lors du déplacement latéral immédiat (fig. 4), le condyle mandibulaire glisse d'emblée transversalement au début du mouvement, pour ensuite se mouvoir en bas, en avant et en dedans selon un déplacement progressif qui fait un angle de 5 à 7o par rapport à un plan parasagittal. Ces différents angles et déplacements permettent la programmation des boîtiers condyliens des articulateurs. Le déplacement latéral immédiat se programme sur les articulateurs semi-adaptables et adaptables de la firme Denar® (fig. 5).

Programmation classique des articulateurs

Articulateurs adaptables

Les boîtiers condyliens des articulateurs adaptables ont la prétention de reproduire la véritable cinématique condylienne du patient. Leur programmation doit donc être précise. Elle nécessite, pour les articulateurs les plus connus, l'utilisation d'appareillages extra-oraux d'un coût élevé, tels que le pantographe pour les articulateurs adaptables de chez Denar® (fig. 6) ou l'axiographe pour les articulateurs adaptables SAM® (fig. 7). Seul l'articulateur Combi (Denar®), qui s'inspire de l'articulateur TMJ®, se programme à l'aide d'un enregistrement intra-buccal. Les articulateurs adaptables simulent les déplacements curvilignes des mouvements condyliens de propulsion et de latéralité grâce aux réglages complexes des boîtiers condyliens.

Les dispositifs permettant l'enregistrement des déplacements mandibulaires sont tous agrégés à des attelles de fixation recouvrant soit l'arcade dentaire mandibulaire, soit les deux arcades, ce qui donne au manipulateur l'entière responsabilité de la manipulation qui n'est plus contrôlée par les récepteurs parodontaux du patient (fig. 8 à 11).

Cette manipulation n'a pas d'incidence sur l'enregistrement de la propulsion. En revanche, la programmation des latéralités est dépendante du praticien. C'est ainsi que l'on peut trouver, d'un praticien à l'autre, des déplacements condyliens latéraux plus ou moins importants pour un même patient. Ce n'est donc pas la latéralité « physiologique » qui est enregistrée mais la limite du mouvement latéral plus ou moins ample, en fonction de la force du manipulateur [7-10].

Articulateurs semi-adaptables

Contrairement aux trajets curvilignes de l'articulateur adaptable, la boule condylienne de l'articulateur semi-adaptable se déplace dans son boîtier condylien selon des trajets rectilignes qui matérialisent les droites (ou sécantes) de la cinématique condylienne.

La programmation des articulateurs semi-adaptables fait appel soit à des enregistrements intra-buccaux, soit à des enregistrements extra-buccaux. L'articulateur semi-adaptable Quick master® (Fag dentaire) sera pris comme exemple car c'est le plus utilisé dans les facultés de chirurgie dentaire, dans les cabinets dentaires et, surtout, dans les laboratoires de prothèses.

S'inspirant de la méthode de programmation de l'articulateur SAM®, l'articulateur semi-adaptable Quick master® doit être programmé à l'aide d'un axiographe, le QUICK-AXIS®, qui nécessite l'utilisation d'une attelle de fixation mandibulaire (fig. 12 et 13).

La trajectoire condylienne en propulsion est précisément enregistrée mais la mesure de l'amplitude du déplacement condylien non travaillant (à l'aide du comparateur) est assez délicate car très dépendante du praticien, ce qui pose aussi la question de la véracité clinique du déplacement latéral immédiat [11-16].

Programmation simplifiée des articulateurs semi-adaptables

Pour respecter la mise en œuvre des concepts occluso-prothétiques lors de la confection des prothèses de grande étendue, la programmation des articulateurs s'impose :

– en prothèse fixée, pour éviter les interférences propulsives et diductives postérieures quand la protection incisivo-canine est insuffisante ;

– en prothèse amovible, pour mettre en œuvre le concept d'occlusion totalement équilibrée, surtout en prothèse amovible complète [16-18].

La programmation simplifiée des articulateurs semi-adaptables est une étape rapide, donc systématique pour tous types de prothèses à confectionner.

Principe

Pour permettre aux praticiens de programmer leurs articulateurs sans avoir recours à un matériel sophistiqué, une programmation simplifiée de l'articulateur semi-adaptable fondée sur la lecture des clichés panoramiques a donc été mise au point. À la suite de l'observation de près de 10 000 tracés axiographiques réalisés comme aide au diagnostic du dysfonctionnement cranio-mandibulaire, la constatation suivante s'impose : il existe une similitude entre la valeur angulaire de la pente condylienne enregistrée sur les drapeaux paracondyliens de l'axiographe SAM® et la pente du mur antérieur de la fosse mandibulaire, pour chaque articulation temporo-mandibulaire (ATM) saine visualisée sur la radiographie panoramique. La valeur de la pente condylienne est donc déterminée sur celle-ci.

Pour programmer le déplacement condylien non travaillant, seule la valeur de l'angle de Bennett est programmée, car son enregistrement est moins dépendant du praticien, donc plus physiologique, que le déplacement latéral immédiat. L'angle de Bennett est calculé en s'inspirant de la formule de Hanau.

Technique

Calcul de la pente condylienne

Sur l'impression papier de la radiographie panoramique (ou le relevé calque), sont tracées :

– une droite A qui relie les sommets des fosses mandibulaires des ATM droite et gauche ;

– deux droites B, tracées sur chaque ATM, qui joignent le sommet de la fosse mandibulaire à la partie la plus postérieure du tubercule articulaire.

Les intersections de ces deux sécantes forment, pour chaque ATM, un angle qui est la valeur de la pente condylienne [16] (fig. 14).

Calcul de l'angle de Bennett

Pour calculer l'angulation du déplacement condylien non travaillant, il est possible d'utiliser, en la modifiant, la très ancienne formule de Hanau (vers 1925) :

valeur l'angle de Bennett = (P.C./8) + 12o.

Cette formule a été proposée en prothèse amovible totale pour respecter le concept de l'occlusion « balancée », c'est-à-dire bilatéralement équilibrée. Cette équation n'est pas satisfaisante en prothèse fixée et a été modifiée pour respecter les concepts occluso-prothétiques spécifiques [517, 18].

Sans conséquence sur le résultat mais afin de simplifier les calculs de la formule de Hanau, la valeur de la pente condylienne est divisée par 10 au lieu de 8. La valeur numérique ajoutée (+12o dans l'équation ci-dessus) est modulée de 0 à 15o selon l'âge du patient et le type de prothèse.

Valeur numérique ajoutée chez le jeune patient = 0

Des travaux pratiques effectués par les étudiants de troisième année à la faculté de chirurgie dentaire de Lille ont permis de mettre en évidence la faible amplitude de l'angle de Bennett : environ 5o. Ces étudiants ont réalisé sur leurs camarades la programmation de l'articulateur Quick master® à l'aide de l'axiographe QUICK-AXIS®. Déterminée sur radiographie panoramique, la valeur moyenne de la pente condylienne chez ces jeunes patients était de 50o. Ainsi, pour obtenir un angle de Bennett de 5o, la valeur numérique ajoutée à P.C./10 est donc nulle.

(P.C./10) + 0 = valeur de l'angle de Bennett, soit : (50o/10) + 0 = 5o.

Valeur numérique ajoutée chez le patient plus âgé = 5 à 15

Dans le cas de prothèse fixée de grande étendue chez l'adulte, l'application de la formule de Hanau donnerait une valeur trop élevée à l'angle de Bennett, risquant d'induire des contacts non travaillants pathogènes. En fonction de l'âge du patient adulte, la valeur numérique ajoutée à P.C./10 variera de 5 à 10, reflet d'un jeu articulaire de plus en plus important avec l'âge. Le concept de l'occlusion balancée en prothèse amovible partielle et a fortiori en prothèse amovible totale impose des valeurs ajoutées de 10 voire de 15 pour les patients les plus âgés. La laxité ligamentaire et l'usure des structures osseuses articulaires engendrent une valeur de pente condylienne plus faible. Une valeur ajoutée plus importante à P.C./10, compensant la faible angulation de la pente condylienne, donne une valeur plus importante de l'angle de Bennett, ce qui aide à la conception de l'occlusion balancée.

Deux exemples matérialisent le calcul de l'angle de Bennett à partir de la valeur de la pente condylienne mesurée sur la radiographie panoramique. Ils permettent également de comparer notre formule mathématique à celle de Hanau :

– premier exemple :

• le patient est un adulte jeune qui doit bénéficier d'une prothèse fixée de grande étendue. La valeur de la pente condylienne mesurée est de 50o,

• d'après la formule de Hanau, la valeur de l'angle de Bennett = (50/8) + 12 = 18,25o,

• ce résultat est irréaliste pour un sujet jeune,

• d'après la formule simplifiée, la valeur de l'angle de Bennett = (50/10) + 0 = 5o,

• le résultat obtenu est conforme à ce qui est observé en clinique ;

– second exemple :

• le patient est une personne âgée pour qui une prothèse amovible totale doit être envisagée. Pour respecter le concept de l'occlusion balancée, la valeur numérique ajoutée est de 15 pour assurer des contacts dentaires bilatéralement équilibrés,

• la valeur de la pente condylienne du patient âgé est proche de 40o,

• d'après la formule de Hanau, la valeur de l'angle de Bennett = (40/8) + 12 = 17o,

• d'après la formule simplifiée, la valeur de l'angle de Bennett = (40/10) + 15 = 19o.

Dans ce dernier exemple, la programmation de l'angle de Bennett est arrondie à 20o dans les deux formules afin de correspondre à la valeur de l'insert droit de 20o de l'articulateur Quick master®. Pour les autres types d'articulateurs, l'aile de Bennett se programme de 5o en 5o, il n'est donc pas réaliste de la programmer à 17 ou 19o.

Ces deux résultats concordent et permettent de mettre en œuvre aisément le concept occluso-prothétique de l'occlusion balancée retenu pour ce type de prothèse.

Discussion

À l'issue de ces éléments de programmation, trois questions peuvent guider la discussion : qu'en est-il du déplacement latéral immédiat ? L'enregistrement précis de l'angle de Bennett est-il déterminant ? La méthode de programmation simplifiée des articulateurs semi-adaptables est-elle cliniquement validée ?

Le déplacement latéral immédiat existe-t-il, est-il physiologique ?

Ce déplacement latéral immédiat a été mis en évidence lors d'enregistrements pantographiques [19, 20]. Le montage du pantographe nécessite l'emploi d'attelles de fixation maxillaires et mandibulaires qui inhibent toute information parodontale. La pression exercée sur la mandibule varie d'un praticien à l'autre en guidant celle-ci aux limites extrêmes du mouvement latéral. Ainsi, ce déplacement latéral immédiat est-il physiologique ? L'expérience de Lundeen et Gibbs répond par la négative [21]. En effet, au début des années 1970, ces auteurs ont mis au point le Gnathic Replicator®. Un articulateur, supportant les moulages en plâtre d'un patient est relié à un système d'enregistrement léger s'agrégeant sur les arcades dentaires de ce même patient sans interférer sur ses contacts dentaires. Quand le patient mastique, l'articulateur fait de même. Les auteurs ont donc suivi le mouvement des condyles lors de la mastication de divers aliments. La moyenne de déplacement du condyle non travaillant est de 1 cm, conformément aux enregistrements axiographiques classiques. La moyenne de déplacement du condyle travaillant (mouvement de Bennett) est 1/3 de millimètre dans le plan sagittal et de 1/5 de millimètre dans le plan frontal. Ces déplacements du condyle travaillant sont donc négligeables.

Le mouvement du condyle travaillant est donc plus pivotant que centrifuge, l'angle de Bennett est donc le seul retenu pour matérialiser le déplacement du condyle non travaillant.

L'enregistrement précis de l'angle de Bennett a-t-il une importance majeure, celui de la pente condylienne suffit-il ?

Pour matérialiser l'importance de l'enregistrement de la valeur de la pente condylienne et sa prépondérance sur l'angle de Bennett, il suffit d'observer l'incidence qu'a chacune de ces valeurs sur les versants non travaillants des molaires. Pour cela, nous avons donné successivement la valeur de 50o et 30o à la pente condylienne tout en faisant varier l'angle de Bennett de 5, 10 et 20o.

Pente condylienne fixée à 50o

Dans un premier exemple, la valeur de la pente condylienne est fixe, soit P.C. = 50o et l'angle de Bennett (β) varie de 5, 10 et 20.

Les schémas de la figure 15 représentent, dans le plan frontal :

– deux condyles dans leurs cavités glénoïdes ;

– les deuxièmes molaires maxillaires et leurs antagonistes ;

– les canines maxillaires et mandibulaires.

La place privilégiée des cuspides vestibulo-distales des deuxièmes molaires (situées à mi-distance des canines et des condyles mandibulaires) leur permet de bénéficier de l'influence égale des uns et des autres et de simplifier ainsi les calculs. Les trajets non travaillants des deuxièmes molaires s'effectuent en bas, en avant et en dedans.

La formule du Quint de Hanau, simplifiée et adaptée au plan frontal, donne la valeur des pentes cuspidiennes non travaillantes (P.c.n.t.) dans le cadre du concept occluso-prothétique de l'occlusion balancée ou articulé constant.

Pour respecter ce concept, la pente cuspidienne non travaillante est tributaire :

– de l'angle de Bennett (β) ;

– de l'angle de la pente condylienne (P.C.) ;

– de l'angle de la pente canine opposée (P.ca.) ;

– de l'angle (μ) formé par la courbe de Monson avec le plan de référence axio-orbitaire.

Pour garder un certain réalisme clinique, les valeurs numériques attribuées aux schémas de la figure 15 se réfèrent aux moyennes données par Slavicek [22], soit :

– l'angle de la pente condylienne = 50o ;

– l'angle de la pente canine droite (P.ca.d.) = 50o ;

– l'angle de la pente canine gauche (P.ca.g.) = 50o.

– la courbe de Monson μ = 10o.

Dans l'équation, l'angle de Bennett prend une valeur négative puisqu'il progresse dans le sens inverse de celui de la canine controlatérale. En effet, il progresse dans le sens trigonométrique alors qu'à l'inverse, celui de la canine controlatérale progresse dans le sens des aiguilles d'une montre. Pour tenir compte de l'angle formé par la courbe de Monson et le versant non travaillant de la deuxième molaire, l'angulation de la courbe de Monson (μ = 10o) est soustraite à l'angle formé par le plan de référence axio-orbitaire et le versant non travaillant de la deuxième molaire. Le calcul est donc le suivant :

Ainsi, les résultats des P.c.n.t. dans ce premier exemple, avec la pente condylienne à 50o et l'angle de Bennett variant de 5, 10 et 20o sont les suivants (fig. 15) :

– Bennett β à 5o

– Bennett β à 10o

– Bennett β à 20o

Pente condylienne fixée à 30o

Dans un second exemple, la valeur de la pente condylienne est fixe, soit P.C. = 30o et l'angle de Bennett varie de 5o, 10o et 20o (fig. 16) :

– Bennett β à 5o

– Bennett β à 10o

– Bennett β à 20o

Valeurs des pentes des cuspides non travaillantes

Le tableau I résume les différentes valeurs des pentes des cuspides non travaillantes des molaires

Ces différentes angulations reflètent l'articulé constant, concept de la prothèse amovible totale [23-25]. Cet articulé constant n'est pas souhaité en prothèse fixée. La valeur de la pente cuspidienne non travaillante reflète ici la valeur angulaire de la descente de la cuspide antagoniste. Cet angle peut être nommé angle d'approche du versant interne de la cuspide vestibulaire des molaires mandibulaires sur le versant externe de la cuspide linguale des molaires maxillaires. Plus la valeur angulaire de la pente cuspidienne non travaillante est faible, plus le risque d'interférences non travaillantes néfastes existe.

Quand la pente condylienne est à 50o, la variation de l'angle de Bennett de 5o à 20o permet une descente des cuspides antagonistes ou angle d'approche à 37,5o, 35o et 30o, ce qui permet d'éviter les interférences non travaillantes.

En revanche, une pente condylienne faible de 30o avec un angle de Bennett variant de 5o à 20o induit une descente des cuspides antagonistes ou angle d'approche de 27,5o, 25o et 20o avec un risque majeur d'interférences non travaillantes compromettant ainsi la pérennité de la prothèse fixée.

Ainsi, que ce soit en prothèse amovible complète ou en prothèse fixée, la pente condylienne a un rôle prépondérant par rapport à celui de l'angle de Bennett dans la cinématique dento-dentaire, soit pour assurer l'occlusion balancée, soit pour respecter l'absence d'interférences non travaillantes.

La programmation simplifiée des articulateurs semi-adaptables est-elle une méthode fiable ?

La programmation simplifiée des articulateurs semi-adaptables est fondée sur l'observation clinique et sur le bon sens, mais cela n'a pas valeur de preuve. La validation de nos observations techniques a été menée à bien par Cautela dans ses travaux de thèse à l'Institut supérieur des sciences du Sud (Lisbonne, Portugal) [26].

Une comparaison en double aveugle sur 25 étudiants (soit 50 ATM) a été réalisée entre la programmation à l'aide du QUICK-AXIS® de la pente condylienne et de l'angle de Bennett de l'articulateur Quick master® ainsi que de notre méthode de programmation sur la radiographie panoramique de chacun des étudiants. L'angle de Bennett a été calculé selon notre formule à partir de la valeur de la pente condylienne déterminée sur chaque radiographie panoramique.

Les comparaisons des résultats montrent une concordance entre les deux techniques. En effet, la moyenne des valeurs des pentes condyliennes enregistrées sur les drapeaux paracondyliens du QUICK-AXIS® comparées à celles déterminées sur les radiographies panoramiques diffère de 0,06o. La moyenne des valeurs des angles de Bennett déterminés par le comparateur du QUICK-AXIS® et ceux calculés par la formule simplifiée (P.C./10) + 0 est de 0,22o.

Après cette expérimentation, il est maintenant possible d'affirmer que la programmation simplifiée des articulateurs semi-adaptables est une méthode fiable, et ce d'autant que son avantage est de se fonder uniquement sur le profil anatomique des fosses mandibulaires et non sur l'angulation du tracé de propulsion calculé sur un tracé axiographique. En effet, la méthode ne prend pas en considération un éventuel trouble articulaire se manifestant par une antéposition discale qui modifie le trajet condylien. Par exemple, il n'est pas rare d'observer, sur un tracé axiographique, une descente condylienne proche de 90o, manifestant une antéposition discale ancienne (fig. 17). Dans ce cas, si l'on se réfère au tracé axiographique, la pente condylienne de l'articulateur est programmée à 90o, ce qui rend l'articulateur inutilisable.

Conclusion

L'étude de la mécanique condylienne et la réflexion clinique ont permis de démystifier l'utilisation de l'articulateur qui est le relais indispensable entre le chirurgien-dentiste et le prothésiste. Pour celui-ci, l'articulateur est le « patient mécanique » sur lequel il va réaliser la prothèse le plus fidèlement possible par rapport au « patient clinique » afin de minimiser les retouches occlusales que le chirurgien-dentiste sera amené à faire au cabinet dentaire.

L'utilisation de l'arc facial et le montage des moulages sur articulateur sont des actes moins complexes que l'usage de certains autres dispositifs quotidiens au cabinet dentaire, c'est pourquoi ils ne sont plus des obstacles pour le praticien et doivent être quotidiennement mis en œuvre. De la même façon, la programmation de l'articulateur semi-adaptable ne doit plus rebuter ses utilisateurs qui ont maintenant une méthode simple, non coûteuse et fiable. En effet, la comparaison de la valeur angulaire de la pente condylienne sur 10 000 tracés axiographiques avec la valeur de la pente du mur antérieur de la fosse mandibulaire visualisée sur la radiographie panoramique nous a conduits à proposer cette méthode simplifiée de programmation des boîtiers condyliens des articulateurs semi-adaptables, en allant plus loin dans la réflexion sur la programmation également simplifiée de l'angle de Bennett.

La programmation des boîtiers condyliens de l'articulateur n'est pas nécessaire quand le guidage antérieur existe, mais elle est indispensable quand il est déficient et aussi pour la prothèse complète, car le concept de l'occlusion balancée (totalement équilibrée) est difficile à réaliser. Ainsi, cette méthode de programmation simplifiée permet d'utiliser l'articulateur dans l'exercice quotidien en évitant l'usage, pour l'édenté total, du clamp d'Almore® (fig. 18 à 20), de mise en œuvre fastidieuse pour le patient et le praticien.

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Liens d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Auteurs

Pierre-Hubert Dupas - Professeur des Universités Lille 59000

Olivier Hüe - Professeur des Universités Émérite, faculté de chirurgie dentaire de Marseille 13000