Les cahiers de prothèse n° 166 du 01/06/2014

 

Implantologie

Emmanuel Gouët  

Attaché hospitalier
Diplôme Universitaire d’implantologie chirurgicale et
prothétique de Paris VII
drgouet@gmail.com

Résumé

Dans le secteur antérieur maxillaire, une perte tissulaire accompagne souvent l’édentement plural. Le succès esthétique des restaurations implanto-prothétiques se révèle principalement par l’aspect des tissus mous obtenus. Des procédures chirurgicales, guidées par le projet prothétique, permettent de compenser les défauts osseux préalablement à la mise en place d’implants dentaires. Une stratégie prothétique rigoureuse autorise un remodelage du parodonte superficiel susceptible d’offrir un résultat esthétique conforme au projet initial. Cet article explicite, à travers un cas clinique, la démarche et les outils thérapeutiques qui contribuent à cette harmonie de l’interface prothétique et tissulaire.

Mots-clés

design des restaurations provisoires, reconstruction osseuse, CFAO, planification implanto-prothétique, remodelage tissulaire, technique de compression dynamique, défi esthétique

Summary

Prothetic strategies guiding the reshaping tissular for a restoration implanto-carried in esthetic aim

In the anterior maxillary region, plural edentulous is often accompanied by the loss of soft and hard tissues. The aesthetic success of the implant prosthetic rehabilitations is mainly revealed by the appearance of the soft tissue obtained. Some surgical procedures, directed by the prosthetic project, can compensate the bone insufficiency basis prior to the implement of dental implants. A rigorous prosthetic strategy allows a superficial periodontal remodeling and may provides an aesthetic result complying with the original project. This article explains, through a clinical case, therapeutic tools and process that may contribute to create an harmonious prosthetic and tissular interface.

Key words

provisional restorations design, bone reconstruction, CAD-CAM, implant-prosthetic planning, tissular remodeling, dynamic compression technique, esthetic challenge


En implantologie orale, les critères cliniques et radiologiques de succès de l’ostéo-intégration initialement édictés par Albrektsson et al. en 1986 [1] ont rapidement évolué vers des considérations esthétiques [2]. Aujourd’hui, les conditions de réussite implantaire rattachées au principe d’intégration biologique sont étendues à un impératif d’apparence harmonieuse et naturelle de la restauration implanto-prothétique et de son environnement tissulaire. Cette exigence, stimulée par la demande des patients, accompagne les avancées impulsées par l’approche moderne de la médecine dentaire incluant la biologie, la biomécanique et l’esthétique [3]. Les outils permettant de mesurer objectivement le rendu esthétique des restaurations implanto-prothétiques se sont affinés. Certains portent essentiellement sur l’apparence de la partie cosmétique (white esthetic score ou crown aesthetic index) [4] et d’autres exclusivement sur l’aspect des tissus mous (pink esthetic score) [5]. Certains auteurs fusionnent les deux systèmes d’évaluation pour un jugement d’ensemble de leurs protocoles implanto-prothétiques [6]. L’observation du parodonte superficiel en rapport avec la prothèse implanto-portée fournit des informations pertinentes sur l’état de santé des tissus péri-implantaires. Ces considérations tissulaires apparaissent indissociables de celles portant sur l’esthétique du sourire. Elles résonnent en écho à la sentence attribuée à Galien : « La beauté implique la santé. »

La plupart des auteurs s’accordent sur six facteurs essentiels sur lesquels repose la réussite du traitement prothétique implantaire [7, 8] :

– analyse pré-implantaire et conception du projet prothétique ;

– chirurgie pré-implantaire d’augmentation ;

– positionnement tridimensionnel optimal de l’implant ;

– aménagement des tissus mous péri-implantaires (contours stables, harmonieux et festonnés) ;

– axe implantaire compatible avec l’option prothétique ;

– qualité de la restauration prothétique.

Le rendu esthétique d’un traitement implantaire en secteur antérieur dépend en partie de la qualité de la restauration prothétique et, principalement, de l’aspect final des contours muqueux et gingivaux, ainsi que de celui des papilles proximales en harmonie avec les dents adjacentes [9, 10]. Un rapport étroit unit les deux entités tissulaires superficielles et profondes : les tissus mous constituent l’enjeu esthétique, mais ce sont indirectement les tissus durs qui définissent le résultat. Un agencement gingival idéal implique nécessairement la préservation et la régénération satisfaisante de l’architecture muqueuse et osseuse sous-jacente à long terme. Le tissu osseux soutient les tissus mous qui, en contrepartie, assurent la stabilité des tissus durs en les préservant des agressions bactériennes et mécaniques. Les prothèses provisoires puis d’usage agissent comme un guide pour modeler et soutenir les contours gingivaux péri-implantaires [11].

Parmi les différentes composantes du parodonte superficiel, la papille apparaît comme un révélateur particulièrement sensible de la maîtrise des conditions de préservation, de régénération et de modelage de la portion gingivale interproximale. La papille se trouve à la conjonction des composantes prothétiques et parodontales superficielles et profondes. Elle révèle, par son absence, sa présence ou sa régénération, les liens étroits qui unissent les deux compartiments tissulaires et l’étage prothétique.

Le paramètre esthétique que constitue la présence papillaire s’inscrit dans un contexte plus large de préservation ou de reconstruction du feston gingival. De nombreux indices ont été proposés pour mesurer objectivement le remplissage muqueux des espaces interproximaux. Le plus utilisé demeure celui de Jemt [12] qui définit, par un score de 0 à 4, le niveau atteint par la pointe de la papille interdentaire entre trois lignes de référence : la première rejoint les zéniths gingivaux dentaires, la deuxième passe par le point de contact interdentaire et la dernière s’établit à la médiane des deux premières (fig. 1). La situation de la papille par rapport à ses trois repères confère la note de l’indice papillaire, le score 0 correspondant à l’absence totale de gencive et le score 4 au remplissage excédentaire (papille hyperplasique). Cet indice, parfois modifié et adapté, est largement repris dans la littérature scientifique y compris lorsqu’il s’agit d’objectiver la présence de papille dans le cadre de restaurations implanto-prothétiques. De nombreuses classifications évaluant les résultats esthétiques de ces restaurations prennent en compte le remplissage tissulaire des embrasures. Elles témoignent de l’enjeu que constitue l’« entité rose » (et la papille) mais aussi de la nécessité de posséder des outils fiables mesurant l’influence des thérapeutiques sur le maintien ou la reconstruction des tissus mous péri-implantaires. Toutefois, les mesures évaluant les résultats esthétiques implanto-prothétiques n’établissent pas de classifications complètes, reproductibles et universellement reconnues pour établir un jugement impartial du succès implantaire en secteur antérieur [13].

Le cas clinique qui suit illustre les relations étroites qui se jouent entre les différents étages prothétiques et tissulaires d’une restauration implanto-prothétique plurale en secteur esthétique. L’intrication et la succession des interventions influençant le rendu gingival péri-implantaire sont schématisées dans la figure 2. Les phases chirurgicales de reconstruction osseuse et de positionnement des implants sont évoquées pour éclairer le rapport direct qu’elles entretiennent avec le projet prothétique. La planification chirurgicale est soumise au dessein prothétique selon une stratégie dont les outils diagnostiques et les moyens de mise en œuvre seront détaillés.

Cas clinique

Un patient de 38 ans, non-fumeur et en bonne santé, consultait pour ­remplacer sa prothèse amovible ­compensant l’édentement incisif maxillaire. Le patient n’avait pas retenu la solution fixée sur dents naturelles proposée préalablement par son praticien. Ce correspondant l’avait donc adressé pour que soit confirmée l’indication d’une thérapeutique implanto-prothétique dans ce secteur esthétiquement sensible et que soit conduit l’ensemble de ce traitement.

Examen exobuccal

Avant toute décision chirurgicale ou prothétique, il importe de parfaitement étudier les rapports des composantes du visage en mouvement, et en particulier les lèvres, par rapport au site à restaurer. Cette évaluation initiale des facteurs non seulement esthétiques faciaux et dento-labiaux mais aussi fonctionnels et phonétiques constitue une étape indispensable [14, 15, 16]. Le patient a été examiné de face et de profil, dans un premier temps muni de sa prothèse amovible métallique puis après l’avoir retirée. On a observé le soutien des lèvres et la situation de la ligne de sourire. Pour les tissus roses, seules les papilles (fausse gencive en résine) de la prothèse amovible apparaissaient au sourire forcé, comme pour 70 % de la population générale [17].

Examen endobuccal

Le patient présentait un état parodontal sain, de biotype intermédiaire, des composites cervicaux mis en place au niveau de certaines récessions gingivales ainsi que deux édentements unitaires postérieurs qu’il s’est engagé à faire restaurer ultérieurement. La prothèse amovible métallique apparaissait adaptée. La fausse gencive vestibulaire en regard des incisives a mis en évidence la perte de substance du secteur.

L’espace prothétique disponible s’est révélé maintenu mais la crête alvéolaire présentait une réduction horizontale (fig. 3) qui laissait présager la nécessité d’une reconstruction osseuse tridimensionnelle. Cette option chirurgicale a été évoquée, ainsi que les moyens de la conduire (greffes osseuses autologues ou allogreffes). Un examen tomodensitométrique a été prescrit, qui intéressait le secteur maxillaire incisif ainsi que les sites osseux donneurs mandibulaires potentiels.

Analyse des données tomodensitométriques

Les logiciels de planification actuels permettent de réaliser un montage directeur virtuel qui, dans certains cas, dispense de cires diagnostiques initiales. Dans le cas clinique exposé ici, l’examen radiologique tomodensi­tométrique a fourni les informations tridimensionnelles concernant le volume osseux résiduel du site incisif à restaurer ainsi que les volumes osseux disponibles pour le prélèvement mandibulaire. La greffe d’os autologue constitue encore aujourd’hui le traitement de référence des reconstructions osseuses pré-implantaires [18]. Les sites de prélèvement intra-oraux symphysaires et rétromolaires offrent des greffons permettant des reconstructions s’étendant, au mieux, de 1 à 3 dents [19]. L’analyse du cone beam a confirmé le déficit osseux à composante essentiellement horizontale. Le positionnement optimal des implants et un rendu esthétique satisfaisant se sont révélés incompatibles avec la situation objectivée (fig. 3 b et c).

Les données radiologiques ont corroboré les observations cliniques (fig. 3 d). La demande du patient (restauration fixe n’impliquant pas les dents bordant l’édentement) imposait une réponse implanto-prothétique précédée d’une chirurgie d’augmentation osseuse. Les principes de ce traitement ont été explicités au patient ainsi que le déroulement des différentes interventions et leurs implications, les délais de cicatrisation et des phases de temporisation, leur coût ainsi que les risques inhérents aux chirurgies, leurs solutions de remplacement, leurs avantages, inconvénients et contraintes respectifs.

Le succès fonctionnel et esthétique du traitement repose sur la maîtrise de l’ensemble des phases chirurgicales et prothétiques, leur coordination et leur adéquation vis-à-vis de l’objectif visé. Avant de commencer le traitement, le consentement éclairé du patient a été recueilli.

Projet guidant la chirurgie préprothétique

L’augmentation osseuse a consisté en une greffe d’apposition d’un greffon osseux prélevé dans la région rétromolaire mandibulaire à l’aide d’instruments de piézochirurgie (fig. 4 a et b) et préparé sous forme de lames corticales fixées à distance de la table osseuse externe par des vis d’ostéosynthèse. L’intérieur du coffrage ainsi obtenu a été comblé avec des particules d’os broyé (fig. 4 c) puis le site greffé a été recouvert par les tissus mous suturés sans tension. La logique du tracé d’incision doit assurer la juste exposition du site receveur, sa fermeture hermétique et sans tension, la revascularisation du greffon ainsi que la limitation des cicatrices visibles.

À l’issue de l’intervention, des recommandations postopératoires ont été transmises oralement et par écrit au patient. La prothèse amovible a été soigneusement évidée en regard du site maxillaire opéré (fig. 5 a). Le patient a été revu au bout de 1 semaine pour contrôler la cicatrisation puis de 15 jours pour la dépose des fils de suture et, enfin, tous les mois en suivi (fig. 5 b).

Quatre mois après l’intervention, des moulages d’études ont été réalisés et transférés sur articulateur pour réaliser une céraplastie de diagnostic (fig. 6 a) qui a permis d’élaborer des guides radiologiques (fig. 6 b) puis chirurgicaux issus du montage prospectif. Le patient a réalisé un examen tomodensitométrique, guide radiologique muni de repères radio-opaques en bouche (fig. 6 c et d). Le résultat des examens a objectivé l’augmentation osseuse obtenue. Le logiciel de planification a permis de sélectionner les implants et de prévisualiser leur positionnement en adéquation avec le ­montage proposé. L’orientation des implants a influencé les options prothétiques (vissées ou scellées). Dans le cas présent, l’outil informatique a autorisé un positionnement des implants pouvant recevoir des prothèses transvissées. En effet, la topographie de la crête osseuse reconstruite et son rapport avec les incisives antagonistes étaient compatibles avec une émergence palatine des implants.

Le positionnement relatif des implants entre eux et les dents adjacentes requiert une grande attention et une planification judicieuse [20]. Une gouttière transparente a guidé la mise en place optimale des implants au sein de la crête osseuse augmentée (fig. 7 a à d). Les implants sont restés enfouis durant une période d’ostéo-intégration de 4 mois.

Modelage progressif et dirigé des tissus mous péri-implantaires

Au terme de ce délai, la muqueuse kératinisée qui recouvrait les implants a été anesthésiée et incisée en regard des vis de couverture qui ont été remplacées par des piliers de cicatrisation étroits (fig. 8 a et b). Au bout de 4 semaines, ces piliers ont été déposés pour réaliser une empreinte de situation des implants. Un maître moulage entièrement en plâtre a reproduit la situation des implants par l’intermédiaire de leurs analogues (fig. 9). Ce moulage a été transféré sur articulateur. La retouche soustractive du plâtre autour des analogues d’implant a été entreprise pour constituer un profil d’émergence en accord avec la morphologie des dents considérées, mais en léger sous-contour (fig. 10). Sur ce moulage ainsi sculpté, des dents provisoires ont été élaborées à partir de leurs porte-implants en titane conservés et stérilisés (fig. 11). Après anesthésie de la muqueuse péri-implantaire, les dents provisoires obtenues ont été transvissées. La silhouette transmuqueuse surdimensionnée de ces dents provisoires a joué sur la compression des tissus mous pour conformer l’émergence muqueuse. Ce « conditionnement tissulaire dynamique » [21] entraîne une réaction ischémique réversible et observable durant une dizaine de minutes (blanchiment tissulaire). La suite de la temporisation a consisté à revoir le patient à intervalles réguliers (toutes les semaines) pour apporter les corrections nécessaires (meulage de la résine ou adjonction de composite fluide), et ce jusqu’à l’obtention d’un résultat esthétique satisfaisant (fig. 12 et 13).

Ces retouches ont modelé la muqueuse en fonction des reliefs négatifs ou positifs créés et modifié la position des contacts proximaux (fig. 14). La maturation de la gencive s’établit dans le temps et des délais de temporisation étendus (plusieurs mois) sont recommandés avant de réaliser l’empreinte destinée à élaborer la prothèse d’usage (fig. 15 à 17).

Empreintes des composantes tissulaires et implantaires

Les matériaux d’empreinte utilisés en prothèse conventionnelle ne ­permettent pas toujours d’enregistrer de manière fiable la topographie muqueuse. En effet, dans les instants qui suivent la dépose des dents provisoires, les tissus mous péri-implantaires non soutenus s’effondrent. Une empreinte conventionnelle n’empêche pas cet affaissement muqueux. Un matériau d’empreinte trop fluide risque d’enregistrer un contour effondré et en retrait. S’il est trop dense, et donc compressif, il risque de surdimensionner l’émergence. C’est la technique de l’empreinte directe modifiée, telle qu’elle a été proposée par Hinds en 1997 [22], qui répond le mieux aux exigences fixées par l’enjeu esthétique des tissus mous. Elle reprend les étapes de l’empreinte directe (porte-empreinte à ciel ouvert) en utilisant un transfert pick-up dont le col est la réplique du profil d’émergence de la prothèse provisoire [23]. Ce transfert préparé à partir de la dent provisoire a été connecté à l’implant en prenant soin de l’indexer correctement.

Lorsque le remodelage tissulaire guidé a été établi de façon stable (fig. 18), les dents provisoires ont été dévissées et positionnées sur le maître moulage en plâtre dont on avait pris soin d’évider la région du col des analogues d’implant (fig. 19 et 20). On a injecté un silicone fluide au niveau de la jonction des dents provisoires avec les répliques d’implants du moulage (fig. 21 a et b). Les dents provisoires ont ensuite été repositionnées en bouche. Le moulage obtenu a enregistré les émergences des temporisations mais il n’a pas incorporé le relief muqueux péri-implantaire (forme des papilles, niveau du feston gingival). C’est pourquoi une empreinte de situation des implants et des tissus environnants s’avérait indispensable. Des transferts d’empreinte personnalisés ont donc été élaborés à partir de transferts pick-up conventionnels et du moulage modifié grâce aux dents provisoires (fig. 22 a à d). L’empreinte à ciel ouvert a été conduite à l’aide des transferts pick-up modifiés munis d’un marquage de positionnement vestibulaire (fig. 23 à 25). Des répliques des implants ont été transvissées dans l’empreinte obtenue qui a été traitée au plâtre et par du silicone pour reproduire une fausse gencive démontable (fig. 25). Une fois les dents provisoires remises en place, une empreinte à l’alginate a enregistré le projet de restauration en situation. Le moulage obtenu a fourni au prothésiste de laboratoire la maquette de la restauration projetée.

Progrès de l’empreinte optique

Depuis des années, les systèmes de modélisation numérique se sont améliorés [24], aboutissant à des matériels validés pour des empreintes optiques en bouche aussi bien pour des restaurations dento-prothétiques qu’implanto-prothétiques [25]. L’empreinte optique progresse mais présente encore des limites d’utilisation [26]. L’une des principales émane de l’opérateur lui-même. En effet, la qualité et la rapidité de l’enregistrement répondent à une courbe d’apprentissage. Une empreinte optique a permis de reproduire le profil muqueux du patient mais le doute concernant l’affaissement des tissus mous a conduit à préférer le moulage en plâtre issu de l’empreinte physique pour servir de point de départ à la conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) (fig. 26a).

Conception assistée par ordinateur

Un laboratoire possédant un scanner Zfx Evolution® a numérisé l’ensemble des moulages physiques (fig. 27), des mordus d’occlusion et des wax-up pour les transformer en fichiers digitaux. Ces modèles virtuels tridimensionnels ont pu être assemblés et fusionnés et ils ont servi de maîtres modèles et de références lors de la conception des prothèses (fig. 28 a et b). Dans le cas clinique présenté, le choix prothétique se portait sur des couronnes céramo-métalliques individuelles transvissées. Le prothésiste joue un rôle prépondérant dans la conception de la maquette virtuelle de l’armature prothétique. En effet, il doit tracer les contours de l’armature en déterminant le niveau de l’émergence métallique, la forme de la limite périphérique, la valeur de l’épaisseur du matériau cosmétique ainsi que les modifications éventuelles de la silhouette de l’émergence. Ses choix se déterminent en accord avec les indications du praticien. Le prothésiste a visualisé une image des dents provisoires (fig. 29) en surimpression du modèle de travail virtuel et a pu en faire varier la transparence mais aussi en corriger la morphologie. C’est sur la base de cette maquette numérique que s’est élaboré le tracé qui a abouti à la conception digitale de l’armature (fig. 30 a et b). La réduction homothétique coronaire visait à ménager un espace conforme aux exigences techniques et esthétiques dépendant des indications du céramiste (fig. 30c). Le tracé du puits d’accès de la vis a résulté de la position de l’implant. Celui de l’interface prothétique de la connexion est rattaché et propre à la marque de l’implant. Ses caractéristiques sont souvent brevetées et les données du code source lui appartiennent. Une licence est octroyée aux centres d’usinage agréés. Les implants de type Tapered Screw-Vent® (Zimmer Dental) présentent une connexion interne hexagonale dite à friction liée à la conicité de 1° de ses 6 pans. Cette particularité assure de parfaites stabilité et étanchéité à la connectique implantaire et confère la robustesse et la préservation tissulaire indispensable dans cette zone sensible de la jonction implanto-prothétique. Le verrouillage hermétique et stable de la prothèse constitue un facteur de préservation et de stabilité des tissus environnants [27]. Le laboratoire de CFAO est capable d’usiner dans le matériau sélectionné cet hexagone à friction. Dans le cas présent, le design de l’émergence a fidèlement et strictement reproduit celui modelé par les dents provisoires. En vestibulaire, la jonction entre céramique et métal s’est établie 2 mm en dessous du niveau du feston gingival enregistré sur les modèles. Cette limite a été ramenée à 1 mm supra-gingival en palatin. Le céramiste a validé le fichier numérique des maquettes des armatures ou transmit les corrections à apporter. Le praticien peut aussi consulter et entériner la proposition digitale.

Usinage des armatures assisté par ordinateur et étape cosmétique

Le projet validé a été transmis au prothésiste qui a positionné les maquettes digitales sur une galette virtuelle du matériau métallique à usiner (fig. 31). Le centre d’usinage a réalisé le fraisage assisté par ordinateur. Cette action soustractive robotisée requiert une précision optimale. Les pièces obtenues ont été transmises au prothésiste céramiste (fig. 32 a et b) qui a pu élaborer de manière classique le montage de la céramique sur les moulages physiques en sa possession (fig. 33 a et b). Les étapes qui ont suivi ont pu reprendre la chronologie des séances conventionnelles, conduites au fauteuil et au laboratoire, d’essayage, de correction et de finition occluso-fonctionnelles et esthétiques des prothèses d’usage (fig. 34 a à c). Au terme du traitement, le patient a bénéficié d’une thérapeutique qui associait plusieurs dimensions de l’intégration sur les plans biologique, fonctionnel, esthétique et psychologique (fig. 34 a et b, 35 et 36).

Conclusion

La complexité du plan de traitement de l’édentement plural combiné à des pertes de substance impose un partenariat médical, chirurgical et prothétique qui requiert des connaissances et des savoir-faire conjugués [28]. La conception et la réalisation du projet font appel à des outils qui oscillent du bistouri à la spatule à cire infographique, et un praticien isolé peut difficilement conduire l’intégralité des étapes. En chef d’équipe, il doit cependant veiller à la maîtrise et au bon déroulement de l’ensemble de la chaîne de traitement.

À l’issue des chirurgies précédant et accompagnant la mise en place des implants accomplies sur la base du projet prothétique, la réussite de la restauration supra-implantaire repose sur :

– la gestion de la succession des différentes étapes prothétiques ;

– le respect des délais de cicatrisation et de maturation des tissus ;

– l’adaptation progressive des temporisations ;

– la qualité de la transmission et des échanges des informations implanto-prothétiques, fonctionnelles et tissulaires ;

– les compétences conjuguées des partenaires thérapeutiques ;

– et, bien naturellement, la coopération du patient.

La régénération des papilles demeure un défi chirurgico-prothétique difficile à relever dans le cas d’édentement plural en secteur esthétique, que la solution prothétique passe par des restaurations unitaires adjacentes ou par des intermédiaires de bridge [29].

Lorsque l’enjeu est esthétique, l’équipe thérapeutique qui contribue au projet doit parfaitement maîtriser chaque étape de la chaîne de traitement. C’est dans l’application d’une approche multidisciplinaire et d’une stratégie thérapeutique raisonnée que réside le succès esthétique [30]. La finalité prothétique demeure le fil conducteur de l’ensemble du traitement. Il débute par l’assimilation de la demande du patient, de ses attentes révélées ou supposées au cours d’entretiens qui permettent d’identifier son niveau d’exigence, sa disponibilité et sa compréhension du traitement (ses étapes, sa durée et ses objectifs), des moyens mis en œuvre pour y parvenir, ainsi que des risques de complications ou d’échecs.

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Remerciements

Laboratoire Abbou Zfx, Lyon.

Thierry Cot, laboratoire Dual Ceram, 75013 Paris.

Liens d’intérêt : l’auteur confirme n’avoir aucun lien d’intérêt à déclarer.