Les cahiers de prothèse n° 165 du 01/03/2014

 

Prothèse fixée

Guillaume Lance*   Damien Savouré**   Hervé Plard***   Jérémie Perrin****   Julien Cardona*****   Gérard Bader******  


*Docteur en chirurgie dentaire, praticien attaché Centre de soins dentaires
CHU de Rennes
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9
**Docteur en chirurgie dentaire, attaché hospitalier Centre de soins dentaires
CHU de Rennes
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9
***Docteur en chirurgie dentaire, assistant hospitalo-universitaire Centre de soins dentaires
CHU de Rennes
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9
****Docteur en chirurgie dentaire, ancien assistant hospitalo-universitaire, praticien attaché Centre de soins dentaires
CHU de Rennes
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9
*****Docteur en chirurgie dentaire, assistant hospitalo-universitaire Centre de soins dentaires
CHU de Rennes
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9
******Docteur en chirurgie dentaire, Maître de Conférences des Universités Centre de soins dentaires
CHU de Rennes
2, place Pasteur
35033 Rennes cedex 9

Résumé

La prise en charge de patients sujets à des lésions érosives est de plus en plus fréquente. Les patients atteints du Syndrome de Gougerot-Sjögren demandent une attention particulière car l’étiologie ne peut être éliminée. Le syndrome sec engendré par cette pathologie nécessite une adaptation de nos thérapeutiques. De ce fait, il est essentiel de procéder à un recouvrement complet des dents afin d’assurer la pérennité des restaurations. Dans le cadre d’une réhabilitation globale, l’utilisation de plusieurs types de matériaux est possible (couronnes céramo-métalliques, couronnes tout céramique). Notre choix s’est porté sur des couronnes céramiques à armatures en zircone afin de répondre aux exigences esthétiques, mécaniques et au principe de préservation tissulaire.

Summary

Esthetic restoration of a Gougerot-Sjögren syndrom patient

The management of patients who are subject to dental erosion is becoming increasingly frequent. Patients with Sjögren syndrome require special attention because the etiology can’t be eliminated. This pathology requires an adaptation of our treatments. Therefore, we have to make a full recovery of teeth to ensure the sustainability of restorations. In complete rehabilitations, we can use several types of materials: porcelain fused to metal crowns, all-ceramic crowns. We have choosen zirconia to meet the aesthetic and mechanical requirements and the principle of tissue preservation.

Key words

Dental erosion, Sjögren’s Syndrome, Esthetics, Dental, Dental ceramic materials, Zirconia

Les lésions dentaires d’origine non carieuse que constituent l’érosion, l’abrasion, l’abfraction et l’attrition sont des phénomènes rencontrés chez de plus en plus de patients. Ces pathologies provoquent la destruction progressive des tissus dentaires minéralisés : de l’émail puis de la dentine. La véritable difficulté du traitement de ce type de pathologies, outre les aspects techniques, réside dans le fait qu’il est souvent impossible d’éliminer la cause étiologique [1].

L’érosion est un processus d’usure chimique, non bactérien du tissu dur de la dent [2], résultant essentiellement d’une dissolution acide de la phase minérale de l’organe dentaire. Elle est liée à l’exposition excessive et répétitive d’un pH acide au sein de la cavité buccale. Elle peut résulter de la présence d’acides d’origine tant extrinsèque (alimentation sucrée) qu’intrinsèque : reflux gastro-œsophagiens, vomissements ou asialie.

Le diagnostic différentiel avec l’abfraction est parfois délicat. Celle-ci est un processus d’usure pathologique de l’émail et de la dentine due à un effet cumulatif des surcharges occlusales excentrées. Ce phénomène apparaît dans la région cervicale et se traduit par des lésions cunéiformes. Lorsque la dent subit des forces occlusales centrées, les forces sont dirigées essentiellement selon le grand axe de la dent, elles sont dissipées et il en résulte une distorsion minimale des cristaux d’hydroxyapatite (fig. 1 ). À l’inverse, lorsque les forces sont excentriques, des contraintes de compression et de traction se développent, ce qui conduit à fléchir la dent. Le point d’appui de ce mouvement de courbure et l’endroit où les forces occlusales excentrées se concentrent sont la partie cervicale de la dent (fig. 1) [3]. Les tissus vont alors se fracturer et ce phénomène peut s’aggraver par association à un autre processus tel que l’érosion. Ces pathologies d’usure, comme l’a observé Mahoney, agissent rarement seules mais plutôt en association [4, 5]. Le bruxisme représente la principale cause d’apparition de ce type de lésions.

Le bruxisme est, selon le Collège national d’occlusodontologie, « un comportement caractérisé par une activité motrice involontaire des muscles manducateurs, continue (serrement des dents) ou rythmique (grincement des dents), avec des contacts occlusaux » [6].

L’érosion est une manifestation retrouvée chez les patients atteints par le syndrome de Gougerot-Sjögren [7], qui est une maladie auto-immune systémique rare ayant une prévalence de 0,2 %. Elle est caractérisée par une atteinte des glandes exocrines, en particulier des glandes lacrymales et salivaires, ce qui engendre un syndrome sec. Les patients atteints par ce syndrome sont donc sujets à un déficit salivaire important [8].

La salive est le principal moyen de défense de l’individu face aux attaques acides [9]. Elle présente un certain nombre de propriétés protectrices à l’égard de ces attaques : pouvoir tampon, élimination de la cavité buccale par le phénomène de « chasse salivaire » : clairance de l’agent érosif, dégradation et neutralisation des acides. La présence de protéines antibactériennes et d’immunoglobulines ralentit également l’adhérence et la prolifération du film bactérien. Enfin, la concentration importante en calcium et phosphate reminéralise l’émail en permanence.

Par conséquent, les sites communément protégés par la salive sont en proie au phénomène d’érosion dès que le débit salivaire diminue. L’absence quasi complète de film protecteur salivaire doit guider les choix thérapeutiques et leur mise en œuvre.

Le but de cet article est de présenter les différentes séquences de traitement d’un patient présentant ce syndrome et de justifier les choix des matériaux et des techniques.

Cas clinique

Anamnèse

Un patient âgé de 54 ans s’était présenté en consultation, souhaitant améliorer l’esthétique et l’harmonie de ses dents, n’étant pas satisfait de leur apparence. Au cours de l’entretien, il avait signalé souffrir d’hyperesthésies au froid le contraignant à une alimentation tempérée. Enfin, il avait indiqué ressentir des difficultés à la mastication.

Le questionnaire de santé avait mentionné l’atteinte par un syndrome de Gougerot-Sjögren diagnostiqué 10 ans auparavant avec, comme traitement de fond, une corticothérapie.

Examen du patient

Examen exobuccal

L’examen des articulations temporo-mandibulaires n’avait révélé aucune douleur à la palpation, aucun bruit n’était détectable lors des mouvements d’ouverture/fermeture. Le trajet d’ouverture était rectiligne et continu.

L’examen des muscles masticateurs était normal, ceux-ci ne montraient pas de tonicité prononcée.

Examen radiologique

L’examen radiologique panoramique avait montré le remplacement des 2 molaires mandibulaires droites par 2 implants dentaires et la présence d’un bridge de 35 à 37. La 37 présentait une lésion carieuse atteignant la furcation et indiquant son extraction. L’état osseux tant au niveau péri-implantaire qu’au niveau dentaire ne présentait pas de problème majeur (fig. 2).

Au maxillaire, on avait constaté la présence d’un bridge de 13 à 17 remplaçant 14 et 15 ainsi que 3 couronnes unitaires sur 24, 25 et 26. Les molaires maxillaires présentaient une perte osseuse modérée horizontale. Concernant les traitements endodontiques, ils étaient tous défectueux, la 24 présentait une petite lésion péri-apicale.

Examen endobuccal

L’examen clinique avait révélé une hygiène correcte avec peu de biofilm et un débit salivaire extrêmement ralenti.

La première observation s’était portée sur la présence de lésions d’érosion généralisée, situées aux niveaux cervical et occlusal, ainsi que de surfaces d’attrition traduisant la présence d’un bruxisme (fig. 3 à ) Les bords libres des dents antérieures ainsi fracturés s’encastraient réciproquement, verrouillant l’occlusion. Ce bout à bout ne permettait plus au patient d’avoir un guidage antérieur efficace (fig. 4).

Les dégâts engendrés par cette parafonction s’étaient aussi étendus au niveau des dents postérieures, la fracture de la céramique sur les 24, 26 et 37 confirmait le diagnostic de bruxisme (fig. 5 et ).

La restauration prothétique par bridge de 13 à 17 était inadaptée. La 24 supportait une couronne mobile, avec des épisodes réguliers de descellement. Le bridge de 35 à 37 était descellé au niveau de 37 qui présentait une reprise carieuse.

De nombreuses fêlures linguales étaient visibles sur 11, 12, 21, 22, 31, 32, 41 et 42.

La situation parodontale était plutôt favorable, seules les molaires maxillaires présentaient une perte osseuse modérée. La palpation de la crête au niveau de 14 et 15 indiquait une épaisseur osseuse réduite, incompatible en l’état avec la pose de racines artificielles. La paroi interne de la mandibule dans le secteur gauche ne présentait pas de concavité marquée, il semblait que cette zone ne présentait pas de contre-indication à la pose d’implants.

Sur le plan fonctionnel, la dimension verticale d’occlusion (DVO) ne paraissait pas altérée. L’utilisation de la phonétique dans la détermination de la DVO est la technique la plus simple pour obtenir un résultat convenable [10]. La prononciation des phonèmes en S laissait apparaître un espace libre entre les incisives maxillaires et mandibulaires de 1 mm.

L’analyse esthétique du sourire avait apporté d’emblée plusieurs informations :

– parallélisme des lignes horizontales (fig. 6) :

- le plan horizontal frontal maxillaire convergeait à gauche avec les lignes bipupillaire et intercommissurale,

- le plan d’occlusion sagittal s’inclinait vers l’arrière, les molaires maxillaires étaient trop visibles ;

– arc du sourire (fig. 7). C’est la courbe formée par les bords des incisives et des canines maxillaires. Elle doit, pour être esthétique, s’harmoniser avec celle du bord supérieur de la lèvre inférieure. Le patient présentait un arc inversé et laissait apparaître un espace important vis-à-vis de la lèvre inférieure, situation peu esthétique. Rétablir une courbe incisive convexe redonnera un sourire agréable et assurera un guidage antérieur efficace permettant la désocclusion des dents postérieures [11] ;

– position des lignes médianes (fig. 8). Un décalage de faible importance de la ligne médiane interincisive maxillaire par rapport à la ligne sagittale médiane vers la gauche avait été observé. Il y avait une concordance des lignes médianes maxillaire et mandibulaire ;

– ligne du sourire. Lorsque le patient souriait, les lèvres ne découvraient pas entièrement les dents antérieures ;

– exposition des incisives maxillaires (fig. 9). En position de repos, les incisives étaient à peine visibles. Cet aspect ne donnait pas un sourire agréable et dégageait une impression de vieillesse ;

– corridor labial. Il était large (fig. 10), représenté par l’espace entre la face vestibulaire des dents maxillaires et la face interne des joues. Cette largeur excessive donnait l’aspect d’un sourire sans profondeur. Il est apparu qu’il était nécessaire de modifier le grand axe des dents maxillaires qui devait être plus vestibulé pour ne laisser apparaître qu’un faible corridor, ce qui idéalise la progression du sourire.

Demandes du patient

Ce patient avait formulé la demande d’avoir une restauration par prothèse fixée. Il avait aussi refusé la réalisation d’une greffe d’apposition dans le secteur maxillaire droit, ce qui aurait permis de mettre en place 2 implants en positions de 14 et 15.

Le patient souhaitait que l’on arrête, autant que possible, le processus de destruction de ses dents, que l’on puisse trouver une solution pérenne à ses problèmes esthétiques, de sensibilité et de troubles de la mastication.

Il était conscient que sa situation buccale s’altérerait de plus en plus rapidement. Enfin, il avait demandé d’éviter autant que possible le recours aux restaurations métalliques.

Décision thérapeutique

Après analyse et discussion avec le patient, il a été décidé de restaurer l’ensemble des deux arcades. Outre les prothèses existantes qui nécessitaient une réfection, il était nécessaire de traiter le problème érosif et de protéger les parties des dents naturelles encore intactes. En effet, le syndrome de Gougerot-Sjögren et, donc, l’absence quasi complète de salive avaient conduit à recouvrir ses dents dans l’objectif d’anticiper d’éventuels problèmes. L’extraction de 37 et l’absence de 36 allaient être traitées par la mise en place de 2 implants dentaires. Enfin, le patient avait été informé que la pérennité de ses éléments prothétiques, du fait de son bruxisme, risquait d’être inférieure à celle observée chez un patient ne présentant pas cette parafonction et de la nécessité de porter une gouttière de protection.

Problématique

L’approche des traitements prothétiques a considérablement évolué ces dernières années avec l’apparition des nouveaux matériaux (collage, céramiques enrichies…). Plus que jamais, et à juste titre, le concept d’économie tissulaire est aujourd’hui adopté.

Cependant, ces nouveaux matériaux tels que la céramique feldspathique enrichie au silicate de lithium (e.max®, Ivoclar), ne permettent pas de répondre à toutes les situations cliniques. Si l’on peut réaliser un bridge antérieur avec un élément intermédiaire, d’après l’étude de Tinschert [12], on ne peut pas réaliser de bridge postérieur avec deux éléments intermédiaires.

Par ailleurs, la présence de fêlures multiples sur les faces vestibulaires et linguales avait incité à recouvrir la totalité des dents.

Le choix a donc été un compromis entre la préservation tissulaire maximale et les exigences cliniques. Il s’était porté sur un type d’armature en céramique unique dans le but d’avoir une harmonie esthétique et mécanique : une céramique « oxyde » stabilisée à l’yttrium, plus connue sous le nom de zircone [13].

La zircone est un minéral se retrouvant dans la croûte terrestre. Il n’existe pas à l’état pur, il est toujours associé à l’élément oxygène. C’est sous cette forme de dioxyde de zirconium qu’on l’emploie actuellement en odontologie. D’un point de vue cristallographique, le dioxyde de zirconium connaît trois phases : cubique, monoclinique et tétragonale [14]. Ces trois formes, sont très instables à température ambiante. Un élément stabilisateur doit donc être incorporé afin que la pièce usinée ne se déforme pas. La forme tétragonale ainsi stabilisée à l’yttrium est la plus performante mécaniquement [15].

La zircone est appréciée pour ses qualités esthétiques et mécaniques. Lorsqu’elle est usinée en fabrication assistée par ordinateur (FAO), on obtient des armatures de 0,4 mm d’épaisseur. Cette épaisseur réduite permet ainsi une faible préparation de l’organe dentaire.

Sa résistance à la flexion et sa ténacité en font le matériau céramique le plus adapté aux restaurations prothétiques plurales, notamment aux pontiques. Cependant, cette céramique cristalline présente une réelle faiblesse par rapport aux autres matériaux d’infrastructure : sa liaison avec la céramique cosmétique est plus faible que celle obtenue avec les vitrocéramiques ou avec les infrastructures métalliques [16]. En effet, il n’existe pas de liaison chimique, contrairement aux armatures vitreuses et métalliques, entre la zircone et la céramique feldspathique ; on retrouve essentiellement des liaisons électrostatiques [17].

Le fait d’utiliser la zircone impose des formes d’armatures soutenant le mieux possible le matériau céramique ainsi que des protocoles de laboratoire spécifiques pour éviter de voir apparaître des phénomènes d’écaillage (chips) [18].

Un autre avantage de ce matériau est sa faible rétention bactérienne, inférieure à celle observée sur le titane [19].

Plan de traitement

Phase de projet prothétique : céraplasties prospectives

Les céraplasties prospectives (fig. 11 ont été réalisées après un montage sur articulateur et l’utilisation du Ditramax®.

Le choix de la position mandibulaire de référence a été la relation centrée [20]. Pour rétablir un guidage antérieur fonctionnel, la dimension verticale d’occlusion avait été augmentée de 2 mm à répartir sur les deux arcades. Nous avions donné comme indications au laboratoire de redresser le plan frontal, en suivant le tracé obtenu avec le Ditramax® pour avoir un plan parallèle à la ligne bipupillaire [21]. Il s’est aussi révélé nécessaire de restaurer les courbes fonctionnelles de Spee et de Wilson et de retrouver les critères de la normoclusion [22]. Celle-ci devait se concrétiser par la recherche de la stabilité occlusale au travers de contacts uniformément répartis, l’absence de décalage entre l’occlusion d’intercuspidie maximale et l’occlusion de relation centrée et, enfin, la restauration d’un guide antérieur fonctionnel c’est-à-dire qui n’autorise aucune interférence, travaillante ou non travaillante, en diduction comme en propulsion.

Phase de traitement endodontique et parodontal

Après la dépose des éléments prothétiques présents, des prothèses transitoires de première génération avaient été réalisées par isomoulage ; leur rôle principal a été de permettre de pratiquer, dans un premier temps, les retraitements endodontiques sur toutes les dents préalablement dépulpées et d’assainir le parodonte par un nettoyage ultrasonique des poches et par la mise en place des prothèses transitoires, parfaitement adaptées et scrupuleusement polies.

Phase de chirurgie exodontique et implantaire

La 37 avait été rapidement extraite pour éviter d’être pénalisé par le temps de cicatrisation de l’alvéole et le temps d’ostéo-intégration (3 mois). Deux mois après l’extraction, 2 implants dentaires ont été posés en position de 36 et 37.

Phase des prothèses temporaires de seconde génération

Les prothèses temporaires avaient été réalisées à partir des céraplasties prospectives d’après la technique de Yodelis [23] (fig. 12 et ). Elles avaient permis de tester le projet prothétique, issu en intégralité de la cire d’analyse, dans des conditions cliniques. Ces prothèses temporaires ont un rôle incontournable de test : elles préfigurent le résultat final tant au niveau occluso-fonctionnel qu’esthétique et prophylactique.

La préparation des dents vitales s’est faite selon la technique de pénétration contrôlée pour mutiler le moins possible l’organe dentaire. Des rainures horizontales de 0,4 mm de profondeur ont d’abord été tracées à l’aide d’une fraise à limites d’enfoncement (868B-020) (fig. 13). Une fois ces rainures d’enfoncement réalisées, les zones d’émail intact ont été éliminées avec un instrument diamanté conique (S6881-012, Komet). Des cordonnets déflecteurs (Ultrapack® 1, Ultradent) imbibés de chlorure d’aluminium ont été mis en place pour protéger le parodonte marginal et assurer l’ouverture sulculaire indispensable lors du rebasage des prothèses temporaires pour l’obtention de limites cervicales parfaitement lisibles. Des ancrages corono-radiculaires coulés avaient été mis en place sur toutes les dents dépulpées avant le rebasage (fig. 14 à ).

Phase de réalisation des prothèses d’usage

Empreintes

Six mois après la mise en place et la validation des prothèses temporaires, une fois l’ostéo-intégration des implants en 36 et 37 obtenue, les empreintes des préparations et des implants ont été réalisées. L’accès aux limites cervicales s’est fait grâce à la mise en place de cordonnets déflecteurs (Ultrapack® 1, Ultradent) imprégnés de chlorure d’aluminium.

Les empreintes ont été effectuées avec un silicone par addition : Aquasil Putty Soft® et Aquasil XLV® (Dentsply). L’empreinte maxillaire a été faite en deux temps (wash technique) (fig. 15. Cette technique d’empreinte était indiquée en présence de préparations multiples et d’un parodonte suffisamment épais. L’arcade mandibulaire présentant 4 implants, une empreinte en double mélange a été mise en œuvre (fig. 15. Une empreinte des prothèses temporaires a également été effectuée.

Transfert sur articulateur

Les quatre moulages obtenus (les deux issus de l’enregistrement des préparations et implants et les deux intéressant les prothèses temporaires) ont été transférés sur un articulateur semi-adaptable (SAM II®, RMO), selon la technique alternée (fig. 16). Cette technique consiste à monter les modèles de travail ainsi que les modèles des prothèses temporaires alternativement pour valider l’enregistrement de la relation centrée et transmettre ainsi au laboratoire tous les éléments d’information nécessaires à la réalisation des prothèses d’usage.

Essayage des armatures

Les armatures ont été réalisées en zircone Y-TZP (système Nobel Procera®) par conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO). La technique du double scannage a été utilisée pour modéliser les infrastructures. Dans un premier temps, le moulage des préparations a été numérisé seul et, dans un second temps, le prothésiste a réalisé la maquette en cire avec la forme la plus adaptée pour assurer un soutien optimal de la céramique feldspathique, notamment au niveau des zones proximales [17], puis la maquette a été scannée et le fichier numérique envoyé à l’unité de production qui fabrique par FAO la pièce prothétique. Cette technique du double scannage est aujourd’hui la plus fiable pour obtenir l’anatomie qui assurera la pérennité maximale aux restaurations prothétiques [13] (fig. 17).

Toutes les armatures ont été vérifiées minutieusement en bouche. Il a été indispensable de contrôler l’adaptation des limites cervicales et de vérifier l’épaisseur des intrados prothétiques avec un silicone basse viscosité (Fit Checker Advanced®, GC) (fig. 18, épaisseur qui doit être fine et uniforme [24]. Ce silicone de couleur bleue offre l’avantage de contraster avec le blanc de la zircone et ne laisse aucun dépôt dans l’intrados prothétique (fig. 18.

Essai des biscuits

En prothèse fixée, l’essai du biscuit est une étape indispensable qu’il faut répéter autant de fois que nécessaire. Dans le cas présent, deux essais ont été réalisés (fig. 19) avec pour but de valider [25] :

– les formes de la partie gingivale des intermédiaires de bridge ainsi que le contact avec la crête ;

– l’occlusion statique et dynamique ;

– le profil d’émergence prothétique ;

– les contacts interproximaux ;

– la phonation ;

– l’esthétique ;

– le respect des plans frontal et sagittal, des courbes de Spee et de Wilson et de l’harmonie des arcades.

Scellement des prothèses d’usage

Le choix du matériau d’assemblage des prothèses s’est porté sur un ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (CVIMAR) (FujiCEM 2®, GC), excepté pour les coiffes sur implants qui ont été scellées avec un ciment temporaire (Easycem®, Dentsply) (fig. 20, et ).

Une radiographie panoramique a confirmé l’intégration précise des prothèses (fig. 21).

Un nouveau contrôle de l’occlusion statique et dynamique a été réalisé (fig. 22 et ).

Phase de protection

Une gouttière rigide de protection occlusale a été fournie au patient pour prévenir les fractures des restaurations prothétiques lors du sommeil et des épisodes de stress.

Conclusion

La gestion de ce cas associant maladie de Gougerot-Sjögren et parafonction a exigé une approche globale du traitement.

Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une maladie chronique entraînant une diminution du débit salivaire par atteinte des glandes exocrines. Dans ces conditions, les patients présentent un risque carieux important. Dans la littérature scientifique, il n’existe pas de données indiquant qu’un traitement prothétique visant à protéger les dents diminuerait le risque carieux à long terme [26].

Les séances de maintenance doivent par conséquent être plus rapprochées que la normale. Il faut aussi encourager les patients à conserver une excellente hygiène bucco-dentaire et à utiliser des dentifrices fluorés.

Des recommandations concernant le problème parafonctionnel sont aussi nécessaires : le patient devra impérativement porter sa gouttière et avoir une vigilance comportementale. Là aussi, des contrôles réguliers sont indispensables [27].

Le choix de la zircone comme matériau d’infrastructure a permis de répondre aux différents objectifs : obtenir un résultat alliant l’esthétique, la résistance mécanique et des préparations dentaires peu mutilantes. L’utilisation de céramique enrichie au silicate de lithium aurait permis d’être encore moins invasif, mais ce type de matériau n’est pas indiqué pour les bridges postérieurs [12]. Par souci d’harmonie mécanique et esthétique, nous avons préféré n’utiliser qu’un seul type d’infrastructure.

Remerciements

Les auteurs remercient le Pr Jean-Marie Vulcain et l’ensemble du Service de prothèse du CHU de Rennes, le laboratoire Artech (Ploemeur) pour leur collaboration et Mme Cindy Buchart, assistante dentaire.

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