éditorial
rédacteur en chef
Ce n’est peut-être pas un effet du hasard si trois articles de ce numéro des Cahiers de prothèse évoquent les limites cervicales des prothèses fixées. Ce thème, passé de mode depuis plusieurs décennies, ressurgit, à n’en pas douter, pour répondre à un besoin peut-être mal exprimé. En effet, la majorité des formations proposées actuellement tournent autour de l’implantologie, de l’organisation du cabinet, de l’esthétique…, en laissant à la seule formation...
Ce n’est peut-être pas un effet du hasard si trois articles de ce numéro des Cahiers de prothèse évoquent les limites cervicales des prothèses fixées. Ce thème, passé de mode depuis plusieurs décennies, ressurgit, à n’en pas douter, pour répondre à un besoin peut-être mal exprimé. En effet, la majorité des formations proposées actuellement tournent autour de l’implantologie, de l’organisation du cabinet, de l’esthétique…, en laissant à la seule formation initiale le soin de donner aux jeunes diplômés les bases des préparations en prothèse fixée. Cependant, quel que soit l’élément prothétique fixé à réaliser, un profil adapté au matériau et une ligne de finition nette sont des exigences incontournables.
Les articles de C. Selva et al. et B. Morchad et al. au sommaire de ce numéro soulignent également l’importance de ménager un accès aux limites cervicales exploitable par les matériaux à empreinte mais aussi par les caméras numériques encore plus exigeantes et encore moins tolérantes. Pour atteindre cet objectif, le praticien doit faire preuve d’une grande maîtrise du geste et d’une parfaite connaissance des caractéristiques à donner à la dent préparée. Il doit également déployer une forte tension nerveuse et une grande concentration.
Or, il faut bien se rendre à l’évidence : le cadre professionnel offre de moins en moins la possibilité de répondre à ces exigences. Ne parlons pas de l’accumulation de nouvelles contraintes d’exercices très kafkaïennes, mais évoquons simplement deux aspects qui ne favorisent pas une bonne pratique de la prothèse fixée. Le premier concerne la formation initiale, qui abandonne de façon inéluctable l’apprentissage du geste, faute de moyens et faute d’encadrement, et qui recrute de moins en moins de cliniciens. Le jeune diplômé, s’il en éprouve le besoin, doit désormais surfer sur le Net et attendre l’occasion de trouver des formations privées pour mieux appréhender ses premières années d’exercice en prothèse fixée. Comment peut-on imaginer que l’enseignement de masse pratiqué actuellement à des promotions de 80 étudiants puisse être adapté à une discipline qui réclame plutôt un compagnonnage ?
Le second aspect, qui peut paraître plus anecdotique, est cette tendance actuelle à vouloir médicaliser de plus en plus la profession jusqu’à abandonner la « chirurgie dentaire » au profit de la « médecine dentaire ». C’est très « tendance » de vouloir imiter nos voisins francophones mais s’est-on posé la question sur la signification des mots ? Reportons-nous au vénérable Petit Larousse pour y répondre :
– « chirurgie : spécialité médicale réalisant les traitements des maladies et des accidents par intervention manuelle et instrumentale sur l’organisme, notamment ses parties internes. Ex : chirurgie dentaire ;
– « médecine : ensemble des connaissances scientifiques et des moyens mis en œuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités. »
Alors, fidèles lecteurs des Cahiers de prothèse, quelle est la définition qui correspond le mieux à votre pratique ? C’est à n’en pas douter la première ! Personne ne pourra vous faire croire que les centaines d’actes répertoriés dans la CCAM peuvent être réalisés avec un stéthoscope et un stylo. Et cela vous fait penser à cette galère que vous avez vécue récemment en préparant une deuxième molaire maxillaire avec la joue du patient qui s’interposait, la langue qui se soulevait, le spray, la salive… pour finalement obtenir une empreinte parfaite, objectivant des limites nettes et précises.
Ce résultat est le fruit d’une longue pratique qui vous encourage à progresser et vous passionner pour votre profession.
Les patients, malheureusement, ne vont plus pouvoir, dans un avenir proche, trouver facilement de tels praticiens de qualité, toutes les conditions sont réunies pour favoriser un nivellement par le bas de la qualité des prestations du chirurgien-dentiste : la formation sans moyens, les contraintes socio-économiques, les obligations administratives et fiscales, le dénigrement orienté de la profession ont dépassé les limites… du raisonnable.