Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/03/2015

 

Odonto-restauratrice

Eugénie Vilfroy *   Claude Launois **  

Résumé

Les anomalies dentaires de nombre (agénésie) ou de forme (microdontie) touchent une part non négligeable de notre patientèle. Elles s'accompagnent systématiquement d'une dysharmonie du sourire.

Pour les cas d'agénésie des incisives latérales, la prise en charge orthodontique est la solution thérapeutique de choix. L'orthodontiste peut opter pour une solution biologique qui consiste à déplacer la canine en position de l'incisive latérale. La seconde option consiste à maintenir l'espace en vue de positionner un implant à l'âge adulte.

Ces solutions thérapeutiques peuvent être refusées ou abandonnées par le patient.

Cet article présente, à propos de 3 cas cliniques, des solutions thérapeutiques permettant d'améliorer l'harmonie du sourire de patients déçus du résultat esthétique à la fin de leur traitement orthodontique.

La prise en charge de ces cas par la réalisation de facettes en céramiques collées, bien que complexe à mettre en œuvre, s'avère être une solution de compromis alliant esthétique, économie tissulaire et fiabilité dans le temps.

Summary

Dental anomalies, whether in number (agenesis) or in shape (microdontia) affect our patients in a significant proportion. They are always accompanied by a smile disharmony. For cases of agenesis of lateral incisors, the orthodontic care is the best therapeutic solution. The orthodontist can choose a biological solution that involves moving the canine in position of the lateral incisor. The other option is to keep the space to position an implant in adulthood.

The patient can dismiss or discontinue these therapeutic solutions.

This article presents therapeutic solutions regarding 3 case reports to improve harmony of the smile for patients disappointed by the esthetic result at the end of orthodontic treatment.

The management of these cases by carrying bonded ceramic veneers, though difficult to implement, turns out to be a compromise solution that combines esthetics and reliability over time.

Key words

lateral incisors, agenesis, orthodontics, ceramic veneer

Les patients présentant des microdonties ou des agénésies représentent une partie non négligeable de notre patientèle (de 2 à 10 %) [1]. La prise en charge idéale de ces cas est très rarement envisagée de façon pluridisciplinaire. Les conséquences esthétiques, par suite du choix de l'orthodontiste ou d'un arrêt du traitement, sont particulièrement difficiles à traiter quand les patients insatisfaits de leur sourire demandent une solution prothétique la moins invasive possible.

Après un bref rappel des solutions orthodontiques dans le cas d'agénésies, cet article expose trois situations cliniques de patients avec des microdonties ou des agénésies unilatérales et bilatérales, qui demandent une modification de leur sourire après des traitements orthodontiques n'ayant pas ou ne donnant plus toute satisfaction sur le plan esthétique.

Rappels

En présence d'une agénésie unilatérale (les trois quarts des cas) ou bilatérale des incisives latérales, les options thérapeutiques de l'orthodontiste sont au nombre de deux.

La première est la solution biologique avec la mise en place des canines en position d'incisive latérale et de la prémolaire en place de la canine. Cette option est envisageable dans le cas d'agénésies bilatérales et s'accompagne systématiquement d'une coronoplastie des canines.

Cette solution est la plus simple et la plus rapide mais les conséquences esthétiques et occlusales ne sont pas négligeables. Les rapports occlusaux canins sont alors en classe 2 thérapeutique.

Les orthodontistes sont conscients des paramètres esthétiques spécifiques à la qualité du sourire et les prennent en considération [2]. Ils appliquent cette solution quand la canine présente :

– un diamètre mésio-distal adapté au diamètre des incisives centrales ;

– une couleur peu saturée ;

– une face vestibulaire plate et un collet en position basse ;

– une pointe canine peu prononcée pour permettre une coronoplastie peu mutilante (fig. 1).

La seconde option est la solution implantaire qui consiste à placer les canines dans leur situation clinique de l'arcade dentaire avec création d'un espace suffisant pour permettre une implantation à l'âge adulte. Elle permet :

– de laisser ou de mettre les canines en classe 1, lesquelles peuvent ainsi pleinement jouer leur rôle lors du guidage en diduction ;

– de conserver la longueur d'arcade.

Cette solution est particulièrement conseillée quand la canine est pointue, large et saturée. Elle ne perturbe pas, selon les orthodontistes, la fonction occlusale et ne crée pas de problèmes au niveau des articulations temporo-mandibulaires.

Elle est difficile à réaliser, longue et risquée si le traitement orthodontique est interrompu par le patient avec pour conséquence principale l'impossibilité d'une implantation dans un espace insuffisant (fig. 2).

Quelques situations cliniques permettent d'illustrer ces deux options. Selon l'anatomie des canines, le rendu esthétique peut être facilement amélioré mais ce n'est pas dans la majorité des cas.

La solution biologique, dans la mesure où les indications sont respectées, a un caractère définitif dès la fin du traitement sans la nécessité d'un artifice prothétique. Le résultat acceptable esthétiquement peut être amélioré par un simple blanchiment (fig. 3).

Dans le cas d'une agénésie unilatérale avec une canine pointue et un bord libre placé sur le même plan que celui de la 11 (fig. 4), la difficulté est d'un autre niveau : l'harmonie du sourire ne peut pas être trouvée par une simple coronoplastie additive de composite de l'angle mésial (fig. 5). Seules des techniques prothétiques peuvent être le recours pour un résultat optimal.

Dans cet autre exemple, satisfaisant sur le plan esthétique, les canines sont en classe 2 et leurs pointes ont été meulées. Les contacts occlusaux dans les diductions droite et gauche s'établissent en fonction de groupe (fig. 6) mais en diduction gauche, le contact canin est inexistant et on peut penser que des contacts non travaillants existent ou vont s'établir dans le secteur molaire à droite (fig. 6b). Cette situation ne pourra malheureusement se résoudre que par une solution prothétique en transformant les canines en latérales et les prémolaires en canines pour supprimer et éviter tous les contacts non travaillants néfastes.

Dans ce dernier exemple de solution dite biologique, le sourire ne pourra jamais être harmonieux sans artifices prothétiques. Les indications ont été mal posées, ou les risques esthétiques de ce choix n'ont pas été assez exposés au patient. Les canines sont très triangulaires, de couleur saturée et, surtout, très pointues. Ce cas aurait dû être traité avec la solution implantaire (fig. 7).

La solution implantaire est très contraignante. Elle fait appel à un traitement chirurgical qui peut être associé à la réalisation d'une greffe osseuse dans 60 à 85 % des cas pour reconstruire la structure osseuse au niveau des latérales [3,4]. Le taux de succès des solutions prothétiques implanto-portées est sécurisant (entre 90 et 100 %), mais il existe une légère croissance verticale qui impose de décaler la mise en place des implants en fonction de la croissance cranio-faciale, au-delà de 20 ans [5].

Dans ce choix thérapeutique, les conséquences sont considérables si l'espace dévolu aux implants est insuffisant ou si le patient arrête son traitement. Les solutions prothétiques sont alors très complexes et font appel à la réalisation d'attelles métalliques collées ou scellées munies de tenons ou de vis dentinaires (fig. 8). Les réalisations métalliques se révèlent disgracieuses dans le temps par modification de la couleur du bord libre (fig. 9). Les attelles en composite fibré sont généralement utilisées temporairement durant la phase d'attente de l'implantologie. Les attelles en céramique pressée sont fréquemment conseillées dans les cas d'échec. Cette patiente de 23 ans, traitée en orthodontie vers 11 ans selon la méthode biologique, présentait des agénésies des incisives latérales mais également des agénésies des 15 et 25. Elle nous fut adressée pour consultation à 16 ans. La solution implantaire nous paraissait être la solution la mieux adaptée et un second traitement fut entrepris pour remettre les canines à leur place (fig. 10). Malheureusement, ce second traitement se révéla être un échec avec impossibilité d'implanter. Les axes de la canine et de l'incisive centrale étaient convergents apicalement (fig. 11). Une attelle composée d'une armature réduite en zircone et en céramique pressée (e.max®, Ivoclar Vivadent) (fig. 12) a été confectionnée puis collée (fig. 13).

Il est très difficile de choisir la solution idéale. Pour aboutir à des résultats esthétiques bien acceptés à l'âge adulte, il est nécessaire qu'une étroite communication soit instaurée, lors de la prise de décision, entre l'orthodontiste et l'omnipraticien référent. En l'absence de ces échanges, les frustrations esthétiques peuvent être importantes. Pour illustrer cette remarque, les cas de 3 patients sont décrits et commentés. D'âges différents (entre 19 et 39 ans), ils n'ont pas bénéficié de cette communication entre praticiens et recherchaient avec insistance une amélioration de leur sourire.

Exemples cliniques

Pour éviter les redites dans la chronologie de chaque cas clinique, il est apparu préférable de décrire, en préambule, les étapes du plan de traitement et les références bibliographiques qui s'y rapportent :

–  les analyses esthétique et occlusale [6–8] associées à un wax-up constituent toujours la base d'un projet esthétique [9] ;

– le projet suivi de la réalisation de maquettes (mock-up) élaborées principalement en composite (composite-up) a pour but :

– de montrer au patient son futur sourire et de valider la proposition,

– de servir de guide dans la réalisation de préparations peu invasives, voire pas du tout invasives [9,10].

– Ce respect des tissus dentaires et une éthique professionnelle sont indispensables dans la technique des facettes de céramique collées [11–15] ;

– l'étape suivante concerne la réalisation proprement dite des préparations après un aménagement parodontal si nécessaire [16–20] ;

– le choix de la céramique, la maîtrise de l'élaboration confiée à un prothésiste dentaire céramiste sont les critères de la réussite finale [21–26].

Premier cas clinique

Cette patiente, âgée de 39 ans, était à la recherche, depuis plus de 20 ans, d'une solution prothétique la moins mutilante possible pour améliorer son sourire. Elle s'opposait à la solution d'extraire les 2 incisives latérales, de trop nombreuses fois proposée, ou à la réalisation de couronnes périphériques. Elle ne souhaitait pas entreprendre un traitement orthodontique pour réduire le diastème entre 12 et 13 (fig. 14).

Analyse esthétique

L'analyse a mis en évidence (fig. 14) :

– une courbe du sourire un peu aplatie par rapport à la courbe de la lèvre inférieure (fig. 14b). La microdontie concerne les 12 et 22. On a noté également une asymétrie du sourire avec une forte présence de la canine droite ;

– un diastème entre 12 et 13 plus large au bord incisif qu'au collet (fig. 14b) ;

– un recouvrement (overbite) très important :

– des canines en classe 1, une abrasion de la pointe canine 23, mais sans troubles occlusaux,

– une endoversion de toutes les dents,

– une hauteur coronaire de 22 plus petite que celle de 12 (fig. 14c) ;

– un axe des incisives (trait rouge) endoversé (fig. 14d) ;

– des diastèmes de dimensions très irrégulières (fig. 15).

Proposition thérapeutique et réalisation

La proposition thérapeutique la plus respectueuse des tissus dentaires était la réalisation de facettes en céramique collées sur les faces vestibulaires des 6 dents antérieures. C'était la seule solution permettant de résoudre la problématique de ce cas, à savoir, harmoniser le diamètre des 6 dents, le comblement des diastèmes et donner un peu plus d'ampleur au sourire sans perturber l'occlusion existante.

La durée de la phase de validation a été de 4 mois pour éviter tout risque d'échec surtout psychologique (fig. 16a).

L'aménagement dentaire offrait une ligne du sourire pratiquement identique à la courbe de la lèvre inférieure (fig. 16b).

Un aménagement parodontal a été mené par gingivectomie pour augmenter la hauteur coronaire de 12 et 22 et déplacer le zénith de 11 en distal (fig. 17).

La céramique pressée semi-opaque (e.max® MO, Ivoclar) (fig. 18) a été choisie pour ses capacités lumineuses qui devaient donner un résultat esthétique identique sur toute la surface de la dent malgré la présence de nombreuses zones sans support dentaire. Le collage a été réalisé avec un protocole « classique » associant un adhésif M & R et une colle duale translucide sans pouvoir adhésif (Optibond FL® et Nexus 3®, Kerr).

La présence d'un recouvrement important a imposé un réglage strict des contacts occlusaux (fig. 19a) et un contrôle régulier de l'occlusion tous les 6 mois.

Le faible surplomb cervical de céramique créé par cette technique de facettes sans préparation n'a entraîné aucune inflammation parodontale, y compris au niveau des incisives latérales atteintes de microdontie (fig. 19b).

Conclusion

Cette solution prothétique aucunement mutilante, respectant les tissus dentaires, inerte biologiquement pour le parodonte, a permis à la patiente de retrouver un sourire harmonieux (fig. 19c).

Deuxième cas clinique

Cette patiente âgée de 19 ans adressée par un confrère n'était aucunement satisfaite de son sourire à la fin d'un traitement orthodontique, réalisé à l'âge de 14 ans, qui avait pour finalité de traiter esthétiquement une agénésie unilatérale de la 12. La décision avait été prise de déplacer la canine droite à la place de la 12, ce qui avait été réalisé.

L'analyse esthétique a permis de comprendre la déception de cette patiente (fig. 20 et 21) :

– un manque d'ampleur du sourire, crispé et volontairement limité, dans un contexte de visage équilibré avec une dysharmonie dans le sourire (fig. 20) ;

– une ligne du sourire un peu plate qui n'a pas une courbure identique à celle de la lèvre inférieure (fig. 21a), différence sans doute provoquée par une diminution de la longueur des incisives centrales restaurées par des composites à la suite d'une chute survenue dans sa jeunesse ;

– une grande différence des diamètres mésio-distaux de 13 et de 22 ,

– une hauteur coronaire réduite de la 22,

– l'axe vertical de la canine déplacée presque identique à l'axe de la 23,

– l'absence de diastème résiduel entre 11 et 13,

– les portions mésiales des prémolaires 14 et 24 très visibles, conséquence des mouvements orthodontiques,

– les dents du secteur 1 toutes mésialées et la canine gauche présentant un axe endoversé. (fig. 21b).

L'analyse occlusale lors des diductions droite et gauche a mis en évidence des contacts de fonction de groupe. Le guidage antérieur était assuré par les deux incisives centrales. Il n'y avait pas de trouble occlusal bien que la canine droite soit en classe 2 et la canine gauche en classe 1 (fig. 21d).

Proposition thérapeutique et réalisation

Pour respecter l'éthique professionnelle, éviter tout surtraitement et toute mutilation, on souhaitait au départ que le traitement prothétique n'intéressa que 2 dents par la transformation de la canine en latérale et de la prémolaire en canine.

Un premier mock-up de composite (maquette) dans le secteur 1 a permis de visualiser les possibilités d'harmoniser les diamètres, la 13 transformée en incisive latérale et la 14 en canine. La hauteur de la 11 a été augmentée. La restauration précédente en avait réduit peut-être la longueur pour éviter la fracture (fig. 22a).

Le sourire avec le mock-up partiel a mis nettement en évidence la nécessité d'inclure également la 22, la ligne du sourire se révélant plus agréable et la longueur de l'incisive n'étant pas excessive (fig. 22b).

La proposition thérapeutique soumise à la patiente comprenait donc la réalisation de 6 facettes en céramique collées sur des dents non préparées. En accord avec la patiente, la 23 a été incluse dans le traitement pour masquer la portion mésiale de 24 :

– un éclaircissement des deux arcades a été réalisé au préalable. Le contraste entre la couleur du parodonte et celle des dents a mis en évidence la nécessité de faire un aménagement parodontal par gingivectomie de la 22 pour équilibrer les longueurs coronaires (fig. 23) ;

– les anciennes restaurations sur 11 et 21 ont été déposées. Aucune préparation n'a été réalisée sur les autres dents concernées par la restauration prothétique (fig. 24) ;

– les 6 facettes ont été élaborées en céramique feldspathique sur modèle réfractaire (fig. 25). La céramique feldspathique a été choisie pour ses remarquables qualités optiques sous faible épaisseur qui lui permettent de s'intégrer parfaitement à la couleur des dents naturelles de la patiente ;

– le collage a été réalisé avec un adhésif M & R et une colle translucide (Optibond® et Nexus® 3 de Kerr) (fig. 26).

Commentaires

Le choix de la céramique s'est révélé judicieux puisque aucune différence de couleur n'était perceptible. L'intégration esthétique avec la mandibule était remarquable, visible lors du contrôle du guidage antérieur. Certes la technique sans préparation a créé un très léger surplomb au niveau cervical mais parfaitement toléré par le parodonte épais (fig. 26).

La courbe de l'arcade a mis les canines en valeur plutôt que les prémolaires (fig. 26). Le large sourire radieux (fig. 27), dans un visage tout naturellement rééquilibré, de cette jeune patiente a été révélateur d'un bien-être retrouvé (fig. 28).

Troisième cas clinique

Âgée de 27 ans, cette patiente a été adressée par son praticien pour améliorer son sourire, de façon durable, par la pose de facettes en céramique, technique connue de la patiente soucieuse de pouvoir en bénéficier très rapidement. En raison d'une agénésie bilatérale des incisives latérales, elle n'a jamais été satisfaite de son sourire obtenu par un traitement orthodontique. La solution de l'orthodontiste, imposée à la patiente, était de déplacer les canines en position d'incisives latérales et les prémolaires en situation de canines. La patiente déplorait de n'avoir pas pu choisir entre cette mésialisation des canines et la création d'espaces suffisants pour une implantation à l'âge adulte. Le traitement orthodontique ayant duré 3 ans, pour un résultat décevant, elle a refusé catégoriquement la proposition de tenter un nouveau traitement orthodontique pour créer les espaces dévolus aux incisives latérales.

Pour améliorer le sourire, des composites mis en place pour combler les diastèmes avaient donné satisfaction durant 10 ans mais s'étaient progressivement dégradés.

Analyse esthétique et réalisation clinique

Les images de la situation clinique avec et sans composites ont été groupées pour mettre en évidence les difficultés de ce cas. Les observations essentielles ont été notées :

– un visage déséquilibré, le sourire était volontairement retenu et crispé (fig. 29) ;

– de nombreux diastèmes de dimensions irrégulières (fig. 30) ;

– les embrasures entre les canines et les centrales sont particulièrement différentes, celle du côté gauche est importante (fig. 31) ;

– des incisives centrales de forme rectangulaire, des canines aux pointes très légèrement abrasées, de forme triangulaire marquée (fig. 31) ;

– les deux canines sont en classe 2 ;

– un recouvrement (overbite) important ;

– la courbe de la ligne du sourire à modifier avec un allongement des pointes cuspidiennes de 13–14 et 23 ;

– une latéro-déviation à droite de la mandibule (fig. 31).

Il est apparu évident, dès le départ, que la proposition prothétique devait intéresser les 6 dents antérieures en transformant les canines en latérales et les prémolaires en canines avec fermeture de tous les diastèmes et stabilisation des contacts occlusaux.

Un wax-up d'étude esthétique a été réalisé pour faciliter la réalisation d'un mock-up en composite, la difficulté principale de ce cas étant de créer un sourire équilibré avec des diamètres dentaires harmonieux.

La réalisation du mock-up a été faite à l'aide d'une gouttière thermoformée sur le moulage en plâtre issu du wax-up. Les maquettes en composite de 14 à 24 permettent de tester et valider la proposition du sourire, les modifications des diamètres dentaires mésio-distaux (fig. 32).

La période de validation, de quelques mois, de cette proposition prothétique a permis de rassurer la patiente et son sourire, durant cette phase, était déjà plus ample (fig. 32b).

Après une légère plastie par gingivectomie des 14 et 24, l'ancienne restauration sur 21 a été déposée (fig. 33a). Des préparations a minima (des congés ronds peu profonds) ont été réalisées sur les faces vestibulaires et proximales distales de 21–23, en mésial de 14–24. Ces congés ont été établis pour fixer la limite des facettes, apporter un soutien à la céramique et réduire les contraintes de traction dans la zone des collets. Ces contraintes avaient été jugées considérables en regard des diastèmes à combler avec création de porte-à-faux (flèches) (fig. 33b et c).

La céramique feldspathique a également été choisie pour les mêmes raisons que le cas clinique précédent avec l'obtention d'un résultat esthétique satisfaisant (fig. 33d).

Mais le cas s'est révélé plus compliqué que prévu à cause d'une situation occlusale qui aurait dû être modifiée avant la réalisation des facettes. Lors du réglage de l'occlusion, l'articulation temporo-mandibulaire droite étant douloureuse, les contacts occlusaux en occlusion de relation centrée ont été modifiés par collage de composite et les guidages en diduction n'étaient plus corrects. Les versants internes des cuspides secondaires des prémolaires ont été allongés pour éviter des interférences sur les incisives. (flèches) (fig. 34).

Les facettes sur les prémolaires ont été refaites et ont pu jouer pleinement leur rôle dans les mouvements de diduction. Les modifications apportées sur les versants internes des prémolaires ont permis le recentrage de la mandibule et le soulagement de l'articulation temporo-mandibulaire droite (fig. 35).

Commentaires

Le résultat obtenu a donné entièrement satisfaction à la patiente (fig. 36) et son visage radieux exprimait son bien-être.

Une patiente ravie de sourire largement, sans retenue et sans angoisse, constitue une récompense inestimable pour tout praticien (fig. 37).

Conclusion

Malgré les difficultés rencontrées pour répondre à la demande esthétique des patients qui jugent leurs traitements orthodontiques peu satisfaisants, nous considérons que :

– l'orthodontie demeure le traitement le plus indiqué pour gérer les cas d'agénésie des incisives latérales à condition que les indications de mésialisation des canines ou de création d'un espace pour un implant soient parfaitement respectées ;

– les traitements orthodontiques rejetés (durée du traitement, aspect économique…) ou abandonnés du fait du patient sont les raisons principales de situations cliniques inesthétiques difficiles à corriger ;

– les solutions prothétiques (attelles ou facettes) mises en œuvre pour améliorer le sourire sont complexes, difficiles et risquées ;

– les solutions implantaires sont très exigeantes quant à la position des implants, la gestion des tissus mous et l'évaluation du devenir esthétique dans la durée.

Après le traitement de nombreux cas similaires de patients demandeurs d'un « beau » sourire par traitement peu invasif et durable, nos recommandations sont les suivantes. L'omnipraticien doit :

– détecter et intercepter les anomalies dentaires le plus précocement possible ;

– souhaiter être le « manager », le référent « esthétique » dans le choix de la solution orthodontique ;

– guider les différents intervenants vers le résultat qu'il souhaite obtenir après analyse et prévisualisation du sourire.

En outre, en cas de modification du sourire après le traitement orthodontique, l'étude esthétique, la réalisation de maquette et la validation de la proposition sont nécessaires, indispensables et essentielles à l'établissement d'une confiance réciproque.

Remerciements

les auteurs remercient les prothésistes pour leurs qualités artistiques dans les élaborations des éléments prothétiques suivants :

– cas clinique 1 : Hervé et Florence Maréchal du laboratoire De Bucca Solis ;

– cas cliniques 2 et 3 : Michel Moinard (MOF) du laboratoire Moinard-Crozet SARL.

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