RÉSUMÉ Le traitement implantaire ne peut être improvisé et l'implant n'est qu'un « moyen », le but ultime étant la réalisation prothétique, demande initiale de notre patient. De fait, l'utilisation de cette technique nécessitera un degré d'anticipation pour obtenir un succès thérapeutique alliant : fonction, esthétique et biologie. Cette anticipation passera donc par l'utilisation de photographies, du digital smile design ou DSD® pour l'établissement du diagnostic, mais aussi de la chirurgie guidée qui permettra la bonne transposition clinique du projet. La réalisation de la prothèse implantaire finale sera ainsi totalement prédictible, donc aisée.
SUMMARY Prosthetic simulation and oral implantology
The implant's treatment cannot be improvised. Indeed, implant is only a tool to realize a prosthesis, the wish of our patient. Actually, the use of this technique will require anticipation to obtain an therapeutic success with function, esthetics and biology. This anticipation will use photos, smile design for the establishment of the diagnosis but also guided surgery which it will allow the good execution of the composed diagnosis. The realization of the final prosthesis on implants will then be completely predictable and thus well-to-do.
L'implant, en tant que racine artificielle, permet de remplacer l'organe dentaire absent. L'implantologie est aujourd'hui une discipline faisant partie intégrante des traitements de dentisterie contemporaine. Dès lors, il est important d'intégrer cette technique dans les plans de traitement globaux proposés aux patients. Afin d'obtenir une bonne cicatrisation osseuse initiale après mise en place implantaire et d'aboutir à un succès thérapeutique, il est nécessaire d'utiliser cette thérapeutique dans de bonnes indications (il faut notamment confronter l'état général du patient aux contre-indications générales à l'implantologie). Toutefois, la cicatrisation initiale n'est pas le seul objectif des thérapeutes ni le seul souhait des patients. En effet, l'implant devra évidemment être pérenne dans le temps tout en favorisant le succès esthétique au niveau de sa couronne (« blanc ») et de son environnement tissulaire (« rose »). Le seul résultat du « blanc » ne peut être satisfaisant, il est impératif que les zones roses et blanches soient cohérentes avec les dents adjacentes pour un résultat durable et esthétique [1]. Pour obtenir ce type de résultat, il est d'abord nécessaire d'intégrer l'implant dans un volume osseux suffisant [2] tant pour la cicatrisation initiale que pour la stabilité ultérieure des volumes. Le second impératif du traitement implantaire esthétique est le bon positionnement de l'implant. Celui-ci doit en effet être centré en regard de la future dent à restaurer.
Au vu de ces éléments et afin d'obtenir un résultat satisfaisant tant pour le praticien que pour le patient, il apparaît nécessaire d'anticiper cette thérapeutique pour poser les bonnes indications et pour prévoir les interventions préalables et indispensables (reconstruction osseuse, gingivale...). Cette anticipation doit passer par la réalisation d'un projet prothétique afin de prévoir le résultat final. Ce projet prothétique sera issu d'une réflexion utilisant, par exemple, des outils tels que la photographie et le Digital Smile Design®.
L'utilisation de ces outils sera détaillée dans un premier temps avec une illustration clinique du projet prothétique en fonction des différentes situations cliniques. Puis ce projet prothétique devra être confronté aux examens radiologiques demandés, du type examens tridimensionnels. Il existe pour cela différents moyens qui seront présentés dans la deuxième partie. Enfin, le « transfert chirurgical » de ce projet prothétique sera explicité : il consistera finalement en la validation du travail réalisé en amont pendant l'ensemble des phases préparatoires.
Les outils en relation avec la construction du projet prothétique sont finalement tous les moyens qui permettent de transférer les informations au laboratoire de prothèses, car le projet de traitement est réalisé en amont par le technicien prothésiste. Tous les éléments doivent, dès lors, lui être transmis pour une réalisation aisée et une validation clinique également facile.
La photographie en odontologie est un élément capital qui revêt à ce jour trois rôles principaux :
– elle permet d'enregistrer les données pour réaliser un plan de traitement précis et étayé en dehors du temps de consultation ;
– elle favorise la transmission des données cliniques au prothésiste qui ne peut avoir en sa possession que des données parcellaires telles que les seuls moulages ;
– elle autorise l'aspect comparatif du traitement (avant/après). Cela peut être intéressant dans certaines situations pour montrer au patient l'avancée de la thérapeutique ou la situation initiale, pour mémoire. Le comparatif est particulièrement pertinent pour les traitements d'éclaircissement.
L'outil photographique permet donc une meilleure communication non seulement avec le patient mais aussi et surtout avec les techniciens de laboratoire. En effet, l'usage de cet outil est intéressant pour deux raisons capitales au sein du travail collaboratif avec le prothésiste. La première utilisation de la photographie est la transmission de la couleur des dents, avec des données délicates à transmettre, à décrire. De fait, la transmission d'une photographie des dents concernées juxtaposées à la pige choisie du teintier permet d'aider le prothésiste pour la réalisation d'une stratification en céramique ou le choix d'une teinte pour des dents du commerce.
La seconde utilisation de l'outil photographique réside de façon plus globale, plus pertinente, dans la transmission du visage du patient au laboratoire de prothèses. Ces photographies peuvent aider à la réalisation des prothèses amovibles et/ou fixes du secteur antérieur. En effet, la visualisation du plan sagittal médian et de la ligne bipupillaire permet de réaliser les montages des dents en adéquation avec ces deux plans [3]. Le respect de ces derniers permet plus facilement d'atteindre les objectifs esthétiques des traitements prothétiques. Il est aussi possible d'imprimer la photographie et de tracer ces lignes dans leur meilleure situation, mais un logiciel informatique basique peut très facilement effectuer cette opération, ce qui permet aussi un envoi numérique du fichier correspondant. Hormis ces deux lignes, la forme du visage du patient peut aussi être appréciée par le technicien de laboratoire sur la photographie transmise, permettant une réalisation dentaire plus adaptée en termes de morphologie (correspondance morphologie faciale et morphologies dentaires).
La photographie est un objet du quotidien. En effet, l'avènement des appareils photographiques au sein des téléphones portables permet la prise facile de clichés tous les jours. Si le cabinet n'est pas équipé de dispositifs photographiques spécifiques, les smartphones peuvent être complètement intégrés dans la pratique du praticien pour la prise de portraits de patients et la transmission directe au laboratoire (fig. 1).
Le Digital Smile Design® a été créé par Christian Coachman, à la fois prothésiste et dentiste, exerçant au Brésil [5]. Sa réflexion sur le Digital Smile Design® a commencé après des interrogations relatives au diagnostic initial de situations cliniques. Il est certain que toutes les équipes, quel que soit leur degré d'expérience, ont été confrontées à des problématiques liées à la communication entre le laboratoire et la clinique pour l'établissement d'un plan de traitement. L'objectif du Digital Smile Design® est donc de fournir une aide en protocolisant la réflexion et la création d'un projet prothétique.
La conception virtuelle du sourire est un protocole conceptuel, polyvalent, fondé sur une analyse des patients dans leurs dimensions faciales et dentaires. Cette analyse passe par une série prédéterminée de photographies numériques de qualité mais aussi de vidéos permettant, entre autres, de capturer des images fixes plus naturelles que les photos. L'analyse de ces documents met en évidence les relations entre les dents, la gencive et les lèvres mais aussi entre la position de ces dernières dans le sourire et le visage et sa dynamique qui permet d'exprimer des émotions. Le protocole est précis : quatre photographies sont indispensables (deux vues frontales du visage du patient, une vue occlusale de l'arcade, une vue « à 12 heures » du patient). Ensuite, les étapes sont clairement identifiées : il s'agit de positionner le patient dans le cadre établi avec différents outils afin de pouvoir procéder à une analyse progressive des différentes caractéristiques du sourire. Sur ces photographies, des éléments tels que les lignes du sourire, la relation gingivale et les dents sont reportés et apparaissent précisément, ce qui permet une réflexion globale pour la restauration du sourire du patient. Les proportions dentaires peuvent également être appréciées, donc améliorées.
En suivant le protocole et avec à l'aide d'objets de calibration, des mesures sont réalisées, elles permettent une collaboration étroite avec le technicien de laboratoire pour une exécution raisonnée du projet prédéterminé. Il apparaît évident que cette présentation claire et compréhensible facilite aussi la communication avec le patient : le Digital Smile Design® sert à illustrer les problématiques présentes et les solutions en regard de celles-ci. En effet, il est toujours difficile d'expliquer les pathologies existantes à un patient : la visualisation photographique est une aide déterminante pour cela. Il apparaît plus approprié d'utiliser les propres photographies du patient plutôt que celles d'autres personnes dans des situations cliniques similaires, car l'identification est évidemment plus précise et permet une meilleure compréhension par le patient, donc une meilleure acceptation des thérapeutiques proposées. Il est par ailleurs très intéressant de percevoir comment le patient comprend la complexité des techniques odontologiques mises en œuvre pour son traitement.
Le Digital Smile Design® est ainsi un outil indéniable, utilisé quotidiennement, dans l'optimisation des traitements (analyse, diagnostic, réalisation, mais aussi suivi). Toutefois, son utilisation doit être corrélée à la vision artistique du praticien et du prothésiste ainsi qu'à leurs compétences respectives (fig. 2).
Dans les situations de patients édentés unitaires et partiels, les dents résiduelles permettent une première appréciation de la morphologie des dents manquantes (présence de la dent controlatérale ou de dents du même secteur). Cela permet donc au prothésiste de construire ses morphologies en s'inspirant de celles des dents présentes. Même si l'art est délicat, il est dans ce cas facilité.
Dans le cadre du traitement des patients totalement édentés, il reste difficile « d'inventer » des dents ou de les choisir, parmi différentes possibilités, avec un très faible nombre de données. Le visagisme peut être une aide à ce choix : il épaule les cliniciens dans la conception des restaurations qui répondent aux critères esthétiques et aux caractéristiques psychosociales relatives à l'image de chaque patient. Ces caractéristiques sont en relation étroite avec les émotions, le sens d'identité, le comportement mais aussi le respect de l'individu. Ces facteurs sont apparents et vont ainsi avoir une influence sur les interlocuteurs des patients après traitement. Le visagisme implique la création d'une image personnelle et individuelle qui exprime le sens d'une personne, son identité. La méthode est issue de l'association des principes du langage visuel artistique et des disciplines comme la psychologie, la neurobiologie, l'anthropologie et la sociologie.
Avec le concept du visagisme, les cliniciens peuvent « signer » un sourire qui intègre l'apparence physique du patient, sa personnalité et ses désirs. Dès lors, un des défis majeurs est de découvrir les traits de personnalité et les désirs du patient pour les traduire dans des formes de dents naturelles dans une harmonie psycho-dento-faciale. Le patient doit donc prendre part activement à ce choix : l'utilisation de quelques questions permet de dégager certains traits de personnalité qui devront être en harmonie avec la morphologie des dents.
Techniquement, il existe quatre formes dentaires de base : rectangulaire, triangulaire, ovale et carrée, avec quelques variations possibles. L'ensemble des lignes verticales, horizontales, inclinées, droites et courbes interagissent de façon à créer une infinité de possibilités de formes naturelles des dents. Ces lignes contiennent leur propre pouvoir d'expression et de signification émotionnelles :
– des lignes droites verticales représentent la force, le pouvoir (la puissance) et la masculinité ;
– des lignes droites horizontales représentent la passivité et la tranquillité. Elles peuvent aussi représenter une barrière ;
– des lignes droites inclinées expriment le dynamisme, le mouvement et la joie ;
– des lignes courbes représentent la transition graduelle entre deux plans (vertical et horizontal) et expriment la douceur, la délicatesse, la féminité et la sensualité.
Avec les éléments de caractère du patient et l'application des règles classiques de l'esthétique, il apparaît possible d'effectuer le meilleur choix de la morphologie dentaire. Celle-ci fait intégralement partie du cadre facial et doit être en harmonie avec cet ensemble.
Une fois le projet prothétique réalisé, il est toujours idéal de pouvoir le tester en bouche avant le traitement implantaire. En effet, la position dentaire va imposer la position implantaire. De fait, une validation clinique du projet prothétique est nécessaire afin d'optimiser le traitement clinique et son résultat biologique et esthétique.
Pour une arcade édentée, la validation clinique de ce projet est toujours possible sur les crêtes et le projet peut prendre différentes formes. Lorsque les dents sont encore présentes, l'utilisation d'un mock-up semble pertinente s'il est réalisable.
Les édentements unitaires peuvent être de différentes origines (traumatismes, agénésies, caries, etc.). Les patients peuvent se retrouver dans des situations cliniques diverses mais il est indispensable, si un traitement implantaire est envisagé, de pouvoir visualiser la future dent afin de valider la bonne position prothétique.
Les figures 3 à 7 détaillent les possibilités techniques de visualisation de ce projet prothétique sur des édentements de petite étendue.
La problématique pour les patients totalement édentés ou avec édentement de grande étendue est la simulation du futur projet prothétique sur implants. Elle ne peut pas correspondre réellement à la prothèse complète amovible actuellement en place car la présence de la fausse gencive est un élément perturbant qui fournit de fausses informations. Elle masque le niveau crestal et il n'est donc pas possible de percevoir le manque de volume tissulaire. Si le défaut est important, le recours à une gencive prothétique ou une reconstruction osseuse, sera nécessaire [7]. Ces deux options permettent de créer des proportions dentaires harmonieuses en évitant un aspect disgracieux de dents longues, mais ces options correspondent à des thérapeutiques différentes.
De plus, la présence de cette gencive prothétique artificielle modifie la position de la lèvre entre cette solution amovible de départ et la prothèse fixée sur implants. De fait, elle n'est pas recommandée pour visualiser correctement le futur projet (fig. 8 à 10).
La technique d'extraction-implantation est une avancée pertinente en implantologie si l'indication est bien posée (délai de traitement réduit, conservation des volumes, etc.) Ce type de technique de traitement dite en un temps rend plus difficile la prévision clinique du projet prothétique, par définition. Toutefois, il est parfois possible de réaliser des mock-up afin de visualiser le résultat final [8]. Cela peut s'envisager aussi bien à la mandibule (fig. 11 et 12) qu'au maxillaire (fig. 13 et 14), mais également avant extraction pour des patients qui seront par la suite totalement édentés et pour lesquels des restaurations fixes sur implants sont envisagées (fig. 15 à 18).
Ainsi, il existe plusieurs possibilités pour simuler le futur traitement prothétique implantaire. Pour chaque situation clinique, une solution de prévisualisation est possible. La seule impossibilité technique de cette prévisualisation réside dans les situations cliniques d'extraction-implantation pour les cas où les dents sont vestibulées de façon trop importante.
Une fois, ce projet validé cliniquement, l'enjeu est de le faire apparaître dans l'examen tridimensionnel qui est l'étape suivante.
La prothèse a toujours été la finalité de la technique implantaire qui doit être en corrélation avec la biologie (volume osseux et muqueux) et les impératifs prothétiques (esthétique et fonction). Le guide radiologique a pour objectif de déterminer quatre points essentiels : l'axe des implants, la position de chaque implant, le nombre d'implants nécessaires et l'épaisseur de la muqueuse (espace situé entre le guide radiologique et l'os).
L'examen tridimensionnel, demandé comme un examen complémentaire en implantologie orale, doit permettre de visualiser les structures anatomiques (os, cavités, vaisseaux et nerfs) mais également de prévisualiser la prothèse finale. Il a pour objectif de valider la cohérence entre le volume osseux et le projet prothétique correspondant à l'indication implantaire. Cela signifie qu'il ne sera demandé qu'une fois le plan de traitement prothétique établi. Ce projet prothétique radiologique a pris différentes formes au fil des années : billes de métal, gutta-percha. De nos jours et face aux moyens techniques disponibles, il semble désuet de continuer à utiliser ces moyens rudimentaires.
Ce type de dispositif a été largement décrit [9] et seules quelques règles de base seront rappelées. Ce dispositif doit être radio-opaque (uniquement les dents) et rigide, il ne doit pas émettre de signaux parasites (bruits), il doit être stable et doit pouvoir transmettre l'enveloppe des futures dents prothétiques implantaires. Ces dents radio-opaques seront au contact de la muqueuse pour pouvoir mesurer l'épaisseur des tissus mous (se situant entre le matériau radio-opaque et l'os) (fig. 19).
La simulation du projet par des dents radio-opaques est aujourd'hui un dispositif fastidieux. Actuellement, les deux principaux outils informatiques modernes qui permettent de visualiser le projet prothétique sur l'imagerie tridimensionnelle sont le double scanner et l'indexation des moulages.
La technique du double scanner a été initialement décrite par Verstreken [11]. Comme son nom l'indique, elle consiste à réaliser deux scanners : un scanner du patient porteur de son projet prothétique type appareil amovible, appelé donc guide radiologique, et un scanner du projet prothétique seul.
Avant cela, il est nécessaire de vérifier que le guide radiologique :
– est extrêmement adapté au niveau muqueux afin de s'assurer de sa parfaite stabilité lors de l'examen radiologique. Si une prothèse existante instable est utilisée comme guide, elle doit être rebasée ou refaite intégralement ;
– est calé par l'arcade antagoniste par l'intermédiaire d'un index occlusal (le plus souvent en silicone) ;
– est porteur de repères radio-opaques (des billes prêtes à être insérées dans la prothèse ou la création de cavités dans la résine remplies de gutta-percha).
Après la réalisation des deux scanners, deux fichiers DICoM (digital imaging and communications in medecine) sont donc obtenus, le premier correspondant au patient porteur de son guide et le second correspondant au guide seul. L'ensemble des données peut donc être intégré dans l'ordinateur et lu avec des logiciels adaptés (NobelClinician®, SIMPLANT®...). Ces logiciels vont tout d'abord extraire un volume osseux (fichier patient) et des points radio-opaques dans le premier fichier DICoM (fig. 20). Dans le second fichier DICoM, ils vont extraire ces mêmes points mais aussi le volume du guide (dissociable aisément car la seconde acquisition a été réalisée dans un milieu contenant de l'air, contrairement à la première où le guide était en bouche) (fig. 21). De fait, les logiciels vont pouvoir associer, grâce aux différents points radio-opaques, le volume de la prothèse (donc la position des dents) au volume osseux du patient (fig. 22).
Une fois l'acquisition des données réalisées, il devient facile de planifier les implants en regard du projet prothétique. Avec les logiciels tridimensionnels décrits, la prothèse pourra être apparente (en plein ou en transparence) ou non, avec une facilité permettant ainsi une planification implantaire en fonction du volume osseux mais également de la future prothèse.
Cette technique est valable pour les différents types d'édentements (unitaires, partiels, complets). Elle nécessite des étapes de laboratoires plus ou moins importantes et il est relativement rare que la prothèse amovible existante corresponde parfaitement au projet prothétique final. De fait, des séances de préparation seront indispensables et donc associées à un coût laboratoire.
Avec cette méthode, différente de la précédente, le patient passe son examen tridimensionnel sans dispositif particulier et des fichiers DICoM sont obtenus (fig. 23). Parallèlement, des empreintes à l'alginate du patient sont réalisées au fauteuil puis coulées. Une fois le projet prothétique effectué (wax-up, montage des dents sur crêtes), le prothésiste réalise un scannage des moulages au laboratoire afin d'obtenir des fichiers .stl du moulage initial et du moulage avec le projet prothétique. Le format de fichier .stl est utilisé dans les logiciels de stéréolithographie pour faire du prototypage rapide et de la fabrication assistée par ordinateur. Il ne décrit que la géométrie de surface d'un objet en trois dimensions. Ce format ne comporte notamment pas d'informations concernant la couleur, la texture ou les autres paramètres habituels d'un moulage de conception assistée par ordinateur.
Une indexation des moulages est possible à l'aide des mêmes logiciels de planification (NobelClinician®, SIMPLANT®, SMOP®...). Elle correspond à une superposition des fichiers DICoM représentant l'os et .stl représentant les moulages (fig. 24). Certains logiciels proposent une indexation automatique et d'autres une indexation manuelle. Quel que soit le mode choisi, le processus est identique : l'alignement des moulages s'effectue via des reliefs spécifiques tels que les pointes cuspidiennes par exemple. Il est toutefois indispensable de vérifier le bon alignement des données .stl sur le volume osseux et dentaire ; dans le cas contraire, des ajustements peuvent et doivent être réalisés. C'est pourquoi de grandes précautions doivent être prises en amont lors de la réalisation des empreintes pour que le recalage ultérieur soit précis.
Dans les situations où plusieurs moulages doivent être manuellement indexés, les reliefs cuspidiens sont évidemment utilisés sur les différents moulages. Toutefois, une méthodologie plus simple permet aussi d'utiliser des reliefs géométriques sur le socle. Pour cela, des duplicatas sont créés à partir d'un moule en silicone, pour que les différents moulages aient une base commune et donc des formes géométriques identiques et indexables facilement.
Une fois ces étapes d'alignement réalisées, la planification implantaire est réalisée (fig. 25), elle est toujours régie par les mêmes principes (biologie et fonction). L'avantage de cette méthode est la réduction des séances de préparation avant le scanner. Si le projet prothétique est « simple », seuls des moulages (moulage initial et moulage avec le projet) sont nécessaires, limitant ainsi le coût de laboratoire.
Le projet prothétique suit un cheminement précis dans sa conception intellectuelle, dans sa réalisation pratique au laboratoire et enfin, dans sa matérialisation radiologique. Cette dernière étape concerne la mise en place chirurgicale des implants. Deux grandes méthodes sont à la disposition du praticien : le guide volumétrique de positionnement et la chirurgie guidée statique.
Le guide volumétrique de positionnement correspond au guide classiquement décrit en chirurgie implantaire. Il peut être issu de la transformation du guide radiologique en guide chirurgical par l'évidement de la dent prothétique, dent radio-opaque en son centre, et il ne faut garder que l'enveloppe périphérique de la dent. Ce guide ne sert pas à guider précisément le foret : il est utilisé uniquement pour une validation du forage (angulation) et de la position de l'implant (centrage par rapport à la future dent prothétique). Il convient donc de réaliser le premier forage puis de positionner l'indicateur de direction. Le guide sera installé à la suite pour vérifier la cohérence prothétique de l'acte chirurgical. Il s'agit donc d'une utilisation a posteriori du guide (fig. 26).
Afin de faciliter l'utilisation de ce type de guide, il est judicieux de le confectionner avec appuis dentaires, ce qui permet d'assurer sa bonne position et une validation objective du travail réalisé. En effet, s'il n'est qu'à appui muqueux, la position sera plus aléatoire. Elle le sera d'autant plus que le lambeau réalisé sera important. Un guide totalement transparent permet aussi un meilleur contrôle visuel de l'ensemble de la procédure.
La chirurgie statique assistée par ordinateur correspond à l'utilisation d'un guide chirurgical statique qui reproduit la position des implants planifiés virtuellement à partir des données tomographiques numérisées. Ce type de chirurgie ne permet pas de modifications de la position implantaire [12]. Les systèmes statiques déterminent préalablement la position implantaire dans un site donné en utilisant un guide chirurgical situé sur le site opératoire. Par conséquent, les systèmes statiques sont fondés sur des guides. Les changements de position des implants ou les déviations provenant du guide chirurgical peuvent être corrigés à main levée. Ces dispositifs sont le fruit d'un diagnostic informatique et d'outils de planification. Cette planification implantaire peut être stockée sur un ordinateur pour être consultée ultérieurement ou partagée avec un fournisseur ou un confrère pour recueillir un avis averti.
Une fois la planification implantaire réalisée, le guide est donc créé. Ce procédé de réalisation, appelé CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur), utilise soit les techniques de prototypage rapide (tels que l'imprimante 3D ou la stéréolithographie) ou les fraisages guidés par ordinateur (computer-driven drilling) afin d'obtenir des moulages anatomiques. En fonction des fabricants, le guide peut se stabiliser sur les dents, l'os ou la muqueuse (des combinaisons sont possibles). Certains fabricants permettent aussi la fabrication de la prothèse en combinant les données prothétiques et les données tridimensionnelles.
Un haut degré de précision est ainsi obtenu, particulièrement lorsque les guides incorporent des diamètres croissants de cuillères adaptables aux canons de forage pour le passage des forets (fig. 27). La précision des guides chirurgicaux dépend évidemment de la précision du scanner et de celle du guide radiologique ou du modèle scanné. Cette notion de précision a été étudiée dans la littérature scientifique internationale. En résumé, il est possible d'avancer que la chirurgie guidée est précise « inframillimétriquement » et, de plus, que les écarts types de comparaison sont considérablement resserrés par rapport à la chirurgie conventionnelle à main levée [12]. Du point de vue clinique, la majorité des études décrit des complications peropératoires (comme tout protocole opératoire) mais il est nécessaire d'évaluer au final le résultat de la thérapeutique implantaire du point de vue du patient : l'analyse de 5 études [10] pendant des périodes d'observation de 12 mois montre un taux d'échecs moyen de 3,36 % (de 0 à 8,45 %). Dans les situations cliniques de mise en fonction immédiate, le taux d'échecs est significativement réduit par un facteur 5 (p=0,0018).
Aujourd'hui, nous savons que la chirurgie guidée est plus précise, améliorant ainsi la qualité des traitements [10]. En effet, l'absence de précision peut conduire, entre autres, à la réalisation d'une prothèse implantaire défectueuse (esthétique, fonctions) du fait de la mauvaise position des implants, à une hygiène péri-implantaire rendue difficile, à la lésion d'un élément anatomique, à une absence de cicatrisation osseuse, à la mise en place d'un implant hors de l'os, etc. Ce type de chirurgie, avec ou sans lambeau, est qualifié de mini-invasive car elle est très précise dans son exécution et sa réalisation, permettant un gain de temps opératoire, avec moins de suites postopératoires et une meilleure gestion de l'anxiété du patient que d'autres. La mise en fonction/mise en esthétique immédiate est également facilitée par ce type de procédure.
En regard de ces avantages, il existe des inconvénients évidents. Les techniques de chirurgie guidée, surtout si elles sont associées aux techniques sans lambeau, demandent une grande expérience chirurgicale pour pallier les complications peropératoires. De plus, il faut considérer que l'introduction de telles techniques nécessite des investissements supplémentaires tant en formation qu'en logiciel et matériel chirurgical, sans oublier les guides pour chaque cas clinique, avec des conséquences évidentes sur le coût global de la thérapeutique pour le patient. A contrario, il convient de souligner le gain de temps chirurgical et le confort opératoire pour le patient et le praticien, tout en limitant efficacement les suites opératoires.
Le projet prothétique est la clé du succès de la technique implantaire et l'implant doit être au centre de la restauration prothétique. L'acte technique implantaire, plus ou moins associé aux chirurgies complémentaires telles que la greffe osseuse et/ou gingivale, n'a aucun intérêt en tant qu'acte isolé. Il doit être intégré dans une réflexion globale de restauration prothétique des patients.
Il est vraisemblable que ce projet prothétique va évoluer dans un futur proche vers une direction encore plus « numérique » car l'évolution des outils digitaux est une constante dans notre discipline. Dans l'avenir, la chaîne numérique ne connaîtra probablement aucune limitation dans l'établissement des plans de traitement et la virtualisation des données sera la règle. N'oublions toutefois jamais que ces éléments numériques ne sont que des outils qui ne pourront en aucun cas remplacer les connaissances fondamentales et indispensables aux bons diagnostics et à la bonne exécution des traitements des patients.
Renaud Noharet – docteur en chirurgie dentaire, ancien interne en odontologie, Maitre de Conférences des Universités, Praticien Hospitalier
Exercice libéral (Lyon).
Stéphane Viennot – docteur en chirurgie dentaire, ancien interne en odontologie, Maître de Conférence des Universités, Praticien Hospitalier Exercice libéral (Lyon).