Prothèses amovibles partielles
Freddy Auger * Yves Leroux ** Laurent Chatel *** Jean Schittly ****
*Prothésiste dentaire, technicien CPLD
**Prothésiste dentaire
***Prothésiste dentaire, gérant de l'Atelier d'art dentaire
****DCD, DSO, ancien professeur à la faculté d'odontologie de Reims
La CFAO des prothèses fixées de tout type est désormais une réalité dans la pratique clinique et au laboratoire de prothèses. L'application de ce procédé de conception et de fabrication au domaine de la prothèse partielle amovible est actuellement limitée. Les logiciels de conception permettent désormais de créer des fichiers numériques de châssis métalliques mais la fabrication passe encore le plus souvent par des techniques de fonderie conventionnelle. Le frittage laser constitue une solution de remplacement intéressant et encore peu répandue.
Le but de cet article est de décrire les différentes étapes de CFAO d'un châssis métallique mettant en œuvre le logiciel de conception Digistell® et le protocole de fabrication par frittage laser diffusé par 3D Systems.
The CAD-CAM of fixed prosthesis to any type is now a reality in clinical practice and in the Dental Labs. The development of this method of design and manufacturing in the field of partial denture is currently more limited. Design software is now possible to create digital files manufacture metal framework but still usually pass by conventional casting techniques. Laser-sintering is an interesting alternative and still uncommon.
The purpose of this article is to describe the different stages of CAM a metal frame implementing the software and the protocol design Digistell® manusfacturing by laser sintering distributed by 3D systems.
L'odontologie, en ce début du XXIe siècle, amorce sa révolution en se tournant inexorablement vers le numérique et c'est incontestablement dans le domaine de la prothèse que ce bouleversement est le plus rapide. En prothèse fixée sur dents naturelles et surtout sur implants, les techniques de fonderie conventionnelle sont abandonnées au profit de la conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO). Seul le domaine de la prothèse amovible demeure encore actuellement à un niveau de reconversion plus limité.
Toutefois, une forte proportion de laboratoires de prothèses commence à s'organiser et se former soit individuellement soit, le plus souvent, en association pour acquérir les compétences et les moyens techniques nécessaires pour franchir le pas vers le tout numérique.
Cette nouvelle pratique comprend un certain nombre d'étapes qui peuvent se réaliser dans des sites différents reliés par Internet.
Classiquement ces différentes étapes comprennent :
– l'acquisition des modèles 3D soit par scannage d'un moulage en plâtre, soit par une caméra numérique intrabuccale ;
– le transfert vers un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO) le plus souvent spécifique au type de prothèse à réaliser.
– la récupération par un dispositif de fabrication assistée par ordinateur (FAO) dont les plus répandus sont des machines-outils qui usinent des blocs de matériau ou bien des systèmes de fabrication par frittage laser de poudres fines, par addition.
Si la technique d’usinage par machine-outil est parfaitement adaptée aux prothèses fixées, il n’en est pas de même pour la prothèse amovible partielle (PAP) en raison de la complexité de forme des châssis métalliques. C’est actuellement un procédé par addition, assimilable aux imprimantes 3D, qui apparaît comme le plus performant.
Le but de cet article est de décrire temps par temps ce procédé de fabrication des châssis métalliques intégré à la chaîne complète de CFAO.
Dans une première partie, les grands principes de CAO du châssis seront décrits, suivis dans une seconde partie par ceux réservés à la FAO par le procédé de frittage laser. La réalisation d'un châssis métallique mandibulaire servira de fil conducteur pour constituer un exemple pratique de cette solution de remplacement des techniques de fonderie conventionnelles.
La première étape de la CAO du châssis de PAP consiste à obtenir un modèle 3D de l'arcade à restaurer qui, actuellement, met le plus souvent en œuvre le scannage d'un moulage issu d'une empreinte. Il faut noter que celle-ci demeure incontournable dans la mesure où elle doit prendre en compte la viscoélasticité des tissus fibro-muqueux et la limite d'action des structures périphériques.
Ainsi, pour scanner le moulage de travail, celui-ci est fixé sur le plateau et, grâce à une prévisualisation, les paramètres sont définis (fig. 1). Il est possible d'ajouter la numérisation de rapports antagonistes à partir d'un « mordu » ou d'un moulage avec clé d'occlusion (fig. 2).
Lors de la finition du projet numérisé, il sera ainsi possible de tenir compte de l'occlusion au moment, par exemple, de la conception des taquets occlusaux.
Le projet de châssis présenté concerne un traitement mandibulaire pour un édentement de classe III subdivision 1 de Kennedy. Pour cet édentement encastré, une empreinte en un seul temps a été prise à l'aide d'alginate.
Après définition du contour de scannage (fig. 3), le fichier est enregistré puis adressé par Internet pour être récupéré par le logiciel de CAO Digistell® de Digilea (fig. 4 a).
Après correction ponctuelle des défauts de surface issus de l'empreinte (bulles, nodules…), l'axe d'insertion est choisi pour mettre en évidence les zones en contre-dépouille. À l'aide de la souris, l'opérateur peut orienter le moulage jusqu'à l'obtention des lignes guides virtuelles les plus favorables à la mise en place des crochets (fig. 4 b et 4 c).
Les surfaces d'espacement sont délimitées et mises en place en regard des selles et de la barre linguale.
En référence au tracé effectué par le praticien (fig. 5), le prothésiste, à l'aide de la souris, choisit dans la barre des menus les différents composants à mettre en place (fig. 6 a et 6 b). La barre linguale est positionnée (fig. 6 c) ainsi que les grilles des selles (fig. 6 d).
La grille est raccordée à la barre linguale pour former la selle antérieure (fig. 7 a). La même manipulation aboutit à la configuration des selles latérales (fig. 7 b et 7 c).
La mise en place des barres cingulo-coronaires est suivie de celle des taquets occlusaux (fig. 8 a). Les zones de retrait, pour assurer la rétention des pointes des crochets, sont délimitées et les crochets choisis dans la barre des menus sont positionnés (fig. 8 b). La profondeur de la contre-dépouille est indiquée en fonction de la situation plus ou moins basse de l'extrémité du crochet. C'est l'équivalent numérique de l'utilisation des jauges de retrait du paralléliseur (fig. 8 c).
Les lignes de finition de la jonction résine-métal sont tracées et objectivées à l'écran (fig. 9 a et 9 b).
À l'issue de la mise en place des différents composants, des finitions peuvent être entreprises pour ajouter de l'épaisseur, arrondir des angles (fig. 9 c) ou corriger l'occlusion au niveau des taquets (fig. 10 a). Lorsque le travail est jugé satisfaisant, le logiciel peut simuler la pièce métallique terminée en présence ou en l'absence du modèle (fig. 10 b et 10c).
Le fichier peut désormais être adressé à un centre de FAO.
De nombreuses publications ont décrit les différentes étapes de FAO après réalisation d'un châssis numérique par un logiciel de conception, mais celles-ci concernaient exclusivement le transfert du fichier à un type d'imprimante 3D pour réaliser des maquettes calcinables avec tiges de coulée pour un procédé de fonderie conventionnelle [1–3].
Laviole et al. [4] ont évoqué les différentes possibilités offertes actuellement pour obtenir un châssis métallique :
– par soustraction (usinage du châssis en titane ou en matériau calcinable) ;
– par addition (impression 3D, stéréolithographie, frittage sélectif par laser).
C'est ce dernier procédé qui va être utilisé et décrit temps par temps.
La fabrication assistée par ordinateur choisie est un système de fabrication rapide réservé aux laboratoires de prothèses (ProX 200DP®), mis au point, fabriqué et diffusé par Phenix Systems™ (3D Systems), comportant un logiciel CFAO Phenix Dental V4 et un module de production géré comme une imprimante à partir d'une station de travail (fig. 11). C'est, pour le fournisseur, « une solution de fabrication rapide de prothèses par frittage laser de poudres métalliques ».
Le matériau utilisé pour les chapes des prothèses fixées et pour les châssis des prothèses amovibles partielles métalliques (PAPM) est une poudre de chrome-cobalt sans nickel d'une granulométrie de 6 à 9 μm.
Les grands principes du système consistent à :
– utiliser le logiciel CFAO pour :
- positionner des modèles 3D sur un plateau de fabrication,
- créer des supports de marquage automatiquement,
- calculer les trajectoires du laser,
- assurer une détection anti-collision,
- visualiser les trajectoires du laser couche par couche,
- créer les fichiers de fabrication ;
– transmettre au module de production des plateaux de fabrication sur lesquels sont positionnés les modèles 3D. Il existe trois formats de fichiers disponibles : STEP, IGES, STL.
Les éléments de prothèse fixée et de prothèse amovible peuvent être associés. Les modèles 3D sont orientés à l'écran de façon correcte et placés virtuellement sur le plateau (fig. 12). La numérotation et l'identification des pièces sur le plateau de fabrication sont automatiques et un rapport de fabrication est édité. La durée de fabrication varie selon le nombre de pièces et leur encombrement.
À titre d'exemple, le fabricant donne des valeurs moyennes :
– 200 prothèses fixées pour une durée de 5 heures ;
– 100 prothèses fixées, 3 châssis mandibulaires et 3 maxillaires pour une durée de 9 heures ;
– 6 châssis mandibulaires et 6 maxillaires pour une durée de 10 heures.
La figure 13 montre un exemple d'occupation d'un plateau associant les deux types de prothèses à l'issue du frittage laser.
La poudre ayant été chargée dans la cuve de l'enceinte de travail sans contact avec l'opérateur, l'opération de frittage laser peut commencer. La fusion des couches de poudre s'effectue par addition à la manière d'une imprimante (fig. 14 a).
Lorsque la totalité des pièces a été fabriquée, le plateau support s'élève pour permettre l'élimination de la poudre du bloc non intéressée par la fusion (fig. 14 b et 14 c).
Après récupération et nettoyage du plateau, un traitement thermique de 20 minutes à 800 °C est effectué. La désolidarisation des pièces prothétiques s'effectue ensuite à l'aide d'une scie sous irrigation pour les châssis et les bridges (fig. 15 a à 15 c) ou bien à l'aide d'un burin pneumatique pour les chapes unitaires. Les barres de connexion au plateau sont désolidarisées à la pince au niveau de leur jonction très fine avec le composant fabriqué (fig. 15 d et 15 e).
Le châssis débarrassé des éléments de jonction est sablé et fini par polissage électrolytique de façon conventionnelle (fig. 16).
Après essai du châssis, les séquences cliniques de validation du montage sur cire et d'insertion de la prothèse terminée s'effectuent sans difficulté, la précision d'adaptation des différents composants est irréprochable (fig. 17).
À l'issue du processus de récupération du plateau avec les pièces fabriquées, la poudre est aspirée dans la chambre de travail pour être récupérée, retraitée et reconditionnée dans une enceinte spécifique pour une nouvelle utilisation (fig. 18).
Cette solution de remplacement des procédés de fonderie conventionnelle et de la fabrication des pièces prothétiques par machine-outil assistée par ordinateur offre de réelles possibilités de développement des laboratoires de prothèses dentaires. Ce mode de frittage laser avec une fonction de mise en couche du matériau pulvérulent (brevet Phenix Systems™) permet de s'adapter à la forme et à la taille des grains de poudre. L'exemple donné ci-dessus avec le chrome-cobalt peut, d'après le fabricant, s'étendre à d'autres matériaux comme les aciers, les alliages non ferreux, les métaux précieux… et, pour la céramique, à l'alumine.
Ce procédé appliqué depuis une dizaine d'années dans l'industrie et la prothèse dentaire est encore mal connu et peu diffusé. Le but de cet article est d'en révéler les possibilités et les perspectives à partir d'une pratique au sein d'une coopérative de laboratoires de prothèses de Champagne-Ardenne (CPLD).
les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt concernant cet article.