Prothèse fixée
M. Dehurtevent / N. Héloire / L. Robberecht / T. Delcambre / F.-X. Santolalla / C. Lefèvre
RÉSUMÉ Les résines acryliques à prise retardée sont couramment utilisées en chirurgie dentaire. Elles permettent une mise en condition tissulaire ou la réalisation d'empreintes complémentaires en ambulatoire. L'objectif de cet article est d'apporter aux praticiens des informations concernant les nombreuses indications de ce type de matériau, leurs propriétés et leur utilisation clinique. En effet, si la muqueuse est altérée pour une raison prothétique ou chirurgicale, le protocole de prise en charge varie. De plus, l'indication du produit est faite en fonction de son utilisation clinique : mise en condition tissulaire ou réalisation d'une empreinte. Cependant, il faut garder à l'esprit que la majorité de ces produits peuvent être toxiques par une libération incontrôlée en bouche de monomères contenus dans le liquide. Cette situation contre-indique la variation du rapport poudre/liquide recommandé par le fabricant pour élargir leur champ d'application.
SUMMARY Tissue conditioning materials: why and how to use them in general pratice?
Retarded-setting acrylic resins have been widely used in dental practice for 50 years. They allow soft-tissue conditioning or complementary prosthetic impressions. The topic of this paper is to give information about numerous indications of this type of material, their properties or use in general practice. The clinical protocol changes when oral mucous membrane is distorted for prosthetic or surgical reasons. Moreover, indications depend on clinical use : soft-tissue conditioning or impression taking. However, such materials can cause uncontrolled release of toxic monomer components present in the liquid into the oral cavity. Such situation contraindicates broader applications of variations into the recommended powder/liquid ratio of retarded-setting acrylic resins.
En France, près d'un quart de la population est édentée ; 37,3 % des édentements non compensés sont susceptibles de provoquer une désorganisation tissulaire. Par ailleurs, il existe peu de données concernant les prothèses qui présentent un défaut d'adaptation. Ces prothèses amovibles exercent des pressions anarchiques et peuvent provoquer une instabilité, des douleurs et même une altération de la fibromuqueuse [1, 2]. Ces situations, difficiles pour le patient et le praticien, entraînent fréquemment un rejet de la prothèse. Si le chirurgien-dentiste réalise une nouvelle prothèse sur des tissus abîmés, le contexte peut s'aggraver. En effet, l'enregistrement de ces tissus n'est pas fiable et peut être à l'origine de problèmes d'ajustage ou d'instabilité.
La fibromuqueuse saine assure les fonctions de protection des structures sous-jacentes en amortissant les charges occlusales et permet d'assurer la stabilité, la rétention et la sustentation de la prothèse amovible (triade de Housset). Elle influence également la fonction sensorielle et la régulation thermique. Avant tout nouveau traitement prothétique, la fibromuqueuse doit impérativement retrouver un état physiologique.
La mise en condition tissulaire permet le retour à un état sain d'un tissu désorganisé, infecté, traumatisé, inflammatoire ou irradié [3]. Le traitement peut être réalisé en situation préopératoire, peropératoire ou postopératoire en déposant une résine acrylique à prise retardée élastique sur la prothèse en regard des zones concernées. La mise en condition tissulaire concerne d'anciennes prothèses à réadapter/renouveler ou de nouvelles prothèses insérées après un acte chirurgical [4]. Elle n'est entreprise que si les critères de dimension verticale d'occlusion et d'enregistrement de la relation intermaxillaire sont favorables. Ce matériau peut également être employé pour la prise d'empreinte complémentaire ambulatoire dite fonctionnelle, même si cette indication reste controversée.
Les conditionneurs tissulaires brevetés, pour les premiers, en 1962 sont aujourd'hui nombreux sur le marché (tableau I) et les séquences cliniques varient selon le matériau utilisé, le patient et l'indication. Il est primordial de garder à l'esprit qu'en aucun cas, ces produits ne sont destinés à pallier une éventuelle erreur de conception de la prothèse.
Une altération de la fibromuqueuse peut faire suite à une chirurgie, une désorganisation tissulaire, un traumatisme ou un problème infectieux.
Une extraction dentaire, l'ablation d'une crête flottante, une biopsie, la pose d'un implant ou une chirurgie maxillo-faciale altère la fibromuqueuse. Les sites opératoires constituent alors une association fragile de muqueuse et de tissus osseux. La restauration immédiate de l'esthétique et de la fonction réduit le temps de récupération et permet de guider la cicatrisation. Il est donc essentiel de protéger le site.
Par ailleurs, l'élasticité de la fibromuqueuse d'un patient édenté engendre facilement des modifications de sa morphologie. Si l'édentement n'est pas compensé, l'absence de sollicitation des tissus peut provoquer une prolifération cellulaire. De même, l'adaptation de la fibromuqueuse peut être à l'origine de désorganisations à la suite de pressions anarchiques d'une prothèse mal adaptée (fig. 1 et 2) [5].
Les traumatismes de la fibromuqueuse peuvent également être mis en cause (tableau II). La surextension non traitée d'une prothèse peut engendrer une irritation chronique localisée puis une ulcération pouvant aboutir à une hyperplasie fibreuse.
Une résorption osseuse plus rapide que la fibromuqueuse peut également engendrer l'apparition de crêtes flottantes en raison d'une surcharge occlusale. Sans traitement, ce « syndrome combiné » peut évoluer vers le stade fibreux. Cliniquement, la muqueuse non attachée à l'os sous-jacent provoque des mobilités de la prothèse lors des charges occlusales.
Les stomatites prothétiques (tableau III) sont une inflammation de la fibromuqueuse en regard de la prothèse. Elles concernent 1 patient appareillé sur 3 (27,9 þ 1,05 %). Les étiologies peuvent être une irritation mécanique, une infection bactérienne et fongique, le port continu d'une prothèse, une dysfonction salivaire, le tabagisme chronique, une carence en vitamine A, une hygiène défaillante, des prothèses anciennes ou une réaction allergique au matériau utilisé [3]. Lors de ces infections bactériennes/fongiques, Candida albicans est le plus souvent retrouvé.
Une faible dimension verticale d'occlusion peut provoquer un affaissement de l'étage inférieur de la face et former un pli cutané dans l'angle de la bouche. Dans ces commissures, la stagnation de la salive est alors propice au développement d'infections bactériennes et/ou fongiques, provoquant une chéilite angulaire ou perlèche. Cliniquement, cette lésion de macération est associée à une fissure oblique craquelée et fréquemment érosive.
La libération du couloir prothétique est une exigence pour la stabilité, la sustentation et la rétention de la prothèse. Pour les patients non appareillés, cela est possible en réalisant une prothèse provisoire avant la prothèse d'usage. Inversement, pour les patients porteurs d'une prothèse d'usage dont les limites sont erronées, la mise en condition tissulaire s'effectue sur l'ancienne prothèse. Si le matériau n'est pas soutenu aux limites, il est nécessaire de créer des maintiens sur l'extrados par de la résine acrylique rigide (fig. 3 à 6) [5].
Contrairement aux crêtes flottantes, les lésions dues à une surextension guérissent le plus souvent après une simple rectification soustractive de la prothèse. La prescription d'un gel antalgique et antiseptique est préconisée [3]. Si une intervention chirurgicale a été réalisée, une mise en condition tissulaire immédiate est requise.
Toutes les lésions infectieuses doivent être accompagnées d'une motivation à l'hygiène et, éventuellement, d'une prescription d'antiseptiques et/ou d'antifongiques. Au-delà du type 2 (tableau III), une mise en condition tissulaire est nécessaire. Les chéilites doivent être prises en charge par le rétablissement de la dimension verticale d'occlusion et, éventuellement, l'ajout de résine acrylique à prise retardée en vestibulaire de la prothèse pour améliorer le soutien labial.
La mise en place du matériau varie en fonction de la situation opératoire et fait suite fréquemment à une chirurgie excessive ou insuffisante, à une instabilité prothétique ou encore à un acte chirurgical maxillo-facial [6]. Dans ces cas, le conditionneur tissulaire assure l'hémostase, protège le site opératoire, guide la cicatrisation de la muqueuse et assure la triade de Housset (fig. 7).
En implantologie, la prise en charge peut être inversée. En effet, immédiatement après la pose d'un implant sans lambeau, l'intrados de la prothèse est évidé en regard des vis de cicatrisation. Une interférence entre la résine et l'implant peut entraver l'ostéo-intégration. Une semaine après la chirurgie, l'espace dans l'intrados de la prothèse en regard du site opératoire peut recevoir la résine acrylique souple.
La résine acrylique à prise retardée peut être utilisée pour réaliser des empreintes secondaires anatomo-fonctionnelles ambulatoires à l'aide d'anciennes prothèses ou de répliques. Ces empreintes peuvent être réalisées chez la personne dépendante totalement édentée et assure une transition douce des éventuelles anciennes prothèses vers de nouvelles limites du bord périphérique [7, 8]. De plus, elles permettent une mise en condition tissulaire. Cependant, la dégradation rapide du matériau impose un traitement rapide des empreintes.
La résine acrylique à prise retardée peut également être utilisée pour réaliser des empreintes piézographiques sur une plaque base réduite au strict minimum ou d'un simple fil de renfort [7, 9, 10]. Ces empreintes permettent d'enregistrer le couloir d'équilibre prothétique et assurent un équilibre entre les pressions antagonistes du jeu musculaire lingual et de la sangle labio-jugale. Des empreintes tertiaires de l'extrados peuvent également être réalisées à l'aide d'anciennes prothèses ou de répliques.
L'ensemble de ces empreintes permet d'améliorer une prothèse [2] pour limiter une éventuelle insuffisance mécanique ou fonctionnelle (masticatoire, de la déglutition, phonétique). Elles sont indiquées pour des prothèses amovibles complexes mises en place à la suite d'une chirurgie maxillo-faciale ou sur des crêtes très résorbées. En effet, les éventuelles brides cicatricielles sont des facteurs défavorables à la rétention. Dans les situations de résorption, la résine acrylique présente l'avantage d'améliorer la rétention des prothèses [9]. Il est également intéressant pour la prise en charge de patients non coopérants chez qui les empreintes sont parfois difficiles à réaliser [8]. Ses propriétés hydrophiles rendent sa manipulation aisée dans l'environnement oral. L'adhésion chimique d'un nouvel apport autorise les adjonctions du même matériau.
Le matériau de mise en condition tissulaire peut servir d'aide au diagnostic avant la réalisation de nouvelles prothèses. La restauration immédiate de la fonction pour le patient permet d'instaurer un climat de confiance avec le praticien. Les résines à prise retardée présentent une adhésion importante sur les résines acryliques des prothèses ; il est donc conseillé de travailler sur des répliques.
Ce rebasage souple à court terme permet d'évaluer la compliance et la motivation à l'hygiène du patient tout en préservant les dents restantes (fig. 8).
Contrairement aux matériaux de rebasage temporaires dits vrais, la résine acrylique à prise retardée est utilisée pendant une période brève (quelques jours) et se dégrade rapidement.
Si de nombreux conditionneurs tissulaires sont disponibles (tableau I), aucun d'entre eux ne permet à la fois la prise d'empreinte et la mise en condition tissulaire idéalement. Le praticien doit donc connaître les capacités d'adaptation de chaque produit pour s'adapter à la situation clinique [11].
Les résines acryliques à prise retardée se présentent sous forme liquide ou de poudre. La poudre est composée d'un polymère [12], le plus fréquemment du poly-éthyl-méthacrylate (PMMA). Le liquide est un mélange d'alcool et de plastifiant, le plus souvent des esters (glycolate de butyle phtalyl de butyle, phtalate de dibutyle ou benzoate de benzyle). La quantité d'alcool et la masse molaire du plastifiant influencent fortement la viscoélasticité [12] et la durée de vie du matériau [13].
Lorsque les réactifs sont mélangés, l'alcool contenu dans le liquide gonfle les particules de PMMA (fig. 9) [14]. Le plastifiant, plus volumineux, peut alors s'insérer entre les chaînes du polymère. Le mécanisme d'action des plastifiants n'est pas clairement défini [15]. Le mélange liquide-poudre devient de plus en plus visqueux, jusqu'à l'obtention d'un gel cohésif [16, 17]. Lors de sa mise en bouche, le matériau est encore une masse solide/liquide en phase plastique. Le temps de gélification s'étend sur 15 à 20 minutes après le mélange.
En parallèle, le phénomène de dégradation débute dès l'insertion en bouche. Une importante solubilisation de l'alcool dans la salive est partiellement compensée par des phénomènes d'absorption d'eau. Ces phénomènes de sorption modifient le poids, les propriétés mécaniques et la stabilité dimensionnelle de la résine. Dans un troisième temps, ces phénomènes s'équilibrent et la dégradation se poursuit.
Au bout de 4 jours [11], l'adhérence de la résine à la prothèse diminue [18] et le gel devient dur, rugueux et microporeux. Cela accentue sa susceptibilité à la colonisation par des micro-organismes [16, 19]. Par ailleurs, le matériau plus rigide peut provoquer des lésions sur la fibromuqueuse [12]. Il est donc recommandé de le renouveler fréquemment. La conservation, le vieillissement dans l'eau ainsi que la nature de la prothèse et du conditionneur tissulaire influencent sa vitesse de dégradation. Cette phase de desiccation peut varier de 1 semaine à 1 mois [16].
Pour réaliser une empreinte, le matériau doit présenter des propriétés à court terme de plasticité, de faible viscosité et de fluage important. Cela favorise une bonne adaptation aux contraintes fonctionnelles. Secondairement, le matériau doit conserver une stabilité dimensionnelle suffisante pour résister aux déformations lors de la désinsertion et du traitement de l'empreinte (Fitt, Kerr ou Tissue Conditioner, GC).
Pour une remise en condition tissulaire, cette résine doit être visqueuse, élastique à long terme tout en conservant une capacité de fluage importante. Cela permet l'amortissement des charges occlusales et, par conséquent, la cicatrisation des tissus lésés (Coe-Comfort, GC) [12, 16, 20]. Une surcouche peut également être envisagée à l'aide d'une autre résine acrylique à prise retardée (Viscogel, Dentsply) qui peut fluer sous les pressions occlusales et, ainsi, permettre l'extension des surfaces d'appui [21].
Cependant, ces matériaux peuvent comporter des phtalates (plastifiants toxiques) [22, 23] suspectés de perturber la fertilité et d'être toxiques pour le fœtus. Selon Munksgaard [24], des phtalates sont retrouvés dans la salive jusqu'à 30 jours après la mise en place du matériau, mais les doses libérées seraient inférieures à la dose toxique minimale [25].
Il est déconseillé de faire varier le rapport liquide/poudre recommandé car la gélification serait alors incomplète, entraînant un relargage de produits toxiques dans la salive et une diminution des propriétés mécaniques. Aujourd'hui, seul le Tissue Conditioner (GC) ne contient pas de phtalates.
Après leur mise en place, les résines acryliques à prise retardée sont rapidement colonisées par des micro-organismes, principalement par Candida albicans. Les infections liées au port de prothèses contaminées sont un problème majeur pour la santé des patients, particulièrement en prothèse maxillo-faciale [26], mais des moyens sont disponibles pour y faire face [27, 28].
Des conseils d'hygiène doivent être donnés. Le nettoyage par une méthode mécanique (eau + brosse) dégrade la résine acrylique à prise retardée et les ultrasons ne sont pas efficaces [29]. Les prothèses doivent donc être nettoyées par une méthode chimique. Même si des produits du commerce sont disponibles (Polident, GSK ; Steradent ; Corega), la technique de désinfection la plus efficace semble être l'immersion durant 10 minutes dans une solution d'hypochlorite de sodium à 0,5 % [30].
Des vernis protecteurs (coating du Tissue Conditioner, GC) peuvent également être appliqués sur la résine acrylique à prise retardée pour limiter sa colonisation et sa dégradation [31]. Selon les données du fabricant, le vernis est composé de 60 à 80 % d'acétate d'éthyle (solvant), mais la toxicité de l'ensemble des composants n'a pas été déterminée.
Des descriptions de techniques appelées « mono-poly », où le chirurgien-dentiste réalise lui-même son vernis à partir d'un mélange de 1 part de poudre PMMA pour 10 parts de monomère [32] sont à déconseiller. En effet, la polymérisation est alors incomplète, provoquant une libération dans la salive importante de monomères hautement toxiques [33].
Enfin, il est conseillé de renouveler régulièrement le matériau pour pallier la colonisation et la dégradation de la résine acrylique à prise retardée.
Le traitement des altérations de la fibromuqueuse dues à une cause prothétique consiste à éliminer l'étiologie par rectification des prothèses défectueuses ou traitement chirurgical et à instaurer une hygiène prothétique et buccale adaptée. Si la suppression de la cause n'est pas suffisante pour guider la cicatrisation, une mise en condition tissulaire peut être envisagée. Cliniquement, il est déconseillé de traiter les 2 arcades simultanément, le risque étant de modifier la relation intermaxillaire.
Le protocole clinique de mise en condition tissulaire est le suivant [9].
1. Valider la dimension verticale d'occlusion ainsi que la relation intermaxillaire à l'aide de papier d'occlusion.
2. Valider la courbe d'occlusion parallèle à la ligne bipupillaire dans le plan frontal et parallèle au plan de Camper dans le plan sagittal.
3. Réadapter les prothèses à l'aide d'un surfaçage par du silicone light :
- les surextensions sont matérialisées au niveau des tissus mobilisés par une perforation du matériau. Ces zones sont ensuite éliminées par meulage de la résine ;
- les sous-extensions sont matérialisées par un aspect laminé du silicone ou une extension non soutenue. Ces zones peuvent être corrigées par une adjonction de résine acrylique directe (Relin R, GC, ou Baselin R, DeDeS).
4. Fraiser l'intrados ou le bord périphérique de la prothèse pour obtenir un espace suffisant pour le conditionneur tissulaire.
5. Nettoyer et dégraisser la prothèse à l'alcool (fig. 10).
6. Mélanger dans un godet adapté la poudre et le liquide selon les recommandations du fabricant, puis appliquer sur un bloc de papier et spatuler environ 10 secondes pour chasser les bulles.
7. Appliquer immédiatement une couche fine, uniforme et globale de matériau dans l'ensemble de la prothèse (intrados, bord périphérique, extrados).
8. Insérer en bouche et maintenir la prothèse sous pression digitale au maxillaire et sous pression occlusale à la mandibule (en fonction de la coopération du patient). Guider le patient pour enregistrer le jeu musculaire périphérique en réalisant des mouvements fonctionnels (tests de Herbst) ou en manipulant à la main les différents tissus, notamment les joues et lèvres. Si le traitement est à la mandibule, le joint lingual se doit d'être enregistré par mobilisation de la langue du patient, la prothèse étant maintenue digitalement (sans pression), puis remise en occlusion.
9. Laisser en bouche le temps de la gélification indiqué par le fabricant puis rincer à l'eau froide.
10. Retirer les excès avec un instrument adapté à l'aide d'un bistouri lame 15 ou d'une lame de couteau réchauffée en veillant à biseauter l'angle externe à 45o. Le bord périphérique de la prothèse doit être arrondi (fig. 11). Aucun mouvement parasite de la prothèse ne doit apparaître lors des tests fonctionnels de Herbst.
11. Déterminer d'éventuels points de compression nécessitant un allégement supplémentaire (fig. 12). Si nécessaire, répéter les étapes 3 à 10.
12. Renforcer l'extrados des éventuelles extensions de matériau souple au niveau des joints prothétiques par de la résine acrylique rigide.
13. Vérifier l'occlusion et convoquer le patient au bout de 3 à 4 jours.
14. Au rendez-vous suivant, la muqueuse doit être saine et le bord périphérique de la prothèse doit avoir conservé son aspect arrondi. Si la fibromuqueuse est toujours altérée, renouveler une séance de mise en condition tissulaire.
15. Réaliser une empreinte de surfaçage par un élastomère light (polyéther, silicone) pour améliorer l'état de surface avant le traitement (fig. 13). Le matériau doit être appliqué sur l'ensemble de la prothèse en fine épaisseur. La prothèse est insérée au maxillaire sous pression digitale de manière fonctionnelle ou aidée. À la mandibule, il est conseillé de maintenir la prothèse sous pression occlusale si la coopération du patient le permet.
16. Envoyer la prothèse au laboratoire pour la réfection des bases prothétiques.
Après une intervention chirurgicale, le protocole est le même qu'une mise en condition tissulaire réalisée pour raisons prothétiques. Cependant, avant de charger la prothèse avec le matériau, il est nécessaire de protéger les zones des sutures avec de la vaseline. Le temps de cicatrisation impose un renouvellement régulier à long terme.
Dans le cas particulier de la prothèse maxillo-faciale (prothèse maxillaire avec obturateur), les matériaux de rebasage souples sont un élément indispensable de l'arsenal thérapeutique du praticien. La consistance visqueuse de la résine acrylique à prise retardée facilite sa manipulation. Son élasticité après la prise permet de gérer les zones en contre-dépouille. Toutefois, il est important de s'assurer qu'aucun excès ne se déchire et ne soit laissé dans les cavités naso-sinusiennes. Même après polymérisation de l'obturateur en résine acrylique, ce dernier peut être réadapté par des ajouts localisés de résine acrylique à prise retardée au niveau des bords de la perte de substance (fig. 14). Ces ajouts peuvent être répétés jusqu'à obtenir des valeurs de rétention, d'étanchéité et de fonction favorables [2]. Au bout d'une semaine, si le patient est satisfait, l'empreinte peut être traitée.
Le praticien peut également être amené à réaliser des empreintes secondaires anatomo-fonctionnelles ambulatoires ou des empreintes tertiaires pour enregistrer l'extrados et le couloir neutre d'équilibre prothétique en fonction des mouvements de la langue, des joues et des lèvres [7].
La décision d'utiliser les prothèses du patient ou des répliques dépend de plusieurs facteurs : le degré de coopération du patient, le souhait de réfection, le port et la qualité des prothèses. Si la coopération du patient est limitée, il est préférable de travailler sur des répliques. En cas d'échec, le praticien peut ainsi rendre les prothèses originelles. Si les défauts de la prothèse initiale ne peuvent pas être corrigés, une prothèse de transition peut être envisagée. Le protocole est identique aux étapes 1 à 15 de la mise en condition tissulaire. S'y ajoutent les deux suivantes.
16'. Tracer la ligne de plus grand contour au feutre en vestibulaire et lingual et coffrer l'empreinte par une technique à l'alginate ou à la cire.
17'. Traiter l'empreinte avec un plâtre de classe 3 sur un vibrateur.
Il est impératif de couler rapidement cette empreinte pour éviter d'éventuelles déformations. Ainsi, après le traitement de l'empreinte, le patient peut récupérer immédiatement, dès la fin de la séance, la prothèse rebasée.
L'empreinte piézographique concerne principalement les empreintes à la mandibule.
1. Réaliser, sur un moulage primaire, une plaque base en résine, ajustée à 1,5 mm du fond du vestibule et de la ligne de réflexion linguale, réduite à son plus strict minimum. Elle peut être armée, sur son extrados, de renforts en fil jonc ou d'une lame de Brill afin de soutenir le futur matériau d'empreinte.
2. Vérifier en bouche l'absence d'interférence de la plaque avec le jeu des organes paraprothétiques à l'aide des tests de Herbst et des tests phonétiques de Devin [34].
3. Le protocole est ensuite similaire aux étapes 5 à 8 du protocole de mise en condition tissulaire.
4. Réaliser, en complément de la 8e étape du protocole de mise en condition tissulaire, la répétition de mouvements phonétiques : [sis], [so], [t], [d], [s], [m], [p] [35].
5. Répéter les adjonctions de résine acrylique à prise retardée jusqu'à obtention d'une empreinte stable, du volume escompté, dans le couloir d'équilibre.
6. Réaliser, de la même manière, une empreinte de surfaçage par un élastomère light (polyéther, silicone) pour améliorer l'état de surface avant le traitement.
7. Tracer la ligne de plus grand contour au feutre en vestibulaire et lingual et coffrer l'empreinte par une technique à l'alginate ou à la cire.
8. Traiter l'empreinte avec un plâtre de classe 3 sur un vibrateur.
9. Réaliser une clé vestibulaire et linguale en silicone pour guider le montage des dents artificielles dans l'espace défini par la piézographie.
Le protocole de mise en place du matériau suit également la trame initiale de la mise en condition tissulaire. Cependant, il peut être aussi appliqué à l'extrados pour adapter la phonétique (fig. 15) ou l'esthétique de la prothèse. Après les étapes 1 à 7, le praticien doit procéder aux étapes suivantes.
8'. Enregistrer la phonétique et l'esthétique de la prothèse. Le patient peut lire un texte ou s'exprimer spontanément jusqu'à la validation et la satisfaction des différents paramètres.
9'. Retirer les excès ayant fusé dans les zones interdentaires et sur les faces occlusales.
10'. Convoquer le patient de 2 à 24 heures après la mise en place du matériau.
11'. Valider l'occlusion et la satisfaction du patient.
12'. Envoyer au laboratoire pour la réfection des bases prothétiques.
La résine acrylique à prise retardée est un matériau primordial dans l'activité quotidienne du chirurgien-dentiste. Si elle est remplacée fréquemment, elle permet de guider la cicatrisation, de soulager des douleurs, d'enregistrer des zones édentées tourmentées et de mettre en place une relation de confiance avec le patient. De nombreux matériaux étant disponibles, il est important de connaître l'étiologie de l'altération de la fibromuqueuse pour choisir celui qui sera adapté à la situation clinique. Le Fitt (Kerr) ou le Tissue Conditioner (GC) semblent adaptés pour les empreintes, alors que le Coe-Confort (GC) semble mieux convenir à la mise en condition tissulaire. Enfin, des études complémentaires sur le Tissue Conditioner (GC) sont nécessaires : il est apparu plus récemment que les autres sur le marché, il ne contient pas de phtalates et il semble prometteur.
Marion Dehurtevent – AHU
Département de prothèses, marion.dehurtevent@univ-lille2.fr
Nicolas Héloire - PH (CH de Seclin et CHRU de Lille), attaché universitaire
Département de prothèses
Lieven Robberecht - MCU associé-PH,
Département d'odontologie conservatrice endodontie
Thierry Delcambre - MCU-PH
Département de prothèses
François-Xavier Santolalla - AHU
Département de prothèses
Claude Lefèvre - MCU-PH
Département de prothèses
UFR d'odontologie, université Lille II, Place de Verdun, 59000, Lille
Liens d'intérêts : les auteurs confirment n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.