Odonto-restauratrice
Rachid El Ouali * Hicham Soualhi ** Amal El Yamani ***
*Faculté de médecine dentaire, université Mohammed V, Rabat, Maroc
Les fractures radiculaires sous-prothétiques sont les plus fréquentes sur les dents dépulpées. Elles surviennent sur les dents porteuses de reconstitution corono-radiculaire et mettent en jeu le pronostic de l'élément dentaire ainsi que, parfois, celui des restaurations prothétiques.
Elles sont multifactorielles et peuvent trouver leur origine tout au long de la thérapeutique, de l'endodontie jusqu'à la restauration prothétique.
Lors du traitement endodontique, la fragilisation de la dent dépulpée est plus en rapport avec le degré de perte de substance qu'avec les manœuvres endodontiques, alors qu'au cours de l'acte prothétique, différents facteurs de risque surajoutés (anatomie et ancrage radiculaire, occlusion) favorisent la genèse des fractures radiculaires.
La meilleure approche reste la prévention. L'évolution des techniques adhésives a permis d'étendre les restaurations partielles collées au traitement des dents dépulpées. Cependant, lorsqu'une couronne est indiquée, la chaîne prothétique doit répondre à des critères de sélection, lors des différentes étapes, afin de réduire le risque de fracture radiculaire synonyme d'échec thérapeutique.
Root fractures underneath prosthetics are most common… on endodontically treated teeth. They occur on teeth carrying a post and core reconstitution and involve the prognosis of both dental element and sometimes the prosthetic restorations.
These fractures are multifactorial and may find their origin at any of the treatment steps, from endodontics to prosthetic restoration.
During endodontic treatment, the weakening of the pulped tooth is more related to the degree of loss of dental tissue with endodontic operations, while as in the prosthetic act, different risk factors may superadd (anatomy and root anchorage , occlusion) and foster the genesis of root fractures.
The best approach is prevention. The evolution of adhesive technology has allowed the use of bonded partial restorations on endodontically treated teeth. However, when a prosthetic restoration is indicated, many parameters and selection criteria have to be respected through the prosthetic treatment chain in purpose to reduce the risk of root fractures synonymous with treatment failure.
La reconstitution d'une dent dépulpée est un acte quotidien de pratique clinique qui constitue le plus souvent le préalable à la réalisation de l'acte prothétique. Elle assure l'étanchéité de l'obturation endodontique en prévenant la contamination bactérienne et doit redonner une cohésion à l'organe dentaire. L'analyse des échecs de ces reconstitutions corono-radiculaires révèle trois causes principales [1] : les descellements (50 % des cas), les fractures radiculaires (30 % des cas) et des complications d'ordre endodontique (20 % des cas). Les fractures radiculaires sous-prothétiques sont plus fréquentes sur les dents dépulpées que pulpées (fig. 1). Elles surviennent sur les dents porteuses de reconstitution corono-radiculaire et mettent en jeu le pronostic de la dent. Ainsi, la restauration de la dent dépulpée représente toujours une problématique d'actualité. Le clinicien se trouve souvent confronté à une structure restante amoindrie, liée à des caries et des obturations successives ayant entamé le capital dentinaire avant que les manœuvres thérapeutiques du traitement endodontique et prothétique ne viennent augmenter encore le déficit des tissus durs. Cette structure dentaire restaurée devra pourtant faire face à une myriade de forces intra-orales.
Cliniquement, les éléments dentaires dépulpés et reconstitués ont toujours montré une propension à se fracturer. Certains auteurs ont mis en évidence des caractéristiques des dents dépulpées qui leur sont propres (dureté, teneur en eau, propriétés mécaniques plus faibles que les dents pulpées). Cependant, il n'apparaît pas pour autant que cet état soit suffisant pour expliquer à lui seul cette tendance à la fracture. De plus, il faut reconsidérer les dents dans leur environnement oral. Il semble ainsi que les modifications des propriétés mécaniques liées au traitement endodontique doivent être considérées comme peu importantes par rapport aux risques réels que font courir :
– l'importance de la perte tissulaire ;
– les manœuvres liées à la thérapeutique prothétique ;
– les contraintes fonctionnelles de l'environnement oral.
La restauration de la dent dépulpée doit se faire dans un souci d'économie tissulaire. Ainsi, la notion de couronne périphérique systématique doit être reconsidérée lorsqu'il s'agit de restaurer une dent dépulpée [2,3]. En effet, l'évolution des techniques adhésives a permis l'apparition de nouveaux principes dans le traitement des dents dépulpées. L'évaluation clinique et radiologique des tissus dentaires subsistant doit permettre au clinicien de choisir la technique la plus adaptée et la moins délabrante possible pour la dent.
Plusieurs auteurs ont montré que le renforcement d'une dent par la présence d'un tenon radiculaire était impossible [3,4]. Néanmoins, d'autres ont décrit un renforcement de la dent dépulpée grâce à l'utilisation de certains tenons [5]. Il semble difficile de conclure d'autant que la plupart des études citées ont été réalisées in vitro sur des dents extraites. Le tenon vise donc à assurer essentiellement la rétention du matériau de restauration et reste encore nécessaire lors d'un délabrement coronaire important. Son utilisation doit alors répondre à des critères de sélection clinique et radiographique permettant de réduire le risque de fracture radiculaire synonyme d'échec thérapeutique.
Pendant de nombreuses années, la fragilité de la dent dépulpée a été largement admise. De nombreuses études ont cherché à mettre en évidence les différences structurelles avec les dents pulpées et leurs incidences en dentisterie restauratrice.
Le comportement biomécanique de la dent dépulpée est déterminé, d'une part, par la perte tissulaire subie par la dent à cause, généralement, de la pathologie ayant entraîné la dépulpation (carie, fracture) et de l'acte endodontique lui-même, et, d'autre part, par les modifications du comportement de la dentine qui en résultent.
Reeth et al. [6] ont établi, lors d'expérimentations réalisées in vitro, que la perte de résistance mécanique liée au traitement endodontique était de 5 % et essentiellement en rapport avec la cavité d'accès, alors que la préparation d'une cavité mésio-occluso-distale (MOD) induisait une perte de résistance de plus de 60 %. L'endodontie réalisée par la suite ne modifie que très peu ces valeurs (fig. 2).
De nombreux auteurs ont évalué en revanche les modifications des propriétés mécaniques de la dentine provoquées par la dépulpation. Certains d'entre eux mettent en évidence des différences du comportement entre la dentine d'une dent pulpée et celle d'une dent dépulpée. D'autres, au contraire, ne constatent par de modifications notables [7,8]. Huang et al. [9] ont montré qu'une déshydratation importante de la dentine pouvait provoquer une altération de ses propriétés mécaniques mais qu'une diminution significative de la résistance à la compression et à la traction ne pouvait pas être démontrée après dépulpation. Papa et al. [10] n'ont pas mis en évidence de diminution significative de la teneur en eau dans la dentine de dents dépulpées (inférieure à 9 %). Enfin, Sedgley et Messer [11] n'ont pas montré de modification de module d'élasticité et de dureté.
En conclusion, la mutilation subie au cours du traitement endodontique ne semble pas être responsable des modifications importantes du comportement biomécanique de la dent, alors que la perte des crêtes marginales diminue considérablement sa résistance. Le pronostic de la restauration d'une dent dépulpée est directement lié à la perte de substance [12].
Le clinicien se trouve souvent confronté à une structure restante amoindrie lorsqu'il cherche à reconstruire une dent dépulpée. Les reconstitutions corono-radiculaires sont destinées à réparer ce déficit structurel et fonctionnel [13].
Cependant, les séquences de réalisation d'un traitement prothétique peuvent constituer des facteurs de risque et être à l'origine de la genèse des fêlures ou des fractures radiculaires sous-prothétiques si elles ne sont pas bien conduites.
L'utilisation des tenons radiculaires est très répandue. Sabek [3] a montré que 70 % des praticiens français en utilisaient. Le tenon radiculaire tend à fragiliser la dent plus qu'il ne la renforce. Sa forme, son diamètre et sa longueur peuvent influencer la pérennité des reconstitutions corono-radiculaires et, de même, constituent des facteurs de risque de fragilisation du système canalaire.
Un consensus existe pour dire que la racine est soumise à un risque lorsque le tenon est trop court ou trop long. De même, l'augmentation du diamètre du tenon augmente sa résistance mais au détriment de la structure dentaire. L'effet final est donc une diminution de la résistance de l'ensemble de l'assemblage et un risque accru de fracture (fig. 3).
La forme du tenon peut également être incriminée, les tenons préfabriqués de forme cylindrique présentent des angles aigus à leur extrémité apicale, la préparation canalaire qui en résulte réduit considérablement la quantité de dentine résiduelle dans la partie apicale, là où précisément les forces se concentrent, ce qui accentue les risques de fracture [14,15] (fig. 4).
Il faut souligner que la forme d'un tenon métallique préfabriqué ne correspond que très partiellement aux formes anatomiques observées au niveau des différents canaux radiculaires [16]. Le calibrage du canal radiculaire à l'aide de forets spécifiques pour rétablir une adaptation adéquate du tenon aux parois canalaires entraîne une ablation supplémentaire de tissu dentaire qui compromet la longévité clinique des dents dépulpées en raison d'un risque de fracture radiculaire plus élevé [17,18].
Dans certaines situations cliniques, l'utilisation de tenons est dangereuse. Ainsi, dans le cas des racines courbes, Dejou et al. [19] ont mis en évidence les effets de la préparation du logement canalaire dans les cas de racines à risque. Celle-ci conduit à un décentrage du système canalaire avec affaiblissement des parois au niveau de la courbure.
Le choix des caractéristiques d'un tenon intracanalaire (longueur, diamètre), lorsque l'indication est posée, ne doit pas reposer sur des principes empiriques. Cette situation est encore plus aiguë pour les racines à risque car la probabilité de fractures d'origine prothétique est alors plus grande [20]. D'un point de vue morphologique, ces racines sont caractérisées par des formes coudées et des concavités. Elles sont alors qualifiées de « racines à haut risque ». Il s'agit des racines des prémolaires maxillaires, des racines vestibulaires des molaires maxillaires et des racines mésiales des molaires mandibulaires (fig. 5).
De même, il existe des différences anatomiques constantes entre les racines rectilignes et les racines courbes. En particulier les canaux des racines courbes sont plus étroits que ceux des racines rectilignes et ils sont décalés vers la paroi interne (furcation) de la racine [19]. La préparation endodontique de ces canaux tend à accentuer l'excentricité du canal dans la racine et la mise en forme canalaire en vue de recevoir un ancrage intracanalaire ne fait qu'accentuer ce déplacement ce qui, par conséquent, augmente le risque de fracture radiculaire. Ces deux facteurs plaident contre les tenons longs et larges dans le cas des racines courbes, l'idéal étant de les éviter.
Les préparations radiculaires pour la pose d'un tenon sont difficilement quantifiables. Elles sont mises en cause par Trope et al. [21] et sont responsables de l'affaiblissement de la racine avant même l'insertion du tenon, ce dernier augmentant à son tour le risque de fracture lorsqu'il est mis en place. Cette approche est venue corroborer les résultats d'autres expérimentations comme celle réalisée par Laborde [22] selon les éléments finis où il montre que les dents non renforcées par un dispositif intraradiculaire résistent mieux aux forces occlusales que les dents renforcées.
Des publications plus récentes ont suggéré que les fêlures et les fractures radiculaires étaient surtout déclenchées au moment de la préparation radiculaire, qui se traduit par une perte de substance dentinaire, et lors du scellement, étape qui génère plus au moins de tension selon la technique et les moyens mis en œuvre [23]. En fonction de la technique de scellement utilisée, d'importantes pressions intraradiculaires peuvent être générées. Si le système tenon-logement est bien ajusté mécaniquement, le ciment emprisonné ne peut en effet pas s'échapper. La force engendrée serait responsable de microfissures, de fêlures ou d'éclatements radiculaires.
Selon la position de la dent et le schéma fonctionnel, les contraintes auxquelles la dent peut être soumise sont variables. Dans le cas d'une béance antérieure par exemple, une première prémolaire maxillaire est nettement sollicitée si elle assure le guidage latéral. Cette situation, conjuguée avec d'autres paramètres (anatomie radiculaire), rend parfois cette reconstitution à haut risque (fig. 6). L'incidence de la charge occlusale (intensité et direction de la force exercée) semble jouer un rôle plus important dans la survenue des fractures que la nature du matériau de reconstitution [24,25].
La dépose des prothèses fixées est une opération à haut risque, particulièrement pour les restaurations corono-radiculaires. Le tenon n'est que rarement dans l'axe de la couronne prothétique et des manœuvres non contrôlées peuvent entraîner une fracture radiculaire nécessitant l'extraction de la dent, voire des fêlures beaucoup plus insidieuses, asymptomatiques, aboutissant à l'échec de la nouvelle restauration prothétique à court ou moyen terme. Ainsi, l'utilisation des dépose-couronnes manuels ou pneumatiques est à proscrire, celle des ultrasons présentant beaucoup moins de risques [26] (fig. 7).
Aujourd'hui, la tendance vers une pratique plus conservatrice et moins invasive alliée aux progrès continuels apportés dans les domaines de l'adhésion et du collage ouvre d'autres perspectives dans l'arsenal thérapeutique. Les restaurations partielles adhésives ou collées constituent une solution nouvelle qui s'inscrit dans le cadre de cette dentisterie moderne moins mutilante. Bukliet et Tirlet [2] ont décrit l'intérêt d'étendre ces constructions dans la restauration des dents dépulpées. Cependant, leurs indications doivent se limiter aux restaurations unitaires avec, comme impératifs, une dévitalisation récente, un délabrement coronaire réduit et la présence d'un contexte occlusal favorable.
Différentes publications se sont intéressées à l'utilisation ou non des tenons lors des restaurations des dents dépulpées. Pour Sorensen et Martinoff [27], la mise en place systématique d'un tenon radiculaire pour toutes les dents dépulpées est une démarche incohérente. Selon Nathanson et Ashayeri [23], le tenon radiculaire est indiqué pour assurer la rétention et la stabilisation de la reconstruction coronaire. Assif et Gorfil [28] concluent que seule l'absence d'autres moyens pouvant assurer la rétention du matériau de reconstruction coronaire justifie le recours au tenon radiculaire.
L'indication du tenon doit se limiter aux situations où la moitié du tissu dentaire coronaire d'une dent dépulpée manque et où la dentine restante n'offre pas la possibilité de retenir le matériau de reconstitution. Par conséquent, sa seule fonction est la rétention de celui-ci (fig. 8).
Le choix de la forme du tenon est dicté par des conditions anatomiques et cliniques. Les tenons anatomiques et les systèmes normalisés constituent deux groupes distincts.
– les tenons anatomiques permettent d'exploiter la forme propre du canal dans une racine oblongue [29]. En épousant la morphologie de la racine après une préparation « homothétique », ils offrent l'avantage d'éviter de l'affaiblir dans le sens mésio-distal et permettent d'exploiter toute la surface rétentrice du canal (fig. 9) ;
– les systèmes normalisés sont réservés aux racines présentant une coupe circulaire. Ces tenons sont indiqués dans les reconstitutions foulées. Trois morphologies sont couramment décrites (fig. 4) :
• les tenons coniques, aux indications limitées aux racines coniques car ils sont très peu rétenteurs et très mutilants à cause d'un diamètre qui croît rapidement,
• les tenons cylindriques, dangereux à cause de leurs angles aigus et de la mutilation tissulaire provoquée par leur partie apicale. Ils doivent être réservés aux seules racines volumineuses,
• les tenons cylindro-coniques, conciliant rétention et respect tissulaire. Ce sont les plus indiqués.
L'utilisation d'un seul tenon sur une dent pluriradiculée est la règle, le clavetage est déconseillé, seule une perte de substance coronaire importante peut indiquer un blocage avec ancrage sur une deuxième racine (fig. 10).
La longueur doit être la plus importante possible pour répartir uniformément les contraintes radiculaires et assurer une rétention maximale. Ce postulat est cependant limité par certains critères cliniques :
– pour les racines rectilignes :
• il faut conserver de 4 à 6 mm d'obturation endodontique pour assurer l'étanchéité apicale [30],
• la longueur doit être égale ou supérieure à la hauteur de la couronne clinique,
• elle doit s'adapter à la morphologie radiculaire. Par exemple sur une racine grêle, le forage doit être moins long que sur une racine forte ;
– pour les racines courbes, il ne faut jamais dépasser l'amorce de la courbure car il existe un risque certain d'affaiblissement de la paroi, voire de perforation (fig. 11).
De nombreux auteurs admettent l'existence d'un rapport direct entre le diamètre de la racine et la capacité de la dent à résister aux contraintes latérales. Partant du principe, démontré, qu'un diamètre important n'augmente pas la rétention mais seulement fragilise la racine [27,31, 32], il faut tendre vers des diamètres de 1 à 1,3 mm (à l'exception des incisives maxillaires et des canines qualifiées de racines fortes qui peuvent supporter des diamètres plus importants). Cette épargne tissulaire ménage des épaisseurs radiculaires résistantes (fig. 12).
La nature des matériaux de restauration a fait l'objet de plusieurs études dont les résultats sont controversés. Laborde [22] a montré que ni la composition, ni la forme, ni le diamètre du tenon, ni même l'importance du délabrement n'influence la transmission des contraintes occlusales à la dentine résiduelle. Par ailleurs, certains auteurs ont reproché aux tenons métalliques une trop grande rigidité responsable d'une transmission directe, sans aucune absorption, des contraintes aux structures dentaires. Des tenons en fibres de carbone ont été proposés pour leur capacité à diminuer ces contraintes. Les alliages d'or réduisent également la charge transmise à la dentine d'environ 30 % (tableau I).
Différentes études ont mis en évidence une meilleure rétention des tenons collés ainsi qu'un risque de fracture radiculaire diminué par rapport aux tenons métalliques scellés à l'aide de ciments conventionnels [31,33]. Parmi les raisons évoquées pour expliquer ce comportement clinique favorable, on cite souvent les propriétés mécaniques des tenons fibrés et, notamment, leur module d'élasticité qui approche celui de la dentine humaine et qui évite la concentration de stress au niveau de la racine dentaire.
Les résultats de l'étude de Pilo et al. [34] indiquent que lorsque des dents dépulpées sont restaurées avec des couronnes englobant de la dentine saine résiduelle sur une hauteur d'au moins 2 mm au-delà de la limite de la reconstitution, la rigidité du matériau du moignon reconstitué sous-jacent n'affecte pas la résistance à la fracture de ces dents. Un amalgame, un composite ou un inlay-core en métal coulé convient indifféremment. Le modèle d'échec dominant est une fracture de la racine. C'est seulement avec des reconstitutions au composite que les échecs s'avèrent réversibles (fracture coronaire sans fracture radiculaire). Tout en insistant sur son caractère in vitro, cette étude présente l'avantage de ne pas appliquer de charges occlusales simulées directement sur le moignon reconstitué mais, comme en clinique, sur la couronne qui le recouvre. Ces constatations vont dans le même sens que d'autres études qui concernaient la résistance à la fracture et le mode d'échec des dents dépulpées reconstituées avec différents types de tenons [35–37] et qui concluaient que généralement, les dents restaurées avec des tenons en fibrés présentaient des valeurs de résistance à la fracture bien moindre que celles restaurées avec des tenons métalliques ; cependant, leur ligne de fracture demeurerait réparable. Pour certains, les tenons fibrés semblent jouer un rôle protecteur de la structure de dent restante [38,39].
Cependant, des alliages de nature différente cohabitent fréquemment dans la cavité buccale. Cela constitue une hétérogénéité métallique qui peut être à l'origine de phénomènes de corrosion. Si la plupart des tenons utilisés pour les reconstitutions corono-radiculaires possèdent des propriétés mécaniques et physiques satisfaisantes, l'attention doit être portée sur leurs qualités électrochimiques et leurs éventuelles interactions avec le matériau de reconstitution [40].
En conclusion, les tenons fibrés collés semblent répondre le mieux aux exigences (mécaniques, esthétiques et biologiques) pour la restauration des dents dépulpées.
D'après Nathanson [23], les fêlures et les fractures radiculaires sont surtout déclenchées au moment de la préparation radiculaire et lors du scellement, étape qui génère plus au moins de tension selon la technique et les moyens mis en œuvre. Obermayr et al. [41] indiquaient que la pression résultant du scellement était responsable des fractures radiculaires. Pour éviter de tels incidents, le moyen le plus simple est d'avoir une rainure longitudinale sur le tenon permettant de favoriser l'échappement du ciment ainsi qu'une enduction double sur le tenon et le logement canalaire sans excès.
D'autres auteurs préconisent le collage des tenons avec des résines adhésives pour prévenir les risques de fracture [42]. De multiples études ont montré le renforcement des structures dentaires restantes par collage [43,44]. Un collage efficace est donc capable de prévenir les fractures radiculaires. Mendoza [5] a montré que quel que soit le système adhésif choisi, la racine résiste mieux quand le tenon est collé que lorsqu'il est scellé avec un ciment au phosphate de zinc. En plus de renforcer les structures restantes, le matériau d'assemblage peut aider à prévenir les fractures en absorbant ou en répartissant les contraintes fonctionnelles de façon homogène. De ce point de vue, les résines non chargées sont très avantageuses compte tenu de leurs propriétés viscoélastiques.
Bien que le collage au niveau radiculaire reste critiquable, en rapport avec la structure de la dentine radiculaire et les contraintes imposées par le traitement endodontique [45–47], d'une part l'apparition de nouveaux adhésifs automordançants élimine les problèmes de variabilité des résultats qui peuvent survenir lorsque les couronnes sont collées à la dentine radiculaire à l'aide de résines adhésives classiques de type « mordançage et rinçage ». Ces nouveaux adhésifs sont techniquement moins exigeants que les précédents et peuvent simultanément conditionner la dentine et déposer des résines monomères dans la zone visée, sans rinçage [48,49]. D'autre part, les ciments adhésifs à base de verre ionomère modifié par adjonction de résine sont intéressants pour leurs performances adhésives et leur temps d'assemblage court dans les situations où l'utilisation d'une résine de collage est difficile.
Il existe une grande variabilité d'intensité des forces occlusales, les forces obliques entraînant des contraintes très importantes. De ce fait, les contacts occlusaux néfastes (interférences travaillantes et non travaillantes) lors des mouvements de diduction doivent être supprimés pour réduire les contraintes dentinaires. Ainsi, la dent porteuse de reconstitution corono-radiculaire subit des contraintes que le clinicien a du mal à appréhender en fonction de quatre paramètres : intensité, temps d'application, fréquence, direction. Devant cet état de fait, la prudence doit être de règle et la conception de la reconstitution corono-radiculaire doit découler d'une analyse clinique minutieuse permettant d'évaluer le niveau des contraintes subi par les dents supports.
Par exemple, la présence d'un crochet de prothèse amovible ou la mise en place d'un attachement extra-coronaire sur une dent porteuse d'une reconstitution corono-radiculaire augmente le niveau des contraintes et modifie l'axe principal d'application des forces. Pour une meilleure répartition des contraintes, il est souvent nécessaire de multiplier et de solidariser les piliers prothétiques pour éviter les fractures radiculaires générées par ces surcharges (fig. 13).
Lors de la dépose d'un élément prothétique, le clinicien doit toujours avoir à l'esprit que cette intervention doit se faire sans endommager les tissus dentaires ou de soutien et avec un traumatisme minimal pour le patient. Les examens clinique et radiographique préliminaires permettent d'identifier la nature de la reconstitution prothétique et d'explorer l'anatomie canalaire.
Dans le cas d'une reconstitution à étages, la dépose de la coiffe ne pose généralement pas de problème. Après plusieurs tentatives aux ultrasons pour la dépose d'un ancrage radiculaire, le recours à un système extracteur de tenon est conseillé (trousse de Gonon).
De même, pour des dents à tenon, l'utilisation d'un arrache-couronne est contre-indiquée pour des raisons d'axe d'application des forces (fig. 7). La dépose doit commencer par l'élimination par fraisage du cerclage cervical. Les vibrations engendrées par le fraisage alliées aux ultrasons permettent le plus souvent de déposer l'élément intraradiculaire. Si tel n'est pas le cas, l'utilisation de la trousse de Gonon est indispensable [26].
Pour les reconstitutions corono-radiculaires, pour lesquelles il est très difficile d'évaluer l'axe du tenon par rapport à l'axe de la couronne, si l'examen radiographique ne révèle pas de pathologie d'origine endodontique et que le tenon semble important, il est conseillé de conserver ce dernier et de préparer la partie coronaire de l'élément prothétique métallique comme s'il s'agissait d'une dent naturelle (fig. 14, page suivante).
La restauration de la dent dépulpée représente toujours une problématique d'actualité dont la perte tissulaire constitue la pièce maîtresse. Si l'aspect biologique accrédite l'idée d'une diminution des qualités mécaniques de la dent, les thérapeutiques restauratrices et prothétiques devraient éviter tout affaiblissement supplémentaire de ses structures résiduelles.
Pour minimiser les risques de fracture radiculaire, certaines notions fondamentales méritent d'être rappelées :
– adopter une approche conservatrice par des restaurations partielles collées même en cas de dents dépulpées si la perte tissulaire n'est pas très importante ;
– limiter les risques des reconstitutions corono-radiculaires, qui, par la présence de tenons radiculaires, peuvent constituer un réel danger pour la pérennité de la dent, par une conception rigoureuse, à savoir :
• éviter la systématisation de l'utilisation des tenons ; cependant, lorsque les nécessités de la rétention l'exigent, les facteurs anatomiques et fonctionnels doivent déterminer ses caractéristiques,
• favoriser l'économie tissulaire pour conserver des épaisseurs capables de résister aux stress occlusaux,
• sélectionner des matériaux de reconstitution et de jonction aptes à respecter la physiologie dentinaire,
• tenir compte de l'occlusion par une analyse clinique minutieuse permettant d'évaluer le niveau des contraintes subies par la dent à restaurer.
Enfin, si l'élément prothétique doit être déposé, les techniques de dépose doivent privilégier la santé dentaire et parodontale même aux dépens de l'élément prothétique. Ainsi, la préservation des tissus dentaires subsistant doit guider l'opérateur lors de toutes manœuvres de dépose.