Détours cliniques
RÉSUMÉ En prothèse fixée, différentes erreurs de préparations sont fréquemment retrouvées comme des zones sous-préparées ou des préparations avec des problèmes d'axe. Lorsque ces erreurs sont détectées au laboratoire de prothèses, le technicien peut réaliser un guide de coupe. Il s'agit d'une chape spécifique qui guide précisément le praticien pour réaliser en bouche une retouche de la préparation. Cette technique peut permettre d'éviter une nouvelle prise d'empreinte et, parfois même, d'assembler la restauration finale à la dent pilier venant d'être retouchée.
SUMMARY Reduction coping: interests and clinical procedures
In fixed prosthodontics different preparation errors are often observed such as under-reduced areas or axis problems. When these are detected in the dental laboratory, the technician can fabricate a reduction coping. It is a specific guide for the practitioner to modify the preparation intra-orally. This technique can avoid a new impression and sometimes even allows to cement the final restoration on the retouched abutment tooth.
L'objectif d'une restauration par prothèse fixée est d'obtenir une intégration optimale d'un point de vue biologique, fonctionnel et esthétique. Une préparation de qualité des dents piliers permet la réalisation de restaurations prothétiques bien ajustées [1]. Le design des préparations est donc crucial et doit répondre à certaines règles fondamentales pour assurer un succès clinique à long terme [2-4].
Le précepte directeur des préparations est de ménager l'espace nécessaire aux matériaux constituant l'élément prothétique [5] en respectant le principe d'économie tissulaire [6, 7] pour répondre aux exigences mécaniques et esthétiques de la future restauration.
Différentes erreurs de préparation sont fréquemment retrouvées [8, 9] comme des zones insuffisamment préparées ou des préparations avec des défauts d'axe. C'est notamment le cas lorsque le praticien ne s'est pas aidé de clés en silicone réalisées sur les éléments provisoires ou sur les projets prothétiques pour évaluer l'espace requis.
Cela peut aboutir à des restaurations dont l'esthétique ou la résistance intrinsèque est insuffisante (fig. 1). Cependant, le plus souvent, le prothésiste de laboratoire informe le praticien qu'il ne peut réaliser l'élément prothétique. Il existe alors peu de possibilités pour résoudre ce problème. La première consiste à convoquer de nouveau le patient pour reprendre la préparation et à réaliser une nouvelle empreinte. Ce peut être ennuyeux pour le praticien en termes d'image et de gestion du temps. La seconde solution, qui se révèle souvent être la plus pratique, consiste à demander au prothésiste une chape de réduction, appelée aussi « guide de coupe ». Il s'agit d'une chape fabriquée au laboratoire qui guide précisément le praticien pour réaliser en bouche une retouche de la préparation. Le prothésiste la réalise sur le modèle positif unitaire. Elle a pour particularité de présenter une ouverture laissant apparente la zone sous-préparée. Le praticien peut alors éliminer cette dernière grâce à la chape qui lui sert de guide.
Dans le cas d'une couronne unitaire, après avoir mis de côté la chape de réduction, le prothésiste a souvent la possibilité de travailler sur le modèle positif unitaire retouché pour réaliser la restauration. Une fois celle-ci terminée, elle peut être délivrée au praticien accompagnée de la chape de réduction. Après avoir déposé la prothèse transitoire et nettoyé la préparation, le praticien met en place la chape de retouche. Il visualise alors, dépassant de la zone ouverte de la chape, la portion sous-préparée de la dent qu'il n'a plus qu'à éliminer par fraisage. Il peut ensuite insérer la couronne qui doit s'ajuster parfaitement aux limites de la préparation. Cette technique peut aussi être utilisée dans des cas plus complexes [10], notamment lorsque de nombreuses préparations sont concernées. Elle permet alors uniquement d'aider le praticien à reprendre les préparations avant une nouvelle empreinte.
L'utilisation d'une chape de réduction est simple et prédictible. Il est cependant nécessaire de respecter quelques règles élémentaires. Il faut d'abord uniquement y faire appel dans les cas où une faible retouche est nécessaire impliquant un plan de coupe unique. En outre, la modification de la préparation ne doit jamais s'étendre trop près de la limite de préparation pour absolument éviter toute altération de cette dernière. Le métal doit être préféré à la résine pour la réalisation de la chape de retouche afin qu'elle ait la meilleure adaptation au niveau de la préparation. La chape peut être coulée en utilisant la technique de la cire perdue ou usinée par conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO).
L'objectif de cet article est de mettre en évidence l'intérêt des guides de coupe à travers différents cas cliniques.
Un homme de 50 ans est venu consulter pour remplacer les restaurations volumineuses en résine composite sur 37 et 38 qui se sont fracturées à plusieurs reprises et ont été réparées (fig. 2). Le patient souhaitant avoir une restauration sans métal, 2 couronnes tout céramique monobloc en disilicate de lithium sur dents vitales lui ont été proposées. Après réfection des anciennes restaurations, les préparations ont été réalisées avec difficulté du fait de la mauvaise visibilité et du faible espace interocclusal existant entre 38 et 28 en ouverture buccale maximale. Le passage des instruments rotatifs en distal de 38 s'est avéré particulièrement compliqué. Par ailleurs, les couronnes cliniques étant très courtes chez ce patient, il ne fallait pas trop les réduire en occlusal pour éviter d'avoir des préparations de trop faible hauteur, synonymes de perte de rétention. De même, il était important de ne pas trop réduire les dents pour minimiser l'agression pulpaire. Une fois les préparations terminées (fig. 3), une hybridation dentinaire immédiate a été réalisée. Un jeu d'empreintes physico-chimiques a été effectué, les moulages en plâtre ont été réalisés et les moulages positifs unitaires ont été confectionnés (fig. 4). Les 2 arcades ont ensuite été scannées optiquement. Le logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO) a permis de détecter un espace interocclusal insuffisant pour le matériau en céramique au niveau des cuspides linguales de 38 (fig. 5). Ainsi, il a été décidé de réaliser un guide de coupe par coulée (fig. 6) et la préparation de 38 a été corrigée sur le moulage positif unitaire. L'acquisition optique renouvelée dans cette zone, a conduit le logiciel de CAO à indiquer que la réduction était suffisante pour réaliser la couronne sur 38 (fig. 7). Après l'usinage des couronnes et leur maquillage, elles ont été envoyées au praticien accompagnées du guide de coupe. Après anesthésie, dépose des restaurations provisoires et nettoyage des préparations, le guide de coupe a été essayé et validé. La zone insuffisamment préparée a été éliminée (fig. 8 et 9), la chape de réduction a été déposée et un léger polissage de la zone a été effectué. Les couronnes ont alors été placées sur leur préparation, les contacts proximaux ont été réglés, l'ajustage et l'occlusion ont été vérifiés. Les couronnes ont pu être collées et un nouveau contrôle de l'occlusion a permis de valider leur intégration. Les couronnes ont pu ainsi être mises en place sans séance supplémentaire (fig. 10).
Une patiente de 65 ans s'est présentée au cabinet dentaire avec pour motif de consultation sa 21 en rotation qu'elle ne supportait plus (fig. 11). Une thérapeutique orthodontique n'ayant pas été acceptée, une approche prothétique a donc été choisie malgré le caractère plus invasif de la technique. Du fait de la proximité pulpaire, la dent a dû être dépulpée puis obturée avec de la résine composite. Elle a ensuite été préparée pour recevoir une couronne tout céramique avec armature en zircone (fig. 12). Les empreintes maxillaire et mandibulaire ont été réalisées et les moulages en plâtre confectionnés. Après scannage optique des arcades, lors de la conception de la chape, une insuffisance de préparation est apparue en vestibulaire (fig. 13). En même temps que la chape en zircone, un guide de coupe usiné a été adressé au praticien et placé en bouche (fig. 14) pour éliminer le volume en excès (fig. 15). La chape en zircone, essayée lors de cette même séance (fig. 16), a été validée puis renvoyée au laboratoire pour stratification. La couronne a ensuite été collée lors d'une séance ultérieure (fig. 17).
Un patient âgé de 80 ans s'est présenté en consultation, adressé par un confrère pour une restauration prothétique mandibulaire par prothèse composite (prothèse fixée et prothèse amovible) pour un édentement de classe I.1. Le maxillaire avait été restauré par une prothèse amovible complète. Les reconstitutions corono-radiculaires coulées ont été réalisées après les traitements ou retraitements endodontiques afin de maintenir l'herméticité apico-coronaire sans visée prothétique (fig. 18). Une empreinte des arcades a été réalisée et les moulages transférés sur articulateur. Un enregistrement par arc facial permettant de transférer la position du maxillaire par rapport au plan axio-orbitaire a été effectué.
Les rapports mandibulo-maxillaires ont été enregistrés à l'aide des bases d'occlusion (fig. 19). Cette analyse sur articulateur, véritable simulateur de la cavité buccale, a mis en évidence la nécessité d'apporter des corrections sur les faces linguales des reconstitutions corono-radiculaires de 33 et 43 et sur la face vestibulaire de celle de 45 (fig. 20). À cet effet, des guides de coupe en métal ont été réalisés (fig. 21) et positionnés en bouche (fig. 22) pour effectuer les corrections nécessaires (fig. 23) favorisant l'intégration de la restauration prothétique. Les chapes pour couronnes céramo-métalliques fraisées ont été essayées dans la même séance, une fois les corrections réalisées. Classiquement, les étapes de prothèse fixée ont été exécutées pour orienter l'élaboration de la prothèse amovible partielle à châssis métallique (fig. 24, 25 et 26).
L'utilisation d'un guide de coupe est une technique qui consiste à faire réaliser au laboratoire une retouche de la préparation sur le moulage positif unitaire, puis à transférer l'information au praticien pour qu'il réalise exactement la même modification en bouche. Cela peut constituer une aide précieuse pour réaliser des corrections sur les dents piliers dans des cas simples comme dans des cas plus complexes. Faire appel à une chape de réduction peut permettre d'essayer une armature ou de poser une couronne sans perdre de temps. Il faut néanmoins respecter certaines règles lors de l'emploi de ce procédé et être conscient de ses limites. Il est parfois impossible de s'affranchir d'une nouvelle prise d'empreinte.
Mathieu Contrepois - Docteur en chirurgie dentaire, Assistant hospitalo-universitaire sous-section 58-02 prothèses
Jean-Philippe Pia - Docteur en chirurgie dentaire, Assistant hospitalo-universitaire sous-section 58-02 prothèses
Arnaud Soenen - Docteur en chirurgie dentaire, Ancien Assistant hospitalo-universitaire sous-section 58-02 prothèses
Liens d'intérêts : les auteurs déclarent un lien d'intérêts avec la société 3M France (conférences rémunérées).