prothèse amovible partielle
*Faculté de chirurgie dentaire de Paris Descartes
Le choix de la technique d'empreinte et des matériaux en prothèse amovible partielle dépend des objectifs de l'empreinte à réaliser. Il doit donc tenir compte de la différence de compressibilité tissulaire plus ou moins importante selon le type d'édentement, de la maîtrise du praticien et de sa possibilité de travailler à quatre mains. Des tableaux récapitulatifs illustrés par des cas cliniques ont pour but d'aider le praticien lors de cette étape clinique déterminante de la réalisation prothétique.
In partial denture, the choice of the impression technique and materials is based on the objective of the impression to achieve. The degree of tissue depressibility, the technical practitioner's skills for one technique, and his possibility to be helped by an assistant, are involved in this choice. Summary tables illustrated by some clinical cases are here presented to assist the practitioner in this main clinical stage of prosthetic rehabilitation.
La prothèse amovible partielle (PAP) présente un double appui : dentaire et muqueux. L'empreinte qui conduit au moulage de travail doit donc tenir compte de la différence de compressibilité existant entre les dents, d'une part, et la muqueuse, d'autre part. De plus, l'étendue de l'enregistrement des surfaces d'appui muqueuses varie en fonction de la configuration du ou des édentements. En présence d'édentements terminaux ou de grande étendue, il est nécessaire d'enregistrer les limites fonctionnelles de la musculature périphérique et des organes paraprothétiques pour prévenir des surextensions et faire participer la dynamique musculaire à la stabilisation prothétique. Dans ces situations, il est souvent nécessaire de faire appel à deux empreintes successives : la première étant destinée à réaliser un porte-empreinte individuel (PEI), adapté aux dimensions et à la forme de l'arcade à enregistrer, la seconde ayant pour finalité d'obtenir le moulage de travail destiné à l'élaboration de la prothèse [1–6].
Le praticien dispose actuellement de plusieurs familles de matériaux d'empreinte parmi lesquelles on distingue les élastomères (polyéthers, polysulfures, silicones), les hydrocolloïdes irréversibles (alginates) et les pâtes à l'oxyde de zinc-eugénol. Les propriétés de ces matériaux varient considérablement en termes de stabilité dimensionnelle, de viscosité, de rigidité après prise et de temps de travail (tableau I) [7–9]. Le choix du matériau est dicté par la situation clinique, les contraintes de mise en œuvre et les préférences du praticien
Le choix d'un matériau doit correspondre à différents critères [10]. Le temps de travail, le temps de prise, la viscosité, la rigidité et la stabilité dimensionnelle dans le temps sont les principaux éléments à prendre en compte lors de la prise d'empreinte (tableau I). Selon le type d'édentement, le praticien sélectionne alors une ou plusieurs techniques d'empreinte ainsi que les matériaux les plus appropriés
La plupart du temps, plusieurs techniques peuvent être discutées et réalisées : le praticien doit trancher en tenant compte de son aptitude à travailler avec certains matériaux ainsi que de l'aide dont il dispose, notamment la possibilité de travailler à quatre mains
Lorsqu'il y a discussion entre deux techniques ou deux matériaux possibles, le bon sens dicte de choisir la technique et les matériaux avec lesquels on a le plus l'habitude de travailler.
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte. La présence de contre-dépouille conduit à choisir un matériau plutôt élastique pour favoriser la désinsertion. La qualité de la muqueuse et son aptitude à tolérer un effet de compression orientent le choix de la viscosité. La nécessité de disposer de temps pour un enregistrement fonctionnel fait préférer un matériau possédant un long temps de travail. La stabilité dimensionnelle dans le temps est également à prendre en compte lorsque l'empreinte est moulée après un certain délai.
La viscosité est aussi un paramètre important. Il existe des polysulfures et des polyéthers de plusieurs viscosités permettant un enregistrement précis des différentes surfaces d'appui, qu'elles soient peu ou très compressibles.
Ainsi, une empreinte préliminaire ou primaire réalisée à l'alginate doit être traitée rapidement pour éviter toute déformation. Les plâtres de type II ou IV de l'American Dental Association (ADA) sont utilisés pour obtenir un moulage permettant respectivement soit la réalisation d'un porte-empreinte individuel soit l'élaboration directe d'un châssis [8,10].
Les empreintes secondaires nécessitent l'emploi de matériaux possédant un temps de travail important afin de pouvoir réaliser un enregistrement dynamique de la musculature paraprothétique [11]. Les élastomères polysulfures sont donc les matériaux de choix : leur élasticité permet de les utiliser avec succès en présence de contre-dépouilles importantes. Néanmoins, leur utilisation pratique nécessite un travail à quatre mains lorsqu'ils sont employés en double viscosité. À l'inverse, les élastomères polyéther et silicone, dont le conditionnement en cartouche est plus ergonomique, sont plus rigides et rendent plus difficiles les empreintes en présence de contre-dépouille et de mobilité dentaire. En revanche, ils permettent une bonne stabilité des éléments de prothèse fixée lorsqu'ils sont emportés dans l'empreinte. La pâte oxyde de zinc-eugénol (ZnO-eugénol) est utilisée pour surfacer les selles des porte-empreintes lors des empreintes de correction lorsqu'il n'y a pas de contre dépouille : son hydrophilie et sa stabilité dans le temps sont très appréciées. Son utilisation est toutefois déconseillée chez les patients en hyposialie compte tenu du risque d'irritation des muqueuses dû à la présence d'eugénol [5].
L'objectif final de l'empreinte est d'obtenir un moulage de travail dont l'étendue et la précision garantissent un support convenable pour l'élaboration de la prothèse. Le choix de plusieurs techniques d'empreinte est illustré ci-dessous en fonction de diverses configurations d'édentements selon un schéma de réflexion en une ou deux étapes afin d'obtenir le moulage de travail sur lequel sera réalisée la prothèse [1].
Une seule empreinte suffit pour obtenir le moulage de travail sur lequel sera réalisé l'ensemble de la prothèse (châssis et selles) : il s'agit des situations d'édentement encastré pour lesquelles l'extension muqueuse de la prothèse est limitée et la recherche d'un enregistrement fonctionnel est réduite
La PAP est principalement en appui sur les dents. Une empreinte à l'alginate enregistrant en un seul temps les dents et les muqueuses permet l'obtention du moulage de travail sur lequel est réalisée la PAP dans son ensemble (châssis et selles)
Pour ce cas d'édentement encastré maxillaire de petite étendue (classe III modifiée 2 de la classification de Kennedy), pour lequel l'absence de la canine et de la première prémolaire côté gauche rend le sourire disgracieux (fig. 1 fig. 1), un tracé prospectif sur moulage d'étude est réalisé (fig. 2 fig. 2). Les édentements sont courts et l'appui du châssis concernera principalement les dents bordant les édentements. Des améloplasties sont effectuées en bouche afin d'intégrer les éléments d'appui de la prothèse et de ménager les surfaces de guidage propices à la stabilisation (fig. 3 fig. 3). Une empreinte à l'alginate à l'aide d'un porte-empreinte du commerce métallique, encollé, est réalisée (fig. 4 fig. 4). Un parfait enregistrement des structures dentaires et des améloplasties est nécessaire afin d'obtenir un moulage de travail sur lequel sera réalisé le châssis, le montage des dents et la polymérisation. L'empreinte est moulée par un plâtre dur de type IV pour limiter l'usure du moulage lors des étapes d'élaboration au laboratoire (fig. 4, 5, 6 ). Le résultat esthétique est conforme aux attentes de la patiente (fig. 7 fig. 7)
Deux empreintes successives sont nécessaires à l'obtention du moulage de travail. La première, appelée empreinte primaire, permet soit :
– la réalisation d'un porte-empreinte individuel en vue de réaliser une empreinte secondaire anatomo-fonctionnelle (cas clinique 2) ;
– la réalisation d'un châssis nu servant de support à des selles porte-empreintes en vue de réaliser une empreinte de correction (cas clinique 3).
L'empreinte secondaire à l'aide d'un porte-empreinte individuel, adapté à la morphologie de l'arcade, permet l'enregistrement physiologique fonctionnel des structures dentaires et para-prothétiques dans tous les types d'édentements. Toutefois, dans les cas d'édentements postérieurs unilatéraux ou bilatéraux mandibulaires, l'encombrement d'un porte-empreinte individuel peut être évité en utilisant le châssis comme support de selles porte-empreintes qui serviront à réaliser une empreinte limitée aux seuls secteurs édentés.
La PAP repose en partie sur les tissus durs et principalement sur les tissus mous. Les organes paraprothétiques sollicitent la prothèse. La réalisation d'un porte-empreinte individuel sur le moulage issu d'une empreinte primaire à l'alginate permet dans un second temps l'enregistrement précis des dents, des muqueuses et des organes périphériques.
Pour ce cas d'édentement en extension bilatérale mandibulaire (classe I modifiée 2 de la classification de Kennedy), l'empreinte secondaire est réalisée à l'aide d'un porte-empreinte individuel rendu physiologique par un réglage des bords et surfacé aux élastomères polysulfures. Ce matériau est choisi pour son temps de travail important qui permet de faire réaliser au patients des mouvements de la langue afin d'appréhender correctement les limites d'action des muscles génio-glosses et mylo-hyoïdiens. L'empreinte est réalisée en double viscosité : une basse viscosité (Permlastic Light®) est injectée sur les dents et une moyenne viscosité garnit le porte-empreinte individuel (Permlastic Regular®) (fig. 8). Après coffrage de l'empreinte pour préserver l'enregistrement des bords, le moulage obtenu permet la réalisation du châssis nu (fig. 9), puis des cires (fig. 10).
La PAP repose principalement sur les dents restantes, ce qui rend le châssis très stable. Néanmoins, sans un calage postérieur dentaire, les tissus mous restent très sollicités par les selles de la prothèse et peuvent jouer sur la stabilité de celle-ci lors de leurs mouvements. Il est donc nécessaire de réaliser un enregistrement précis de la dynamique musculaire. L'obtention d'un moulage de travail issu de la technique dite du moulage fractionné est conseillée : dans un premier temps, le châssis nu est réalisé sur le moulage issu de l'empreinte primaire à l'alginate, puis des selles porte-empreintes sur le châssis permettent de réaliser une empreinte complémentaire dynamique, qui sera moulée secondairement.
Pour ce cas d'édentement en extension unilatérale mandibulaire (classe II modifiée 1 de la classification de Kennedy), la persistance d'un grand nombre de dents à la mandibule pose l'indication d'utiliser le châssis pour réaliser l'enregistrement du secteur édenté en extension afin d'obtenir le moulage de travail. Le châssis nu est réalisé à partir d'un moulage primaire issu d'une empreinte à l'alginate. Le moulage de travail utilisé pour réaliser les selles de la future prothèse sera mixte : la partie dentée du moulage primaire sur lequel le châssis a été confectionné est conservée (ici en plâtre ocre de type IV) et la partie enregistrée par le surfaçage (pâte à l'oxyde de zinc-eugénol : Impression Paste®) (fig. 11) est moulée (en plâtre bleu) et complète ce premier moulage partiel (fig. 12).
L'utilisation d'un châssis porte-empreinte permet dans ce cas précis un meilleur enregistrement du jeu des organes paraprothétiques grâce à un appui dentaire et un plus faible encombrement buccal par rapport au porte-empreinte individuel classique. En effet, la langue n'est pas gênée dans ses mouvements par l'encombrement du porte-empreinte individuel. Attention : ce type d'empreinte n'est pas indiqué pour les grands édentements mandibulaires lorsque les dents restantes ne permettent pas une immobilisation fiable du châssis durant l'empreinte.
À retenir : plus l'édentement est de grande étendue et plus il est important d'enregistrer le jeu de la musculature. Plus l'édentement en extension est de longue portée et plus l'impact de la différence de compressibilité tissulaire entre les dents restantes et la crête est important.
Le tableau II résume la conduite à tenir selon le type et l'étendue des édentements par arcade.
Tout type d'édentement de grande étendue nécessite une empreinte primaire et l'utilisation d'un porte-empreinte individuel pour réaliser une empreinte secondaire. Les édentements en extension de petites et moyennes étendues à la mandibule peuvent faire l'objet d'une empreinte primaire (élaboration du châssis) suivie de la réalisation d'une empreinte de correction (élaboration des selles). Les édentements encastrés antérieurs et postérieurs de petites et moyennes étendues ne font l'objet que d'une empreinte primaire pour réaliser l'ensemble de la PAP (châssis et selles).
Il est fréquent de devoir réaliser parallèlement un traitement comportant de la prothèse fixée et de la prothèse amovible partielle [12,13]. Doit-on alors sceller les éléments de prothèse fixée ou les emporter dans l'empreinte secondaire?
Les éléments de prothèse fixée, conçus en fonction des exigences biomécaniques de la PAP, sont réalisés dans un premier temps. Après leur validation en bouche (adaptation, occlusion), deux attitudes sont possibles : le scellement immédiat puis la réalisation de l'empreinte secondaire ou l'envoi au laboratoire de prothèses des éléments de prothèse fixée emportés dans l'empreinte secondaire (tableau III).
Lorsque le nombre d'éléments de prothèse fixée est faible et les fraisages simples, il est préférable de sceller avant l'empreinte secondaire : on se replace alors dans les cas du tableau II, les couronnes fraisées sont considérées comme des dents naturelles aménagées par des améloplasties. À l'inverse, lorsque le nombre d'éléments est important et les fraisages complexes, ou en présence de glissières et d'attachements, il est nécessaire d'emporter ces éléments dans l'empreinte secondaire.
Notons toutefois que si une PAP provisoire est présente, il peut s'avérer nécessaire d'emporter les éléments de prothèse fixée quel qu'en soient le nombre, puisqu'il est parfois difficile ou impossible de réadapter la PAP sur les nouveaux éléments de prothèse fixée.
Pour ce cas d'édentement encastré de grande étendue (classe III modification 1 de la classification de Kennedy), on note la présence de 4 couronnes fraisées et d'un attachement de précision [14] Mini-SG® (fig. 13, 14 et 15). Il est ici indiqué d'emporter les différents éléments de prothèse fixée dans l'empreinte secondaire. L'utilisation d'un matériau élastomère silicone de moyenne viscosité (Monobody®, Coltène) a été motivée par ses qualités de rigidité après prise, assurant une bonne stabilité des différents éléments de prothèse fixée emportés dans l'empreinte (fig. 16). De plus, la qualité des surfaces d'appui muqueuses, revêtues d'une muqueuse ferme et adhérente, autorisaient une certaine compression lors de la prise d'empreinte. Le moulage secondaire obtenu permet la réalisation du châssis. La mise en place de la gaine d'espacement (en rouge) sur la partie mâle permet de ménager de la place pour la partie femelle qui sera solidaire de la résine de la selle (fig. 17 et 18).
La prothèse amovible partielle nécessite une étape préliminaire de réflexion qui doit prendre en compte la situation clinique en se posant les trois séries de questions suivantes.
– Quel est le type d'édentement : en extension/encastré, de petite/moyenne/grande étendue?
– Quelles sont les techniques d'empreinte correspondant au type d'édentement pour répondre aux objectifs d'enregistrements en PAP : primaire seule, associée à une empreinte secondaire, empreinte dissociée?
– S'il existe plusieurs techniques et matériaux possibles, que maîtrise-t-on le plus? Travaille-t-on à deux ou quatre mains? Y a-t-il un délai important entre la prise d'empreinte et son traitement par le laboratoire de prothèses?
Savoir choisir une technique d'empreinte et des matériaux adaptés à une situation donnée et selon ses capacités permet à tout praticien de réaliser avec succès cette étape clinique déterminante de la réalisation prothétique.