Les cahiers de prothèse n° 171 du 01/09/2015

 

Prothèse composite

L. Fajri / F. Benfdil / B. El Mohtarim / N. Merzouk  

Résumé

Résumé La gestion prothétique des édentements de grande étendue par PAP métallique (PAPM) met le praticien devant un double défi, celui de maîtriser l'équilibre biomécanique d'une part et le paramètre esthétique d'autre part. L'utilisation d'attachements axiaux supraradiculaires présente alors un intérêt non négligeable dans l'amélioration du rendu esthétique et fonctionnel. En effet, ces moyens de rétention complémentaires de type bouton-pression permettent d'éviter le recours aux crochets disgracieux, optimisant ainsi l'intégration des PAPM et améliorant leur pronostic.

À travers un cas clinique, les auteurs se proposent de dresser la démarche thérapeutique spécifique à ces restaurations, en mettant en évidence les avantages des attachements supraradiculaires ainsi que leur mise en œuvre.

Summary

Summary Treatment planning for the rehabilitation of an edentulous extended by a metallic removable partial denture with axial attachment

The prosthetic management of large edentulous extended, by metallic removable partial denture (MRPD) puts the practitioner in front of a double challenge: mastering the biomechanical balance on the one hand and aesthetic management on the other hand. The use of supra-root axial attachments then, has a significant interest in improving the esthetic and functional result. Indeed, this means supplemental of retention -axial attachment- can avoid the use of unsightly hooks, optimizing the integration of MRPD and improving their prognosis.

Through a clinical case, the authors propose to show the benefits of supra-root attachments and their implementation.

Key words

large edentulous, extended axial attachment, aesthetics, retention

La prothèse amovible partielle métallique (PAPM) est une solution thérapeutique toujours d'actualité dans la restauration des édentements de grande étendue notamment terminaux. Néanmoins, elle présente des difficultés quant à la gestion à la fois de l'équilibre prothétique d'un point de vue biomécanique et du facteur esthétique incompatible avec les moyens de rétention classique du type crochets. Le recours aux attachements axiaux constitue, lorsque le cas le permet, une option thérapeutique répondant aussi bien aux exigences fonctionnelles qu'esthétiques.

Conception de la prothèse supra-radiculaire sur attachement axial

Principe

Les racines sous-prothétiques, lorsque leur valeur parodontale et endodontique est correcte, peuvent être conservées pour supporter un attachement de précision axial de type bouton-pression. Ce dernier est composé d'une partie sphérique, la patrice, solidaire d'une chape à tenon et d'une contrepartie, la matrice, fixée dans l'intrados prothétique, incluse dans la résine de la selle soit au laboratoire soit directement en bouche [1].

Rétention

La rétention est assurée par l'emboîtement des deux pièces, le frottement est modulé par plusieurs dispositifs :

– par friction directe entre les deux pièces, par lamelles activables incluses ou non dans un anneau de PVC (Dalbo®, Ceka) ;

– par verrouillage dû à un anneau plus ou moins élastique placé dans la matrice autour d'une partie mâle sphérique (O-Ring, Mini-Clic) ;

– par serrage, du type crochet, de la pièce femelle fendue autour de l'élément mâle (Eccentric Rothermann®).

La force de rétention des attachements intracoronaires axiaux, variable, doit être compatible avec les possibilités de désinsertion (par des patients généralement âgés).

La force de rétention maximale acceptable pour un parodonte sain ou assaini est de 10 à 20 N. La rétention initiale diminue par usure mécanique des pièces de l'attachement, ce qui impose de réactiver périodiquement certains types d'attachements (activation des lamelles par des instruments spécifiques fournis) ou de changer des pièces responsables de rétention (remplacement des anneaux élastiques tous les 6 à 12 mois) [2-4].

Type de liaison pour les édentements étendus

Les attachements à liaison articulée (dynamiques) sont indiqués : ils établissent une liaison non rigide. En effet, la forme de la matrice ménage un espace autour de l'élément mâle, ce qui autorise un jeu diminuant les contraintes sur les racines résiduelles en faisant participer la fibromuqueuse à l'appui prothétique.

Un anneau en élastomère autour d'une sphère permet cette liberté en limitant son rôle à la rétention.

L'enfoncement est possible grâce à l'interposition au laboratoire d'une cale d'étain de 300 à 400 μm (rondelle d'espacement) entre la coiffe radiculaire et la partie fixée dans la prothèse amovible [1, 5].

Schéma directeur de réalisation

Comme dans toute restauration prothétique et plus particulièrement en PAPM supra-radiculaire, une démarche analytique et thérapeutique codifiée et systématique doit être adoptée. Elle comprend différentes phases, à savoir :

– l'étude préprothétique comportant :

- l'examen esthétique pour évaluer essentiellement le type de sourire, le soutien des téguments ainsi que la hauteur faciale inférieure,

- l'examen des structures musculo-articulaires, dento-parodontales et ostéo-muqueuses,

- l'examen de l'occlusion souvent perturbée par la non-compensation des édentements (égressions, versions),

- l'analyse des moulages d'étude au paralléliseur pour définir l'axe d'insertion optimal et réaliser le projet de tracé du châssis métallique conformément aux exigences biomécaniques et tenant compte des incidences esthétiques,

- la préfiguration du projet prothétique au moyen des cires de diagnostic ;

– les aménagements préprothétiques. Cette phase comprend l'assainissement de la cavité buccale, l'extraction des dents au pronostic parodontal défavorable ainsi que la correction des courbes occlusales ;

– la phase de réalisation proprement dite, qui comprend les étapes relatives à :

- la réalisation de la chape support de l'attachement, soit préparation de la dent, empreinte et fixation de la partie mâle calcinable parallèlement à l'axe d'insertion choisi (au laboratoire), contrôle de l'adaptation en bouche,

- la réalisation du châssis métallique, soit améloplasties relatives à l'insertion et à l'intégration de la PAPM, empreinte anatomo-fonctionnelle entraînant l'attachement et la confection du châssis,

- l'enregistrement de l'occlusion, le choix et le montage des dents en respectant le concept occluso-prothétique, la polymérisation et l'insertion prothétique [6, 7].

Cas clinique

Observation clinique

Un patient âgé de 47 ans s'est présenté pour une restauration prothétique globale. Il n'était pas satisfait de ses anciennes prothèses tant du point de vue esthétique que fonctionnel. L'examen clinique a montré :

– une mauvaise hygiène avec présence de plaque et de tartre surtout au niveau du bloc antéro-inférieur (fig. 1) ;

– sur le plan parodontal, une inflammation gingivale localisée au niveau du bloc incisivo-canin mandibulaire ainsi qu'une importante récession sur 27 avec atteinte de furcation ;

– un édentement de classe III modification 1 de Kennedy-Applegate au maxillaire et de classe I à la mandibule ;

– sur le plan ostéo-muqueux, une importante résorption osseuse essentiellement au maxillaire ;

– d'anciennes prothèses défectueuses et inesthétiques (fig. 2a et b) ;

– des crochets en Y de Roach disgracieux sur 12 et sur 23 ;

– une 12 riziforme avec une récession gingivale, une 23 dépulpée et très grisâtre, une 27 très égressée et cariée, et une érosion cervicale sur 34 ;

– une ligne du sourire moyenne associée à une lèvre courte et fine (fig. 2c) ;

– sur le plan occlusal, une perturbation importante des courbes d'occlusion ainsi qu'une égression importante de 44 et 45 avec cependant une dimension verticale d'occlusion conservée.

Décision thérapeutique

Il a été envisagé de réaliser :

– au maxillaire, une PAPM avec un attachement axial sur 12, une couronne céramo-métallique fraisée sur 23 support d'un crochet Nally-Martinet modifié exploitant l'angle disto-vestibulaire [8] ;

– à la mandibule, une PAPM avec couronnes fraisées sur 44 et 45 (après rétablissement du plan d'occlusion).

Phases thérapeutiques

Les phases thérapeutiques sont au nombre de trois :

– phase d'assainissement parodontal, motivation à l'hygiène bucco-dentaire, détartrage, extraction de la 27 et reprise des traitements endodontiques sur 12 et 23 ;

– matérialisation du projet occluso-prothétique sur articulateur avec rétablissement de courbes d'occlusion correctes et réalisation du montage directeur (fig. 3). Ce dernier va servir de prothèse transitoire [9] ;

– réalisation de la PAPM maxillaire avec un attachement axial sur la 12 selon les séquences suivantes :

- rétablissement du plan d'occlusion par meulage des dents égressées (destinées à être couronnées ultérieurement) guidé par le montage directeur (fig. 4 et 5),

- préparation des dents supports d'attachement axial et de la couronne céramo-métallique fraisée. L'attachement axial prévu sur la 12 facilitera l'intégration de la PAPM en augmentant de façon significative l'esthétique mais aussi la rétention (fig. 6). La préparation radiculaire pour des tenons cylindro-coniques occupe les deux tiers de la racine et laisse apicalement de 3 à 4 mm d'obturation radiculaire ; la préparation périphérique est sous forme d'un congé large juxta-gingival ; un cône de raccordement est réalisé à l'entrée de la préparation canalaire pour renforcer la résistance de la pièce prothétique coulée [10],

- empreinte des préparations entraînant le montage directeur, ce qui garantit une exactitude des rapports occlusaux (fig. 7) [11, 12],

- clés vestibulaire et palatine issues du montage directeur pour assurer un positionnement idéal de la patrice calcinable afin qu'elle ne transparaisse pas derrière la dent prothétique (support de l'attachement), ce qui permet d'éviter l'aspect grisâtre inesthétique (fig. 8),

- essai de la chape métallique surmontée de la partie mâle et de la couronne céramo-métallique pour contrôler son ajustage (fig. 9) [13, 14],

- empreinte composée globale, fidèle et précise pour enregistrer la dualité tissulaire pour une meilleure gestion de l'équilibre prothétique et une exploitation maximale de la surface d'appui. Cette empreinte entraîne la chape surmontée de l'attachement (fig. 10),

- confection du châssis de façon à optimiser le polygone de sustentation. Il comprend une barre cingulaire, une plaque large pour l'exploitation maximale de la surface d'appui ostéo-muqueuse, un crochet Ackers sur 18 et un crochet esthétique sur 23 [15, 16]. L'essai permet de vérifier l'adaptation correcte (fig. 11),

- montage des dents prothétiques harmonieux respectant les rapports occlusaux réalisé après leur choix judicieux (forme, teinte et dimensions en harmonie avec celles des dents naturelles persistantes) [12]. La finition de la fausse gencive et la transition avec la gencive naturelle en biseau sont importantes dans le rendu esthétique final (fig. 12),

- insertion de la PAPM et équilibration occlusale.

L'occlusion aussi bien statique que dynamique a été vérifiée : absence d'interférences en occlusion de relation centrée, en diduction fonction canine côté gauche et occlusion équilibrée du côté droit. La conception de la prothèse évite de surcharger l'attachement [17] (fig. 13 et 14).

On note qu'avec la nouvelle prothèse, la ligne du sourire du patient est plus haute, témoin d'un confort psychologique (fig. 15).

Un planning des séances de maintenance est établi. Il comprend des contrôles réguliers pour l'activation ou le remplacement de la pièce femelle ainsi que pour l'ajustage des rapports occlusaux [18].

Conclusion

La prothèse amovible partielle métallique supra-radiculaire avec utilisation de dispositif de rétention constitue une solution thérapeutique que le praticien doit envisager chaque fois que la situation clinique le permet.

Dans le cas d'un édentement étendu, lorsque l'indication est bien posée et que la conception et la technique de mise en œuvre sont maîtrisées, l'utilisation de l'attachement axial permet de contourner le préjudice esthétique lié aux crochets disgracieux et d'optimiser l'équilibre prothétique.

La réussite de ce type de traitement nécessite obligatoirement d'établir d'abord le projet prothétique intégrant les paramètres esthétiques et occlusaux, puis d'avoir une conception raisonnée de la PAPM d'un point de vue esthétique et biomécanique et, enfin, de maîtriser les étapes de la réalisation guidées par le montage directeur, outil de communication indispensable.

Leila Fajri – Professeur assistant en prothèse adjointe

Faculté de médecine dentaire, avenue Mohammed-El-Jazouli, Madinat Al Irfane, BP 6212, Rabat-Instituts, Maroc. e.mail : fajrileila@hotmail.com

Faiza Benfdil – Professeur de l'enseignement supérieur en prothèse adjointe, chef de département de prothèse adjointe

Faculté de médecine dentaire de Rabat

Bouabid El Mohtarim – Professeur de l'enseignement supérieur en prothèse adjointe, chef de service d'odontologie

Hôpital d'instruction militaire Mohammed-V, Madinat Al Irfane, Rabat

Nadia Merzouk – Professeur de l'enseignement supérieur en prothèse adjointe, chef de service de prothèse adjointe

Faculté de médecine dentaire de Rabat

Liens d'intérêts : les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt concernant cet article.

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