Prothèse amovible partielle
RÉSUMÉ L'hyposialie touche 30 % des patients âgés de 65 ans et plus, avec des conséquences importantes au niveau de la santé bucco-dentaire. Lorsque le patient est porteur d'une prothèse amovible, la sécheresse buccale est surtout source d'un grand inconfort avec une irritation des muqueuses et un manque de rétention prothétique. Les deux grandes étiologies de l'hyposialie sont le syndrome de Gougerot-Sjögren et les irradiations thérapeutiques des glandes salivaires. La pilocarpine et la céviméline sont les deux molécules les plus efficaces commercialisées en France pour stimuler la sécrétion salivaire. En complément et dans toutes les autres situations de sécheresse buccale, il existe des associations de dentifrice, gel buccal et spray pour soulager les patients. Deux gammes à base d'hydroxycéthylcellulose sont disponibles en France, bien que non remboursées par la Sécurité sociale.
SUMMARY Removable denture and hyposialia: new solutions?
Hyposialia affects 30 % of patients aged 65 years, with important consequences for oral health. For removable dentures wearers, dry mouth is mainly a source of great discomfort with buccal mucosa irritation and lack of prosthetic retention. The two main etiologies of hyposialia are Sjögren's syndrome and therapeutic irradiation of the salivary glands. Pilocarpine and cevimeline are the most effective molecules marketed in France to stimulate salivary secretion. In addition, and in all other dry mouth situations, associations of toothpaste, oral gel and spray, exist to relieve patients. Two of them, hydroxycethylcellulose-based, are available in France, though not covered by the state welfare system.
La sécheresse buccale concerne 30 % des personnes de 65 ans et plus [1]. « Sécheresse buccale » désigne à la fois le manque partiel (hyposialie) ou total (asialie) de salive et la sensation subjective ressentie par le patient, la xérostomie. Ses conséquences sont nombreuses au niveau de la cavité buccale : irritation des muqueuses et douleurs, apparition de candidose, augmentation du risque carieux et du risque d'édentation, difficultés d'élocution, de déglutition, de mastication, moindre rétention des prothèses amovibles et, d'une manière générale, altération de la qualité de vie (fig. 1).
Cet article a pour objectif de passer en revue les solutions actuelles à la disposition du praticien pour remédier à la sécheresse buccale, particulièrement pour les patients porteurs de prothèses amovibles. Les principales étiologies de la sécheresse buccale sont le syndrome de Gougerot-Sjögren et l'irradiation thérapeutique, auxquelles on peut ajouter la sénescence ainsi que de nombreuses pathologies générales et leurs traitements.
Les solutions sont présentées en deux catégories : les solutions ciblées (dans les cas de Gougerot-Sjögren et d'irradiation) et les traitements symptomatiques, sans oublier les solutions que l'on nous promet à l'avenir.
La prévalence de cette maladie est estimée entre 0,2 et 3 % de la population, avec 90 % de femmes. Elle fait partie des connectivites (atteinte chronique inflammatoire du tissu conjonctif) et provoque une diminution des sécrétions de l'ensemble des glandes muqueuses de l'organisme, dont les glandes salivaires. L'hyposialie est l'un des critères diagnostiques de cette pathologie [2]. Elle est notamment liée à un déficit d'action de l'acétylcholine au niveau des récepteurs neuronaux muscariniques des cellules salivaires. Des analogues de l'acétylcholine ont donc été mis au point pour stimuler la sécrétion salivaire (tableau I). Les plus efficaces sont la pilocarpine et la céviméline. La pilocarpine est disponible en France (Salagen®). L'anétholtrithione est commercialisée sous le nom de Sulfarlem®.
Ce traitement provoque fréquemment une hyposialie irréversible. Elle affecte des patients traités par radiothérapie externe dans la région cervico-faciale, ou par source interne, par exemple lors d'un traitement à l'iode 131 pour un cancer thyroïdien [14]. Pour la plupart des patients, les glandes salivaires ne sont pas spécifiquement visées par les rayons ionisants mais font partie des organes à risque d'irradiation compte tenu de leur proximité avec la masse cancéreuse. Quand la dose reçue et le volume irradié sont importants, le flux salivaire diminue. Des techniques préventives visant à diminuer la dose et le volume irradié ont donc été mises au point.
La thérapie conformationnelle permet de définir la dose et l'orientation des rayons X à délivrer à la tumeur et les doses maximales que vont recevoir les organes à risque, à partir d'images 3D. En RCMI, le profil d'irradiation de la tumeur est modulé (dose et orientation des rayons) par un algorithme. Ainsi, les doses reçues par les tissus voisins sont réduites et la zone centrale de la tumeur est plus fortement irradiée [15].
La RCMI est la technique la plus efficace à court et long termes pour protéger partiellement la glande parotide controlatérale, voire même la glande ipsilatérale à la tumeur [16]. L'évaluation objective, soit par scintigraphie des glandes soit par mesure du flux salivaire, montre la meilleure préservation de la fonction salivaire [16, 17]. Le risque de récurrence cancéreuse n'est pas plus élevé avec cette technique qu'avec la thérapie conformationnelle.
Cette molécule permet de protéger de façon sélective les tissus sains des radiations ionisantes. Elle est injectée par voie intraveineuse pendant 3 minutes, de 15 à 30 minutes avant chaque fraction d'irradiation effectuée [18]. Différentes études ont montré son efficacité pour lutter contre la xérostomie [16, 18].
L'amifostatine montre des résultats moins performants que la RCMI, mais il n'est pas exclu qu'elle vienne en potentialiser l'effet.
Cette technique consiste à transférer en dehors du champ d'irradiation la glande submandibulaire se trouvant du côté opposé à la tumeur, c'est-à-dire dans la zone submentale, qui offre une protection partielle. Le transfert diminue la xérostomie et l'hyposialie postradiques, sans complications liées à la chirurgie ; le risque de récurrence n'est pas plus élevé que par la technique conformationnelle habituelle [19, 20]. La chirurgie est pratiquée dans le même temps clinique que l'exérèse chirurgicale de la tumeur et augmente le temps opératoire de 45 minutes seulement. Elle est envisagée quand la glande submandibulaire est suffisamment éloignée de la zone tumorale pour éviter tout risque de persistance de tissu tumoral non irradié [19].
La troisième grande cause de sécheresse buccale est la prise de médicaments hyposialisants ou xérostomiants. On en dénombre plus de 400, auxquels on peut ajouter le tabac, le cannabis, la cocaïne et l'ecstasy [21]. La solution idéale est de changer le médicament en cause en collaboration avec le médecin prescripteur. Il existe d'autres étiologies : le diabète [22, 23], des causes locales infectieuses, des maladies neurologiques [21]... Le diagnostic de la pathologie et son traitement sont du ressort du médecin traitant.
Quelques conseils sont à donner aux patients [24, 25] :
– boire plus fréquemment que d'habitude pendant les repas et ajouter des corps gras aux aliments pour faciliter la déglutition ;
– boire régulièrement dans la journée pour compenser le manque de salive, notamment des eaux pétillantes qui stimulent la salivation ;
– mâcher des chewing-gums, sucer des noyaux de fruit ou des bonbons sans sucre ;
– éviter les aliments favorisant la déshydratation tels que la caféine ou l'alcool ;
– avoir une très bonne hygiène bucco-dentaire, avec éventuellement des bains de bouche supplémentés en fluor, pour prévenir l'apparition de caries ;
– éviter les bains de bouche ou les dentifrices contenant de l'alcool ou du laurylsulfate de sodium.
Les différentes molécules utilisées sont présentées dans le tableau II. La durée d'action subjective est de 30 minutes environ pour tous les produits.
Les substituts à base de lin, de triesters de glycérol oxydés et de mucine seraient plus efficaces que les autres substances.
L'idée d'inclure dans les prothèses amovibles des réservoirs de substitut salivaire n'est pas nouvelle. De nouveaux travaux présentent régulièrement des innovations pour diminuer l'encombrement et faciliter le nettoyage des dispositifs [39-41].
La majorité des dentifrices contient du laurylsulfate de sodium pour leurs propriétés détergentes et tensioactives. Ces produits sont souvent mal tolérés par les patients souffrant de xérostomie. Le triclosan [42], la bétaïne [43-45] et l'hydroxycéthylcellulose [46, 47] sont testés comme substituts au laurylsulfate de sodium, seuls ou en association avec un bain de bouche, un gel et/ou un spray de même composition. Les produits à base d'hydroxyéthylcellulose et de triclosan ont prouvé leur efficacité.
Seuls les produits à base d'hydroxycéthylcellulose sont vendus en France. Les packs Biotène Oralbalance® et BioXtra® (fig. 2) sont vendus à des prix comparables, de 5 euros environ pour les dentifrices et bains de bouche et jusqu'à 10 euros environ pour le spray.
Des dosages immunologiques ont montré une diminution significative de l'interféron α (IFN-α) dans le plasma des patients atteints du syndrome de Gougerot-Sjögren. L'administration d'IFN-α par voie orale [48] ou par voie muqueuse, en laissant fondre des pastilles d'IFN-α sous la langue [49], permet une diminution subjective et objective de la sécheresse buccale des patients. Les effets indésirables (problèmes gastro-intestinaux) restent modérés : 7,7 % d'arrêt pour les patients sous IFN-α contre 4,1 % sous placebo.
Le rôle crucial des lymphocytes B a été mis en évidence dans le syndrome de Gougerot-Sjögren. Ils produisent des auto-anticorps et s'accumulent dans les glandes salivaires enflammées, perturbant la distribution des lymphocytes B dans la circulation systémique [50]. Le Rituximab®, un anticorps ciblé contre les lymphocytes B, administré en plusieurs injections intraveineuses, permet une amélioration significative de la sensation subjective de xérostomie [50, 51].
Il existe une absorption active de sodium à travers la membrane apicale des cellules des muqueuses buccales par le biais de canaux sodiques amilorides sensibles (ENaC, eptithelila Na channel). Ce transfert actif de sodium « attire » l'eau dans les cellules, gouvernant ainsi en partie l'hydratation de surface des muqueuses [52].
Le « 552-02 » – diminutif de N-(3,5-diamino-6-chloropyrazine-2-carbonyl)-N'-4-[4-(2,3-dihydroxypropoxy) phényl] butyl-guanidine méthanesulfonate – bloquerait l'absorption salivaire des muqueuses en bloquant les canaux ENaC [53].
Lorsque la totalité du tissu glandulaire est remplacée par du tissu fibrotique, il n'y a plus de production ni de sécrétion de salive en bouche. La solution serait de recréer de novo une glande salivaire.
Une première solution consiste à multiplier des cellules salivaires épithéliales extraites de glandes salivaires submandibulaires à l'intérieur d'un tube biodégradable et de le placer dans les muqueuses buccales pour qu'il vienne imiter une glande salivaire avec un orifice de sortie dirigé dans la cavité buccale [54].
Une deuxième solution testée chez l'animal consiste à faire croître des cellules salivaires à partir de cellules progénitrices. Ces « néocellules salivaires », injectées dans des glandes submandibulaires de souris normales, ont permis d'obtenir un tissu similaire à du tissu submandibulaire normal, avec formation de structures acineuses et canalaires à l'intérieur de lobules [55].
Quelles solutions pour les patients souffrant d'hyposialie ?
Pour les patients ayant un syndrome de Gougerot-Sjögren, on dispose d'analogues de l'acétylcholine, qui stimulent la salivation. Le produit le plus efficace vendu en France est la pilocarpine, vendu sous la marque Salagen®.
Pour les patients ayant eu une radiothérapie centrée sur la tête et le cou, les stimulants salivaires ont aussi montré une efficacité pour augmenter le flux salivaire, lorsque les glandes salivaires conservent une fonction sécrétoire résiduelle. L'accent est mis sur la protection des glandes salivaires : adaptation de la direction et de la puissance des rayons en fonction des organes à risque, administration d'amifostatine, déplacement d'une glande submandibulaire en zone non irradiée.
Pour les hyposialies liées à une prise médicamenteuse ou à une pathologie, le changement de médication ou la prise en charge de la pathologie est organisé avec le médecin traitant.
Des mesures hygiéno-diététiques sont à adopter pour tous les patients : boire régulièrement, mâcher des chewing-gums, sucer des bonbons sans sucre... On peut aussi proposer l'utilisation de substituts salivaires : le produit le plus efficace vendu en France est l'Aequasyal® (un spray à base de triesters de glycérol oxydés). Des packs de produits ont aussi montré leur efficacité dans la diminution de la xérostomie des patients. Biotène Oralbalance® et BioXtra® sont vendus en France ; ils associent un dentifrice, un bain de bouche et un spray à base d'hydroxyéthylcellulose.
Les traitements dont on dispose sont symptomatiques, mais des solutions plus satisfaisantes pourraient apparaître. Elles laissent espérer que les praticiens n'auront plus besoin à l'avenir de donner à leurs patients des produits compensant leur manque de salive, car le tissu glandulaire produira de lui-même, de nouveau, une quantité suffisante de salive.
Remerciements : à la pharmacie Sirinelli (Paris).
Maud Caba – Docteur en chirurgie dentaire
Centre de santé du Cygne
6, rue du Cygne
93200 Saint-Denis
maudc@outlook.fr
Claudine Wulfman – Docteur en chirurgie dentaire, MCU-PH
Université Paris Descartes (Montrouge)
Hôpital Louis-Mourier
178, rue des Renouillers
92701 Colombes
claudine.wulfman@parisdescartes.fr
Liens d'intérêts : les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.